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Titre: Le château de Montbazon au XIe siècle
Auteur: Marcel Deyres

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Marcel Deyres

Le château de Montbazon au XIe siècle
In: Cahiers de civilisation médiévale. 12e année (n°46), Avril-juin 1969. pp. 147-159.

Citer ce document / Cite this document :
Deyres Marcel. Le château de Montbazon au XIe siècle. In: Cahiers de civilisation médiévale. 12e année (n°46), Avril-juin 1969.
pp. 147-159.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1969_num_12_46_1482

Marcel DEYRES

Le château de Montbazon au XIe siècle

On assigne généralement au donjon de Montbazon une date de construction très haute à l'intérieur
du XIe siècle. Son parti général et la facture de ses maçonneries ne peuvent que confirmer cette
opinion. Par ailleurs, le cartulaire de Cormery en attribue la construction à Foulque Nerra1. Sans
doute peut-on objecter que le célèbre comte angevin se serait contenté d'élever à Montbazon un
château de bois. Mais, à la fin de ce travail, nous verrons que les vestiges actuels sont pour parties
ceux d'une forteresse qui a pu compter au nombre de celles dont Foulque Nerra hérissa les environs
de Tours.
Le château de Montbazon est situé sur un promontoire qui domine la rive gauche de l'Indre. Ce
promontoire, de plan oblong, a son axe principal orienté dans le sens nord-sud, comme à Loches.
Comme à Loches encore, il est séparé du plateau par un large fossé artificiel, creusé au sud. A l'est,
l'Indre le longe à une distance de cent mètres environ. Un petit vallon s'interpose à l'ouest entre le
promontoire et le plateau.
Le donjon est placé à peu de distance du fossé artificiel. Un assez vaste baile s'étendait donc devant
le donjon au nord. Cette basse-cour fut, à l'époque gothique, entourée d'une courtine ponctuée de
tours, dont on peut relever d'importants vestiges. Cette œuvre gothique, assurément intéressante,
se situe toutefois hors des limites de notre étude.
Le donjon de Montbazon est élevé sur plan rectangulaire. Ses longs côtés, orientés est-ouest,
mesurent hors-œuvre environ 19,65 m. La largeur de ses petits côtés atteint approximativement
13,75 m. Ses murs sont épais, à l'est et au nord, de 2,40 m ; à l'ouest et au sud, de 2 m. La hauteur
actuelle du monument atteint 28 m, cette mesure étant prise au nord. A l'ouest et au sud, les parties
basses sont enterrées de 5 à 6 m environ.
Une des particularités du donjon de Montbazon consiste en ce qu'il est flanqué, à l'est, par trois
contreforts de plan semi-circulaire et, au nord, par trois autres contreforts dont deux sont rectan
gulaires, le troisième, situé près de l'angle nord-est, étant lui aussi semi-circulaire. Les murs ouest et
sud, eux, ne sont pas flanqués de contreforts.
Un avant-corps, ou « petit donjon », s'appuyait contre le mur occidental du donjon. Le mur ouest
de cet avant-corps a été bien conservé. Il est soutenu par trois contreforts, dont un médian. Il
subsiste un pan de mur septentrional et, contre le donjon, des arrachements de ce même mur.
Après destruction de la chemise originelle, une nouvelle chemise a été construite à une époque
tardive du xne s. De plan carré, elle joint l'avant-corps et l'angle sud-est du donjon. Elle est
ponctuée, au sud-est, par une tour circulaire pleine et, au sud-ouest, par une tour creuse, enracinée
1. « Fulco cornes construxit suo tempore, in comitatu Turonico, castellum quoddam quod vocatur Mons Basonis » {Cartulaire de Cormery,
XXXI, éd. abbé Bourrasse, dans « Mém. Soc. archéol. Touraine », t. XII, 1861, p. 62).
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MARCEL DEYRES
à l'ouest dans un court avant-corps. Cette dernière tour, son avant-corps et sa jonction méridionale
avec la chemise du xne s., sont des adjonctions du xme s.
En élévation, le donjon de Montbazon est une œuvre compliquée. Ici, un examen minutieux des
maçonneries s'impose de toute évidence. Mais, auparavant, il importe de localiser les ouvertures.
Elles sont très rares au rez-de-chaussée, suivant un parti usuel dans la construction des donjons
du xie s. D'ailleurs, ce rez-de-chaussée est aujourd'hui presque entièrement comblé.
Dans le mur oriental, deux baies ont été percées au ras de l'actuel sol intérieur. L'une d'elles, celle
du sud, a un tracé ovale. Elles sont petites (1,35 m de haut, 0,40 m de large) et sont profondément
ébrasées. Chacune d'elles perce le mur qui sépare les contreforts. Elles éclairaient, à l'origine, le
rez-de-chaussée : nous verrons en effet qu'elles sont percées dans le haut de cet ancien local.
Beaucoup plus haut, au niveau du deuxième étage et à l'intérieur sur la droite, on a réservé dans
le mur oriental une sorte de niche profonde, dont les montants et le cintre sont soigneusement
appareillés.
Une seule ouverture, assez vaste celle-ci (1,70 m de haut, 1,25 m de large), a été pratiquée à l'étage
du mur nord entre le contrefort médian et le contrefort semi-circulaire élevé près de l'angle sud-est.
Elle est d'ailleurs plus rapprochée du contrefort médian. On a supposé — ce dont le Dr Ranjard a
douté2 — et certains auteurs — dont M. F. Gébelin3 — soutiennent encore que cette ouverture a
originellement constitué la porte d'entrée, située habituellement à l'étage des donjons romans.
Mais nous verrons que cette ouverture n'a pu servir d'entrée au donjon : celle-ci s'est toujours
trouvée dans le mur occidental. Un escalier de cinq marches, disposé à l'intérieur du donjon, permet
d'accéder à l'appui de cette ouverture, qui a toute la configuration d'une fenêtre. Cet escalier
descend jusqu'au sol actuel, dont le niveau est inférieur à celui du plafond de l'ancien rez-dechaussée : il permettait donc d'accéder à ce local. Quant à la fenêtre, outre son utilité pour l'éclairage
du premier étage, elle ajourait l'escalier et, partiellement, le rez-de-chaussée.
Au niveau du deuxième étage, le mur nord est percé de deux larges fenêtres recoupées de baies
géminées, qui ont été pratiquées à une époque tardive en remplacement d'ouvertures plus anciennes
et plus étroites.
Quatre ouvertures percent le mur occidental, celui contre lequel s'appuyait l'avant-corps. L,a plus
basse, située au ras du sol intérieur est la porte d'entrée moderne. Immédiatement au-dessus d'elle,
se trouve une porte datant de l'époque romane. L/escalier logé dans l'avant-corps y accédait. Nous
verrons que l'entrée a toujours été pratiquée par cette porte et non par l'ouverture du mur septent
rional. Une fenêtre perce le mur au nord de cette porte et au niveau de son cintre. Son allège est
très haute et ses montants internes plus élevés que ceux de l'extérieur. Elle n'a jamais constitué,
à l'origine, une porte qu'on aurait ensuite partiellement bouchée. En effet, les maçonneries externes
de l'allège sont impeccablement liées avec le mur voisin. Bien au-dessus — et quelque peu de côté
vers le nord — une deuxième porte, qui desservait le deuxième étage, a été pratiquée. Nous verrons
qu'elle était également desservie par l'escalier de l'avant-corps.
Ainsi, deux portes, presque superposées, perçaient le mur occidental et permettaient les accès au
premier et au deuxième étages. L,e cintre de la porte du premier étage est formé de pierres plates,
tandis que celui de la porte haute est appareillé de claveaux tant intérieurement qu'extérieurement.
Il apparaît donc que la porte du deuxième étage est sensiblement plus récente que celle du premier,
ce qui correspond, comme nous le verrons, à deux états successifs dans la disposition de l'entrée.
2. Dr R. Ranjard, dans La Tour aine archéologique, éd. 1968, p. 480 et ss.
3. Fr. Gébelin, dans Les châteaux de France, Paris, Presses Univ., 1962, p. 11.
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Illustration non autorisée à la diffusion
Vtrs 1050
vers M 00

A. MONTBAZON (I.-et-L.). Le château. Plan au niveau du sol extérieur.

Illustration non autorisée à la diffusion

(Marcel Deyres)

vers 1050

sitc.lt

MONTBAZON (I.-et-L.). Le château. Plan au niveau des percements du premier étage du donjon et de l'avant-corps.
(Marcel Deyres)

MARCEL DEYRES

I
DESCRIPTION
I. — L'ÉLÉVATION EXTÉRIEURE
Nous avons vu que les murs du donjon ne sont renforcés par des contreforts qu'à l'est, où ces
organes sont semi-circulaires, et au nord, oùilssontrectangulairess, à la réserve de celui qui se trouve
près de l'angle nord-est, qui est semi-circulaire. Nous savons aussi que les murs est et nord ont une
épaisseur de 2,40 m, alors que cette épaisseur n'est que de 2 m aux murs sud et ouest. Il est dès
lors curieux de constater que les contreforts s'appuient contre les murs les plus épais, c'est-à-dire
contre ceux qui, en principe, avaient le moins besoin de renforcements.
Tous les contreforts, aussi bien ceux qui sont rectangulaires que ceux qui sont semi-circulaires,
s'élèvent, à partir du quinzième mètre environ, par ressauts en retraite qui diminuent progressivement
leurs saillies. A 1,50 m du sol, le diamètre des contreforts semi-circulaires atteint 2 m pour une
semi-circonférence de 3,40 m. Au même niveau, les contreforts rectangulaires ont une saillie de
0,80 m et une épaisseur de 1,20 m.
La maçonnerie des murs est, dans l'ensemble, faite de petits moellons grossièrement équarris et
assemblés par des joints épais, souvent évidés de mortier. Ce mortier est grisâtre. Toutefois, ces
moellons sont disposés par lits qui déterminent des assises dont la régularité relative est animée
par l'insertion de quelques lits en opus spicatum de facture assez grossière. Généralement, les blocs
appareillés des contreforts se poursuivent en chaînages dans les murs, chaînages verticaux qui
longent l'élévation des contreforts.
Mais cet aperçu très général de la maçonnerie externe appelle une analyse précise.
1. — L'angle nord-est du donjon et les deux contreforts voisins.
Jusqu'à une hauteur de 3 m au-dessus du sol, la maçonnerie est faite de moellons calcaires cassés
au marteau et noyés dans un mortier gris. A l'angle, cette maçonnerie monte, en une sorte de pointe,
à un niveau sensiblement supérieur (4 m). Elle monte plus haut au contrefort oriental qu'à celui
du nord. Au contrefort oriental, elle s'amortit, par le moyen de deux assises appareillées grossière
ment,
en un court talus. On ne saurait cependant voir dans cette particularité un apport précurseur
des constructions talutées : en effet, toute cette maçonnerie basse a été montée à une époque tardive,
sans doute pour boucher un trou de sape pratiqué à cet endroit.
Au-dessus de ce niveau, la construction est d'appareil. Le matériau est une roche grisâtre d'aspect
poreux mais très dure. Peut-être est-elle de nature volcanique. Les lits d'appareil ont des hauteurs
différentes. De même, la largeur des blocs est très variable. Les joints sont très épais (de 0,04 m
à 0,06 m) et, dans le sens de l'horizontale, sont légèrement sinueux. Mais il importe de souligner
que ces joints sont remarquablement bien liés et que l'appareil file sans la moindre interruption,
englobant les deux contreforts semi-circulaires et l'angle de la bâtisse qui les sépare. Au-delà de
chaque contrefort, le même appareil envahit les murs, qui sont faits des moellons équarris dont
nous avons parlé, et se présente ici en chaînage vertical. Ce voisinage de blocs appareillés et de
moellons équarris ou même cassés ne saurait faire conclure à un remaniement : le procédé qui a
consisté à appareiller des chaînages d'angle ou des montants de baies ou de portes, alors que les
maçonneries des murs étaient plus grossièrement traitées, fut d'un emploi trop courant au début de
l'ère romane pour l'interpréter comme une anomalie ou un signe de réfection. Quoi qu'il en soit,
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LE CHATEAU DE MONTBAZON AU XIe SIECLE
depuis la jonction du mur nord et de la partie occidentale du contrefort nord jusqu'au même
endroit près du contrefort est, les lits d'appareil se suivent avec une continuité parfaite. Il est donc
certain que les deux contreforts sont contemporains du mur contre lequel ils s'appliquent, et ne
résultent pas d'un remaniement, comme on le croit généralement. Ils sont des témoins de l'état
originel du donjon.
D'ailleurs, dans le mur nord, et de part et d'autre du contrefort semi-circulaire nord, les chaînages
de l'appareil qui, plus haut, englobe tout l'angle du donjon, descendent jusqu'au sol et longent les
moellons cassés des parties basses. Dès lors, cet appareil occupait à l'origine toutes ces parties et la
présence des moellons cassés témoigne de l'entreprise, à cet endroit, d'un travail de sape perpétré
lors d'un siège subi par le donjon : à l'angle du donjon, les sapeurs échappaient assez facilement au
tir des assiégés ; mais ils ne purent avoir raison des robustes chaînages, où les blocs atteignent
0,60 m de longueur.
Au-dessus de ces parements, c'est-à-dire à partir du 7e mètre environ jusqu'au 15e, l'angle du
monument est en calcaires plus soignés avec joints plus fins. C'est un calcaire sombre, très différent
du tuff eau tourangeau. Les mortiers conservent leur couleur grisâtre. Cependant, au-dessus des
blocs appareillés de la construction initiale, les maçonneries des contreforts circulaires d'angle sont
en moellons cassés au marteau et noyés dans le mortier.
Nous avons, au passage, mis l'accent sur des mélanges de matériaux et de maçonneries : moellons
cassés des parties basses de l'angle, appareil de blocs volcaniques au-dessus, moellons équarris
des murs, calcaires sombres des parties hautes de l'angle, etc. Ces mélanges n'expliquent pas
obligatoirement — sans toutefois les exclure nécessairement — des remaniements, des réfections
ou des reprises — et l'exemple très connu de l'église de Conques est suffisamment démonstratif
de cette opinion. Cependant, autre chose est un édifice religieux, dont on entretient les maçonneries,
qu'on restaure au besoin, le tout pour résorber les simples atteintes de la vétusté ou des intempéries,
autre chose est une forteresse, que l'on investit, qu'on prend d'assaut, dont on sape les murs. Mais
il ne faut pas oublier, concernant les châteaux médiévaux, que les différences dans le traitement
des maçonneries gardèrent longtemps quelque sensibilité : même sous Philippe Auguste, les tours
d'Yèvre-le-Châtel, de Dourdan, furent bien appareillées — avec, soit dit en passant, usage du grès
et du calcaire au donjon de Dourdan — , alors que, dans ces mêmes châteaux, les courtines reçurent
des maçonneries nettement plus sommaires. Il en alla de même à Montbazon : les murs furent
parementés de lits de moellons grossièrement équarris, tandis que les contreforts et les angles du
bâtiment furent assez soigneusement appareillés. Mais ce parti architectural, dont la mise en œuvre
originelle nous paraît indéniable, s'est accommodé, une fois réalisé, d'adjonctions et de remaniements,
qui furent nécessités par des dégradations lors de sièges et qui eurent pour effet l'insertion de
matériaux nouveaux : nous pensons que ce fut généralement le cas des blocs de calcaires sombres,
dont l'appareil, assez soigné, témoigne d'une époque assez basse de construction, sans doute le
XIIe S.
M. F. Gébelin, qui admet une construction des contreforts par l'effet d'une réfection, note cependant
que « les joints très épais dénoncent l'ancienneté de la reprise »4. A notre avis, ce qui a été refait,
ce n'est pas l'ensemble des contreforts ni l'angle des murs avec confection de blocs à gros joints :
ces blocs préexistaient ; la réfection a porté sur les parties basses, qui ont été sapées et remplacées,
peut-être à plusieurs reprises, par une maçonnerie de moellons cassés ; elle a également affecté
certaines parties moyennes, dont les parements sont soigneusement appareillés. A l'origine,
l'appareil à joints épais occupait les parties basses des contreforts d'angle et l'angle lui-même
4. Fr. Gébelin, op. cit., p. 12.

MARCEL DEYRES
jusqu'à environ 7 m. Au-dessus, on usa sans doute de moellons cassés avec chaînages d'angle,
maçonneries qui, plus tard, furent remplacées par un appareil soigné de calcaires. Pour les murs,
on utilisa le moellon équarri et disposé par lits. Cependant, les moellons cassés sont assez nombreux
sur les façades est et ouest. Ils furent presque exclusivement employés dans les parties hautes du
donjon, à partir du 18e mètre environ.
2. — L'élévation orientale.
On a appliqué ici des principes constructifs semblables à ceux que nous avons déjà analysés. Quant
à la facture des murs, ceux-ci sont faits de blocs cassés formant une maçonnerie assez régulière
vers le sud.
Le contrefort le plus méridional est conçu de la même manière que le plus septentrional, qui se
trouve près de l'angle nord-est et que nous venons d'étudier. Il a également subi les avatars de la
sape. De bas en haut, nous observons : jusqu'à 2 m, des moellons cassés ; de 2 à 4 m, des blocs
volcaniques appareillés avec joints épais ; au-dessus, un manque de 1 m environ de hauteur a été
bouché avec des moellons cassés ; jusqu'au 6e ou 7e mètre, nous trouvons des calcaires sombres,
bien appareillés avec des joints relativement fins ; au-dessus, on ne trouve que des moellons cassés.
Les blocs à gros joints et les calcaires envahissent en chaînages l'extrémité du mur. La base de ce
contrefort est entourée d'un bandeau circulaire saillant de 0,15 m. Ainsi, rien ne distingue foncièr
ement
ce contrefort de ceux qui s'élèvent à l'angle nord-est, la répartition quelque peu différente
des matériaux étant négligeable.
Quant au contrefort médian, il est fait de moellons cassés, mais les blocs volcaniques se logent à sa
jonction avec le mur. Son traitement assez sommaire s'explique par son emplacement : situé au
milieu du mur, il jouissait d'une protection plus efficace de la part des défenseurs.
1/ angle sud-est du donjon est appareillé de blocs volcaniques jusqu'à 5-6 m et en calcaires sombres
au-dessus. A la limite des deux matériaux, cet angle forme un léger ressaut vers le sud et, contre
lui, s'applique la chemise du xne s. par un collage qui n'a arraché en rien les blocs du donjon.
3. — L'élévation septentrionale.
Nous avons vu qu'elle est flanquée de trois contreforts, dont deux seulement sont rectangulaires.
Le contrefort médian est appareillé, jusqu'à une hauteur de 5-6 m, de blocs assez gros à joints
épais, dont le matériau est le même que celui du contrefort circulaire voisin. Cet appareil est assez
régulier et envahit les extrémités du mur en formant des chaînages. Au-dessus, nous trouvons
l'appareil de tuf feau. Il est repris aux angles du mur. Cependant, des moellons cassés occupent les
racines du contrefort. A partir de 11-12 m, seuls les chaînages d'angle du contrefort sont en blocs
de tuffeau. Ainsi, au fur et à mesure de l'élévation, il semble qu'on ait négligé l'ouvrage : en bas
l'appareil est complet et soigné ; vers le haut, les moellons cassés deviennent de plus en plus
envahissants. En vérité, les parties moyennes et hautes du contrefort ont été reparementées de
tuffeau sans doute au xne s. ; mais les parties basses ont la même facture que les blocs appareillés
aux parties les plus anciennes du donjon.
Dans les parties basses du contrefort occidental et jusqu'à 3 m, nous retrouvons encore les blocs
volcaniques dont nous avons parlé. Mais ils se présentent en un appareil assez gros : chaque bloc a
0,60 m de long, 0,33 m de large, 0,42 m d'épaisseur. Ils envahissent les extrémités des murs de la
même manière que près du contrefort semi-circulaire qui avoisine l'angle nord-est.
Au-dessus, il convient de bien distinguer les trois faces du contrefort.
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PLANCHE I

MARCEL DEYRES

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Fig. i.

MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Face ouest. Mur occidental de Pavant-corps, courtine du xn(! s. et tour du xme s. à droite.

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Fig. 2. — MONTBAZON" (I.-et-L.). Donjon. Face est. Contrefort médian. En haut, à gauche, la tache blanche est un témoin posé en 1957.
(Photos M. Deyres)

MARCKL DKYRES

PLANCHE II

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Fig. 3. — MONTBAZON (I.-ct-L.). Donjon. Face sud. Au premier plan, tour pleine du xn'- s. et courtine sud effondrée.

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Fig. 4. -

MONTBAZON fl.-et-L.J. Donjon. Face nord, partie occidentale. Les deux contreforts rectangulaires.
A gauche, fenêtre du premier étage. A droite, tache formée par un crépi moderne.
(Photos M. Deyres)

PLANCHE III

-MARCEL DEYRES

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Fig. 5. — MOMBAZON (I.-ct-L.)- Donjon. Extérieur. Angle nord-est.

Fig. 6. — MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Intérieur. Angle norcl-est.
Contrefort semi-circulaire de l'élévation nord. Détail.
Jonction des blocs volcaniques et des moellons cassés.
(Photos Al. Deyres)

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MARCEL DEYRES

PLANCHE IV

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Fig. 7. — MONTBAZON (I.-et-L.)- Donjon. Extérieur. Angle
nord-ouest. A gauche, partie occidentale du dernier contrefort de
l'élévation nord.

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Fig. 8. - MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Angle sud-ouest,
face ouest. Appareil de blocs volcaniques. Calcaires montant en
chaînage d'angle. Arrachements du mur sud de Pavant-corps.
(Photos M. Deyres)

PLANCHE Y

MARCEL DEYRES

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Fig. 9. — MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Extérieur. Face ouest.
Porte du premier étage et fenêtre; porte du deuxième étage; arrache
mentsdes murs de l'avant-corps.

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Fig. 10. - MONTBAZON (I.-ct-L.j. Donjon. Extérieur. Face ouesr.
Vestige de la chemise du xi(' s. et sa jonction avec l'avant-corps vers
le nord. Hn haut, a droite, partie basse du contrefort septentrional
de l'avant-corps.
(Photos M. Deyres)

MARCEL DKYRES

PLANCHE VI

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:

Fig. ii. — MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Extérieur. Face ouest.
Détail jonction de la courtine du xiie s. et de l'angle méridional de
l'avant-corps.

Illustration non autorisée à la diffusion

;

:

Fig. 12. — MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Extér
ieur. Face ouest. Détail départ des contreforts
moellons cassés au bas de l'avant-corps, a l'extérieur.
(Photos M. Deyres)

PLANCHE VII

MARCEL DEYRES

Illustration non autorisée à la diffusion



Fig. 13. — MONTBAZON (I.-et-L.). Donjon. Avant-corps. Intérieur du mur occidental.
Fenêtre, à gauche. Porte, à droite. A l'extrême droite, départ de l'ancien mur nord.
A l'extrême gauche, arrachements de l'ancien mur sud.
(Photo M. Dores)

MARCEL DEYRES

PLANCHE VIII

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Fig. 14. — MONTBAZON (I.-et-L.)- Donjon. Intérieur. Coté nord.
A droite, grande fenêtre d'étage avec l'escalier permettant d'y accéder.
Au niveau du deuxième degré, on aperçoit, vers la gauche, la première retraite du mur.
(Photo M. Deyres)

LE CHATEAU DE MONTBAZON AU XIe SIÈCLE
Sur la face est, les blocs volcaniques persistent aux racines du contrefort qui, ici, est parementé de
moellons cassés sur 2 m. Ces blocs réapparaissent plus haut en parement, mais avec mortier étalé
de part et d'autre des joints (sur 2-3 m). Au-dessus, sur 3 m, on trouve un calcaire bien appareillé
qui se termine en chaînages d'angle.
Sur la face nord, les moellons cassés montent à même hauteur que les gros blocs appareillés de la
face est (de 3 à 6 m). Au-dessus, les calcaires d'appareil contournent le contrefort et l'angle nordouest du donjon.
La face ouest a, à peu près, la même configuration que la face nord. Notons ici quelques blocs
volcaniques aux racines.
De tous ceux du donjon, le contrefort occidental de la façade nord est le moins homogène. Pour
ce qui est du mélange des matériaux et des maçonneries, on peut, ailleurs, faire, dans une certaine
mesure, la part entre une pratique constructive courante au xie s. et un ensemble de réfections
localisables pendant le cours du xne s. Mais, au contrefort occidental, les mélanges sont trop désor
donnés pour ne pas voir ici la trace d'un remaniement assez radical. Surtout, les blocs volcaniques
disparaissent à l'angle nord-ouest, alors qu'ils ont été utilisés à profusion aux autres angles du
donjon. Peut-être la chemise du xie s. faisait-elle ici sa jonction avec le donjon : après sa disparition,
on aurait reparementé tout cet angle nord-ouest en même temps que le contrefort voisin. Nous
examinerons plus loin ce point.
La partie occidentale du mur septentrional est parementée, jusqu'à un niveau supérieur au cintre
de la baie du premier étage percée à l'est, de moellons grossièrement équarris. Ils sont assemblés
par lits qui forment des assises assez régulières. Mais les joints sont épais et évidés de mortier. Dans
ce parement sont insérés, à des hauteurs diverses, quelques lits d'ofius spicatum grossièrement
traités. Nous avons donc ici une maçonnerie d'une assez bonne facture, quoique sommaire et
archaïsante.
Il n'en va pas de même pour la partie orientale du mur, dans laquelle est percée la baie que l'on
prend généralement — et à tort selon nous — pour la première porte d'entrée du donjon. Les lits
de moellons équarris ne montent qu'à un niveau situé à 1,50 m environ au-dessous de la baie. Des
lits d'opus spicatum (à gauche) sont suivis (à droite) par des lits de moellons équarris. Au milieu et
sous la baie, un gros manque a été bouché par une maçonnerie de moellons cassés. Dans le haut,
une sorte de crépi a été étendu. Les travaux de sape, dont nous avons parlé, ont-ils provoqué tous
ces désordres ? C'est possible. Ont-ils été causés par le percement de la baie, qui, comme nous le
verrons, a remplacé une ancienne ouverture moins grande, et qui a, de la sorte, affamé un mur déjà
affaibli par la sape ? Le point de vue est envisageable. Quoi qu'il en soit, ces désordres ne sont pas
dus à l'arrachement de la chemise originelle, qui aurait ici fait sa jonction avec le donjon. Cette
jonction, en effet, eût été incompatible avec le voisinage d'une baie, même moins grande que celle
que nous voyons.
4. — L'élévation occidentale et l'avant-corps.
La jonction de l'avant-corps et du mur occidental du donjon a introduit quelque complication
dans l'élévation de ce mur. Si nous négligeons la porte basse, qui est moderne, les ouvertures sont
au nombre de trois : une porte, qui ouvrait au premier étage ; plus au nord et quelque peu en
contre-haut de cette porte, une fenêtre ; au-dessus, une deuxième porte, qui permettait d'accéder
au deuxième étage.
Le mur septentrional de l'avant-corps, qui est en grande partie ruiné, butait contre le donjon à
quelques décimètres au nord de la fenêtre. On en voit, d'ailleurs, de très nets arrachements, qui
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MARCEL DEYRES
montent presque au niveau de la porte du deuxième étage. Relevons tout de suite un fait insolite :
la fenêtre ouvrait sur l'intérieur de l'avant-corps et, comme elle est la seule de la partie occidentale
de l'étage, l'éclairage devait y être assez réduit.
Les maçonneries sont très diverses. De part et d'autre de la porte du premier étage, nous trouvons,
au nord, des moellons équarris disposés par lits avec joints évidés, et, au sud, des blocs volcaniques
identiques à ceux de l'angle nord-est. Ces blocs contournent l'angle sud-ouest et envahissent
l'élévation méridionale sur une faible largeur. Au-dessus, des blocs calcaires de couleur sombre
montent en chaînage d'angle jusqu'aux parties hautes du donjon. Au-delà des arrachements de
l'avant-corps, vers l'angle nord-ouest du donjon et sur une assez grande surface, les moellons
équarris sont assemblés en lits qui forment des assises d'une régularité parfaite, et on devine
qu'avant que leurs joints ne soient évidés de mortier et avant l'action érosive des eaux et des vents,
le parement devait présenter une facture très soignée. Par contre, au-dessous, la maçonnerie est en
moellons cassés. Dans les parties hautes, ces moellons voisinent avec des assises de moellons
équarris. Les traces d'opus s-picatum sont rares.
Il ne subsiste de l'avant-corps que son mur occidental et, en retour d'équerre, une très faible partie
de son mur septentrional. Sensiblement au niveau de la porte du premier étage du donjon, le mur
de l'avant-corps est percé de deux baies dont les niveaux sont différents : celle du sud, qui est
fortement ébrasée et dont les contours extérieurs déterminent les dimensions d'une simple meurt
rière, est plus élevée que celle du nord, qui, elle, n'est pas ébrasée et a des dimensions (1,60 m de
haut, 0,80 m de large) suffisantes pour avoir constitué une porte. Cette porte est percée à 9 m du sol
extérieur actuel, ce qui peut surprendre si l'on considère qu'à Loches, cette hauteur n'est que de
3 m. Mais, à Loches, la porte de l'avant-corps ouvrait du côté du baile, tandis qu'à Montbazon elle
ouvrait sur l'extérieur de la forteresse. Nous verrons, en effet, que le mur occidental de l'avant-corps
était à découvert et n'était pas compris à l'intérieur de l'enceinte déterminée par la chemise du
xie s. La hauteur de 9 m, qui sépare la porte du sol extérieur, fut donc réservée pour la rendre
difficilement accessible à un éventuel assaillant. Observons toutefois que ce percement n'a pas
obligatoirement exclu celui d'une autre porte plus basse et ouvrant dans le mur nord vers le baile.
Les deux ouvertures du mur occidental de l'avant-corps — une porte et une fenêtre — trahissent
l'ancienne présence de l'escalier qu'elles éclairaient : leur différence de niveau suggère l'inclinaison
même de la rampe qui les longeait. Cette rampe se trouvait, ici, sensiblement au niveau de la porte
du premier étage du donjon. Les arrachements de l'avant-corps montant presque à hauteur de la
porte du deuxième étage, il y a lieu de conclure que l'escalier de l'avant-corps desservait les deux
étages.
Un montant de baie reste visible dans les ruines du mur septentrional de l'avant-corps et à peu
près à hauteur de la baie ébrasée du mur occidental. Ce montant est très rapproché de ce mur, ce
qui réserve l'hypothèse de la présence d'une porte entre cette ancienne baie et le mur du donjon,
en sensible contrebas. Notons que l'étage de l'avant-corps était percé d'au moins trois baies : ces
nombreuses ouvertures, qui devinrent plus tard relativement usuelles (Chambois), dispensaient
donc un éclairage relatif dans l'étage du donjon, dont l'unique fenêtre occidentale ouvrait, comme
nous l'avons dit, dans l'étage même de l'avant-corps.
L'avant-corps a été compris dans une campagne postérieure à celle au cours de laquelle le donjon
fut élevé. Les montants et cintres de ses percements ainsi que ses contreforts sont faits de blocs de
dimensions moyennes, blocs de tuffeau appareillés suivant des méthodes qui trahissent une
évolution sensible dans l'art de bâtir. Les joints sont beaucoup moins épais qu'au donjon ;
l'appareil — même celui des moellons équarris — est plus régulier. Si, d'ailleurs, on usa ici de
moellons, c'est sans doute parce qu'on réemploya des parties de la maçonnerie de la chemise du
154

I,E CHATEAU DE MONTBAZON AU XIe SIECI/E
xie s. qui, comme nous le verrons, fut éventrée à l'endroit de l'avant-corps pour la mise en place
de celui-ci.
Le mur occidental de l'avant-corps repose, à l'extérieur, sur une maçonnerie faite de moellons
cassés et haute de 2,20 m. Ces moellons sont noyés dans un mortier rosé excessivement abondant.
La maçonnerie est faite de mortier beaucoup plus que de moellons. Ceux-ci sont d'ailleurs très
grossièrement et très irrégulièrement disposés. Quand ils forment des lits, ceux-ci sont obliques.
Ce mortier rosé contient de nombreux galets dont la grosseur va jusqu'à 4 ou 5 centimètres cubes.
Dans le bas, à 0,40 m-0,20 m du sol et sur une longueur d'environ 1,50 m, on remarque la présence
de plusieurs rangs de tuileaux posés à plat.
Cette maçonnerie est légèrement débordante par rapport au mur de l'avant-corps et porte les
contreforts de celui-ci. Entre ces contreforts, des moellons cassés sont disposés dans les parties
basses et en opus incertum.
Quant au mur de l'avant-corps, il est fait de moellons équarris disposés en lits assez réguliers, avec
des joints épais mais quelque peu évidés, du même mortier rosé que celui du soubassement. Ces
joints ont sensiblement la même épaisseur qu'à la partie occidentale du mur nord du donjon. On
trouve quelques traces d'opus spicatum.
Les trois contreforts sont correctement appareillés de blocs de tuffeau avec mortier rosé. Ces blocs
envahissent les extrémités des murs. Cependant, dans le bas et juste au-dessus de la maçonnerie
en opus incertum, les blocs de tuffeau forment trois assises de lits réguliers sur toute la largeur,
comme si on avait d'abord envisagé d'appareiller ainsi l'entière élévation du mur.
Au sud, le contrefort d'angle est pris dans les maçonneries de la courtine construite au xne s.
Notons que cette courtine est légèrement talutée puisque, du haut vers le bas, elle englobe progres
sivement le contrefort de l'avant-corps. Celui-ci est donc incontestablement antérieur à la courtine :
il est datable des environs de 1100.
5. — L'élévation méridionale.
Ici, c'est le mur nu : plus de contreforts, ni d'ouvertures, ni d'arrachements. La maçonnerie est
faite de moellons, soit équarris, soit en opus incertum. Cet austère plan mural n'est animé que par
de très nombreux trous de boulin et est recouvert d'un léger crépi.
II. — L'intérieur
L'avant-corps ayant contenu un escalier qui desservait les deux étages du donjon, rien d'étonnant
qu'aucune trace d'escalier n'existe à l'intérieur de ce donjon. Vraisemblablement, un escalier de
bois s'y trouvait avant la construction de l'avant-corps.
A environ 2 m du sol actuel, on remarque une saignée qui fait le tour du donjon. Elle correspond à
un retrait de la maçonnerie qui est très net au nord. Cette saignée était destinée à recevoir le plancher
qui séparait le rez-de-chaussée du premier étage. Immédiatement sous son niveau ont été percées
les deux étroites baies du mur oriental, dont l'utilité consistait à aérer et à éclairer — quoique très
faiblement — le rez-de-chaussée. Sous ce même niveau se situe l'escalier intérieur, dont nous avons
parlé, qui aboutit à la grande baie percée dans le mur nord et qui permettait d'accéder au rez-dechaussée. Le jour, déversé par la baie, éclairait la rampe de cet escalier. La porte occidentale, qui
permettait d'accéder au premier étage, est percée juste au-dessus de la saignée. Cette porte, de
même que la fenêtre voisine, ont leurs montants et cintres faits de pierres plates, tandis qu'à la
baie du mur nord les blocs de tuffeau, bien appareillés, se trouvent aux mêmes endroits.
La séparation du premier étage et du deuxième est marquée, au nord, par une retraite du
155

MARCEL DEYRES
mur et, au sud, par une suite horizontale de trous destinés à loger l'extrémité des poutres.
Il est nécessaire de souligner que le mur méridional conserve, sur toute son élévation, la même
épaisseur de 2 m, tandis que celle du mur septentrional est diminuée par deux retraites, l'une au
premier, l'autre au deuxième étage. Cette particularité et la présence des contreforts à l'extérieur
ont été conçues pour améliorer l'équilibre du mur septentrional, le même phénomène ayant affecté
le mur oriental.
II
DISCUSSION
De tous les donjons français, celui de Montbazon est un des plus anciens de ceux qui sont parvenus
jusqu'à nous. Rien n'infirme qu'il soit approximativement contemporain du donjon de Langeais :
la plus forte épaisseur de ses murs ne permet pas, selon nous, de conclure à sa postériorité. Il est
assez bien conservé — et l'est même mieux dans ses parties les plus anciennes. La difficulté de son
étude procède peut-être de ce bon état, car ce sont souvent les édifices les mieux conservés qui
déconcertent le plus.
Nous pouvons conjecturer — et nous vérifierons nos hypothèses — qu'au xie s. le château eut deux
états successifs, nécessités par les nombreux sièges qu'il dut subir à cette époque5. Nous avons
relevé des différences sensibles de facture entre les parties basses et les parties hautes de l'avantcorps d'une part et d'autre part les portes qui perçaient chaque étage. Il ne nous paraît pas niable
qu'il y ait corrélation chronologique entre les maçonneries frustes du bas de l'avant-corps et les
percements sommaires du premier étage du donjon et qu'une correspondance de même nature
doive être relevée entre les belles maçonneries de l'ensemble de l'avant-corps et le cintrage bien
appareillé de la porte du deuxième étage.
On peut sans doute objecter que les maçonneries du bas de l'avant-corps sont frustes parce qu'il
fallait établir un soubassement qui pouvait être sommairement traité. Mais, d'abord, ce traitement
sommaire eût donné beau jeu aux travaux éventuels de sape, entreprises qui pouvaient affecter
aussi bien un avant-corps qu'un donjon. Ensuite, pourquoi aurait-on doté l'avant-corps d'un tel
soubassement, alors que le donjon, beaucoup plus élevé, en a été dépourvu ? Enfin, si le mortier
rosé est le même au soubassement que dans le reste de l'avant-corps, la facture de la maçonnerie
n'y est pas la même : rappelons en effet que l'abondance du mortier est excessive dans les parties
très basses extérieures et que les moellons y sont non pas noyés mais presque perdus ; rappelons
qu'on y voit des arases de tuileaux, tandis qu'au-dessus les moellons, équarris et assez régulièrement
assises, sont encadrés par des contreforts dont l'appareil tardif envahit les murs aussi bien en
chaînages verticaux qu'en quelques assises horizontales dans le bas.
Dès lors, on peut — dira-t-on — se rallier à une autre hypothèse et objecter que le soubassement,
qui subsiste sur 2,20 m de haut, a constitué les parties basses d'un précédent avant-corps. Mais
alors, comment justifier le fait que la fenêtre, qui perce le mur occidental du donjon près de la
porte du premier étage, aurait ouvert à l'intérieur même de cet avant-corps ? Surtout, comment,
dans ces conditions, la moitié occidentale de l'étage du donjon eût-elle été éclairée ?
En réalité, le soubassement de l'avant-corps est un vestige de la chemise du xie s., vestige au droit
duquel et à l'étage on a percé la porte d'entrée du donjon. Nous rappelons, en effet, que la porte de
l'avant-corps est percée à 9 m au-dessus du sol extérieur actuel. Ce sol est en réalité formé d'un
terrassement tardif sinon moderne, contenu, à l'ouest et vers le ravin, par un mur. A l'époque
5. Cf., à ce sujet, E. Gatian de Clérambault, dans « Bull. Soe. archéol. Touraine », t. XV, 1905, p. 83.
156

LE CHATEAU DE MONTBAZON AU XIe SIECLE
romane il y avait, à cet endroit, un escarpement assez prononcé et le mur occidental actuel de
l'avant-corps, qui est à 7 m du donjon, surplombait le ravin d'assez près. Or, ce mur n'a pu être
élevé dans l'enceinte déterminée par la chemise du xie s. D'abord, dans cette hypothèse, la chemise
eût été à cet endroit distante de la porte du donjon d'environ 10 m, ce qui eût été excessif pour la
jonction des deux éléments par une passerelle amovible. Ensuite, il eût fallu fonder la chemise
très bas dans le ravin, ce qui eût obligé, pour la monter jusqu'au niveau de la porte du donjon, à
lui conférer la hauteur d'environ 25 m, dimension peu vraisemblable pour une chemise construite
à une assez haute époque dans le xie s. Dès lors, si nous considérons que la maçonnerie basse de
l'avant-corps n'a pas été établie dans le dessein de lui servir de soubassement et que le donjon
n'eut pas, au xie s., un précédent avant-corps, nous devons conclure que la chemise du xie s. s'est
située, à l'ouest, sur l'alignement du mur occidental actuel de l'avant-corps. Vers la fin du xie s.,
ou dans les toutes premières années du xne, on éleva cet avant-corps en asseyant son mur occidental
sur les parties basses de la chemise. Toutefois, à cet endroit la chemise devait légèrement saillir sur
l'extérieur, sans doute pour faciliter l'appui de la passerelle amovible. En effet, le contrefort
méridional de l'avant-corps est jouxté, en retour d'équerre, par un autre contrefort, qui s'appliquait
à l'angle du mur méridional de l'avant-corps et qui est pris dans la courtine du xne s. Ceci indique
qu'au sud de l'avant-corps la chemise du xie s. se trouvait quelque peu en retraite par rapport à
son élévation au niveau de l'entrée du donjon. La chemise faisait ici une saillie externe et il est
possible que cette disposition, datable du début du xie s., soit entrée dans la genèse des avant-corps
qui jouxtaient les donjons de pierre.
La construction de l'avant-corps entraîna deux modifications dans les percements du donjon.
D'abord, on pratiqua la porte du deuxième étage où aboutissait l'escalier de l'avant-corps. Ensuite,
comme on rendait pratiquement inefficace pour l'éclairage la fenêtre percée près de la porte du
premier étage, on agrandit la baie qui perçait le mur septentrional en sa partie orientale. C'est
pourquoi les montants et cintre de cette baie sont d'appareil, alors que ceux de la porte occidentale
basse sont en pierres plates. La baie du nord actuelle est plus jeune que cette porte et elle est
contemporaine de la porte du deuxième étage, dont les montants et cintre sont, eux aussi, appar
eillés. Cette baie septentrionale n'a donc jamais été, comme on le pense généralement, la première
porte d'entrée du donjon. Cette première porte a toujours été celle qui est encore percée dans le
mur occidental et qui est aujourd'hui dans son état originel.
Nous avons souligné la parfaite homogénéité de l'appareil de blocs volcaniques à l'angle nord-est
du donjon et aux deux contreforts semi-circulaires qui l'accostent. Nous en avons déduit une
contemporanéité certaine entre ces contreforts et les murs et, imputant à des sapes la présence de
moellons cassés dans les parties basses, nous avons conclu que l'appareil de blocs occupait l'élévation
depuis le sol. Ceci nous oblige à rejeter l'opinion qui traite les contreforts comme des adjonctions,
même pratiquées à haute époque.
Les murs sont plus épais à l'est et au nord qu'au sud et à l'ouest. Or, ce sont précisément les murs est
et nord qui ont reçu des contreforts — et des contreforts dont la puissance est sensible ; des contre
fortsqui ont pu résister aux méfaits de la sape ; des contreforts qui, au nord, accostaient un mur
dont les retraites intérieures avaient perfectionné l'équilibre. Tout ceci laisse à penser que, sur les
côtés est et nord, le donjon était à découvert et n'était pas protégé par la chemise. Protection qui,
d'ailleurs, eût été superflue : en effet, sur ces façades nous sommes du côté du baile, côté vers
lequel, à Loches, la chemise n'a pas été originellement étendue.
Cette opinion reçoit déjà quelque légitimité si on considère que l'ouverture du premier étage dans
le mur septentrional n'a jamais été la porte d'entrée du donjon et qu'en conséquence la chemise
n'existait pas à son niveau. Mais elle se confirme à la constatation que le contrefort occidental est

MARCEL DEYRES
le seul à manquer d'homogénéité. C'est contre sa face occidentale et contre l'angle nord-ouest du
donjon que la chemise faisait sa jonction. Lorsqu'on la supprima, en construisant les courtines du
xne s. tout en respectant l'avant-corps, on dut reprendre une grande partie de l'élévation à l'angle
nord-ouest du donjon.
Ainsi, la chemise du xie s. joignait les angles nord-ouest et sud-est du donjon en contournant
celui-ci par l'ouest et le sud. Sa disparition découvrit l'élévation nord de l'avant-corps. Mais une
lithographie du xixe s.6 atteste la présence d'une tour qui, à cet endroit, protégeait l'accès nord de
l'avant-corps.
III
CHRONOLOGIE
Y a-t-il, au moins pour la période romane, des principes généraux d'où l'on puisse déduire infaill
iblement des étapes dans la chronologie des constructions ? Des indices, qu'on tient pour signes
d'ancienneté et qui en sont souvent, se retrouvent parfois dans des édifices relativement récents
— et on s'en tire en groupant tous ces phénomènes sous la rubrique commode des archaïsmes.
Pour ce qui est de la facture des maçonneries, les « appareils décoratifs supposés carolingiens » ont
persisté dans la région ligérienne jusqu'à l'aube du xne s.7 ; les « joints alternés de face »8 peuvent
s'observer à l'intérieur des cuisines de Fontevrault, datables des environs de 1150, alors qu'on voit
des demi-colonnes montées en demi-tambours continus dans les parties les plus anciennes de la
Trinité de Caen ; les grandes arcades de la même Trinité de Caen sont fourrées, alors que les piles
qui les supportent ont des colonnes engagées montées en demi-tambours continus ; le petit appareil
s'observe encore dans des églises tourangelles du xne s. ; au chevet de Savennières, élevé au xne s.,
les schistes sont cassés au marteau, phénomène qui, ailleurs, s'est manifesté sur une plus grande
échelle, dans les parties récentes de Sainte-Foy de Conques notamment, alors que les parties les
plus anciennes de cet édifice, datables des environs de 1050, sont bien appareillées.
Aux châteaux de Dourdan et d'Yèvre-le-Châtel, les maçonneries relativement sommaires des
courtines voisinent avec le bel appareil des tours. Pour ce qui est de Montbazon, rien n'autorise à
attribuer aux moellons des murs une ancienneté plus grande qu'aux blocs des contreforts et des
angles. Notons que ces moellons sont, le plus souvent, disposés en assises, soit qu'on les ait assez
soigneusement équarris, soit qu'on les ait assemblés en opus spicatum. Quant aux blocs d'essence
volcanique qu'on a appareillés aux contreforts et aux angles, leurs joints ont une épaisseur except
ionnelle,
épaisseur qui devait aller de pair avec celle des joints qui unissaient à l'origine les moellons
équarris. Mais ces derniers ont assez vite été évidés de leur mortier. Après quoi, ils ont fini par être
érodés sous l'action des eaux pluviales et des intempéries. Dès lors, et compte tenu de ce que nous
avons exposé dans notre Description, rien n'infirme l'opinion qu'il y a contemporanéité entre
l'appareil des contreforts montbazonnais et les maçonneries des murs voisins.
Nous avons observé, à la jonction du mur septentrional et du contrefort semi-circulaire, que les
blocs appareillés descendaient jusqu'au sol sur toute la hauteur des moellons cassés, qui ont été ici
maçonnés pour boucher un trou de sape. Ces blocs étaient le prolongement latéral de ceux dont les
parties basses du contrefort étaient faites à l'origine. Ainsi, les contreforts et l'angle nord-est
présentaient originellement une construction homogène et appareillée.
6. Publ. p. Clarey-Martineau, dans Histoire de Touraine, Tours, 1841.
7. Dr Fr. I,esueur, Appareils décoratifs supposés carolingiens, dans « Bull, monum. », 1966, p. 167 et ss.
8. Voir les notices de Fr. Salet, dans les « Congrès archéol. de France » de 1961 et de 1964 sur la cathédrale du Mans et sur NotreDame de Cunault, passim.
158

LE CHATEAU DE MONTBAZON AU XIe SIECLE
L/ appareil de pierres volcaniques se localise en général aux angles du donjon et aux contreforts
voisins. Cependant, il a été exclu — ou presque — du contrefort médian de la façade orientale et
de l'angle nord-ouest du donjon. On peut donc conjecturer qu'en son état du début du xie s. le
parti général de la construction présentait une répartition des blocs appareillés dans les angles et
leurs parties attenantes et des maçonneries de moellons équarris dans les parties droites des
murailles. Les moellons cassés ont été utilisés soit pour boucher des manques, soit pour reconstruire
des parties sapées.
Dans ce premier état, la jonction de la chemise se faisait à l'angle nord-ouest et à l'angle sud-est.
La chemise contournait le donjon par le sud et par l'ouest. Au nord et à l'est, le donjon était à
découvert et, devant lui, s'étendait le baile.
L'unique porte du donjon était percée, au xie s., à l'étage du mur occidental. Elle n'était pas
protégée par un avant-corps et on y accédait, depuis la crête de la chemise, par une passerelle de
bois. A cet endroit, comme nous l'avons vu, la chemise devait légèrement saillir sur l'extérieur,
pour faciliter l'appui de la passerelle et dégager son issue sur la chemise.
Le mur septentrional était percé d'une baie qui fut agrandie par la suite. Cette baie et celle qui
avoisine la porte d'entrée éclairaient l'intérieur du premier étage.
Vers la fin du xie s., on construisit l' avant-corps. Il desservait les deux étages du donjon. On perça
alors une porte au deuxième étage du mur occidental.
Au xne s., on construisit la chemise actuelle avec une tour ronde et pleine à l'angle sud-est. On
supprima donc à ce moment la chemise du xie s. et on en profita pour remonter l'angle nord-ouest
du donjon, contre lequel elle s'appliquait. On réappareilla certaines parties du donjon, notamment
les parties moyennes de l'angle nord-ouest, où nous trouvons un bel appareil de calcaire, à joints
fins. Des remaniements analogues se remarquent, sensiblement à même hauteur, aux angles nord-est
et sud-est. Il semble donc que, lors de la construction de la chemise du xne s., on profita de la
présence d'un chantier important pour restaurer le donjon. Celui-ci a subi des sièges nombreux
au début du xie s.9, et fut l'objet de deux autres sièges en 1109 et en 111710. Peut-être faut-il situer
entre ces deux dernières dates la construction de l' avant-corps, encore que l'examen des maçonneries
n'interdise pas de la vieillir d'une bonne décennie.
Le cartulaire de Cormery nous assure que le château de Montbazon fut construit par Foulques
Nerra. Mais ce document ne permet pas de déduire s'il vise un château de bois ou la forteresse
actuelle dans ses parties les plus anciennes. Quoi qu'il en soit, l'examen de celles-ci autorise à avancer,
pour leur construction, une période qui a suivi les guerres de Foulque Nerra, période d'accalmie
relative qui a permis l'entreprise d'un chantier important. Ainsi, ces parties anciennes peuvent être
datées du milieu du xie s.
Nous pouvons donc résumer la chronologie de la forteresse en proposant les dates suivantes :
Vers le milieu du xie s. : construction du donjon, dans un état dont on peut relever des témoins
importants, surtout aux angles et aux contreforts.
Vers 1100 : construction de l'avant-corps.
A une époque très avancée du x 11e s. : construction de la chemise actuelle.
Au cours du xme s. : construction de la tour sud-ouest, tour creuse, simplement planchéiée et
ouverte à la gorge.
9. Cf. E. Gatian de Clérambault, op. cit.
10. Cf. J.-X. Carré de Busserolle, Dictionnaire d'Indre-et-Loire, t. II, p. 297.
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