Histoire du Droit Privé (Notes complètes) .pdf
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HDP ʹ Introduction
Histoire du droit privé
Contenu et objectif du cours
Seront principalement étudiées les trois composantes de la culture juridique occidentale : le
droit romain (examiné ici non en lui-‐même mais à travers les lectures qu'en ont laissés le Moyen-‐âge
et les temps modernes), le droit canonique (droit de l'église) et la coutume, ainsi que leur influence
respective sur la formation de notre droit.
L'objectif du cours est de faire découvrir les bases historiques de notre droit privé en
retraçant l'évolution de cette source et de ses institutions entre la fin de l'Empire romain et le
tournant des 19ème et 20ème siècles.
Etude du cours
Quelques recommandations relatives à l'étude du cours : ne pas mémoriser mais organiser
intellectuellement la matière en revoyant ses notes, en élaborant des résumés, etc. Veillez à ce que
cette mise en ordre intègre simultanément :
ͻ Un axe chronologique : ne jamais confondre des époques différentes et donc se fixer des
repères fermes, identifier les grandes dates et situer précisément les uns par rapport aux
autres les événements, les courants de pensée, etc.
ͻ Un axe thématique : identifier précisément des concepts abstraits et leurs éventuelles
transformations, repérer les différents passages du cours où est traitée une même question
(le concept de propriété par exemple) et être capable d'en dégager tous les éléments de
manière à la traiter pour elle-‐même.
Distinguer soigneusement les registres de langage et les niveaux d'analyse : ne pas
confondre, pour le même problème, les questions de droit et les questions de fait; distinguer
nettement le texte du code, le commentaire qu'en fait la doctrine, l'interprétation qu'en donne la
jurisprudence, les conclusions qu'en tire l'historien.
Assimiler la "grammaire élémentaire du droit" : les notions de droit réel et droit de créance,
contrat consensuel et formel, etc. auxquelles la première candidature initie mais qui seront utilisées
constamment par la suite. Toute erreur d'utilisation de ces notions de base est en soi indicative
d'échec.
Ouvrages de références
Ouvrages de référence : >͛ŝŶƚƌŽĚƵĐƚŝŽŶ ŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞ ĂƵ ĚƌŽŝƚ de Thireau (droit privé) et
>͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞƐŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶƐĂǀĂŶƚϭϳϴϵ de François Saint Bonnet (droit public). Ceux deux ouvrages se
situent à la cave de la bibliothèque.
Examen
L͛ĞdžĂŵĞŶ comprend six questions ; trois de taille moyenne avec des explications ou
définition et trois beaucoup plus larges qui concerne tout un aspect, tout un point de la matière où il
mieux vaut mettre trop que pas assez.
1
HDP ʹ Introduction
Introduction
1. >ŝĞŶĞŶƚƌĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚƵĚƌŽŝƚƉƌŝǀĠĞƚĚ͛ĂƵƚƌĞƐĚŝƐĐŝƉůŝŶĞƐĚƵĚƌŽŝƚ
a) Avec le droit romain
Notre code civil belge a hérité de pas mal de principes du droit romain ainsi que de plusieurs
mécanismes juridiques propre à ce droit. Il en a hérité surtout dans la matière des contrats et de la
propriété. Au fond, le droit romain est dans notre droit comme une grammaire de base. Le droit
romain commence en -‐753 avant J-‐ Ğƚ ƐĞ ƚĞƌŵŝŶĞ ĞŶ ϰϳϲ ĂǀĞĐ ůĂ ĐŚƵƚĞ ĚĞ ů͛Empire Romain
Ě͛Occident. Nous nous occuperons durant ce cours de la période allant de la fin de cet empire à la
rédaction du Code civil, autrement dit de la période allant de plus ou moins 300 à 1804.
b) Avec le droit comparé
>͛ŽďũĞƚ ĚƵ ĚƌŽŝƚ ĐŽŵƉĂƌĠ ĞƐƚ ĚĞ mettre en relation les traits des systèmes juridiques
étrangers ainsi que les différences et ressemblances entre les systèmes juridiques actuels et passés.
Il faut comprendre que les conceptions que nous nous faisons des systèmes juridiques sont
particulières ͗ĞůůĞƐƐŽŶƚůĞĨƌƵŝƚĚĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ͘^ŽƵǀĞŶƚ͕ŽŶŶĞƉĞƵƚĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞƵŶƐLJƐƚğŵĞũƵƌŝĚŝƋƵĞ
que grâce à son histoire.
Par exemple : les Allemands et les Français ont hérité du droit romain, pas les Anglais. Pourquoi ? Les systèmes
juridiques allemand ĞƚĨƌĂŶĕĂŝƐĚŝƐƉŽƐĞŶƚƚŽƵƐůĞƐĚĞƵdžĚ͛ƵŶĐŽĚĞ͘Ŷ&ƌĂŶĐĞ͕ůĞCode civil date de 1804. En Allemagne, cela
1
sera fait en 1900 . ŶŶŐůĞƚĞƌƌĞ͕ŝůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞĐŽĚĞ͘>͛ŶŐůĞƚĞƌƌĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞĞŶĨĂŝƚ au travers des décisions des juges.
ème
ŽŵŵĞŶƚ ĞdžƉůŝƋƵĞƌ ĐĞƚƚĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ͕ ĐĞƚƚĞ ĂďƐĞŶĐĞ Ě͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞ du droit romain ͍ Ğ Ŷ͛ĞƐƚ ƋƵ͛ĂƵ ϭϯ siècle que les
pratiques de droit romain vont arriver dans les pratiques judiciaires après avoir fait leur retour dans les universités. A ce
ŵŽŵĞŶƚ͕ ĞŶ &ƌĂŶĐĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĞ ŵŽŵĞŶƚ Žƶ ů͛ŽŶ ĐƌĠĞ ůĞƐ ũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶƐ ƌŽLJĂůĞƐ͘ ĞƐ ũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶƐ ƐĞƌŽŶƚ ŝŶĨůƵĞŶĐĠĞƐ ƉĂƌ le droit
ƌŽŵĂŝŶĞŶƉƌĞŵŝĞƌůŝĞƵĂƵŶŝǀĞĂƵĚĞůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͘/ůƐĞƉĂƐƐĞůĂ ŵġŵĞĐŚŽƐĞĞŶ ůůĞŵĂŐŶĞ͘ů͛ŽƉƉŽƐĠ͕ĚĂŶƐůĞƐLJƐƚğŵĞ
ème
ème
ĂŶŐůĂŝƐ͕ĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐĂƵϭϯ siècle que les juridictions se créent mais au 12 siècle. Celles-‐ci ont donc déjà leur mode de
fŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚ͘ >ĞƵƌ ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ ĞƐƚ ĚĠũă ƉĞŶƐĠĞ Ğƚ ĐŽŶƐƚƌƵŝƚĞ͕ Ğƚ ĚŽŶĐ ů͛ĂƌƌŝǀĠĞ͕ ŽƵ ƉůƵƚƀƚ ůĞ ƌĞƚŽƵƌ ĚƵ ĚƌŽŝƚ ƌŽŵĂŝŶ
Ŷ͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞƌĂƉĂƐůĞƐLJƐƚğŵĞĂŶŐůĂŝƐ͘
Cet exemple explique les différences entre les deux systèmes. Ainsi, certains concepts tels
que celui de propriété ƐŽŶƚŝŶƚƌĂĚƵŝƐŝďůĞƐĚ͛ƵŶĞůĂŶŐƵĞăů͛ĂƵƚƌĞ͘ŶŶŐůĞƚĞƌƌĞ͕ůĂƉƌŽpriété (maison,
ƚĞƌƌĂŝŶ͕͙) a toujours un lien avec la couronne. Le terrain dépend toujours plus ou moins de la Reine.
͛ĞƐƚĐŽŶĕƵƵŶƉĞƵĐŽŵŵĞƵŶďĂŝů͘/ůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞƉƌŽƉƌiété absolue contrairement à chez nous dans
les limites du légal. On pourrait aussi mentionner le cas des contrats.
Souvent, les différences entre les systèmes juridiques se situent au niveau du droit privé car
celui-‐ci régit les relations entre les ƉĞƌƐŽŶŶĞƐĞƚĐ͛ĞƐƚĚŽŶĐůăƋƵĞůĞƐĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞƐĞŶƚƌĞůĞƐĐƵůƚƵƌĞƐ
ĂƉƉĂƌĂŝƐƐĞŶƚůĞƉůƵƐĨŽƌƚ͛͘ĞƐƚĚĂŶƐůĞĚƌŽŝƚƉƌŝǀĠƋƵĞůĞƐĐŽŶĐĞƉƚƐũƵƌŝĚŝƋƵĞƐŶĂŝƐƐĞŶƚ͘KŶĚŝƚƋƵĞůĞ
droit privé est une matrice conceptuelle.
c) ǀĞĐů͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞũƵƌŝĚŝƋƵĞ
>͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞ ĞƐƚ ůĂ ƐĐŝĞŶĐĞ ƋƵŝ ĠƚƵĚŝĞ ůĞ ĐŽŵƉŽƌƚĞŵĞŶƚ ĚĞƐ ŚŽŵŵĞƐ ĚĂŶƐ ůĞƐ ƐŽĐŝĠƚĠƐ͕
ĚŽŶĐů͛ĠƚƵĚĞĚĞů͛ġƚƌĞŚƵŵĂŝŶĚ͛ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞƐŽĐŝĂůĞ͘ƚĐĞĐŝĚ͛ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞůĂƌŐĞ;ĂƵŶŝǀĞĂƵĚĞ
ů͛ƚĂƚƉĂƌĞdžĞŵƉůĞͿŽƵĠƚƌŽŝƚ;ĂƵŶŝǀĞĂƵĚĞůĂĨĂŵŝůůĞͿ͘
>͛ĂŶƚhropologie juridique concerne le droit dans ces sociétés, il chercher à expliquer
1
http://www.rechtslexikon-‐online.de/Buergerliches_Gesetzbuch_BGB.html
2
HDP ʹ Introduction
ĐŽŵŵĞŶƚůĞĚƌŽŝƚĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞĞƚƉŽƵƌƋƵŽŝůĞĚƌŽŝƚĞƐƚĐĞƋƵ͛ŝůĞƐƚĚĂŶƐƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠăƚƌĂǀĞƌƐů͛ĠƚƵĚĞ
des rapports entre les êtres humains. Celle-‐ci est vraiment centrée sur les populations primitives,
Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞůĞƐƉŽƉƵůĂƚŝŽŶƐƐĂŶƐĠĐƌŝƚƵƌĞ͘>ĞƌƀůĞĚĞů͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞĚƵĚƌŽŝƚsera Ě͛ĂůůĞƌĞŶĨƌŝƋƵĞ͕
dans des îles du Pacifique pour étudier la façon dont fonctionnent ces sociétés.
ĞƚƚĞ ĚŝƐĐŝƉůŝŶĞ ;ů͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞͿ ĞƐƚ née à la fin du 19ème siècle. Au début, on parle de
« ů͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐƵĞ en fauteuil » car ceux-‐ci étudient les civilisations à travers les livres qui les
décrivent (récits Ě͛ĂǀĞŶƚƵƌĞs, historiques, etc.) mais par la suite, les anthropologues vont se rendre
sur le terrain.
Notons que lĂŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚĞů͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞĂƵŶůŝĞŶĂǀĞĐůĂĐŽůŽŶŝƐĂƚŝŽŶ͘KŶĚĞŵĂŶĚĞĂƵdž
ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐƵĞƐ Ě͛ŽďƐĞƌǀĞƌ ůĞƐ ƐŽĐŝĠƚĠƐ ƉŽƵƌ ŵŝĞƵdž ůĞƐ ĐŝǀŝůŝƐĞƌ ;ĐŽŵŵĞŶƚ ůĞƐ ŐĞŶƐ ƐĞ ŵĂƌŝĞŶƚ͕ ůĞƐ
systèmes de parenté, etc.) Cependant, ces anthropologues arrivent là avec leur conception
européenne. Ils ont essayé de replacer leur vocabulaire là-‐bas. Ainsi, chez les aborigènes, on a parlé
ĚĞƉƌŽƉƌŝĠƚĠĐŽůůĞĐƚŝǀĞĐĂƌŝůŶ͛LJĂƉĂƐĚ͛ĂƉƉƌŽƉƌŝĂƚŝŽŶĚĞůĂƚĞƌƌĞ͘ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĐĞƚƚĞƐĐŝĞŶĐĞƐĞǀĞƵƚ
plus neutre, plus objective.
ŚĞnj ůĞƐ ŝŶĚŝĞŶƐ͕ ĚĞƐ ƚƌŝďƵƐ ƐŽŶƚ ŶŽŵĂĚĞƐ͕ Ě͛ĂƵƚƌĞƐ ƐŽŶƚ sédentaires et donc des
ĂŐƌŝĐƵůƚĞƵƌƐ͘ĞƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞƐƚƌŝďƵƐŽŶƚĚĞƐƌğŐůĞƐĚĞĚƌŽŝƚĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞƐ͘>͛ĂŶƚŚƌŽƉŽůŽŐŝĞũƵƌŝĚŝƋƵĞĞƐƚ
ĚŽŶĐƵŶƌĞŐĂƌĚĐƌŝƚŝƋƵĞƐƵƌůĞƐĐŝǀŝůŝƐĂƚŝŽŶƐ͘^ŽŶŝŶƚĠƌġƚƌĠƐŝĚĞĚĂŶƐůĞĨĂŝƚƋƵ͛ĞůůĞŵŽŶƚƌĞƋƵĞle droit
naît en fonction des rapports humains.
3
HDP ʹ Introduction
2. Objet du cours
KŶ Ɛ͛ŝŶƚĠƌĞƐƐĞ ĚĂŶƐ ĐĞ ĐŽƵƌƐ ă ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ ĞdžƚĞƌŶĞ Ğƚ ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ ŝŶƚĞƌŶĞ͘ >͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ ĞdžƚĞƌŶĞ
ĐŽŶĐĞƌŶĞůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚůĞĚƌŽŝƚƐĞƉƌĠƐĞŶƚĞĂůŽƌƐƋƵĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞŝŶƚĞƌŶĞĐŽŶĐĞƌŶĞůĞĐŽŶƚĞŶƵĚƵĚƌŽŝƚ͘
a) >͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĞdžƚĞƌŶĞ
Commençons par ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĞdžƚĞƌŶĞ où il est question des sources du droit (trois sortes) :
-‐
-‐
-‐
Au sens formel ou technique
Au sens documentaire
Au sens réel
Les sources au sens formel
Les sources au sens formel concernent la manière dont le droit nait͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire le procédé
ƚĞĐŚŶŝƋƵĞ ĚĞ ĐƌĠĂƚŝŽŶ ĚĞ ĐĞƚƚĞ ƌğŐůĞ͘ >Ă ĨĂĕŽŶ ĚŽŶƚ ůĞ ĚƌŽŝƚ ŶĂŝƚ Ɛ͛ĂƉƉĞůůĞ ůĂ ƐŽƵƌĐĞ ĨŽƌŵĞůůĞ͘ >ĞƐ
sources formelles les plus emblématiques dans notre culture sont la loi et la coutume. Ce sont elles
qui nous ont permis une transmission du ĚƌŽŝƚĚĞƉƵŝƐů͛AŶƚŝƋƵŝƚĠũƵƐƋƵ͛ăŶŽƐũŽƵƌƐ͘
>ĂůŽŝĞƐƚƵŶĞƐŽƵƌĐĞƋƵŝǀŝĞŶƚĚ͛ƵŶƉŽƵǀŽŝƌƉŽůŝƚŝƋƵĞĂƵƐĞŶƐůĂƌŐĞ͘ĞƚƚĞůŽŝĞƐƚƉƌŝƐĞƐĞůŽŶ
ƵŶĞ ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ ĚĠƚĞƌŵŝŶĠĞ Ğƚ ĞůůĞ ĞƐƚ ĠĐƌŝƚĞ͘ Ğ ƋƵŝ ĞƐƚ ƚŽƵƚ ů͛ŝŶǀĞƌƐĞ ĚĞ ůĂ ĐŽƵƚƵŵĞ͘ ^ĞůŽŶ ůĂ
doctrine, la coutume est censée être secrétée par le peuple͘ĞƐŽŶƚůĞƐŚĂďŝƚƵĚĞƐĚ͛ƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠƋƵŝ
se transforment en règles de droit selon un procédé non défini͛͘ĞƐƚdonc une source non-‐écrite. La
loi par contre est ŝƐƐƵĞ Ě͛ƵŶ ƉŽƵǀŽŝƌ ƉŽůŝƚŝƋƵĞ, selon un procédé déterminé, et est écrite. Cela est
ĂƐƐĞnjĐĂƌŝĐĂƚƵƌĂůŵĂŝƐĞŶŵġŵĞƚĞŵƉƐĞŶĚƌŽŝƚďĞůŐĞ͕ŝůLJĂĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝƚŽƵũŽƵƌƐƵŶĞƉůĂĐĞƉŽƵƌůĂ
coutume.
Par exemple, il y a les usages locaux qui touchent plus à tout ce qui est forestier. Ainsi, on a le drŽŝƚĚ͛ĂůůĞƌĐŽƵƉĞƌ
autant de mettre cubes de bois chaque année dans un grand bois proche. La coutume est également présente en droit
commercial. En droit international public, la coutume est une des plus grandes sources de droit. Celle-‐ci concerne
principalement le droit de la mer et le droit humanitaire.
Dans les systèmes juridiques anglais, la coutume est très présente. On parle de common law,
Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire le droit qui est dit par le juge. Quand il y a une lacune dans le droit, le juge crée du droit.
En Angleterre, il y a aussi les statutes, éditées par le Parlement. Mais celles-‐ĐŝŶĞĐŽŶƐƚŝƚƵĞŶƚƋƵ͛ƵŶĞ
petite partie du droit, et portent surtout sur des matières économiques.
Quel rapport avec le droit coutumier ? Au Moyen-‐âge, on dit que le droit coutumier vient du
peuple mais en fait il ƉƌŽǀŝĞŶƚĚƵũƵŐĞ͘ŶƚŚĠŽƌŝĞ͕ůĞũƵŐĞĚŝƚƋƵ͛ŝůĞƐƚů͛ŝŶƚĞƌƉƌğƚĞĚƵƉĞƵƉůĞƋƵŝĚŝĐƚĞ
la coutume. La doctrine a cependant ƉƌĠĨĠƌĠĚŝƌĞƋƵĞůĂĐŽƵƚƵŵĞǀŝĞŶƚĚĞů͛ŚĂďŝƚƵĚĞĚĞƐŐĞŶƐ͕ĂůŽƌƐ
ƋƵ͛ŝůĂƉƉĂƌĂŠƚƋƵ͛ĞůůĞĞƐƚŝƐƐƵĞĚĞƐĚĠĐŝƐŝŽŶƐĚĞƐũƵŐĞƐ͘
Les sources au sens documentaire
͛ĞƐƚůĞsupport du droit, la façon dont le droit se présente. Il LJĂĚ͛ĂďŽƌĚůĞƐlivres publiés
tels que le Moniteur Belge pour la loi et la Pasicrisie pour la Cour de cassation. A coté de ceux-‐ci, il y
a les manuscrits (qui étaient surtout importants avant le 16ème siècle). La troisième sorte de source
documentaire est la source orale. Par exemple, dans les populations africaines, il peut y avoir un chef
ƋƵŝ ǀĂ ƉƌĞŶĚƌĞ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ ĂƉƉĞůůĞƌĂŝƚ ƵŶĞ ůŽŝ͕ ŵĂŝƐ ĐĞůůĞ-‐ci n͛ĞƐƚ Ɖas écrite. Chez nous, durant les
colonisations, on a créé des recueils de coutumes africaines.
4
HDP ʹ Introduction
En conséquence, la coutume peut être écrite et la loi peut être non écrite. La source
électronique concerne les contrats passés via internet, la jurisprudence publiée sur le net, etc.
Les sources au sens réel
Celles-‐ci ĞdžƉůŝƋƵĞŶƚů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶĚƌŽŝƚ ainsi que son contenu. Ces sources réelles sont aussi
appelées sociologiques͘ŝŶƐŝůĂƌĞůŝŐŝŽŶƉĞƵƚ ġƚƌĞ ƵŶĨĂĐƚĞƵƌ͕ů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞ ĞŶĞƐƚ ƵŶĂƵƐƐŝ͘ŶĞĨĨĞƚ͕
ƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠƐ͛ŽƌŐĂŶŝƐĞƐĞůŽŶůĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶĞĠĐŽŶŽŵŝĞƋƵŝůƵŝƉĞƌŵĞƚĚĞƐƵƌǀŝǀƌĞ͘>ĞĚƌŽŝƚ
doit donc permettre à cette économie de se développer.
b) >͛ŚŝƐƚŽŝƌĞŝŶƚĞƌŶĞ
>͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ ŝŶƚĞƌŶĞ ĐŽŶĐĞƌŶĞ ůĞ ĐŽŶƚĞŶƵ ĚƵ ĚƌŽŝƚ͘ ͛ĞƐƚ ĐĞ ƋƵŝ ŝŶƚĠƌĞƐƐĞ ůĞƐ ĂĐƚĞƵƌƐ ĚƵ ĚƌŽŝƚ
(juges, avocats), ce sont les règles matérielles.
La première grande distinction dans le contenu du droit est la différence entre le droit privé
et le droit public. Pour ce qui est du droit privé, celui-‐ci traite de trois grandes matières : les biens, la
ĨĂŵŝůůĞ Ğƚ ůĂ ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ͘ >Ğ ĚƌŽŝƚ ƉƵďůŝĐ Ɛ͛ŝŶƚĠƌĞƐƐĞ quant à lui aux institutions, à la succession au
trônĞ͕ĂŝŶƐŝƋƵ͛ĂƵŐŽƵǀĞƌŶĞŵĞŶƚ͕ĞƚĐ͘
5
HDP ʹ Introduction
3. Le fil conducteur du cours
Le fil conducteur du cours est le rapport entre le juge et la norme, ou encore la lutte entre le
pouvoir judiciaire et le pouvoir politique.
ŶĚƌŽŝƚďĞůŐĞ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ŽŶǀŽŝƚƋƵĞůĂũƵƌŝƐƉƌƵĚĞŶĐĞƉƌĞŶĚde plus en plus de place (les
avocats se basent de plus en plus sur celle-‐ci). Et ce parce que la loi ne parvient pas à résoudre
certains problèmes ĚĞ ŶŽƚƌĞ ƐŽĐŝĠƚĠ͘ ͛ĞƐƚ ůĞ ũƵŐĞ ůĞ ƉƌĞŵŝĞƌ ƋƵŝ ĞƐƚ ĐŽŶĨƌŽŶƚĠ ă ĐĞƐ ƉƌŽďůğŵĞƐ͕
avant que le législateur intervienne. Le juge va alors soit interpréter la loi, soit lui-‐même créer le
droit, ce qui est évidemment en contradiction avec notre système.
Cette opposition entre la loi et le juge créateur de normes est ancienne. Elle commence
surtout au 13ème siècle (époque à laquelle se développe la coutume). A partir de là, il va y avoir une
ůƵƚƚĞ ĐŽŶƐƚĂŶƚĞ ĞŶƚƌĞ ůĞ ƉŽƵǀŽŝƌ ĚĞƐ ũƵŐĞƐ Ğƚ ĐĞůƵŝ ĚƵ ƌŽŝ͘ ͛ƵŶĐƀƚĠ͕ ŝůLJ Ă ůĞ ũƵŐĞ ƋƵŝ͕ ƋƵĂŶĚ ŝů ƐĞ
ƉƌŽŶŽŶĐĞ͕ĐƌĠĞůĞĚƌŽŝƚĐŽƵƚƵŵŝĞƌĞƚĚĞů͛ĂƵƚƌĞĐƀƚĠ͕ ŝůLJĂůĞƌŽŝƋƵŝ͕ăů͛Ġpoque donc au 13ème siècle,
commence à prendre des ordonnances (ce qui correspond, durant le Moyen-‐âge, à la loi). Le roi va
ƚŽƵĐŚĞƌĚĞƐŵĂƚŝğƌĞƐĚĞĚƌŽŝƚƉƌŝǀĠ͘DĂŝƐůĞƉƌŽďůğŵĞ͕Đ͛ĞƐƚƋƵĞůĞĚƌŽŝƚĐŽƵƚƵŵŝĞƌĐŽŶĐĞƌŶĞĂƵƐƐŝůĞ
droit privé. A partir du 13ème, il y a donc une lutte, une concurrence entre ces deux pouvoirs. Celle-‐ci
se résout en 1804 quand le Code civil est promulgué. Le droit privé est entièrement contenu dans un
seul livre. Le juge ne peut plus créer de droit et on opte donc pour un pays où le droit est codifié. Le
droit est créé par le pouvoŝƌƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ůĂůŽŝů͛ĞŵƉŽƌƚĞ͘
Plan du cours
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Fin dĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
Début du Moyen-‐âge
ƉƌğƐů͛ĂŶϭϬϬϬũƵƐƋƵ͛ĂƵdžϭϯème et 14ème siècles
La coutume
Les temps modernes : pouvoir royal et ordonnances
La révolution et la codification
6
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
&ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
I.
Utrumque ius (« ů͛ƵŶĞƚů͛ĂƵƚƌĞĚƌŽŝƚ »)
Cette expression vise la dualité ĞŶƚƌĞĚ͛ƵŶĞƉĂƌƚƵŶĚƌŽŝƚƉƌŽĚƵŝƚƉĂƌů͛ŐůŝƐĞ ĞƚĚ͛ĂƵƚƌĞƉĂƌƚ
un ĚƌŽŝƚ ƉƌŽĚƵŝƚ ƉĂƌ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ ŵĂŝƐ ĂƵƐƐŝ ƉĂƌ ů͛ƚĂƚ ;ĚĞ ŵĂŶŝğƌĞ ŐĠŶĠƌĂůĞ͕ ƉĂƌ ůĞƐ ƉŽƵǀŽŝƌƐ
ƉŽůŝƚŝƋƵĞƐƋƵŝĂƌƌŝǀĞŶƚĂƉƌğƐƋƵĞů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶƐĞƐŽŝƚĞĨĨŽŶĚƌĠͿ͘ĞƐĚĞƵdžĚƌŽŝƚƐ;ͨ ů͛ƵŶĞƚů͛ĂƵƚƌĞ
droit ») vont créer un système : ů͛utrumque jus.
Cette première partie se divise en 4 sections : ŽŵŵĞŶƚ ŶĂŠƚ ů͛utrumque jus ? Quelles
conséquences ce système a-‐t-‐il sur le droit ? Quelles forces se cachent derrière ce système ?
ŽŵƉĂƌĂŝƐŽŶĂǀĞĐĚ͛ĂƵƚƌĞƐƐLJƐƚğŵĞƐ͕ĞƚĞŶƉĂƌƚŝĐƵlier avec la culture musulmane
A. ŽŵŵĞŶƚŶĂŠƚů͛ƵƚƌƵŵƋƵĞũus
Apparition du christianisme au 1er siècle PCN. Les chrétiens sont au départ considérés
comme une petite secte mais ils sont de plus en plus nombreux et cela inquiète les Romains. Il faut
ƐĂǀŽŝƌƋƵ͛ăZŽŵĞŽŶĂƚŽƵũŽƵƌƐĂĐĐĞƉƚĠůĞƐĐƵůƚĞƐƉĂŢĞŶƐƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚƋƵ͛ŝůƐƌĞƐƉĞĐƚĞŶƚůĞƐĚŝĞƵdžĚĞůĂ
ĐŝƚĠĞƚů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ͘Ŷ27 ACN͕ƵŐƵƐƚĞŝŶƐƚĂƵƌĞůĞĐƵůƚĞĚĞů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ. Celui-‐ci veut le bien-‐être de
la Cité, donc un bien-‐ġƚƌĞ ĐŽůůĞĐƚŝĨ͘ Kƌ ůĂ ƌĞůŝŐŝŽŶ ĐŚƌĠƚŝĞŶŶĞ Ɛ͛ŽƉƉŽƐĞ ă ĐĞ ĐƵůƚĞ ĐĂƌ ĞůůĞ ĞƐƚ
monothéiste et puis elle est conquérante. De plus, le but final du christianisme est le salut de
ů͛ŝŶĚŝǀŝĚƵ͕ƉĂƌŽƉƉŽƐŝƚŝŽŶĂƵƐĂůƵƚĐŽůůĞĐƚŝĨƌĞĐŚĞƌĐŚĠƉĂƌůĞƐRomains. Les hostilités entre chrétiens et
Romains débutent à la fin du 1er siècle PCN. Leurs intensités vont varier dans le temps et dans
ů͛ĞƐƉĂĐĞ͘/ůĞdžŝƐƚĞƌĂĂƵƐƐŝƵŶŵŽƵǀĞŵĞŶƚƉŽƉƵůĂŝƌĞĐŽŶƚƌĞůĞƐĐŚƌĠƚŝĞŶƐ͘
Les choses se corsent quand Dioclétien arrive au pouvoir en 284. On a alors un changement
total de politique. DiocléƚŝĞŶǀĂƉƌĞŶĚƌĞů͛ĞŵƉŝƌĞĚ͛ƵŶĞŵĂŝŶĚĞĨĞƌĞƚŝůǀĂƐĞĐŽŶƐŝĚĠƌĞƌĐŽŵŵĞƵŶ
ĚŝĞƵ͘ŶĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞ͕ůĞĐƵůƚĞĚĞů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌĞƐƚĞŶĐŽƌĞƉůƵƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚ͘Le non-‐respect du culte de
ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌƐĞƌĂĚĠƐŽƌŵĂŝƐƌĠƉƌŝŵĠƉĂƌůĞĐŚĞĨĚ͛ĂĐĐƵƐĂƚŝŽŶĂƉƉĞůĠͨ lèse-‐majesté ». >ŽƌƐƋƵ͛ŽŶĞƐƚ
accusé de lèse-‐majesté, on est accusé de porter atteinte à Rome en ne faisant pas le culte de
ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ͘ĞĐŽŶĐĞƉƚĞƐƚƚƌğƐůĂƌŐĞ͕ŝůƉĞƌŵĞƚĚŽŶĐĚ͛ĂĐĐƵƐĞƌĚĞůğƐĞ-‐majesté beaucoup de gens,
dont les chrétiens. ͛ĞƐƚůĞĐƌŝŵĞůĞƉůƵƐŐƌĂǀĞ ƋƵ͛ƵŶĐŝƚŽLJĞŶƉƵŝƐƐĞĐŽŵŵĞƚƚƌĞ͘ĞĐƌŝŵĞĐŽŶĐĞƌŶĞ
plus le droit public. >ĞũƵŐĞĂĂŝŶƐŝůĞĚƌŽŝƚĚ͛ŽƌĚŽŶŶĞƌƵŶĞĞŶƋƵġƚĞĞƚůĞĐŝƚŽLJĞŶƉĞƵƚġƚƌĞƚŽƌƚƵƌĠĐĂƌ
Đ͛ĞƐƚĐŽŶƐŝĚĠƌĠĐŽŵŵĞĚƵĚƌŽŝƚƉƵďůŝĐĞƚƉĂƐĐŽŵŵĞĚƵĚƌŽŝƚƉƌŝǀĠ͘
Au début du 4ème ƐŝğĐůĞ͕ ůĞƐ ĐŚŽƐĞƐ ĐŚĂŶŐĞŶƚ ĐĂƌ ĂƌƌŝǀĞ ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ ŽŶƐƚĂŶƚŝŶ͘ ĞůƵŝ-‐ci se
convertit au christianisme sous les conseils de sa mère Sainte Hélène. Il comprend que les Chrétiens
sont une force. Son but sera de faire accepter la religion chrétienne. En 313, iůƉƌĞŶĚů͛édit de Milan.
Celui-‐ĐŝĂƉŽƵƌďƵƚĚĞƌĞĐŽŶŶĂŝƚƌĞůĂƚŽůĠƌĂŶĐĞĚƵĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐŵĞ͕ŽŶƉĂƌůĞĂƵƐƐŝĚĞů͛ĠĚŝƚĚĞƚŽůĠƌĂŶĐĞ͘
Il permet la liberté de culte et de croyances pour toutes les religions.
Ensuite, le christianisme devient la religion officielle. On avait donc une liberté de culte et
puis, peu à peu, on va être obligé de devenir chrétien. ͛ĞƐƚ ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ dŚĠŽĚŽƐĞ ƋƵŝ͕ Ğn 380,
ƉƌŽŵƵůŐƵĞ ů͛édit de Thessalonique͘ /ů LJ Ěŝƚ ƋƵĞ ƚŽƵƐůĞƐ ƉĞƵƉůĞƐ ŐŽƵǀĞƌŶĠƐ ƉĂƌ ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ ĚŽŝǀĞŶƚ
être chrétiens. EƚƋƵĞůĂƌĞůŝŐŝŽŶĐŚƌĠƚŝĞŶŶĞĞƐƚŽƌŐĂŶŝƐĠĞƉĂƌůĞƐĠǀġƋƵĞƐĚĞZŽŵĞĞƚĚ͛ůĞdžĂŶĚƌŝĞ͘
WĂƌůĂƐƵŝƚĞ͕ů͛ĠǀġĐŚĠĚ͛ůĞdžĂŶĚƌŝĞĚŝƐƉĂƌĂŝƚĞƚŽŶĂƉƉĞůůĞĚĠƐŽƌŵĂŝƐͨ pape ͩů͛ĠǀġƋƵĞĚĞZŽŵĞ͘
WĂƌĐĞƐĚĞƵdžĠĚŝƚƐ͕ŽŶĂĐĐĞƉƚĞů͛ŝĚĠĞƋƵĞůĂƌĞůŝŐŝŽŶƉƌŽĚƵŝƐĞĚƵĚƌŽŝƚ͘ĞƐĚĞƵdžĠĚŝƚƐƐŽŶƚůĞƐ
conditions sine qua non ĚĞů͛utrumque jus͘ƉĂƌƚŝƌĚĞĐĞƐĚĞƵdžĂĐƚĞƐ͕ů͛ƵƌŽƉĞĚĞǀŝĞŶƚƵŶƐLJƐƚğŵĞă
deux têtes : le pape Ě͛ƵŶĐƀƚĠĞƚů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ ĚĞů͛ĂƵƚƌĞ.
1
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
B. Quelles sont les conséƋƵĞŶĐĞƐĞŶĚƌŽŝƚĚĞů͛ƵƚƌƵŵƋƵĞũus ?
>͛utrumque jus produit une dualité entre les deux droits produits par les deux pouvoirs
politiques distincts.
>ĞĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐŵĞ͕ǀŝĂů͛ŐůŝƐĞ͕ƉƌŽĚƵŝƚůĞĚƌŽŝƚĐĂŶŽŶŝƋƵĞ, jus canonici, applicable en fonction
ĚĞ ů͛ĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶĐĞ Ě͛ƵŶĞ ƉĞƌƐŽŶŶĞ ă ĐĞƚƚĞ ƌĞůŝŐŝŽŶ͘ >͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ ƉƌŽĚƵŝƚ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ƐŽŶ ĚƌŽŝƚ͕
ƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞůĞjus civile͘EŽƚŽŶƐƋƵ͛ĂƵϰème siècle PCN, le jus civile Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐĞŶĐŽƌĞĐŽĚŝĨŝĠ͘
Saint Augustin illustre par ses propos cette dualité du droit. Selon lui, le monde est constitué
de deux cités : la cité céleste ĚĂŶƐůĂƋƵĞůůĞƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞůĞjus canonici et la cité terrestre dans laquelle
Ɛ͛ĂƉƉůŝƋƵĞůĞius civile.
EdžƉƌĞƐƐŝŽŶƐĚ͛ƵŶĞĚƵĂůŝƚĠĚĂŶƐůĞƐĠǀĂŶŐŝůĞƐ͗« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce
qui est à Dieu » ; « Mon royaume n'est pas de ce monde ».
>ĂĚƵĂůŝƚĠĚƵĚƌŽŝƚƐ͛ŽƉğƌĞăƚƌŽŝƐŶŝǀĞĂƵdž :
x Au niveau des sources du droit
x Au niveau du droit public
x Au niveau du droit privé
a. Au niveau des sources du droit
>Ğ ĚƌŽŝƚ ƌŽŵĂŝŶ Ɛ͛ĞƐƚ Ě͛ĂďŽƌĚ ĐŽŵƉŽƐĠ ĚĞ ƉůƵƐŝĞƵƌƐ ͨ couches ». Par la suite, à la fin de
ů͛AŶƚŝƋƵŝƚĠ͕ů͛ŽƵǀƌĂŐĞĚĞƌĠĨĠƌĞŶĐĞsera le Corpus juris civile adopté par Justinien.
Le droit canonique, quant à lui, naît avec la religion chrétienne mais est au début très faible.
Il ne se structurera que vers le 4ème siècle. Le noyau de base de ce droit est la Bible, qui constitue le
ĚƌŽŝƚĚŝǀŝŶ͕ǀĞŶĂŶƚĚĞŝĞƵ͘>ĂŝďůĞĞƐƚů͛ĠƋƵŝǀĂůĞŶƚĚƵcorpus juris civile.
Par la suite, le droit humain va se développer. Dans celui-‐ci, on trouve :
x Les décrétales : ce sont les décisions prises par le pape. Au 4ème siècle, le pape répond en
effet à des questions posées par les évêques, réponses qui serviront à résoudre le problème
ĞŶƋƵĞƐƚŝŽŶ͘EŽƚŽŶƐƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚƵmême système que celui des rescrits en droit romain : un
ƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌ ƉĞƵƚ ƉŽƐĞƌ ƵŶĞ ƋƵĞƐƚŝŽŶ ă ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ͕ Ğƚ ůĂ ƌĠƉŽŶƐĞ ĚĞ ĐĞůƵŝ-‐ci vaudra comme
disposition juridique. Par la suite, le pape prendra des actes qui auront une portée plus
générale.
x Les canons des Conciles ͗ĐĞƐŽŶƚůĞƐƌğŐůĞƐĠĚŝĐƚĠĞƐƉĂƌůĞƐĂƐƐĞŵďůĠĞƐĚ͛ĠǀġƋƵĞƐ͘
x La ĚŽĐƚƌŝŶĞ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ ͗ ĞůůĞ ĞƐƚ ĐŽŵƉŽƐĠĞ Ě͛ƵŶĞ ůŝƚƚĠƌĂƚƵƌĞ ;ũƵƌŝĚŝƋƵĞ entre autresͿ ƋƵ͛ŽŶ
appelle la patristique. La patristique rassemble tous les textes des pères de ů͛ŐůŝƐĞ͕ĐΖĞƐƚ-‐à-‐
ĚŝƌĞ ůĞƐ ĂƵƚĞƵƌƐ ĐŚŽŝƐŝƐ ƉĂƌ ů͛ŐůŝƐĞ ƐĞůŽŶ ĚŝĨĨĠƌĞŶƚƐ ĐƌŝƚğƌĞƐ ;ůĞƵƌ ƐĂŝŶƚĞƚĠ͕ ů͛ŽƌƚŚŽĚŽdžŝĞ ĚĞ
leur pensée, la conformité de leur pensée au dogme) et qui forment donc la « pensée
officielle ͩĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘>ĞƐƉğƌĞƐĚĞů͛ŐůŝƐĞ (par exemple, Saint Augustin) ont vécu entre le 1er
et le 6ème siècle. On trouve souvent des règles juridiques dans leurs écrits, ce qui nous
intéresse ici.
2
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
b. Au niveau du droit public
>͛ŐůŝƐĞ Ğƚ ů͛ƚĂƚ ŽŶƚ ĐŚĂĐƵŶ ďĞƐŽŝŶ ĚĞ ƌğŐůĞƐ ŝŶƚĞƌŶĞƐ ƉŽƵƌ ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞƌ͘ Ğs règles leur
seront spécifiques. On a donc bien deux droits publics différents.
c. Au niveau du droit privé
ƉĂƌƚŝƌ ĚĞ ůĂ ĨŝŶ ĚĞ ů͛ntiquité, on a vu apparaître la distinction entre les matières
spirituelles, dont ů͛ŐůŝƐĞƐ͛ŽĐĐƵƉĞƌĂ͕ĞƚůĞƐŵĂƚŝğƌĞƐƚemporelles, dont ů͛ƚĂƚƐ͛ŽĐĐƵƉĞƌĂ͘
ŶĞĨĨĞƚ͕ůŽƌƐƋƵĞůĞĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐŵĞĂƉƉĂƌĂŠƚ͕ŝůǀĂƌĠŐůĞƌƵŶĞƐĠƌŝĞĚĞŵĂƚŝğƌĞƐƋƵĞů͛ŐůŝƐĞǀĂ
finalement se réserver. Parmi celles-‐ci, deux matières importantes : ce qui touche au mariage et ce
qui touche à la filiation. Ainsi, ů͛ŐůŝƐĞ ǀĂ ƌĠƉŽŶĚƌĞ ĂƵdž ƋƵĞƐƚŝŽŶƐ : Comment former le mariage ?
ŽŵŵĞŶƚů͛ĂŶŶƵůĞƌ ? Elle ne permet pas le divorce, mais bien la séparation des époux. Elle va aussi
répondre à la question : Quand un enfant est-‐il légitime ?
ĞƐŽŶĐƀƚĠ͕ů͛ƚĂƚǀĂƐ͛ŽĐĐƵƉĞƌĚĞƐŵĂƚŝğƌĞƐƚĞŵƉŽƌĞůůĞƐ͘/ůĨĂƵƚƌĞŵĂƌƋƵĞƌƋƵ͛ŝůĞdžŝƐƚĞƵŶĞ
hiérarchie (plus ou moins implicite) entre les matières spirituelles et les matières temporelles, les
ƉƌĞŵŝğƌĞƐ ů͛ĞŵƉŽƌƚĂŶƚ ƐƵƌ ůĞƐ ƐĞĐŽŶĚĞƐ͘ >͛ƚĂƚ Ɛ͛ŽĐĐƵƉĞ ĚŽŶĐ ĞŶ ƋƵĞůƋƵĞ ƐŽƌƚe des compétences
ƌĠƐŝĚƵĂŝƌĞƐ͕ĚĠůĂŝƐƐĠĞƐƉĂƌů͛ŐůŝƐĞ͘WĂƌŵŝĐĞůůĞƐ-‐ci, la question des patrimoines, par exemple. Ainsi,
ů͛ŐůŝƐĞ Ɛ͛ŽĐĐƵƉĞƌĂ ĚƵ ŵĂƌŝĂŐĞ͕ Ğƚ ů͛ƚĂƚ͕ ůƵŝ͕ Ɛ͛ŽĐĐƵƉĞƌĂ ĚĞƐ ĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞƐ patrimoniales de ce
mariage (régimes matrimoniaux).
Nous avons hérité de ce dualisme au niveau du droit privé, que ce soit au niveau de la
structure ou du contenu. Ainsi,
x Au niveau du contenu, on voit que les conditions énoncées par le Code civil pour se marier
sont issues du droit canonique. Précisons ƚŽƵƚĞĨŽŝƐ ƋƵĞ ĐĞƐ ĐŽŶĚŝƚŝŽŶƐ ƐŽŶƚ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ
neutres, dénuées de toutes dispositions religieuses.
x Au niveau de la structure, on voit que les dispositions concernant le mariage se trouvent
dans le premier livre 1er du Code civil, alors que celles concernant les régimes matrimoniaux
se trouvent au troisième livre. Ces deux matières sont pourtant liées, mais on les a séparées
ĐĂƌŽŶĂŐĂƌĚĠů͛ŝĚĠĞƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĞŵĂƚŝğƌĞƐĚĞͨ nature » différente.
3
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
C. Quelles forces ƐĞĐĂĐŚĞŶƚĚĞƌƌŝğƌĞů͛ƵƚƌƵŵƋƵĞũus ?
>͛Ğmpereur et le pape sont en perpétuelle compétition. Il a Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐexisté plusieurs crises,
plusieurs grandes tensions qui témoignent de cette concurrence.
ƉƌĞŵŝğƌĞ ǀƵĞ͕ ŽŶ ƉŽƵƌƌĂŝƚ ĐƌŽŝƌĞ ƋƵĞ Đ͛ĞƐƚ ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ ƋƵŝ Ă ƉĞƌŵŝƐ ĂƵ ĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐŵĞ
Ě͛ĞdžŝƐƚĞƌ͘ DĂŝƐ͕ĞŶƌĠĂůŝƚĠ͕Đ͛ĞƐƚůĞĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐŵĞƋƵŝĂĂĐĐĞƉƚĠƵŶĂƵƚƌĞƉŽƵǀŽŝƌăĐƀƚĠĚĞůƵŝ͘ĞůĂĞƐƚ
ĐƵƌŝĞƵdž͕ĐĂƌŐĠŶĠƌĂůĞŵĞŶƚůĞƐƌĞůŝŐŝŽŶƐǀĞƵůĞŶƚƌĠŐŝƌů͛ĞŶƚŝğƌĞƚĠĚĞƐƌĂƉƉŽƌƚƐŚƵŵĂŝŶƐ͘KŶƉĞƵƚǀŽŝƌ
ƋƵĞĐ͛ĞƐƚůĂƌĞůŝŐŝŽŶƋƵŝĂƚŽůĠƌĠƵŶĂƵƚƌĞƉŽƵǀŽŝƌĚĂŶƐůa Bible :
x Jésus a dit : « MŽŶƌŽLJĂƵŵĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐĚĞĐĞŵŽŶĚĞ ͩ͘/ůĂƉƌŽŶŽŶĐĠĐĞƚƚĞƉŚƌĂƐĞĂůŽƌƐƋƵ͛ŽŶ
ů͛ĂĐĐƵƐĂŝƚĚĞ ǀŽƵůŽŝƌƉƌĞŶĚƌĞ ůĞƉŽƵǀŽŝƌ͘WĂƌĐĞƚƚĞ ƉŚƌĂƐĞ͕ŝůĂĚĠĐůĂƌĠ ƋƵĞ ƐŽŶŵĞƐƐĂŐĞ ƐĞ
trouvait dans une autre sphère que notre monde, et a donc décůĂƌĠů͛ŝŶĚĠƉĞŶĚĂŶĐĞĚĞƐĚĞƵdž
« royaumes », celui de Dieu et celui des hommes.
x Jésus a également dit : « Rendez à César ce qui appartient à César ». Par cette déclaration,
:ĠƐƵƐ Ěŝƚ Ě͛ŽďĠŝƌ ĂƵ ƉŽƵǀŽŝƌ ƚĞŵƉŽƌĞů͕ ĚĞ ƉĂLJĞƌ ůĞƐ ŝŵƉƀƚƐ ĐĂƌ ŝů Ğdžiste deux ordres
ĚŝĨĨĠƌĞŶƚƐ͘ EŽƚŽŶƐ ƋƵ͛en prononçant cette phrase, Jésus prend un denier pour montrer la
ƚġƚĞĚĞĠƐĂƌ͘/ůŶĞĚŝƚƉĂƐƉĂƌůăƋƵ͛ŝůĨĂƵƚƌĞŶĚƌĞăĠƐĂƌĞŶƉĞƌƐŽŶŶĞůĞƐŝŵƉƀƚƐ͕ŵĂŝƐďŝĞŶ
au système politique dans son ensemble. On trouve ici la distinction entre le corps physique
du souverain et son corps politique.
La Bible (en tout cas les évangiles) a été écrite plusieurs siècles avant les deux édits. Elle
anticipe donc ces édits, elle tolère avant eux la dualité. Dès lors, Đ͛ĞƐƚl͛ŐůŝƐĞƋƵŝƚŽůğƌĞů͛ƚat, et pas
ů͛ŝŶǀĞƌƐĞ͘Précisons cependant que ů͛ŐůŝƐĞƚŽůğƌĞƵŶƉŽƵǀŽŝƌƉŽůŝƚŝƋƵĞĞƚĚŽŶĐƵŶĚƌŽŝƚăĐƀƚĠĚ͛ĞůůĞ͕
ŵĂŝƐƉĂƐŶ͛ŝŵƉŽƌƚĞůĞquel : elle tolère le pouvoir romain et partant, le droit romain.
Ce droit romaiŶĂƚŽƵũŽƵƌƐƐƵƌǀĠĐƵ͕ĚĞƉƵŝƐů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠũƵƐƋƵ͛ăĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘ƚĐĞůĂĂůŽƌƐƋƵ͛ŝů
a été édicté par un pouvoir politique qui, lui, a disparu. Comment cela se fait-‐il ? On a donné
plusieurs explications à cela :
x >͛ĞdžƉůŝĐĂƚŝŽŶĐůĂƐƐŝƋƵĞĂĠƚĠĂǀĂŶĐĠĞƉĂƌůĞƐƌŽŵĂŶŝƐƚĞƐĨƌĂŶĕĂŝƐĂƵϭϳème siècle, et ce suite à
ƵŶ ĚĠďĂƚ ĂǀĞĐ ůĞƐ ƌŽŵĂŶŝƐƚĞƐ ĂůůĞŵĂŶĚƐ͘ ů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ ĐĞƵdž-‐Đŝ ƉƌĠƚĞŶĚĂŝĞŶƚ ƋƵĞ ů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ
allemand était le continuateur des empereurs romains, et que donc tous les pays qui
utilisaient le droit romain à cette époque étaient sous son pŽƵǀŽŝƌ͕ƉƵŝƐƋƵ͛ŝůĠƚĂŝƚůƵŝ-‐même
le continuateur du pouvoir politique qui avait édicté ce droit. Les romanistes français
refusaient évidemment cette théorie. Les allemands disaient « Ratione imperii » (en raison
ĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞ), donc que le droit romain était ĞŶǀŝŐƵĞƵƌĞŶǀĞƌƚƵĚĞů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌ͘>ĞƐĨƌĂŶĕĂŝƐ
vont alors répondre « Non ratione imperii sed imperio rationis (ŶŽŶ ĞŶ ƌĂŝƐŽŶ ĚĞ ů͛ĞŵƉŝƌĞ͕
ŵĂŝƐƉĂƌů͛ĞŵƉŝƌĞĚĞ ůĂƌĂŝƐŽŶ). Ceci veut dire que, selon les français, le droit romain était
toujours en vigueur nŽŶƉĂƐƉĂƌĐĞƋƵĞů͛ĞŵƉĞƌĞƵƌĂůůĞŵĂŶĚůĞǀŽƵůĂŝƚ͕ŵĂŝƐďŝĞŶƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝů
est tout à fait rationnel, et donc universel. Par sa rationalité, le droit romain est applicable à
tous, indépendamment du pouvoir en place, ce qui explique sa permanence dans le temps.
DĂŝƐŽŶƐĂŝƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝƋƵĞ ůĞĚƌŽŝƚ͕ƋƵĞůƋƵ͛ŝůƐŽŝƚ͕ŶĞǀĂƵƚũĂŵĂŝƐƉŽƵƌƚŽƵƐ͕ƋƵ͛ƵŶĚƌŽŝƚ
universel est impossible.
x Une autre explication, antérieure au 17 ème siècle, au pourquoi le droit romain a-‐t-‐il subsisté
est donnée par les glossateurs. Ils vont poser une question philosophique et vont trouver un
fondement théologique pour justifier la redécouverte du droit. Les glossateurs ont
redécouvert le digeste de Justinien et ils le travaillent. Mais ils doivent répondre à la
question du pourquoi ils le travaillent, sur quelle légitimité fondent-‐ils leur travail ? Ils vont
4
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
trouver une réponse théologique à cette question : par ĐĞƋƵ͛ŝůĂĚŝƚ;ǀŽŝƌci-‐dessus), Jésus a
accepté, a validé le droit romain, et pas un autre droit. Un autre argument est que Jésus est
ŶĠăĞƚŚůĠĞŵƉĂƌĐĞƋƵĞƐŽŶƉğƌĞ:ŽƐĞƉŚĚĞǀĂŝƚƐĞƌĞŶĚƌĞăů͛ĞŶĚƌŽŝƚĚĞƐĂŶĂŝƐƐĂŶĐĞƉŽƵƌ
participer au recensement organisé par les Romains. Ainsi, le lieu de naissance de Jésus est
du au droit romain : par là, selon les glossateurs, Dieu a montré qƵ͛ŝů ĂĐĐĞƉƚĂŝƚ ůĞ ĚƌŽŝƚ
romain.
5
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
D. ComƉĂƌĂŝƐŽŶĂǀĞĐĚ͛ĂƵƚƌĞƐƐLJƐƚğŵĞƐ et en particulier avec la culture musulmane
>͛utrumque jus est unique͘ ͛ĞƐƚ ĐĞ ƋƵŝ ĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐĞ ŶŽƚƌĞ ŵŽĚĞ ĚĞ ƉĞŶƐĠĞ ũƵƌŝĚŝƋƵĞ
ĞƵƌŽƉĠĞŶ͘ŽŵŵĞŽŶů͛ĂĚŝƚ͕ůŽƌƐƋƵ͛ƵŶĞƌĞůŝŐŝŽŶŶĂŠƚ, elle a en général vocation à produire du droit
ƋƵŝƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞăƚŽƵƚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ, ce qui est le cas de l͛ŚŝŶĚŽƵŝƐŵĞ ou encore, le confucianisme.
Ce dernier à proprement parler Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ƵŶĞ ƌĞůŝŐŝŽŶ ŵĂŝƐ ŝů ĐŽŶƐƚŝƚƵĞ ŶĠĂŶŵŽŝŶƐ ƵŶ
ensemble de règles apƉůŝĐĂďůĞ ă ƚŽƵƐ ůĞƐ ƌĂƉƉŽƌƚƐ ŚƵŵĂŝŶƐ͘ >Ğ ĐŽŶĨƵĐŝĂŶŝƐŵĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ĚĂŶƐ ƵŶĞ
ŽƉƚŝƋƵĞĚĞũƵƐƚŝĐĞ͕ŵĂŝƐƉůƵƚƀƚĚ͛ŚĂƌŵŽŶŝĞ͕Ě͛ĠƋƵŝůŝďƌĞ͛͘ĞƐƚƉŽƵƌƋƵŽŝůĞƐũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶƐĐŚŝŶŽŝƐĞƐŶĞ
Ɛ͛ŽĐĐƵƉĞnt quasiment que du pénal, et pas du civil. Dans ces deux sociétés, on n͛ĂƉĂƐƵŶƚĞƌŵĞƋƵŝ
signifie « droit », mais un terme qui recouvre à la fois le droit et la morale, les croyances. Les
religieux y sont aussi juristes͘/ůŶ͛ĞdžŝƐƚĞĚŽŶĐƉĂƐĚĞƵdžĐŽƌƉƐĚĞƌğŐůĞƐ͕ŵĂŝƐƵŶƐĞƵů͘
Enfin, il y a l͛/ƐůĂŵ qui est né au début du 7ème siècle, par un message fondateur reçu par
Mahomet de Dieu. Il écrit ce message dans les sourates, qui forment le Coran. A cette époque, la
région est éclatée en de nombreuses petites tribus guerrières qui veulent conquérir les autres.
Mahomet va prenĚƌĞůĂƚġƚĞĚĞů͛ƵŶĞĚ͛ĞůůĞƐ͕ĚĞǀĞŶĂŶƚĂŝŶƐŝƵŶĐŚĞĨăůĂĨŽŝƐƉŽůŝƚŝƋƵĞĞƚƌĞůŝŐŝĞƵdž͘
ŝŶƐŝ͕ĚğƐƐĂŶĂŝƐƐĂŶĐĞ͕ů͛/ƐůĂŵŶĞĚŝƐƚŝŶŐƵĞƉĂƐůĞ politique du religieux.
/ůŶ͛ĞdžŝƐƚĞĚŽŶĐƉĂƐĚĞĚƵĂůŝƚĠ͘ZĞƉƌĞŶŽŶƐůĞƐƚƌŽŝƐŶŝǀĞĂƵdžǀƵƐƉůƵƐŚĂƵƚ :
x Au niveau du droit public : quand Mahomet meurt, on se demande qui va lui succéder, qui
va gouverner et interpréter le Coran. Son successeur sera donc bien un chef politique et
religieux. Les luttes pour sa succession vont créer deux grands courants : les sunnites (90%)
et les chiites (10%). Les successeurs de Mahomet sont appelés les califes.
x Au niveau du droit privé : le droit de la famille, par exemple, est réglé par le Coran et son
interprétation. On y retrouve les mêmes subdivisions que chez nous (bien, personne, etc.)
mais, en plus de ces matières, on retrouve des règles concernant les prières, ou encore le
pèlerinage. Ceci est normal pour les musulmans : toutes les règles énoncées sont issues de
Dieu, alors pourquoi les distinguer ?
x Au niveau des sources du droit : le calife légifère très peu. Le droit musulman est contenu
ĚĂŶƐůĞŽƌĂŶĞƚƐĞƐŝŶƚĞƌƉƌĠƚĂƚŝŽŶƐ͕ĐĞƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞůĞfiqh. On ne peut pas traduire ce mot
par « droit », cela ne serait pas juste car le fiqh contient des dispositions religieuses. On peut
donc plutôt le définir comme un savoir doctrinal, élaboré par les écoles. Puisque le Coran est
ůĞŵĞƐƐĂŐĞĚĞŝĞƵ͕ůĞĚƌŽŝƚŵƵƐƵůŵĂŶŶ͛ĂĐĐĞƉƚĞƉĂƐů͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞĞdžƚĠƌŝĞƵƌĞĚ͛un autre droit.
Mais, curieusement, les musulmans trouvent plus ou moins les mêmes réponses que nous
aux problèmes de droit.
6
HDP ʹ &ŝŶĚĞů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ
II.
Tableau des sources du droit à la fin de l'Antiquité et à l'aube
du Moyen Âge
EŽƵƐĂůůŽŶƐŵĂŝŶƚĞŶĂŶƚǀŽŝƌƵŶĞĐůĂƐƐŝĨŝĐĂƚŝŽŶĚĞƐƚƌŽŝƐƚLJƉĞƐĚĞĚƌŽŝƚƋƵŝƐ͛ĂƌƚŝĐƵůĞŶƚĐŚĞnj
ŶŽƵƐĚĞƉƵŝƐů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠũƵƐƋƵ͛ĞŶϭϴϬϰ͘ĞƐƚƌŽŝƐƐŽƌƚĞƐĚĞĚƌŽŝƚƐŽŶƚĚŽŶĐůĞƐƐƵŝǀĂŶƚĞƐ :
1) Le droit canonique ͗ ŝů ĞƐƚƉĞƵ ĚĠǀĞůŽƉƉĠ ĚƵƌĂŶƚ ů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠ͕ ƉƵŝƐ ƐĞ développe de plus en
plus. Les trois sources du droit humain (voir plus haut) vont se développer et prendre
ĐŚĂĐƵŶĞ ĚĞ ů͛ĂŵƉůĞƵƌ͘ >ĞƐ ϭϮème et 13ème sŝğĐůĞƐ ĐŽƌƌĞƐƉŽŶĚĞŶƚ ă ů͛ąŐĞ Ě͛Žr du droit
canonique. En 1804, nous allons laïciser notre droit (cette laïcisation commence en réalité
en 1789, mais la période de 1789 à 1804 est une période floue) et rappelons que le droit
ĐĂŶŽŶŝƋƵĞŶĞƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞĚŽŶĐƋƵ͛ĂƵdžƉĞƌƐŽŶŶĞƐƋƵŝůĞĚĠĐŝĚĞŶƚ͘
2) Le droit romain : iůĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞďŝĞŶăůĂĨŝŶĚĞů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠ͘/ůĚŝƐƉĂƌaît quasiment vers les 5ème
et 6ème siècles, pour ne revenir que vers le 11ème, 12ème siècle.
3) La coutume : elle apparaît aux 12ème et 13ème siècles, avant on en parle peu.
Comment classer ces trois composantes de notre culture juridique ?
a) Distinction entre droit savant et droit populaire :
LĞ ĚƌŽŝƚ ƐĂǀĂŶƚ ƌĞƉŽƐĞ ƐƵƌ ƵŶ ĐŽƌƉƵƐ ĠĐƌŝƚ͘ /ů ƉĞƵƚ ġƚƌĞ ĠƚƵĚŝĠ ă ů͛ƵŶŝǀĞƌƐŝƚĠ Ğƚ ĞƐƚ ĠĐƌŝƚ ĞŶ
ůĂƚŝŶ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚĚƵĚƌŽŝƚĐĂŶŽŶŝƋƵĞĞƚĚƵĚƌŽŝƚƌŽŵĂŝŶ͘ů͛ŝŶǀĞƌƐĞ͕ůe droit populaire vient « du peuple »
(voir plus haut), il se forme petit à ƉĞƚŝƚ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚĚĞůĂĐŽƵƚƵŵĞ͘
b) Distinction entre les matières spirituelles (le droit canonique) et les matières
temporelles (le droit romain et la coutume)
Cette configuration apparait au 13ème siècle, mais ce scénario est déjà écrit avant cela.
Pourquoi apparait-‐elle si tard ? Pourquoi y a-‐t-‐il une coupure entre le moment où le droit romain est
le plus fort et le moment où les trois composantes apparaissent ? Deux facteurs expliquent cela : un
ĨĂĐƚĞƵƌĚ͛ŽƌĚƌĞŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůĞƚƵŶĨĂĐƚĞƵƌĚ͛ŽƌĚƌĞƉƌŽĐĞƐƐƵĞů͘
>Ğ ĨĂĐƚĞƵƌ Ě͛ŽƌĚƌĞ ŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞů : il y a eu une régression du droit romain car il existait
ďĞĂƵĐŽƵƉ Ě͛ŝůůĞƚƚƌĠƐ ĐŚĞnj ůĞƐ ĨƌĂŶĐƐ͕ ƋƵŝ ŽŶƚ ƐƵĐĐĠĚĠ ĂƵdž ƌŽŵĂŝŶƐ͘ >ĞƐ ĐŚĞĨƐ ĨƌĂŶĐƐ ĠƚĂŝĞŶƚ ĚĞƐ
guerriers, pas des savants. Seuls ůĞƐŵĞŵďƌĞƐĚĞů͛ŐůŝƐĞƐĂǀĞŶƚůŝƌĞ͕ĞƚůĞƌĞƐƚĞĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĞƐƚĞŶ
recul. A cette époque, le centre culturel se déplace en Orient, où les Byzantins se développent. Le
droit souffrira de cette situation.
>ĞĨĂĐƚĞƵƌĚ͛ŽƌĚƌĞƉƌŽĐĞƐƐƵĞů : la régression du droit est aussi due à la procédure judiciaire
utilisée par les francs, qu͛ils appellent « procédure archaïque » (à ne pas confondre avec la
ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ ĂƌĐŚĂŢƋƵĞ ĚĞƐ ZŽŵĂŝŶƐͿ͘ ĞƚƚĞ ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ͕ ĂƵ ĐŽŶƚƌĂŝƌĞ ĚĞ ĐĞůůĞ
utilisée par les Romains. Le droit en souffrira également.
Cette coupure dont a parlé correspond donc à une période de régression du droit.
7
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Le haut Moyen Age
/ů Ɛ͛ĂŐŝƚ Ě͛ƵŶĞ ĠƉŽƋƵĞ ĐŚĂƌŶŝğƌĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ĨŝŶ ĚĞ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ Ğƚ ůĞ ĚĠďƵƚ ĚĞƐ ƚĞŵƉƐ
ďĂƌďĂƌĞƐ;ƉĠƌŝŽĚĞĨƌĂŶƋƵĞͿ͘ĞƚƚĞĞƚŚŶŝĞǀĂƐ͛ĂĨĨŝƌŵĞƌĞƚĚĞǀŝĞŶƚƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚĚŽŵŝŶĂŶƚĞ͘
Il y a trois périodes qui constituent le Moyen Age :
ͻ Le haut Moyen Age : CĞƐŽŶƚůĞƐƚĞŵƉƐƋƵŝƐƵĐĐğĚĞŶƚŝŵŵĠĚŝĂƚĞŵĞŶƚăůĂĨŝŶĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞ
ƌŽŵĂŝŶĞƚƐ͛ĂĐŚğǀĞăů͛ĂŶϭϬϬϬ
ͻ Le moyen Age central : 11 et 12ème siècles
ͻ Le bas Moyen Age : C͛ĞƐƚĐĞůƵŝƋƵŝĞƐƚůĞƉůƵƐƉƌğƐĚĞŶŽƵƐ͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire du 13ème siècle au
15ème siècle
I.
Les structures économiques, sociales et politiques
1. Installation des peuples germaniques en Europe, un système de production
agricole sur les bases de la villa romaine
La société germanique est une société qui repose sur des structures économiques et sociales
et qui se caractérisent (au départ) par une régression du phénomène urbain (Rome ou Grèce). A
ƉĂƌƚŝƌ ĚĞƐ ƚĞŵƉƐ ďĂƌďĂƌĞƐ͕ ůĂ ǀŝůůĞ ĐŽŶƚŝŶƵĞ Ě͛ĞdžŝƐƚĞƌ ŵĂŝƐ ƵŶ ƉĞƵ ĚĞ ŵĂŶŝğƌĞ ĨĂŶƚŽŵĂƚŝƋƵĞ͘ ůůĞ
Ŷ͛ĞdžŝƐƚĞƉůƵƐƋƵĞĐŽŵŵĞƵŶůŝĞu de pouvoir plus ou moins fortifié. La vie sociale se passe désormais
ă ůĂ ĐĂŵƉĂŐŶĞ Ğƚ Ɛ͛LJ ŵĞƚ ĞŶ ƉůĂĐĞ ƵŶ ƐLJƐƚğŵĞ ƋƵŝ ǀĂ ĚƵƌĞƌ ũƵƐƋƵ͛ă ůĂ ƌĠǀŽůƵƚŝŽŶ ĨƌĂŶĕĂŝƐĞ : la
ƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞ͛͘ĞƐƚƵŶĞĐŚŽƐĞƋƵĞů͛ŽŶƉĞƵƚƐĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƌĐŽŵŵĞƵŶĞĚĠĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶĚĞĐĞƚƚĞunité
Ě͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶƋƵĞůĞƐƌŽŵĂŝŶƐĂǀĂŝĞŶƚĐƌĠĠ͘ĞƚƚĞƵŶŝƚĠĚ͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞůĂǀŝůůĂ͘
Une villa romaine était, selon certains historiens, une espèce de camp de concentration,
Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire que dans la villa romaine il y a une seule personne qui est citoyen romain, on parle de
dominus. Il est le seul homme libre avec sa femme et ses enfants et sous ses ordres travaillent une
ĂƌŵĠĞĚ͛ĞƐĐůĂǀĞƐĚŽŶƚĐĞƌƚĂŝŶƐƐƵƌǀĞŝůůĞŶƚůĞƐĂƵƚƌĞƐ͘ĞƚƚĞĂƌŵĠĞĚ͛ĞƐĐůĂǀĞƐĐƵůƚŝǀĞůĂƚĞƌƌĞĂƵƉƌŽĨŝƚ
du dominus lequel est lui-‐même en général un ancien soldat romain. Il verse un impôt à ce qui reste
ĚĞ ů͛ƚĂƚ ƌŽŵĂŝŶ͘ ĞƚƚĞ ǀŝůůĂ ƌŽŵĂŝŶĞ ƐĞ ĚĠĐŽŵƉŽƐĞ ĚğƐ ůĂ ĨŝŶ ĚĞ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ͘ >͛ĞƐĐůĂǀĂŐĞ
(servuus) tend à changer de statut. Notons que servuus va donner serf en français. Le serf est
ƋƵĞůƋƵ͛ƵŶ ƋƵŝ ĞƐƚ ƵŶĞ ĞƐƉğĐĞ Ě͛ĞƐĐůĂǀĞ ŵĂŝƐ ŝů Ŷ͛ĞƐƚ ƉůƵƐ ůŝĠ ϮϰŚͬϮϰ ĂǀĞĐ ƐŽŶ ŵĂŠƚƌĞ ;ƚŽƵũŽƵƌƐ
servile). Il commence à avoir une vie privée. Les mots servuus et dominus changent de sens. On parle
maintenant de seigneur et non plus de propriétaire.
͛ĂŝůůĞƵƌƐůĞƐƐĞƌĨƐŶĞĐŽŶƐƚŝƚƵĞŶƚƉůƵƐĚğƐĐĞƚƚĞĠƉŽƋƵĞůăůĂƚŽƚĂůŝƚĠĚĞůĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶĐĂƌăůĂ
ĨŝŶĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶƐŽŶƚĂƉƉĂƌƵƐĚĞƐĐŽůŽŵďƐ. Notons que « serf » ne veut pas dire « paysan ».
:ƵƐƋƵ͛ĞŶϭϳϴϵ͕ůĞƐĞƌĨĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐůĞƉĂLJƐĂŶĚƵMoyen AŐĞ͕Đ͛ĞƐƚůĂĐŽŶĚŝƚŝŽŶĚĞƉĂLJƐĂŶŶĞůĂƉůƵƐ
ĚĠĨĂǀŽƌĂďůĞƋƵŝĞdžŝƐƚĞĚĂŶƐĐĞƚƚĞƐŽĐŝĠƚĠŵĂŝƐĚ͛ƵŶĞƉĂƌƚĐĂƐŝŐŶŝĨŝĞƋƵ͛ŝůLJĞŶĂĚ͛ĂƵƚƌĞƐƋƵŝŶĞƐŽŶƚ
pas sous la condition servile. Le serf lui-‐ŵġŵĞŶ͛ĞƐƚƉůƵƐƵŶĞƐĐůĂǀĞ͘
2. Le village : la réserve et le manse; le seigneur (dominus), les paysans dépendants et
les serfs (servi)
En réalité, cette seigneurie est une organisation où la condition des personnes importe
moins que la condition des terres (réserve seigneuriale)͛͘ĞƐƚ-‐à-‐dire que le seigneur, dominus, a en
ƉƌŽƉƌĞ ůĂƉůƵƐŐƌĂŶĚĞ ƉĂƌƚŝĞĚĞƐ ƚĞƌƌĞƐĚĞ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶĐŽŵŵĞŶĐĞ ăĂƉƉĞůĞƌ ůĞǀŝůůĂŐĞ ;ǀŝĞŶƚ ĚĞ ǀŝůůĂ :
1
HDP ʹ Le haut Moyen Age
mots changent de sens).
Les paysans qui ĚĠƉĞŶĚĂŶƚĚĞůĂƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞǀŽŶƚŽĐĐƵƉĞƌĐĞƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞĚĞƐŵĂŶƐĞƐ (unité
ĚĞ ƐƵƉĞƌĨŝĐŝĞ ĂŐƌĂŝƌĞ ĐĂůĐƵůĠĞ ĚĞ ŵĂŶŝğƌĞ ƚĞůůĞ ƋƵ͛ĞůůĞ ĐŽƌƌĞƐƉŽŶĚĞ ă ůĂ ĐĂƉĂĐŝƚĠ ĚĞ ƚƌĂǀĂŝů Ě͛ƵŶĞ
famille et de ses besoins de consommation). Par famille, il faut comprendre ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ entend
ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ;ĐŽƵƉůĞĞƚĞŶĨĂŶƚƐͿ͘
Le système fonctionne ƐƵƌů͛ĞƐƐĞŶƚŝĞůƐƵƌů͛ĂƵƚŽĐŽŶƐŽŵŵĂƚŝŽŶ͘Cependant, on produit quand
ŵġŵĞ ƵŶ ƉĞƵ ƉůƵƐ ƋƵĞ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ consomme. Chaque tenure est liée à la seigneurie par une
obligation réelle (assise sur la terre), qui peut être une obligation de service (corvée) et/ou de verser
des denrées au seigneur, donc la seigneurie se nourrit de cette obligation de service. La seigneurie
ƌƵƌĂůĞĞƐƚůĞƐLJƐƚğŵĞƐƵƌůĞƋƵĞůǀĂĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞƌů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞĚĞƐĐĂŵƉĂŐŶĞƐƉĞŶĚĂŶƚĚĞƐƐŝğĐůĞƐ͘
3. Le régime domanial classique et formes non classiques du régime domanial
Il y à côté du régime classique, des régimes non-‐classiques mais ils sont très difficiles à
ĐĞƌŶĞƌĐĂƌŶŽƵƐŶ͛ĂǀŽŶƐƉƌĞƐƋƵĞƉĂƐĚĞĚŽĐƵŵĞŶƚĂƚŝŽŶĠĐƌŝƚĞ͘>ĞƐseigneuries que nous connaissons
le mieux sont les seigneuries ecclésiastiques͘ ů͛ĞdžƚĠƌŝĞƵƌ͕ ŝů ĞdžŝƐƚĂŝƚ ƐƸƌĞŵĞŶƚ ĚĞƐ ƌĂƉƉŽƌƚƐ ĚĞ
dépendance qui étaient plus larges. Il y a même eu cĞ ƋƵ͛ŽŶ ĂƉƉĞůůĞ ĚĞƐ ĂůůĞƵdž ;ƚĞƌŵĞ Ě͛ŽƌŝŐŝŶĞ
ŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞͿ͕ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞ ĚĞƐ ƚĞƌƌĞƐ ĐŽŵƉůğƚĞŵĞŶƚ ůŝďƌĞƐ ĚŽŶĐ ƋƵŝ Ŷ͛ŽŶt pas de seigneurs. Il est
ŚĂƵƚĞŵĞŶƚ ǀƌĂŝƐĞŵďůĂďůĞ ƋƵ͛ŝů Ăŝƚ ƐƵďƐŝƐƚĠ ƵŶĞ ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ ƉĂLJƐĂŶŶĞ ĚŽŶƚ ůĞ ƐƚĂƚƵƚ ĠǀŽƋƵĞ ůĂ
propriété romaine ou actuelle (544 Code civil). Cette propriété libre a existé pour sûr au Moyen Age
mais on ne sait pas dans quelle proportion. >͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ ƉƌŝŶĐŝƉĂůĞ ƌĞƐƚĞ ĠǀŝĚĞŵŵĞŶƚ
ů͛organisation en seigneuries.
Incontestablement il y a des échanges mais ceux-‐ci sont dans une faible proportion, le
ƉƌŝŶĐŝƉĞ Đ͛ĞƐƚ ů͛ĂƵƚŽĐŽŶƐŽŵŵĂƚŝŽŶ Ğƚ ůĞ ƉƌĠůğǀĞŵĞŶƚ ƐĞŝŐŶĞƵƌŝĂůĞ͘ Une grande différence entre le
haut Moyen AŐĞ Ğƚ ůĞ ĐĞŶƚƌĂů ĞƐƚ ƋƵ͛ŝů Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĚĞ ĐŽŵƉůĠŵĞŶƚĂƌŝƚĠ ĚƵ ƚƌĂǀĂŝů ĞŶƚƌĞ ǀŝůůĞƐ Ğƚ
campagne ou entre telles régions et telles autres.
4. L'organisation politique : le populus francus (extensions successives du monde
franc, Clovis soumet les royaumes barbares concurrents; l'adjectif "franc" passe de
la désignation d'une ethnie à celle de la liberté)
^ƵƌĐĞƚƚĞƐƚƌƵĐƚƵƌĞĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƋƵŝƐĞĨŽƌŵĞƐƵƌůĂĚĠĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞƌŽŵĂŝŶĞ se
met en place un système politique ƋƵŝĞƐƚĐŽŵƉůğƚĞŵĞŶƚĚŝĨĨĠƌĞŶƚĚƵƐLJƐƚğŵĞƌŽŵĂŝŶƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝůĞƐƚ
ĨŽŶĚĠƐƵƌƵŶĞŝĚĠĞƋƵŝƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞĂǀĞĐƵŶƚĞƌŵĞůĂƚŝŶ;ŽŶĠĐƌŝƚƚŽƵũŽƵƌƐƋƵĞůĞůĂƚŝŶ͕ŽŶŶ͛ĠĐƌŝƚƉĂƐůĞƐ
langues du peuple). Le populus change de sens parĐĞ ƋƵ͛ŝů ƌĞŶǀŽŝĞ ă ů͛ĞƚŚŶŝĞ͘ >Ğ populus francus
(peuple franc) va être une grande unité politique qui renvoie ăƵŶĞĞƚŚŶŝĞƋƵŝŶ͛ĞƐƚƉĂƐŶ͛ŝŵƉŽƌƚĞ
laquelle. Chez nous, extrême nord dĞů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶ͕ƐƵƌůĞƐďŽƌĚƐĚƵZŚŝŶĞƚĚĞůĂDĞƵƐĞĞƚƉƵŝƐ
progressivĞŵĞŶƚƐ͛ĠƚĞŶĚǀĞƌƐů͛ŽƵĞƐƚ͘
Le mot franc au départ est un mot germanique et son sens semble avoir été « sauvage »,
ĚŽŶĐƵŶƌĞĚŽƵďůĞŵĞŶƚĚĞů͛ĂƉƉĞůůĂƚŝŽŶďĂƌďĂƌĞ͘&ƌĂŶĐƵƐĂĨŝŶŝƉĂƌĚĠƐŝŐŶĞƌƵŶŐƌŽƵƉĞ͕ůĞƐŐĞƌŵĂŝŶƐ
du Nord par opposition ăĚ͛ĂƵƚƌĞƐƉĞƵƉůes barbares (comme les visigots qui avaient créé un royaume
ĞŶ&ƌĂŶĐĞĚƵ^ƵĚĞƚƉƵŝƐĞŶƐƉĂŐŶĞͿ͘ůůĞĂƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚĂďƐŽƌďĠůĞƐĂƵƚƌĞƐĞƚĚĞǀŝĞŶƚů͛ĞƚŚŶŝĞ
dominante. Francus change encore de sens et veut dorénavant dire libre. Sont assimilés aux francs,
tous les homes libres dans cet espace. Les francs sont des libres mais la notion de liberté associée à
ůĂŶŽƚŝŽŶĚ͛ĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶĐĞĂƵƉĞƵƉůĞĨƌĂŶĐ͕ĐĞƚƚĞŶŽƚŝŽŶǀĂĠǀŽůƵĞƌ͘
2
HDP ʹ Le haut Moyen Age
ĞŶŽƵǀĞĂƵ͕Đ͛ĞƐƚƵŶƉŚĠŶŽŵğŶĞƋƵ͛ŽŶĚĞǀŝŶĞăƚƌĂǀĞƌƐƵŶĞĚŽĐƵŵĞŶƚĂƚŝŽŶƋƵŝŶ͛ĞƐt pas
très abondante. Baptême de Clovis en 496. Au début, le peuple franc ressemble à ce que devait être
ůĞƉĞƵƉůĞŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞ͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞƵŶƚƌğƐŐƌĂŶĚŶŽŵďƌĞĚ͛ŚŽŵŵĞs libres qui combattent à pied. Au
fur et à mesure que le haut Moyen Age se développe (dĞ ů͛époque mérovingŝĞŶŶĞ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ
carolingienne), pĞƵ ă ƉĞƵ͕ ů͛ŝŶĨĂŶƚĞƌŝĞ ĐĞƐƐĞ Ě͛ġƚƌĞ ůĂ ƌĞŝŶĞ ĚĞƐ ďĂƚĂŝůůĞƐ͘ ůůĞ ůĞ ĐğĚĞ ĚĞǀĂŶƚ ůĂ
ĐĂǀĂůĞƌŝĞ ƋƵŝ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ĞŶĐŽƌĞ ůĂ ĐŚĞǀĂůĞƌŝĞ͘ DĂŝƐ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ĚĞ ŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ͕ ů͛ĂƌŵĠĞ ĞƐƚ ƚƌğƐ
largement composée de cavaliers͕ ů͛ŝŶĨĂŶƚĞƌŝĞ Ŷ͛ĠƚĂŶƚ ƉůƵƐ ƋƵ͛ƵŶĞ ƚƌŽƵƉĞ ĂĐĐĞƐƐŽŝƌĞ͘ >Ă ŶŽƚŝŽŶ ĚĞ
ůŝďĞƌƚĠ ƚĞŶĚ ă ƐĞ ƌĠĚƵŝƌĞ͘ KŶ ƉĂƐƐĞ Ě͛ƵŶ ƉĞƵƉůĞ ĨƌĂŶĐ ă ƵŶĞ ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞ ŵŝůŝƚĂŝƌĞ͕ ƵŶ ŶŽŵďƌĞ ĚĞ
personnes qui se réduit, ceux qui constituent la pièce maîtresse que constitue désormais la
cavalerie, ceux-‐là forme aussi une aristocratie et essaye de se réserver le statut de libre, ce qui tend
ăƐĞƌĂƉƉƌŽĐŚĞĚĞů͛ŝĚĠĞĚĞŶŽďůĞƐƐĞ͘>Ğpopulus est un cercle de personnes (nombre réduit des gens
libres) et Ɛ͛ŝĚĞŶƚŝĨŝĞăĐĞƵdžƋƵŝŽŶƚĚĞƐƐĞŝgneuries.
5. >ĂƌŽLJĂƵƚĠ͗ůĞƌŽŝĐŽŵŵĞĐŚĞĨŵŝůŝƚĂŝƌĞ;ƌĠƵŶŝŽŶƐĚĞƐĂƌŵĠĞƐ͕ŶŽƚŝŽŶĚ͛ĂůůĠŐĞĂŶĐĞͿ
et charismatique
Il y a donc une convergence entre le statut de libre, de combattants à cheval, et cette
aristocratie influente. Ce peuple franc a une structure politique, il a des institutions. Il y a bien
ĠǀŝĚĞŵŵĞŶƚůĞƌŽŝ͘ƵƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞŐĞƌŵĂŝŶ͕ƵŶƌŽŝĞƐƚĚ͛ĂďŽƌĚƵŶĐŚĞĨĚĞŐƵĞƌƌĞ͕Đ͛ĞƐƚƉƌĠĐŝƐĠŵĞŶƚ
ĚĞŵĞŶĞƌĂƵĐŽŵďĂƚůĞƐŚŽŵŵĞƐůŝďƌĞƐ͛͘ĞƐƚaussi en même temps un maître de la paix, et de la
ƉƌŽƐƉĠƌŝƚĠăů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ͘
͛ĞƐƚ ĚŽŶĐ ƵŶ ĐŚĞĨ ŝŶǀĞƐƚŝ ĚĞ ĐĞƌƚĂŝŶƐ ĂƚƚƌŝďƵƚƐ ƋƵŝ ƐĞ ƐŝƚƵĞŶƚ ĚĂŶƐ ů͛ŽƌĚƌĞ ĚƵ ƌĞůŝŐŝĞƵdž͘ /ů
ŐĂƌĂŶƚŝƚ ů͛équilibre des forces naturelles. Les relations entre les dieux et les hommes. Il est
ƌĞƐƉŽŶƐĂďůĞ ĚĞ ůĂ ƉƌŽƐƉĠƌŝƚĠ ĚĂŶƐ ƚŽƵƚĞƐ ůĞƐ ĚŝƌĞĐƚŝŽŶƐ Žƶ ŽŶ ƉĞƵƚ ů͛ĂƉĞƌĐĞǀŽŝƌ͘ ĞƐ ĨŽŶĐƚŝŽŶƐ
religieuses ont été bien observées dans les monarchies germaniques. Au 10ème siècle, il y a des rois
de Suède qui ont été tué par leurs sujets les années de mauvaise récolte. Il est considéré comme
ƌĞƐƉŽŶƐĂďůĞ͘^͛ŝůLJƵŶĞĐĂƚĂƐƚƌŽƉŚĞ͕Đ͛ĞƐƚůĂĨĂƵƚĞĚƵƌŽŝ͘/ůLJĂĂůŽƌƐƵŶƌĠŐŝĐŝĚĞƌŝƚƵĞů͘
Notons que chez les mérovingiens, les traces de ce côté magique Ŷ͛ĂƉƉĂraissent pas aussi
nettement.
6. L'évolution de la royauté, religion chrétienne et renforcement du pouvoir royal
Cette dimension un peu extraterrestre de la monarchie il va falloir la reconstruire dans le
monde chrétien. Cette reconstruction se fait en trois temps.
6.1. Le baptême de Clovis (496)
Le chef franc le plus remarquable a été Clovis ƋƵŝƐ͛ĞƐƚĐŽŶǀĞƌƚŝ au christianisme. Il reçoit le
ďĂƉƚġŵĞĞŶϰϵϲĞƚŝůĞƐƚĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐůĞƉƌĞŵŝĞƌĐŚĞĨďĂƌďĂƌĞăġƚƌĞǀƌĂŝŵĞŶƚĐĂƚŚŽůŝƋƵĞ;à proprement
parler). La conversion de Clovis est un événement majeur car il entraîne ipso facto la conversion de
tout le peuple.
6.2. Le sacre (750)
La deuxième étape se situe au moment du changement de dynastie où des officiers du palais
ĨŽŶƚ ƵŶĞĞƐƉğĐĞĚĞĐŽƵƉĚ͛ĠƚĂƚ͘ Il réduise le rôle du roi et finisse par les faire disparaître. En 750,
3
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Pépin le Bref décide de se faire sacrer, il invente un rituel chrétien qui permet de conférer au roi
cette dimension charismatique (charisma : huile).
La bible enseigne que les rois hébreux ont été institués dans leur fonction royale par un
ƌŝƚƵĞůĚĞů͛ŽŶĐƚŝŽŶ;ƌŝƚƵĞůĚƵƐĂĐƌĞͿ͘ĞƌŝƚƵĞůĚƵƐĂĐƌĞĞƐƚƌĞĐŽŶƐƚƌƵŝƚƉĂƌWĠƉŝŶůĞƌĞĨĞƚăƉĂƌƚŝƌĚĞůă
ŝůŶĞƐŽƌƚŝƌĂƉůƵƐĚĞů͛ƵŶŝǀĞƌƐŵĞŶƚĂůĞĚĞů͛ŽĐĐŝĚĞŶƚ͕ƋƵ͛ƵŶƌŽŝůĠŐŝƚŝŵĞĞƐƚƵŶƌŽŝƋƵŝ ĂƌĞĕƵů͛ŽŶĐƚŝŽŶ
ƐĂĐƌĠĞ͘ YƵ͛ƵŶ ƌŽŝ Ăŝƚ quelque chose ĚĞ ĚŝǀŝŶ͕ ƋƵ͛ŝů ƐŽŝƚ ƉůƵƐ ĞŶ ĐŽŵŵƵŶŝĐĂƚŝŽŶ ĂǀĞĐ ŝĞƵ ƋƵĞ ůĞƐ
autres hommes entre dans la tête des gens.
6.3. Le couronnement, renovatio imperii (800)
Ŷ ϴϬϬ͕ ŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ ĞƐƚ ĐŽƵƌŽŶŶĠ ĞŵƉĞƌĞƵƌ͘ ͛ĞƐƚ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ ĂƉƉĞůůĞ ĞŶ ůĂƚŝŶ ůĂ renovatio
imperii ;ƌĞŶŽƵǀĞůůĞŵĞŶƚĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞͿ͛͘ĞƐƚů͛ŝĚĠĞƋƵĞŚĂƌůĞŵĂŐŶĞĞƐƚƌŽŝĞƚĞŵƉĞƌĞƵƌet après lui,
ƐĞƐ ƐƵĐĐĞƐƐĞƵƌƐ ĂůůĞŵĂŶĚƐ ƐŽŶƚ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ƌŽŝ Ğƚ ĞŵƉĞƌĞƵƌ͘ >͛ŝĚĠĞ ŝŶŝƚŝĂůĞ ĞƐƚ ĚĞ ƌĞŶĚƌĞ ǀŝĞ ă
ů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶĚ͛ŽĐĐŝĚĞŶƚ. Charlemagne et le clergé romain essayent de reformer le couple existant
ăůĂĨŝŶĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶ;ƵŶĐŚĞĨƐƉŝƌŝƚƵĞůĞƚƵŶĐŚĞĨƚĞŵƉŽƌĞůͿ͘ĞůĂŶ͛ĂũŽƵƚĞƉĂƐŐƌĂŶĚ-‐chose du
ĨĂŝƚĚĞĐĞƚƚĞƉƌŽĐůĂŵĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶƌĞŶŽƵǀĞĂƵĚĞƚLJƉĞŝŵƉĠƌŝĂůĞŵĂŝƐŝůLJĞŶgerme quelque chose͕Đ͛ĞƐƚ
la renaissance du droit romain.
ŽŶĐŽŶĂƐƐŝƐƚĞĨŝŶĂůĞŵĞŶƚăƵŶƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚ͛ƵŶĞĞƚŚŶŝĞ͕ĚĞĐŚƌŝƐƚŝĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĞĐĞƚƚĞĞƚŚŶŝĞ
et de construction christianisée de la fonction de monarque, de chef.
4
HDP ʹ Le haut Moyen Age
II.
L'organisation et le personnel judiciaires
1. Les officiers locaux du roi : comtes, évêques et vicaires (ou centeniers)
ĞƚƚĞ ŵŽŶĂƌĐŚŝĞ ĨƌĂŶƋƵĞ Ă ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ƵŶ ĐĞƌƚĂŝŶ ŶŽŵďƌĞ Ě͛ŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶƐ͘ /ů LJ Ă ĚĞƐ
ŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐ ĚĞ ƚƌĂŶƐŵŝƐƐŝŽŶ͘ ͛ĞƐƚ ĞƐƐĞŶƚŝĞůůĞŵĞŶƚ ƵŶ ĐŽƌƉƐ Ě͛ŽĨĨŝĐŝĞƌƐ ƌŽLJĂƵdž ƋƵŝ ƉĞƌŵet au
ƉŽƵǀŽŝƌĚĞƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞƌƐƵƌů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͘
Le royaume est divisé en un certain nombre de pagus ;ƉĂLJƐͿ͘ >Ă ƐƵƉĞƌĨŝĐŝĞ Ě͛ƵŶ ƉĂŐƵƐ
ĐŽƌƌĞƐƉŽŶĚ ƉƵƐ ŽƵ ŵŽŝŶƐ ă ů͛ĞdžƚĞŶƐŝŽŶ ƚĞƌƌŝƚŽƌŝĂůĞ Ě͛ƵŶĞ ƉƌŽǀŝŶĐĞ ĂĐƚƵĞůůĞ͘ ĂŶƐ ĐŚĂƋƵĞ ƉĂLJƐ͕ ŽŶ
trouve un comte et chaque comté est aussi divisé.
Centena (la centaine) est une unité qui au départ comprenait une centaine de combattants
et puis qui devient une subdivision du comté. Ce baillage territorial du royaume, sur ces unités se
forme une organisation judiciaire embryonnaire. Le comte ou le centenier (= vicaire, vicaria)
convoque les militaires. Cette subdivision militaire est aussi une subdivision judiciaire.
2. Le thing comme assemblée des hommes libres
Cette subdivision militaire est également judiciairĞ͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞƋƵ͛ăĐŚĂƋƵĞŶŝǀĞĂƵ͕ŝůLJĂƵŶ
tribunal : une des fonctions de cette assemblée est de trancher les différends entre les hommes
libres de la Centaine ou du Comté.
A date fixe, deux fois par an au début (printemps et automne), le Comte ou le Centenier
ƌĠƵŶŝƚůĞƐŚŽŵŵĞƐƋƵŝƐŽŶƚĚĂŶƐƐĂĚĠƉĞŶĚĂŶĐĞƉŽƵƌƚĞŶŝƌƵŶĞĂƐƐĞŵďůĠĞƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞůĞͨthing
͕ͩŝůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶŵŽƚŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞ͕ƉĂƌĨĂŝƚĞŵĞŶƚĐŽŶƐĞƌǀĠƉĂƌůĂĚŽĐƵŵĞŶƚation. Les textes juridiques
ŽŶƚ ĐŽŶƐĞƌǀĠ ůĞ ŵŽƚ ŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞ ƋƵŝ ĞdžŝƐƚĞ Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐ ƚŽƵũŽƵƌƐ ĚĂŶƐ ůĞƐ ůĂŶŐƵĞƐ ŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞƐ
actuelles (das thing : tribunal en allemande).
>ĂĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞĚƵƐLJƐƚğŵĞĞƐƚƋƵ͛ŽŶĞƐƚăůĂĨŽŝƐjuge et justiciable. Il y a dans la société
de cette époque une justice à deux vitesses : les non-‐ůŝďƌĞƐ͕ Ě͛ƵŶĞ ƉĂƌƚ Ğƚ ĐĞƵdž ƋƵŝ ƐŽŶƚ ĚĂŶƐ ůĂ
ƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞ͕ Ě͛ĂƵƚƌĞ ƉĂƌƚ͘ /ů LJ Ă ƵŶĞ ŐƌĂŶĚĞ ƉĂƌƚŝĞ ĚĞ ůĂ ƉŽƉƵůĂƚŝŽŶ ĚŽŶƚ ŶŽƵƐ ŶĞ ƉŽƵǀŽŶƐ ƉĂƐ
ƉĞƌĐĞǀŽŝƌĐŽŵŵĞŶƚƐ͛ŽƌŐĂŶŝƐĂŝƚƐĂǀŝĞũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͕ŵĂis nous pouvons voir la partie supérieure de la
société.
Ces gens-‐ůă ƐŽŶƚ ă ůĂ ĨŽŝƐ ũƵŐĞƐ Ğƚ ũƵƐƚŝĐŝĂďůĞƐ ͗ Đ͛ĞƐƚ ů͛ĂƐƐĞŵďůĠĞ ĚĞƐ ŚŽŵŵĞƐ ůŝďƌĞƐ ƋƵŝ
tranche des litiges. Dans son ressort, sa circonscription, le centenier ou le comte est juge
(représentant du Roi) mais ne fait en réalité que présider le tribunal, présider les débats.
Ŷ ĨŝŶ ĚĞ ƉĂƌĐŽƵƌƐ͕ ƋƵĂŶĚ ŝů LJ Ă ƵŶĞ ĚĠĐŝƐŝŽŶ ă ƉƌĞŶĚƌĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ů͛ĞŶƐĞŵďůĞ ĚĞ ů͛ĂƐƐĞŵďůĠĞ ƋƵŝ ƐĞ
ƉƌŽŶŽŶĐĞ ĚĂŶƐ ƵŶ ƐĞŶƐ ŽƵ ĚĂŶƐ ƵŶ ĂƵƚƌĞ Ğƚ ĐĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ůĞ ƉƌĠƐŝĚĞŶƚ ƋƵŝ ĚĠĐŝĚĞ͘ Dans les autres
causes, tous les hommes libres sont assesseurs de ce Comte, de ce Centenier qui dirige les
opérations.
3. Hiérarchie judiciaire correspondant à la hiérarchie sociopolitique et militaire, mais
absence d'appel
La structure des institutions judiciaires donne une impression de structure en pyramide :
Ě͛ĂďŽƌĚůĞƌŽŝĞƚůĞƚƌŝďƵŶĂůĚƵƉĂůĂŝƐ͕ĞŶƐƵŝƚĞůĞƐƚƌŝďƵŶĂƵdžĚĞĐŚĂƋƵĞĐŽŵƚĞĚĂŶƐƐŽŶĐŽŵƚĠĞƚĞŶĨŝŶ
les tribunaux de chaque centenier ou vicaire dans sa circonscription.
5
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Mais il ne faudrait ƉĂƐ ƐĞ ƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƌ ĐĞƚƚĞ ƐƚƌƵĐƚƵƌĞ ĞŶ ƉLJƌĂŵŝĚĞ ă ů͛ŝŵĂŐĞ ĚĞ ůĂ ŶƀƚƌĞ͕
Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞƋƵ͛ŽŶŶĞǀĂƉĂƐĞŶĂƉƉĞůĚ͛ƵŶĞũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶăů͛ĂƵƚƌĞ͗ĐŚĂƋƵĞũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶĂƵŶĐŚĂŵƉĚĞ
ĐŽŵƉĠƚĞŶĐĞĚĠƚĞƌŵŝŶĠƉĂƌůĞŶŝǀĞĂƵĚĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐĚĂŶƐů͛ĠĐŚĞůůĞƐŽĐŝĂůĞ͘
4. Le dédoublement de la fonction judiciaire: le thunginus (roi, comte, vicaire) et les
"jugeurs": liberi homines, rachimbourgs (avant 780), échevins (après 780)
La fonction de juger, à cette époque, est dédoublée. Elle est exercée non pas par une seule
personne ou un collège de personnes qui feraient la même chose mais elle est cassée en deux.
ů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌĚƵdŚŝŶŐ͕ůĂƌĠĂůŝƚĠĚƵƉŽƵǀŽŝƌĞƐƚĞdžĞƌĐĠĞŶŽŶƉĂƐƉĂƌĐĞůƵŝƋƵŝƉƌĠƐŝĚĞ, donc
ĐĞůƵŝƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞƚŚƵŶŐŝŶƵƐ;ZŽŝ͕ĐŽŵƚĞ͕ǀŝĐĂŝƌĞͿ͕mais par la collectivité de tous les hommes libres,
tout le monde. Cependant, on commence, au fil du temps, par voir apparaître des personnages qui
sont des « ĂƐƐĞƐƐĞƵƌƐ͕ͩĚĞƐŐĞŶƐƋƵŝǀŽŶƚŝŶƚĞƌǀĞŶŝƌăů͛ĂƉƉƵŝĚƵũƵŐĞ͘
Avant 780, on parle de rachimbourgs. Ce terme est formé sur deux termes germaniques, le
ďƵƌŐ͕ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞ ůĂ ĐĂƵƚŝŽŶ Ğƚ ƌĂĐŚĞŶ͕ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞ ƉĂLJĞƌ͘ ^ŝ ů͛ŽŶ ĐŽŶĚĂŵŶĞ ƋƵĞůƋƵ͛ƵŶ͕ ĐĞƐ ŐĞŶƐ
garantissent le paiement.
Après 780, on parle des scabini (= échevins) : schaffenreden (auteurs des règlements des
conflits) = assesseurs dans un tribunal.
5. Exemple du dédoublement (survivance) : origines du jury
Le thunginus (Roi, Comte, Vicaire) a donc également une fonction de sentence, distinguée de
la fonction de présidence : ce système a subsisté en Angleterre, et par la suite aux Etats-‐hŶŝƐ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚ
du jury.
Continuité complète depuis le haut Moyen Age, le personnage qui dirige le « thing » va
Ɛ͛ĂĐĐŽŵƉĂŐŶĞƌĚĞdouze autres qui vont remplacer les échevins, constituer un jury avec cette
ĚŝƐƚŝŶĐƚŝŽŶĚĞƐĚĞƵdžĨŽŶĐƚŝŽŶƐ͗ƉƌĠƐŝĚĞŶƚĚĞƐĠĂŶĐĞƋƵŝƐƵƉĞƌǀŝƐĞů͛ĠǀŽůƵƚŝŽŶĚĞƐĚĠďĂƚƐĞƚůĞũƵƌLJ
qui est le véritable organe de décision.
Cette division entre le juge unique et le jury remonte sans aucune interruption à la situation
au Moyen Age.
6
HDP ʹ Le haut Moyen Age
III.
Les sources du droit
ĞƐ ƉŽƉƵůĂƚŝŽŶƐ ƐŽƵŵŝƐĞƐ ă ů͛ŵƉŝƌĞ ĚĞ ůŽǀŝƐ Ğƚ ĚĞ ƐĞƐ ƐƵĐĐĞƐƐĞƵƌƐ͕ŽŶƚ ů͛ĠƋƵŝǀĂůĞŶƚ Ě͛ƵŶ
ĚƌŽŝƚĞƚŽŶƚĚĞƐƐŽƵƌĐĞƐĚƵĚƌŽŝƚ͗ͨYƵĞĚĞǀŝĞŶƚůĞĚƌŽŝƚĞƚůĞƐƐŽƵƌĐĞƐĚƵĚƌŽŝƚăůĂĨŝŶĚĞů͛ŵƉŝƌĞ
romain » ? Il y a deux grandes branches des sources du droit : la branche canonique et la branche
laïque.
1. Droit canonique
1.1. La formation du droit canonique
1.1.1. Droit divin
1.1.1.1. Le droit divin révélé : l'Ancien et le Nouveau Testament
>Ğ ĚƌŽŝƚ ĐĂŶŽŶŝƋƵĞ ĞƐƚ ƉŽƐĠ ƉĂƌ ů͛ŐůŝƐĞ Ğƚ ĐŽŶĐĞƌŶĞ ůĞƐ ŵĂƚŝğƌĞƐ ƐƉŝƌŝƚƵĞůůĞƐ͕ ĐĞůůĞƐ-‐ci sont
ƉŽƵƌƌĂƉƉĞůĚĠĐůĂƌĠĞƐƐƉŝƌŝƚƵĞůůĞƐƉĂƌů͛ŐůŝƐĞ͘/ůLJĂƵŶĞ ŝŶƐƉŝƌĂƚŝŽŶƌĞůŝŐŝĞƵƐĞ ĞƚĐ͛ĞƐƚ ƉŽƵƌƋƵŽŝůĞƐ
ĐĂŶŽŶŝƐƚĞƐĚĠĨŝŶŝƐƐĞŶƚůĂƐŽĐŝĠƚĠĞŶĨŽŶĐƚŝŽŶĚ͛ƵŶĂƵƚƌĞ ŵŽŶĚĞ͕ĚĞů͛ĂƵ-‐delà, un autre monde que les
chrétiens sont amenés à atteindre. Par les règles canoniques, on veut assurer le bien des hommes
ĚĂŶƐů͛ĂƵƚƌĞŵŽŶĚĞ͘
La théologie, science du divin, se divise en deux grandes branches :
ͻ Théologie dogmatique ͗ĞŶƐĞŝŐŶĞĐĞƋƵ͛ŝůĨĂƵƚĐƌŽŝƌĞ
ͻ Théologie morale ͗ ĞŶƐĞŝŐŶĞ ĐĞ ƋƵ͛ŝů ĨĂƵƚ ĨĂŝƌĞ͕ ĚŽŶĐ ůĞƐ ƉƌĠĐĞƉƚĞƐ ƋƵĞ ĚŽŝǀĞŶƚ ƐƵŝǀƌĞ ůĞƐ
chrétiens pour gagner le salut. Cette théologie morale se divise elle-‐même entre
o For interne : tribunal de la conscience
o For externe : Tribunal tout court : les prescriptions de droit canonique qui
définissent à quelles conditions un mariage existe juridiquement ou pas, sont
ƐƵƐĐĞƉƚŝďůĞƐĚ͛ġƚƌĞĂƉƉůŝƋƵĠĞƐĚĞǀĂŶƚůĞƐƚƌŝďƵŶĂƵdž
Le droit divin est un droit légiféré. /ůLJĂƵŶůĠŐŝƐůĂƚĞƵƌ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĞŝĞƵ͘WŽƵƌůĞƐ,ĠďƌĞƵdž͕ĞŶ
intervenant de différentes manières à travers les prophètes. Pour les chrétiens, à travers les paroles
de Jésus-‐Christ retranscrites dans le nouveau testament.
>͛ĂŶĐŝĞŶ ƚĞƐƚĂŵĞŶƚ ĞƐƚ ů͛ĞŶƐemble des révélations faites avant le Christ aux Hébreux.
Ensuite, la deuxième partie est ce qui se rapporte à la vie du Christ, le nouveau Testament, qui en
ŐƌĂŶĚĞ ƉĂƌƚŝĞ Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐ ĞƐƚ ƵŶĞ ƌĠǀĠůĂƚŝŽŶ ĂƵ ƐĞŶƐ ƉƌĞŵŝĞƌ ĚƵ ƚĞƌŵĞ ;ƌĞǀĞůĂƌĞ = retirer le voile).
Jésus dévoile le sens des anciens textes.
1.1.1.2. Le droit divin naturel, construction intellectuel du bas Moyen Age visant à l'intégration
de la philosophie antique et à la conciliation de la foi et de la raison
Au fil du temps, mais surtout au milieu du MoyĞŶŐĞ͕ŽŶĂĚŽƉƚĞů͛ŝĚĠĞƋƵĞůĞĚƌŽŝƚĚŝǀŝŶƐĞ
ŶĞƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞƉĂƐƐĞƵůĞŵĞŶƚƉĂƌůĂƌĠǀĠůĂƚŝŽŶŵĂŝƐƋƵ͛ŝůƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞĂƵƐƐŝƉĂƌůĂŶĂƚƵƌĞ͘ĞůůĞ-‐ci ayant
ĠƚĠĐƌĠĠĞƉĂƌŝĞƵ͕ĞůůĞƌĞĨůğƚĞůĂǀŽůŽŶƚĠĚĞĐĞůƵŝƋƵŝů͛ĂĐƌĠĠĞ͘
^͛ŝů ĞƐƚ ƉŽƐƐŝďůĞ ĚĞ ƐĂƵǀĞƌ ů͛ƈƵǀƌĞ Ě͛ƵŶ ĐĞƌƚĂŝŶ ƉŚŝůŽƐŽƉŚĞ ĚĞ ů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ͕ ƋƵŽŝƋƵ͛ŝů Ăŝƚ ĠƚĠ
ƉĂŢĞŶƐ͕ Đ͛ĞƐƚ ƉĂƌĐĞ ƋƵĞ ĚĂŶƐ ůĂ ŵĞƐƵƌĞ Žƶ ĐĞƐ ƉŚŝůŽƐŽƉŚĞƐ ƐĞ ƐŽŶƚ ƉĞŶĐŚĠƐ ƐƵƌ ůĂ ŶĂƚƵƌĞ͕ ŝůƐ ŶĞ
pouvaient pas se tromper de beaucoup. Donc leur travail peut être conservé dans la mesure où il est
suƐĐĞƉƚŝďůĞĚĞƐ͛ŝŶĐŽƌƉŽƌĞƌĂƵƌĞƐƚĞĚƵsystème chrétien.
ĞƚƚĞ ŝĚĠĞ Ě͛ƵŶ ĚƌŽŝƚ ĚŝǀŝŶ ŶĂƚƵƌĞů͕ ĞůůĞ Ă ƐƵƌƚŽƵƚ ĠƚĠ ĚĠǀĞůŽƉƉĠĞ ă ƉĂƌƚŝƌ ĚƵ DŽLJĞŶ ŐĞ͘
7
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Dans le premier christianisme, donc celui qui suit la résurrection du Christ, le droit divin repose
presque ƋƵ͛ĞdžĐůƵƐŝǀĞŵĞŶƚƐƵƌůĞƐƚĞdžƚĞƐƌĠǀĠůĠƐ͘
1.1.2. Droit humain: le ius humanum antiquum (première période: droit ancien de l'antiquité)
1.1.2.1. La patristique
La doctrine se demande comment donner sens à ces textes qui composent la Bible, qui sont
un héritage du passé, parfois très lointain, qui sont parfois contradictoires. Et puis il faut arriver à
révéler la couche nouvelle qui parfois est dans la lignée de l͛ĂŶĐŝĞŶŶĞĞƚƉĂƌĨŽŝƐƐ͛ĞŶĂĨĨƌĂŶĐŚŝƚ͘
>ĂƉĂƚƌŝƐƚŝƋƵĞĞƐƚůĂĚŽĐƚƌŝŶĞĚĞƐƉğƌĞƐĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘hŶƉğƌĞĚĞů͛ŐůŝƐĞĞƐƚƋƵĞůƋƵ͛ƵŶƋƵŝƐĞ
signale par deux caractéristiques : sainteté de sa vie et il faut que la doctrine ait été reconnue par
ů͛ŐůŝƐĞ͘&ŝŶĂůĞŵĞŶƚ͕ůĞƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚĞƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚĞůĂƋƵĂůŝƚĠĚĞůĂĚŽĐƚƌŝŶĞĚĞƐƉğƌĞƐĚĞů͛ŐůŝƐĞ
Ă ĠƚĠ ĞdžƚƌġŵĞŵĞŶƚ ĐŽŵƉůŝƋƵĠ͘ >ĞƐ ƉğƌĞƐ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ ĚĞ ů͛ŶƚŝƋƵŝƚĠ ;^ĂŝŶƚ ƵŐƵƐƚŝŶ͕ ͙Ϳ ŶĞ ƐĂǀĂŝĞŶƚ
ĠǀŝĚĞŵŵĞŶƚ ƉĂƐ ƋƵ͛ŝů ĂůůĂŝƚ ůĞ ĚĞǀĞŶŝƌ͘ YƵĂŶĚ ŽŶ ůŝƚ ůĞƵƌ ƈƵǀƌĞ͕ ŽŶ ƐĞ ƌĞŶĚ ĐŽŵƉƚĞ ƋƵ͛ŝůƐ ĠƚĂŝĞŶƚ
ĂŶdžŝĞƵdž ;ĐŽŵŵĞŶƚ ĚŝƐĐƌŝŵŝŶĞƌ ůĞ ũƵƐƚĞ ĚĞ ů͛ŝŶũƵƐƚĞͿ͕ Đ͛ĠƚĂŝƚ ĚĞƐ ŐĞŶƐ ƚŽƵƌŵĞŶƚĠ ĐŽŵŵĞ ů͛ĞƐƚ ůĞƵƌ
ƈƵǀƌĞ ŐĠŶĠƌĂůĞŵĞŶƚ͘ YƵĂŶĚ ŽŶ ůĞƐ ƌĞůŝƚ͕ ŝůƐ Ŷ͛ŽŶƚ ũĂŵĂŝƐ ĠƚĠ ŽƌƚŚŽĚŽdžĞƐ ĚĞ ďŽƵƚ ĞŶ ďŽƵƚ͘ >Ğ
processus de sélection a été très long, ƋƵŝƐ͛ĞƐƚĨĂŝƚĂƉƌğƐĐŽƵƉ͕ƋƵŝƉĞƌŵĞƚĚĞĚĠƚĞƌŵŝŶĞƌƋƵĞƉĂƌ
ĞdžĞŵƉůĞ^ĂŝŶƚƵŐƵƐƚŝŶĞƐƚŝŶĐŽŶƚĞƐƚĂďůĞŵĞŶƚƵŶƉğƌĞĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘
ƵĨŝůĚƵƚĞŵƉƐ͕Ɛ͛ŝŵƉŽƐĞƵŶĐŽƌƉƐĚĞ ĚŽĐƚƌŝŶĞ͕ƵŶĐŽƌƉƐĚ͛ŚŽŵŵĞƐ ĂƵdžƋƵĞůƐ ƐĞ ƌĞĐŽŶŶĂŝƚ
cette orthodoxie. Une tradition qui implŝƋƵĞů͛ŝĚĠĞĚ͛ƵŶĞŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞĞĐĐůĠƐŝĂƐƚŝƋƵĞĞƚĚŽŶĐĐĂƉĂďůĞ
de faire ce travail de tri.
1.1.2.2. La tradition : principe d'interprétation par voie d'autorité de l'Ecriture sainte (principe
que rejettera plus tard le protestantisme)
>Ğ ƉƌŽďůğŵĞ Ě͛ŝŶƚĞƌƉƌĠƚĂƚŝŽŶ de la Bible ne relève pas de la conscience individuelle du
ĐŚƌĠƚŝĞŶ͘ Ğ ƉƌŽďůğŵĞ ƌĞůğǀĞ Ě͛ƵŶĞ ĚŽĐƚƌŝŶĞ ĂƵƚŽƌŝƐĠĞ͘ >ĞƐ ƚĞdžƚĞƐ ĚĞ ůĂ ŝďůĞ ƐŽŶƚ ĚŝĨĨŝĐŝůĞƐ͕ ŝů ĨĂƵƚ
ƉĂƌĨŽŝƐƐ͛ĠůŽŝŐŶĞƌďĞĂƵĐŽƵƉĚƵƐĞŶƐůŝƚƚĠƌĂů͘>Ğ ƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚĞ ƐĠůĞĐƚŝŽŶĚĞƐ ƉğƌĞƐ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ repose
sur la tradition.
Ğ ƋƵĞ ǀŽŶƚ ĚŝƌĞ ůĞƐ ƉƌŽƚĞƐƚĂŶƚƐ͕ ů͛ŐůŝƐĞ ĚğƐ ůĞƐ ƉƌĞŵŝĞƌƐ ƚĞŵƉƐ Ɛ͛ĞƐƚ ĞŶƚŝğƌĞŵĞŶƚ
fourvoyée͕ ƉĂƌĐĞ ůĂ ƚƌĂĚŝƚŝŽŶ Ŷ͛ĞdžŝƐƚĞ ƉĂƐ͕ ůĂ ŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞ ĞĐĐůĠƐŝĂƐƚŝƋƵĞ Ŷ͛ĞdžŝƐƚĞ ƉĂƐ Ğƚ ůĞƐ ƉğƌĞƐ ĚĞ
ů͛ŐůŝƐĞƐŽŶƚĚĞƐŚŽŵŵĞƐĐŽŵŵĞůĞƐĂƵƚƌĞƐet ont pu se tromper.
ĞƋƵŝĞŶƚƌĂŝŶĞƌĂĐŽŵĞĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞƋƵĞĚ͛ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞƉƌŽƚĞƐƚĂŶƚƉƵƌ͕ŝůŶ͛LJĂƉůƵƐĚĞ
droit canonique. /ůŶ͛ĞƐƚƉĂƐƉŽƐƐŝďůĞĚĞƚŝƌĞƌƵŶĚƌŽŝƚƚŝƌĠĚĞů͛ĠĐƌŝƚƵƌĞƐĂŝŶƚĞ͘>ĂŵŽƌĂůĞŶĞƐ͛ĂĚƌĞƐƐĞ
ƉůƵƐ ƋƵ͛ĂƵ ĨŽƌ ŝŶƚĞƌŶĞ͘ DĂƌƚŝŶ >Ƶƚher a dit : tout juriste est un ennemi du Christ. Ce qui concerne
ƐƵƌƚŽƵƚůĞƐĐĂŶŽŶŝƐƚĞƐŵĂŝƐŝůŶĞĨĂŝƐĂŝƚƉĂƐůĂĚŝƐƚŝŶĐƚŝŽŶ͘>ĂƐĞƵůĞƌğŐůĞƋƵŝŝŵƉŽƌƚĞĐ͛ĞƐƚůĂŵŽƌĂůĞ͘
1.1.2.3. La législation: canons des conciles et décrétales des papes
La patristique est devenue la première source du droit canonique. Ensuite, la deuxième
grande source de droit canonique͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ůŽŝ͕ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞ ůĂ ŶŽƌŵĞ ƋƵŝ ĞƐƚ ƉŽƐĠĞ ƉĂƌ ů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠ
ĞĐĐůĠƐŝĂƐƚŝƋƵĞ͘/ůLJĂĚĞƐĐŽŶĐŝůĞƐƋƵŝƐĞƌĠƵŶŝƐƐĞŶƚƋƵŝƐŽŝƚƐŽŶƚƈĐƵŵĠŶŝƋƵĞƐĚŽŶĐƌĠƵŶŝssent tous
ůĞƐ ĠǀġƋƵĞƐ ĚĞ ůĂ ĐŚƌĠƚŝĞŶƚĠ͕ ƐŽŝƚ ƌĠŐŝŽŶĂƵdž͘ ĐƀƚĠ ĚĞƐ ĐŽŶĐŝůĞƐ͕ ĠŵĞƌŐĞ ů͛ŝĚĠĞ ĚĞ ƉĂƉĞ͘ /ů ĞƐƚ ǀƵ
ĐŽŵŵĞ ůĞ ƐƵĐĐĞƐƐĞƵƌ ĚĞ WŝĞƌƌĞ͘ >͛ĠǀġƋƵĞ ĚĞ ZŽŵĞ ƉƌĞŶĚƌĞ ůĞ ŶŽŵ ĚĞ ƉĂƉĞ Ğƚ ƉƌĞŶĚƌĂ ĚĞƐ
ĚĠĐƌĠƚĂůĞƐ͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire des législations pontificales.
8
HDP ʹ Le haut Moyen Age
1.2. Le déclin
>Ğ ĐŽƌƉƐ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ ĂƵ ŵŽŵĞŶƚ Žƶ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ Ɛ͛ĞĨĨŽŶĚƌĞ ĞƐƚ ƚƌğƐ ďŝĞŶ ŽƌŐĂŶŝƐĠ͘ ƚ
maîtrise un droit écrit qui est déjà très technique et très profondément pensé avec une organisation
des sources du droit.
A partir du haut Moyen Age, ů͛ŐůŝƐĞĞƐƚĨƌĂƉƉĠĞƉĂƌůĞĨĂŝƚƋƵĞĚ͛ĂďŽƌĚůĂƐŽĐŝĠƚĠůĂŢƋƵĞƐĞ
ĚĠĐŽŵƉŽƐĞ͘ /ů ŶĞ ƌĞƐƚĞ ƋƵĞ ůĞƐ ďĂƌďĂƌĞƐ͘ >͛ŐůŝƐĞ ĞƐƚ ĂƵƐƐŝ ĨƌĂƉƉĠĞ ƉĂƌ ůĞ ƌĞĐƵů ĐƵůƚƵƌĞů ŐĠŶĠƌĂů͘
>͛ĂŶĐŝĞŶŶĞĐƵůƚƵƌĞĂŶƚŝƋƵĞŶĞƐĞƚƌĂŶƐŵĞƚƉůƵƐ͛͘ĞƐƚĚĂŶƐů͛ŐůŝƐĞƋƵ͛ŽŶƚƌŽƵǀĞůĞƐŐĞŶƐƋui écrivent
ĞŶĐŽƌĞ͘ƉĂƌƚŝƌĚƵŚĂƵƚDŽLJĞŶŐĞ͕ů͛ĂůƉŚĂďĠƚŝƐĂƚŝŽŶŶ͛ĞdžŝƐƚĞƉŽƵƌĂƵƐƐŝĚŝƌĞƉůƵƐƉĂƌŵŝůĞƐůĂŢĐƐ͘/ůƐ
ŶĞƌĞĐŽŵŵĞŶĐĞƌŽŶƚăůŝƌĞĞƚăĠĐƌŝƌĞƋƵ͛ăƉĂƌƚŝƌĚƵϭϮèmesiècle.
Désormais, ce sont surtout les moines qui sont les conservateurs et continuateurs de la
culture. Seuls les moines vont finalement copier les textes et assurer la transmission des
ĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞƐ͘/ůŶ͛LJĂƉůƵƐŐƌĂŶĚĐŚŽƐĞĚƵĐƀƚĠĚĞůĂƉƌŽĚƵĐƚŝŽŶ͘ĂŶƐůĞŵġŵĞƚĞŵƉƐ͕ůĂĚŝƐĐŝƉůŝŶĞ
ĞĐĐůĠƐŝĂƐƚŝƋƵĞƐĞƌĞůąĐŚĞ͘>͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĚƵƉĂƉĞĚĞůĂĨŝŶĚĞů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠĚŝŵŝŶƵĞ͕ůĞƐĠǀġƋƵĞƐƐŽŶƚůŽŝŶĚĞ
lui obéir en fermant les yeux.
hŶƌĞĐƵůĚĞůĂůŽŝ͘>ĞƉĂƉĞŶ͛ĂƉůƵƐƋƵ͛ƵŶƉƌĞƐƚŝŐĞƐLJŵďŽůŝƋƵĞ͘/ůĠŵĞƚĞŶĐŽƌĞĚĞƚĞŵƉƐĞŶ
ƚĞŵƉƐĚĞƐĚĠĐƌĠƚĂůĞƐŵĂŝƐŝůŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚƌğƐŽďĠŝ͘>ĞƐĐŽŶĐŝůĞƐƐĞŵďůĞŶƚĂĨfranchis complètement de la
ƚƵƚĞůůĞƉŽŶƚŝĨŝĐĂůĞ͘/ůŶ͛LJĂƉůƵƐĚĞĐŽŶĐŝůĞăů͛ĠĐŚĞůůĞĚĞůĂĐŚƌĠƚŝĞŶƚĠĞŶƚŝğƌĞ͘
ŽŵŵĞƉĞƌƐŽŶŶĞŶ͛ĠĐƌŝƚƉůƵƐ͕ůĞƐƌŽŝƐďĂƌďĂƌĞƐ͕ĐĞƵdžƋƵŝƐĂǀĞŶƚĞŶĐŽƌĞĠĐƌŝƌĞ͕Ɛ͛ĂƉƉƵŝĞŶƚƐƵƌ
les élites et demandent aux conciles de jouer lĞĚ͛ƵŶĞƐŽƌƚĞĚ͛ŝŶƐƚĂŶĐĞůĠŐŝƐůĂƚŝǀĞ͘/ůůĞƵƌĚĞŵĂŶĚĞĚĞ
ĨĂŝƌĞůĞƵƌƚƌĂǀĂŝůĚŽŶĐĚĞƉƌŽĚƵŝƌĞĚĞůĂŶŽƌŵĞƉŽƵƌů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘YƵĂŶĚŽŶƌĞŐĂƌĚĞůĞƐ
ĐĂŶŽŶƐ ĚĞƐ ĐŽŶĐŝůĞƐ ĚĞ ů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ ŽŶ ƐĞ Ěŝƚ ƋƵ͛ŝŶĐŽŶƚĞƐƚĂďůĞŵĞŶƚ ŝů LJ Ă ƵŶĞ ƐŽƌƚĞ ĚĞ ĚŝƐĐŽŶƚŝŶƵŝƚĠ͘
ŝŶƐŝ͕ ĞŶ ŵĂƚŝğƌĞ ĚĞ ŵĂƌŝĂŐĞ͕ ů͛ŐůŝƐĞ ƉƌŝŵŝƚŝǀĞ ĂǀĂŝƚ ĨŽŶĚĠ ůĞ ƉƌŝŶĐŝƉĞ ĚĞ ů͛ŝŶĚŝƐƐŽůƵďŝůŝƚĠ Ğƚ ă
ů͛ĠƉŽƋƵĞĐĂƌŽůŝŶŐŝĞŶŶĞ͕ŽŶŶ͛LJƌĞŐĂƌĚĞƉůƵƐĚĞƐŝƉƌğƐ͘
1.3. Les collections canoniques
ĂŶƐĐĞƐƐŽĐŝĠƚĠƐ͕Žƶů͛ĠĐƌŝƚƵƌĞƐ͛ĞƐƚƌĂƌĠĨŝĠĞ͕ŽŶŶ͛ĂƌƌŝǀĞƉůƵƐăĚŽminer les textes laissés, on
Ŷ͛ĂƌƌŝǀĞƉůƵƐăĚŽŵŝŶĞƌůĂĚŽĐƵŵĞŶƚĂƚŝŽŶůĂŝƐƐĠĞƉĂƌůĂƉĂƚƌŝƐƚŝƋƵĞĂƵƚŽƌŝƐĠĞ͘KŶǀĂĂůŽƌƐƐĞŵĞƚƚƌĞă
ĨĂŝƌĞĚĞƐĂďƌĠŐĠƐ͘KŶǀĂƉƌĞŶĚƌĞůĞƐƉĂƐƐĂŐĞƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚƐŽƶƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞƵŶĞŶŽƌŵĞ͕ƵŶĞŽƉŝŶŝŽŶ͘KŶ
va prendre ses passages de ů͛ƈƵǀƌĞĚ͛ŽƶŝůƐƐŽŶƚĞdžƚƌĂŝƚƐĞƚŽŶǀĂůĞƐŵĞƚƚƌĞďŽƵƚăďŽƵƚ͘
WƌĞŶŽŶƐ ů͛Ğxemple de la Dionysiana, la première des grandes collections
canoniques. Denis le Petit est un personnage célèbre en tant que chronologiste (et moins en tant
que juriste). Il se posait le problème du temps : Quand le Christ est-‐il né ? Pâques ? ͛ĞƐƚ lui qui a
fixé le moment de la naissance du Christ. Il était un homme qui avait le sens du système, mais
surtout du temps. Sa collection canonique est dominée par l͛Žďsession du temps : situe les auteurs
par rapport au temps. Les fragments extraits des différents auteurs (auctoritates) sont classés par
ordre chronologique (si on cherchait le droit du mariage, il fallait tourner les pages pour noter où
un fragment extrait d͛ƵŶ père de l͛glise qui concernait le mariage) et non par ordre
systématique (classement par thèmes). Même défaut qui va durer pendant cinq siècles : ces
fragments ne sont pas regroupés par thèmes, et il est donc impossible de classer le droit canonique
en systèmes.
Justinien, lui, avait regroupé les fragments par thème.
9
HDP ʹ Le haut Moyen Age
1.4. Les falsifications: les fausses décrétales
L͛Ğffet de brouillard sera encore accentué par la production de faux : les falsifications. On va
voir arrivé des législateurs occultes qui introduisent des faux canons, des faux fragments. La
ĐŽůůĞĐƚŝŽŶůĂƉůƵƐĐŽŶŶƵĞĞƐƚĐĞůůĞĚ͛Isidore le marchand. ͛ĞƐƚůĂƉĠŶƵƌŝĞĚĞŶŽƌŵĞ;ŝůŶ͛LJĂƉůƵƐĚĞ
législateur qui fait autorité) qui explique ces falsifications. On fabrique des règles au nom de
légŝƐůĂƚĞƵƌƐƋƵŝŽŶƚǀĠĐƵŝůLJĂůŽŶŐƚĞŵƉƐ͘ĞƐĨĂƵƐƐĞƐĚĠĐƌĠƚĂůĞƐƐ͛ŝŶĐŽƌƉŽƌĞŶƚĂƵdž ǀƌĂŝƐƚĞdžƚĞƐ͘>Ă
norme est aussi le produit de ces falsifications.
͛ĂŝůůĞƵƌƐ͕Đ͛ĞƐƚĚĞǀĞŶƵĚĞƐƐŽƵƌĐĞƐĚƵĚƌŽŝƚƋƵŝŶŽƵƐŽŶƚŝŶĨůƵĞŶĐĠĞƐ͘WƌĞŶŽŶƐů͛ĞdžĞŵƉůĞĚĞ
la réintégrĂŶĚĞ͘ >ŽƌƐƋƵĞ ƋƵĞůƋƵ͛ƵŶ ƐĞ ǀŽŝƚ ĚĠƉŽƐƐĠĚĞƌ͕ ŝů ĚŽŝƚ ƉƌŽƵǀĞƌ ůĂ ǀŽŝĞ ĚĞ ĨĂŝƚ Ğƚ ŶŽŶ ƉĂƐ
ƉƌŽƵǀĞƌ ƋƵ͛ŝů ĠƚĂŝƚ ĞŶ ƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ ĚĞ ůĂ ĐŚŽƐĞ͘ /ů ĚŽŝƚ ũƵƐƚĞ ƉƌŽƵǀĞƌ ƋƵ͛ŝů Ă ĠƚĠ ƵƐĠ ĚĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ
ĞŶǀĞƌƐ ůƵŝ ƉŽƵƌ ůĞ ĚĠƉŽƐƐĠĚĞƌ ĚĞ ůĂ ĐŚŽƐĞ͘ ĞĐŝ ǀŝĞŶƚ Ě͛ƵŶĞ ĨĂƵƐƐĞ ĚĠĐƌĠƚĂůĞ ƋƵ͛ŽŶ ĂƉƉĞůůĞ
reintegranda. En cas de dépossession par la violence, celui qui a été dépossédé doit être rétabli
ĂǀĂŶƚ ƚŽƵƚĞ ĂƵƚƌĞ ĐŚŽƐĞ͘ ĞƚƚĞ ĂĐƚŝŽŶ ĞŶ ũƵƐƚŝĐĞ Ɛ͛ĞƐƚ ƚƌĂŶƐŵŝƐĞ Ğƚ ĚĞ Ĩŝů ĞŶ ĂŝŐƵŝůůĞ͕ ĞůůĞ Ă ĨŝŶŝ ƐĞ
ƚƌŽƵǀĞƌ ĚĞƐ ƚĞƌƌĂŝŶƐ Ě͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶ Ğƚ ĂǀŽŝƌ ĚĞƐ ƵƚŝůŝƚĠƐ ƉƌĂƚŝƋƵĞƐ ĂƵ ƉŽŝŶƚ ƋƵ͛ŽŶ ƉĞƵƚ ĞŶĐŽƌĞ
ů͛ŝŶǀŽƋƵĞƌ͘
Le bƵƚĚĞů͛ĂĐƚŝŽŶƉŽƐƐĞƐƐŽŝƌĞĞƐƚĚĞƉƌŽƚĠŐĞƌůĞƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞůƵŝ-‐même. Le plus souvent, celui
qui a la chose en main est le véritable propriétaire. Il est en effet difficile de prouver la propriété de
son titre. En droit actuel ou en ancien droit français, on distingue trois différentes actions
possessoires ͗ůĂĐŽŵƉůĂŝŶƚĞ͕ůĂĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶĚĞŶŽƵǀĞůůĞƈƵǀƌĞĞƚůĂƌĠŝŶƚĠŐƌĂŶĚĞ͘
>Ă ĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶ ĚĞ ŶŽƵǀĞůůĞ ƈƵǀƌĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƋƵ͛ƵŶĞ ǀĂƌŝĂŶƚĞ ĚĞ ůĂ ĐŽŵƉůĂŝŶƚĞ͘ ůůĞ ŝŶƚĞƌǀŝĞŶƚ
lorsque le trouble possessoire est lié à une construction. Par exemple, mon voisin construit sur mon
ƚĞƌƌĂŝŶ͕ũ͛ŝŶƚĞŶƚĞƵŶĞĂĐƚŝŽŶƋƵŝĚĠŶŽŶĐĞůĂŶŽƵǀĞůůĞƈƵǀƌĞƋƵŝǀĂĂǀŽŝƌƉŽƵƌĞĨĨĞƚĚ͛ĂƌƌġƚĞƌůĞƚƌĂǀĂŝů
ĚĞ ĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ ĞŶ ĐŽƵƌƐ Ğƚ Ě͛ŽďůŝŐĞƌ ůĂ ĚĠŵŽůŝƚŝŽŶ ũƵƐƋƵ͛ă ĐĞ ƋƵĞ ůƵŝ ĂŐŝƐƐĞ ĂƵ ƉĠƚŝƚŽŝƌĞ Žƶ ŝů
apportera la preuve de sa propriété. Le demandeur doit démontrer que pendant une année au
moins (celle qui précède le trouble possessoire) il a été pleinement en possession de la chose (en
ŐĠŶĠƌĂů ŝŵŵĞƵďůĞͿ ĚŽŶĐ ƋƵ͛ŝů Ă ĞdžĞƌĐĠ ƐƵƌ ĐĞƚ ŝŵŵĞƵďůĞ ƚŽƵƚĞƐ ůĞƐ ƉƌĠƌŽŐĂƚŝǀĞƐ ĞdžĞƌĐĠĞƐ
normalement par un propriétaire.
hŶĞĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞĚĞů͛ĞdžŝŐĞŶĐĞĚĞĚĠŵŽŶƚƌĞƌƐĂƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶĞƐƚƋƵ͛ŽŶĚŽŝƚĂǀŽŝƌĞdžĞƌĐĠůĞƐ
ƉƌĠƌŽŐĂƚŝǀĞƐĚ͛ƵŶƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞĞŶŶŽŵƉƌŽƉƌĞ͘ĞƋƵŝĞdžĐůƵƚĚŽŶĐĚƵďĠŶĠĨŝĐĞĚĞů͛ĂĐƚŝŽŶƉŽƐƐĞƐƐŽŝƌĞ
ƋƵĞůƋƵ͛ƵŶƋƵŝŶĞƉŽƐƐğĚĞƉĂƐƉŽƵƌůƵŝ-‐ŵġŵĞ͘WĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ůĞůŽĐĂƚĂŝƌĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚŝƚƵůĂŝƌĞĚ͛ƵŶĚƌŽŝƚ
réel. Il a juste un contrat ĂǀĞĐůĞďĂŝůůĞƵƌ͘/ůŶ͛ĂƉĂƐĚĞƚŝƚƌĞƐƵƌůĂĐŚŽƐĞ͘/ůŶĞƉŽƐƐğĚĞƉĂƐ pro suo
mais pro alieno͕ ĚŽŶĐ Ɛ͛ŝů ĞdžĞƌĐĞ ĚĞƐ ƉƌĠƌŽŐĂƚŝǀĞƐ ƋƵŝ ƉĞƵǀĞŶƚ ƐĞ ĐŽŶĨŽŶĚƌĞ ĂǀĞĐ ĐĞůůĞƐ ĚƵ
propriétaire, il ne les exerce pas en son nom. Un locataire ne peut en conséquence exercer une
ĂĐƚŝŽŶ ƉŽƐƐĞƐƐŽŝƌĞ͘ ^ŝ ĐĞ ĚĞƌŶŝĞƌ ĐŽŶƐƚĂƚĂŝƚ ƵŶ ƚƌŽƵďůĞ ƉŽƐƐĞƐƐŽŝƌĞ͕ ŝů ĂůŽƌƐ ĚĞǀƌĂŝƚ Ɛ͛ĂĚƌĞƐƐĞƌ ĂƵ
propriétaire, le bailleur, qui pourra intenter une action possessoire.
La complainte et sa variante sont des actions possessoires au sens étroit, elles protègent
donc le possesseur. En revanche, la réintégrande, bien que considérée comme action possessoire
;ĐĂƌ ĞůůĞ Ă ůĞ ŵġŵĞ ďƵƚͿ Ŷ͛ĞŶ ĞƐƚ ƉĂƐ ƵŶĞ ĂƵ ƐĞŶƐ ĠƚƌŽŝƚ ĐĂƌ ůĞ ĚĞŵĂŶĚĞƵƌ Ŷ͛Ă ƉĂƐ ă ƉƌŽƵǀĞƌ ƐĂ
ƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ͘/ůŶ͛ĂƉĂƐăĨĂŝƌĞůĂƉƌĞƵǀĞƋƵĞƉĞŶĚĂŶƚů͛ĂŶŶĠĞƋƵŝƉƌĠĐğĚĞůĞƚƌŽƵďůĞŝůĂĞdžĞƌĐĠĞŶƐŽŶ
ŶŽŵƉƌŽƉƌĞůĞƐƉƌĠƌŽŐĂƚŝǀĞƐĚ͛ƵŶƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞ͘/ůĚŽŝƚũƵƐƚĞƉƌŽƵǀĞƌƋƵ͛ŝůLJĂĞƵƵŶĂĐƚĞĚĞǀŝŽůĞŶĐĞ͕
que le trouble possessoire est dû à une violence, à une voie de fait. Le demandeur en réintégrande
Ŷ͛ĂƉĂƐăƉƌŽƵǀĞƌƐĂƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ͘ŝŶƐŝĚŽŶĐ͕ůĞůŽĐĂƚĂŝƌĞ;ƐŝŵƉůĞĚĠƚĞŶƚĞƵƌ͕ƋƵŝƉŽƐƐğĚĞpro alieno) a
ůĂĨĂĐƵůƚĠĚ͛ŝŶƚĞŶƚĞƌůĂƌĠŝŶƚĠŐƌĂŶĚĞĐĂƌŝůŶ͛ĂƉĂƐăĨĂŝƌĞůĂƉƌĞƵǀĞĚĞƐĂƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ͘
͛ŽƶǀŝĞŶŶĞŶƚĐĞƐĂĐƚŝŽŶƐ ͍ůůĞƐƉƌŽǀŝĞŶŶĞŶƚĚ͛ƵŶĞƚƌğƐǀŝĞŝůůĞŚŝƐƚŽŝƌĞ͘>ĂĐŽŵƉůĂŝŶƚĞĂƐĂ
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
source dans une action anglaise, une action de common law. Elle a ensuite été copiée sur le
continent par les rois français vers le 13ème siècle. La réintégrande a quant à elle une origine plus
ancienne. Les textes sur lesquels les juges français se sont basés sont de droit canonique. Mais en
ĨĂŝƚĐ͛ĞƐƚƵŶĨĂƵdžƋƵŝĂĠƚĠĨĂďƌŝƋƵĠǀĞƌƐůĞŵŝůŝĞƵĚƵϵème siècle par un moine qui souffrait (comme
pas mal de moines de l͛ĠƉŽƋƵĞͿĚĞƐĞdžĂĐƚŝŽŶƐĨĂŝƚĞƐƉĂƌůĞƐůĂŢĐƐ͕ůĞƐƐĞŝŐŶĞƵƌƐƋƵŝŵĞƚƚĂŝĞŶƚƉĂƌĨŽŝƐ
ůĂŵĂŝŶƐƵƌůĞƐďŝĞŶƐĚĞů͛ŐůŝƐĞ;ƋƵŝŶ͛ĂǀĂŝƚƉĂƐůĂƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚĞƌĠƉůŝƋƵĞƌƉĂƌůĂĨŽƌĐĞͿ͘hŶŵŽŝŶĞĂ
donc fait un faux décret qui dit que celui qui a été dépouillé par la force doit être rétablit dans sa
ƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ͕ƉĞƵŝŵƉŽƌƚĞĚŽŶĐůĂƋƵĞƐƚŝŽŶĚĞƐĂǀŽŝƌƐ͛ŝůĞƐƚƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞŽƵŶŽŶ͘/ůLJĂƵŶĞƐĞƵůĞĐŚŽƐĞ
à faire ; corriger les effets de la force et rétablir les choses antérieures. Ce principe a été posé par ce
faussaire qui a rédigé des « décrétales ͩ͛͘ĞƐƚƵŶĨĂƵdžŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞŵĂŝƐĐ͛ĞƐƚĚĞǀĞŶƵƵŶǀƌĂŝũƵƌŝĚŝƋƵĞ
car les décrétales ont été intégrées au droit canonique.
>͛ĠƉŽƋƵĞĚƵŵŽLJĞŶ-‐âge est une époque de recul intellectuel par rapport à ce qui se mettait
en place à lĂĨŝŶĚĞů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠ͘ŶĚƌŽŝƚĐĂŶŽŶŝƋƵĞ͕ůĞƐLJƐƚğŵĞĚĞƐŽƵƌĐĞŵĂƌĐŚĂŝƚďŝĞŶ͕ŵĂŝƐŝůŶ͛ĞƐƚ
maintenant plus respecté.
2. Droit laïc
2.1. Les lois des royaumes barbares du sud (Visigoths, Burgondes, Lombards) : l'influence du
modèle législatif romain
En droit laïc, que se passe-‐t-‐il ͍>ĞƐ ďĂƌďĂƌĞƐĞŶǀĂŚŝƐƐĞŶƚ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ͘ŽŵŵĞŶƚ ĐƌĠĞƌ
du droit ͍ >Ğ ƉŚĠŶŽŵğŶĞ ƋƵŝ ƐĞ ŵĂŶŝĨĞƐƚĞ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ƵŶĞ ĞƐƉğĐĞ ĚĞ ƚĞŶƚĂƚŝǀĞ ĚĞƐ ƌŽŝƐ
barbares de se créer un ordre législatif à la romaine et de se donner des lois écrites calquées sur les
ĐŽĚĞƐƌŽŵĂŝŶƐ;ĐŽĚĞƐĚ͛ĂǀĂŶƚ:ƵƐƚŝŶŝĞŶͿ͕ůĞƐĐŽĚĞƐŚĞƌŵŽŐĠŶŝĞŶĞƚŐƌĠŐŽƌŝĞŶĞƚůĞĐŽĚĞƚŚĠŽĚŽƐŝĞŶ͘
KŶƌĞƚƌŽƵǀĞĚŽŶĐů͛ŝĚĠĞĚƵƌŽŝůĠŐŝƐůĂƚĞƵƌ͘
2.2. Les leges romanae et la conservation d'éléments de droit romain
Cette législation va être construite de manière différente dans les royaumes barbares du sud
et ceux du nord. Chez les barbares du sud, les visigots, les rois promulguent à peu près
simultanément deux catégories de lois, une lex romana ;ůŽŝăů͛ƵƐĂŐĞĚĞƐƌomains, en fait un abrégé
ĚĞ ƐŽƵƌĐĞƐ ƌŽŵĂŝŶĞƐ͕ ĚĞĐŽĚĞƐ ƌŽŵĂŝŶƐĚŽŶƚůĞĐŚĂŵƉĚ͛ĂƉƉůŝĐĂƚŝŽŶĞƐƚŶŽƌŵĂůĞŵĞŶƚ ƌĠƐĞƌǀĠ ĂƵdž
romains conquis) et une lex barbara (une loi qui se définit par elle-‐même comme non romaine et à
ů͛ƵƐĂŐĞĚĞƐďĂƌďĂƌĞƐĞƚƋƵŝĞdžƉƌŝŵĞů͛ĠŵĞƌŐĞŶĐĞĚĞƌğŐůĞƐŶŽƵǀĞůůĞƐ͕ĚĞƌğŐůĞƐƋƵŝŶ͛ŽŶƚƉůƵƐƌŝĞŶă
ǀŽŝƌĂǀĞĐů͛ĂƉƉŽƌƚĚĞů͛ĂŶƚŝƋƵŝƚĠ͘ůůĞĞƐƚĠĐƌŝƚĞĞŶůĂƚŝŶ͕ĂǀĞĐƋƵĞůƋƵĞƐŵŽƚƐŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞƐͿ͘KŶƐĞŶƚ
ƋƵ͛ŝůĂƚŽƵƚĚĞŵġŵĞƵŶĞŝŶĨůƵĞŶĐĞĚĞƐƉŽƉƵůĂƚŝŽŶƐŐĞƌŵĂŶŽƉŚŽŶĞƐŵĂŝƐů͛ŝĚĠĞƋƵŝĚŽŵŝŶĞĞƐƚque
Đ͛ĞƐƚůĞƌŽŝƋƵŝůĠŐŝĨğƌĞƉŽƵƌĚĞƵdžĐĂƚĠŐŽƌŝĞƐĚĞůĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶ͛͘ĞƐƚůĞƉƌŝŶĐŝƉĞĚĞůĂƉĞƌƐŽŶŶĂůŝƚĠĚĞƐ
lois, un principe qui est sous-‐ũĂĐĞŶƚĂƵƐLJƐƚğŵĞƋƵŝĞdžŝƐƚĞƌĂũƵƐƋƵ͛ĂƵdžĞŶǀŝƌŽŶƐĚĞů͛ĂŶϭϬϬϬ͛͘ĞƐƚƵŶ
ƉƌŝŶĐŝƉĞĚŽŶƚŝůĞƐƚƚƌğƐĚŝĨĨŝĐŝůĞĚ͛ŝŵĂŐiner le fonctionnement si on le prend au pied de la lettre, mais
il est quand même sous-‐jacent au système. Le modèle du roi législateur est un modèle romain. Les
ƌŽŝƐďĂƌďĂƌĞƐŽŶƚĐŽƉŝĠůĞƐĞŵƉĞƌĞƵƌƐƌŽŵĂŝŶƐ͘>ĞƵƌůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐĞŶůĂƚŝŶ͘
2.3. La législation des Francs saliens : le problème de l'origine de la Loi salique
ǀĂŶƚƚŽƵƚĞĂƵƚƌĞĐŚŽƐĞ͕ŶŽƚŽŶƐƋƵĞůŽƌƐƋƵ͛ŽŶƉĂƌůĞĚĞůĂ>ŽŝƐĂůŝƋƵĞ͕ĚĂŶƐĐĞĐŽŶƚĞdžƚĞ͕ŽŶ
est très loin du droit belge actuel.
>͛ƵŶĞ ĚĞƐ ůŽŝƐďĂƌďĂƌĞƐůĂƉůƵƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ ĞƐƚůĂůŽŝƐĂůŝƋƵĞ ;ĚŽŶĐ ůĂůŽŝĚĞƐ ƐĂůŝĞŶƐͿ͘Ɛƚ-‐ce
que cette loi salique correspond au même modèle que les lois barbares du Sud ? Pendant longtemps
ŽŶů͛ĂĐƌƵ;ũƵƐƋƵĞĚĂŶƐůĞƐĂŶŶĠĞƐϭϵϵϬͿ͘ĞƋƵŝĠƚĂŝƚĞŶƐĞŝŐŶĠ͕Đ͛ĞƐƚůĂŵġŵĞĐŚŽƐĞƋƵ͛ŽŶĚŝƐĂŝƚĚĞƐ
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
visigots ͗ŝůLJĂƵŶĞŵŽŶĂƌĐŚŝĞ ƋƵŝĠŵĞƌŐĞĞƚƋƵŝƐ͛ĂĨĨŝƌŵĞƐƵƌƚŽƵƚ ĂǀĞĐůŽǀŝƐƋƵŝƉƌŽŵƵůŐƵĞůĂůŽŝ
salique en 507-‐ϱϭϭ͘ KŶ Ɛ͛ĞƐƚ ƚŽƵƚ ĚĞ ŵġŵĞ ĂƉĞƌĕƵ ƋƵ͛ŝů LJ ĂǀĂŝƚ ƵŶĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ ĞŶƚƌĞ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ
observait dans le monde des francs et ailleurs. Il existe une loi romaine chez les bourbons, il y a une
ůŽŝƌŽŵĂŝŶĞƉƵďůŝĠĞƉĂƌůĞƐƌŽŝƐǀŝƐŝŐŽƚŵĂŝƐŝůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞůŽŝƌŽŵĂŝŶĞƉƵďůŝĠĞƉĂƌůĞƐƌŽŝƐĚĞƐĨƌĂŶĐƐ͘
De plus, cette loi salique est de toutes les lois barbares celle qui Ăů͛ĂŝƌĚ͛ġƚƌĞůĂƉůƵƐƉƌŝŵŝƚŝǀĞ͘ůůĞ
est dépouillée de toute construction stylistique (elle a le texte le plus primaire) et elle est le plus
imprégnée de vocabulaire germanique.
2.3.1. Les couches rédactionnelles de la Loi salique
Il y a dans cette loi salique une chronologie du texte. Avant 1990, on distinguait trois niveaux
dans cette chronologie :
2.3.1.1. Le Pactus legis salicae (507-‐511) et les gloses malbergiques
Le pactus legis salicae qui est composé de 65 titres.
2.3.1.2. La version longue et les capitulaires (VIe-‐VIIIe s.)
De ce noyau primitif on a ensuite fait une version longue composée de 100 titres. Cette
version contient donc le pacte primitif augmenté des capitulaires, qui sont les législations des rois
postérieurs à Clovis.
2.3.1.3. La version réformée de Charlemagne (lex salica emendata)
Enfin, il y a la troisième version dite « caroline » ou la carolina en latin. Elle est une refonte
ĚƵ ƚĞdžƚĞ ƉƌŽĚƵŝƚĞ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ĚĞ ŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ͘ KŶ Ă ƌĞƚƌŽƵǀĠ ůĂ ƚƌĂĐĞ ĚĞ ĐĞƚƚĞ ǀĞƌƐŝŽŶ ĚĂŶƐ ϳϬ
ŵĂŶƵƐĐƌŝƚƐ͕ĐĞƋƵŝŵŽŶƚƌĞƋƵ͛Ğlle a eu une importance tout à fait particulière.
2.3.1.4. Les noyaux primitifs
ŶϭϵϵϬ͕ƵŶŚŝƐƚŽƌŝĞŶĂŵŽŶƚƌĠ ƋƵ͛ăĐĞƐƚƌŽŝƐŶŝǀĞĂƵdž͕ ŝůĨĂƵƚ ĂũŽƵƚĞƌƵŶƋƵĂƚƌŝğŵĞ͕ ƋƵŝƐĞ
situe avant le pactus. Cette toute première version concerne plus ou moins 60 titres du pacte, et elle
ĚĂƚĞĚĞƉůƵƐŽƵŵŽŝŶƐϯϱϬ;ĚŽŶĐŶĞƚƚĞŵĞŶƚĂǀĂŶƚů͛ĠŵĞƌŐĞŶĐĞĚĞůĂŵŽŶĂƌĐŚŝĞͿ͕ĐĞƋƵŝŵŽŶƚƌĞƋƵĞ
ĐĞƚƚĞ ůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶ ĠƚĠ ĨĂŝƚĞ ƐŽƵƐ ƉƌĞƐƐŝŽŶ ƌŽŵĂŝŶĞ͘ ůůĞ Ă ĠƚĠ ĨĂŝƚĞ ĚĂŶƐ ĐĞ ƋƵŝ ĞƐƚ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ ůĂ
ĞůŐŝƋƵĞ;,ĞƐďĂLJĞĞƚďƌĂďĂŶƚͿăů͛ĠƉŽƋƵĞŽƶůĞƐ francs étaient sous domination romaine, époque à
ůĂƋƵĞůůĞŝůƐĨŽƵƌŶŝƐƐĂŝĞŶƚƵŶĞďŽŶŶĞƉĂƌƚŝĞĚĞƐĂƵdžŝůŝĂŝƌĞƐŐĞƌŵĂŝŶƐĚĞů͛ĂƌŵĠĞƌŽŵĂŝŶĞ͘
>͛ĂĚũĞĐƚŝĨ ƐĂůŝĞŶ ĞƐƚ ă ƌĂƉƉƌŽĐŚĞƌ ĚĞ ů͛ĂŶŐůĂŝƐ ͨ to sale », donc en réalité les francs saliens
sont ceux qui se sŽŶƚǀĞŶĚƵƐ͕ƋƵŝƐĞƐŽŶƚĚŽŶŶĠƐăů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠƌŽŵĂŝŶĞ͘
Une bonne partie des premiers titres de la loi salique est donc une série de règlements qui
ŽŶƚ ĠƚĠ ƉƌŝƐ ƐŽƵƐ ů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠ ƌŽŵĂŝŶĞ Ğƚ ƋƵŝ ŽŶƚ ƚŽƵƐ ƵŶ ƐĞƵů ďƵƚ ͗ ŵĂŝŶƚĞŶŝƌ ů͛ŽƌĚƌĞ͕ ũƵŐƵůĞƌ ůĂ
ǀŝŽůĞŶĐĞ͛͘ĞƐƚăƉĂƌƚŝƌĚĞĐĞŶŽLJĂƵƉƌŝŵŝƚŝĨƋƵĞůĂůŽŝƐĂůŝƋƵĞĂĠǀŽůƵĠ͘ŶƐƵŝƚĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚƵƚĞdžƚĞĞƐƚ
plus facile à connaître. Après Clovis, ses successeurs ajoutent des capitulaires à la loi salique et vers
800, Charlemagne fait une refonte de la loi.
2.3.2. Les caractéristiques de la composition: un texte associatif, casuistique et concret
>ĂůŽŝƐĂůŝƋƵĞĞƐƚƵŶƚĞdžƚĞƋƵŝĂƉŽƵƌĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞĚ͛ġƚƌĞassociatif, casuistique et concret.
ƐƐŽĐŝĂƚŝĨ ĐĂƌ Đ͛ĞƐƚ ƵŶĞ ĐŽŵďŝŶĂŝƐŽŶ ĚĞ ĐŚĂƉŝƚƌĞƐ ƋƵŝ ŶĞ ƐŽŶƚ ƉĂƐ ŵŝƐ ĞŶƐĞŵďůĞ ƉĂƌ ŵĂƚŝğƌĞ ŵĂŝƐ
12
HDP ʹ Le haut Moyen Age
ƐĞůŽŶ ĚĞƐ ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ Ě͛ŝĚĠĞƐ͘ KŶ Ă ŵŝs les chapitres les uns après les autres. Ces associations
Ě͚ŝĚĠĞƐ ǀĂƌŝĞŶƚ Ě͛ƵŶ ŵĂŶƵƐĐƌŝƚ ă ů͛ĂƵƚƌĞ͘ ŽŶĐ ŽŶ Ă ĚĞƐ ƚĞdžƚĞƐ ƋƵŝ Ŷ͛ŽŶƚ Ă ƉƌŽƉƌĞŵĞŶƚ ƉĂƌůĞƌ ƉĂƐ
Ě͛ŽƌĚƌĞ͘>͛ŽƌĚƌĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐĚĠĨŝŶŝ͕ŝůĞƐƚĂůĠĂƚŽŝƌĞ͕ŝůĞƐƚ ƐƵƐĐĞƉƚŝďůĞĚĞ ƐĞ ŵŽĚŝĨŝĞƌ͕ ĞŶƌĂŝƐŽŶĚĞ ces
ũĞƵdžĚ͛ĂƉƉƌŽdžŝŵĂƚŝŽŶĚĞƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚƐƵƚŝůŝƐĂƚĞƵƌƐĚƵƚĞdžƚĞ͘
Ensuite, le texte est casuistique : les textes sont envisagés sous forme de casus
extrêmement concret. On envisage une hypothèse et on impute à cette hypothèse une certaine
conséquence. AinƐŝ͕ĐĞůƵŝƋƵŝĂǀŽůĠƵŶĞǀĂĐŚĞ͕ƵŶƚĂƵƌĞĂƵ͕ĞƚĐ͘ŶƌĠĂůŝƚĠ͕ůĞƌĠĚĂĐƚĞƵƌŶ͛ĞŶǀŝƐĂŐĞ
ƉĂƐůĞǀŽůĚĞŵĂŶŝğƌĞĂďƐƚƌĂŝƚĞ͕ŝůŶ͛LJĂŵġŵĞƉĂƐƵŶĞĐĂƚĠŐŽƌŝĞǀŽůĚĞďĠƚĂŝůƋƵŝĞŶŐůŽďĞƌĂŝĞŶƚĐĞƚƚĞ
ƐĠƌŝĞĚ͛ĞƐƉğĐĞƐ͘/ůLJĂƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĐŽŶĐƌğƚĞĚƵĐĂƐƵƐ͘
2.3.3. Le problème de l'interprétation et de l'application de la loi au haut Moyen Âge: les
indices de l'utilisation des textes législatif (nombre des manuscrits, citations des lois
dans les documents judiciaires)
Aussi, ces textes, analysés dans le détail sont difficiles à comprendre car la langue est mal
maîtrisée. Le pactus legis salicae est rédigé dans un latin très mauvais sur le plan grammatical. Ces
ƚĞdžƚĞƐ Ŷ͛ŽŶƚ ƉĂƐ ĚĞ ƐĞŶƐ ůŝƚƚĠƌĂů͘ hŶĞ ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶ ůŝƚƚĠƌĂůĞ ĞƐƚ ŝŵƉŽƐƐŝďůĞ ĐĂƌ ŝů LJ Ă ĚĞƐ ĨĂƵƚĞƐ ĚĞ
grammaire partout. Quand on traduit, on donne au texte la version la plus plausible mais on ne peut
pas traduire de manière littérale.
Si on compare les versions de Clovis (le pactus) et de Charlemagne (la carolinaͿ͕ŽŶƐ͛ĂƉĞƌĕŽŝƚ
que la réforme de Charlemagne a consisté à refaire de la grammaire : on a cherché à réécrire le texte
de manière correcte.
Il y aussi un problème germanique ͖ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire que si on y regarde de près, ce texte est
ƚƌƵĨĨĠ ĚĞ ŵŽƚƐ ŶŽŶ ůĂƚŝŶƐ͕ Ě͛ŽƌŝŐŝŶĞ ŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞ͘ ƚ ƉůƵƐ ƉƌĠĐŝƐĠŵĞŶƚ ƋƵŝ ǀŝĞŶŶĞŶƚ Ě͛ƵŶĞ ůĂŶŐƵĞ
germanique non écrite. Dans le pactus legis salicae, les mots germaniques sont saisis par une glose
malbergique. Mal ĞƐƚ ƵŶ ƚĞƌŵĞ ƋƵŝ ĚĂŶƐ ůĞ ŵŽŶĚĞ ƐĂůŝĞŶ ĞƐƚ ů͛ĠƋƵŝǀĂůĞŶƚ ĚĞ thing, le « tribunal »
germain. Berg signifie la montagne. Malberg signifie donc la montagne du tribunal : cette assemblée
Ě͛ŚŽŵŵĞƐ ůŝďƌĞƐ ƋƵŝ ƚƌĂŶĐŚĂŝĞŶƚ ůĞƐ ĐŽŶĨůŝƚƐ ƐĞ ƌĠƵŶŝƐƐĂŝĞŶƚ ĚĂŶƐ ĚĞƐ ůŝĞƵdž ƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌƐ͕ ĚĞƐ
ŵŽŶƚŝĐƵůĞƐ ƐŝƚƵĠƐ ŐĠŶĠƌĂůĞŵĞŶƚ ă ů͛ĠŐĂƌĚ ĚĞƐ ŐĞŶƐ͘ >Ă ŐůŽƐĞ ŵĂůďĞƌŐŝƋƵĞ ƌĞŶǀŽŝĞ ă ƵŶ ůĂŶŐĂŐĞ
particulŝĞƌƋƵ͛ŽŶƉĂƌůĂŝƚƐƵƌůĞŵĂůďĞƌŐ͕ůŝĞƵŽƶƐĞƌĠƵŶŝƐƐĂŝĞŶƚůĞƐŚŽŵŵĞƐƉŽƵƌũƵŐĞƌĚĞƐĐĂƐ͘
La glose malbergique ne se retrouve que dans le pactus (voir texte 1, §2) : on y trouve des
ŵŽƚƐƋƵŝŶĞƌĞƐƐĞŵďůĞŶƚăƌŝĞŶ͘/ůƐƐŽŶƚĚ͛ŽƌŝŐŝŶĞŽƌĂůĞĞƚŽŶƚĠƚĠĚĠĨŽrmés par les scribes. La glose
ŵĂůďĞƌŐŝƋƵĞ ƉƌŽǀŝĞŶƚ ĚŽŶĐ Ě͛ƵŶĞ ůĂŶŐƵĞ ŽƌĂůĞ ĨŽƌŵĠĞ ƉĂƌ ĚĞƐ ĐŽŶƚĂĐƚƐ ĐƵůƚƵƌĞůƐ͕ ƵŶĞ ůĂŶŐƵĞ
ŽďƐĐƵƌĞŵġŵĞƉŽƵƌĐĞƵdžƋƵŝŽŶƚƌĠĚŝŐĠůĞƐŵĂŶƵƐĐƌŝƚƐ͛͘ĞƐƚƉŽƵƌĐĞƚƚĞƌĂŝƐŽŶƋƵ͛ŽŶŶĞƚƌŽƵǀĞƉůƵƐ
de glose malbergique dans les versions ultérieures de la loi salique.
2.3.4. /ŵƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚ͛ƵŶĞĂƉƉůŝĐĂƚŝŽŶƐƵƌůĞŵŽĚğůĞĚĞĐĞůůĞĚĞƐůŽŝƐĂĐƚƵĞůůĞƐŽƵƌŽŵĂŝŶĞƐ
Que peut-‐on faire de ces textes ? Comment les comprendre ? Sont-‐ils une loi ? Ils
ƉƌŽǀŝĞŶŶĞŶƚ Ě͛ƵŶ ƌŽŝ ůĠŐŝƐůĂƚĞƵƌ͕ ŵĂŝƐ ƐŽŶƚ-‐ils comparables au droit romain, au droit actuel ?
^͛ĂƉƉůŝƋƵĞŶƚ-‐ils comme on applique nos textes juridiques actuels ? Et étaient-‐ils destinés à être
utilisés ͍ DĂŶŝĨĞƐƚĞŵĞŶƚ ŽƵŝ͕ ĐĞƐ ƚĞdžƚĞƐ ĠƚĂŝĞŶƚ ĚĞƐƚŝŶĠƐ ă ġƚƌĞ ƵƚŝůŝƐĠ ŵĂŝƐ ůĂ ĨĂĕŽŶ ĚŽŶƚ ŽŶ Ɛ͛ĞŶ
ƐĞƌǀĂŝƚŶ͛ĂƌŝĞŶĂǀŽŝƌĂǀĞĐů͛ĂƉƉůŝĐĂƚŝŽŶĂĐƚƵĞůůĞĚ͛ƵŶƚĞdžƚĞũƵƌŝĚŝƋƵĞ͘KŶĂůĂƉƌĞƵǀĞƋƵ͛ŽŶƐĞƐĞƌǀĂŝƚ
ĚĞ ĐĞƐ ƚĞdžƚĞƐ͘ KŶ Ă ĐŽŶƐĞƌǀĠ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ ϳϬ ŵĂŶƵƐĐƌŝƚƐ ĚĂŶƐ ůĞƐƋƵĞůƐ ŽŶ ƉĂƌůĞ ĚĞ ůĂ ůŽŝ ƐĂůŝƋƵĞ
;ĐŚŝĨĨƌĞĐŽŶƐŝĚĠƌĂďůĞƉŽƵƌů͛ĠƉŽƋƵĞͿ͘ƚĐĞƐŵĂŶƵƐĐƌŝƚƐƐŽŶƚŝƐƐƵƐ de personnes qui avaient un rôle
judiciaire. Par ailleurs, on a conservé quelques jugements, qui permettent de constater que, de
ƚĞŵƉƐĞŶƚĞŵƉƐ͕ŽŶĐŝƚĞůĂůŽŝƐĂůŝƋƵĞ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ăƉĂƌƚŝƌĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞĐĂƌŽůŝŶŐŝĞŶŶĞ͕ŽŶĂƵŶƉĞƵƉůƵƐ
13
HDP ʹ Le haut Moyen Age
de documentation. Cette documentation permet de constater que de temps à autres, ces lois sont
citées. Parfois, les jugements se réfèrent explicitement à un texte de la loi salique. Ces textes avaient
donc bien un impact politique. Mais on ne peut pas imaginer leur application comme on applique la
ůŽŝĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĞƚĐĞƉŽƵƌĚĞƵdžƌĂŝƐŽŶƐ͘
2.3.4.1. Première raison : défectuosités de la rédaction (absence d'abstraction -‐ impossibilité du
syllogisme judiciaire)
͛ĂďŽƌĚ͕ ŝů ĞƐƚ ŝŵƉŽƐƐŝďůĞ Ě͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌ ĐĞƚƚĞ ůŽŝ ĐŽŵŵĞ ůĞƐ ŶƀƚƌĞƐ ƉŽƵƌ ƵŶĞ ƌĂŝƐŽŶ
ŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůůĞ͘ ĞƐ ƚĞdžƚĞƐ ƐŽŶƚ ĨƌĂƉƉĠƐ Ě͛ƵŶĞ ŵĂƵǀĂŝƐĞ ƋƵĂůŝƚĠ ĚĞƐ ƚĞdžƚĞƐ Ğƚ Ě͛ƵŶĞ ĂďƐĞŶĐĞ
Ě͛ĂďƐƚƌĂĐƚŝŽŶŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞĂƵƐLJůůŽŐŝƐŵĞũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘
La plupart de ces textes ont ů͛ĂůůƵƌĞ ĚĞ ĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶ ĚĞ ĚƌŽŝƚ ƉĠŶĂů͘ Ŷ ĞĨĨĞƚ͕ ŽŶ ĚĠĐƌŝƚ ƵŶĞ
« infraction » et il y a une somme à payer pour chaque délit commis. Mais ce qui est impossible à
ĨĂŝƌĞƉƌĂƚŝƋƵĞŵĞŶƚĂǀĞĐĐĞƐƚĞdžƚĞƐ͕Đ͛ĞƐƚĐĞƋƵŝĞƐƚůĂĐůĠĚƵĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚĚƵĚƌŽŝƚƉĠŶĂůĚe nos
ũŽƵƌƐ͕ Đ͛ĞƐƚ ƵŶ ƐLJůůŽŐŝƐŵĞ ;ƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ ůĞ ƉůƵƐ ƐŝŵƉůĞ ƋƵŝ ƐŽŝƚͿ ũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘ WŽƵƌ ƋƵ͛ƵŶ ƐLJůůŽŐŝƐŵĞ
judiciaire fonctionne, il faut que la majeure soit rédigée de manière relativement abstraite de
manière à pouvoir rencontrer un grand nombre de cas concrets différents. Or, dans la loi salique, il
Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĚĞ ĐĂƚĠŐŽƌŝĞ ĂďƐƚƌĂŝƚĞ ;ƉĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ͕ ůĞ ǀŽů ƚŽƵƚ ĐŽŵŵĞ ƵŶĞ ĐĂƚĠŐŽƌŝĞ ƉŽƵƌ ĐŽƵƉƐ Ğƚ
ďůĞƐƐƵƌĞƐ ĞŶ ƚĂŶƚ ƋƵĞ ƚĞůŶ͛ĞdžŝƐƚĞŶƚ ƉĂƐͿ͘ >Ğ ƐLJůůŽŐŝƐŵĞ ũƵĚŝĐŝĂŝƌĞĞƐƚ ĚŽŶĐ ŝŵƉŽƐƐŝďůĞ͘WĂƌ ĂŝůůĞƵƌƐ͕
souvent, dans une affaire, il est pour ainsi dire impossible que le juge ait devant lui exactement ce
que décrit le texte.
En réalité, ces règles ne sont pas impératives et encore moins supplétives. Ce sont des règles
indicatives, ce sont des exemples. On nous proposĞƵŶŵŽĚğůĞƋƵ͛ŽŶŶŽƵƐŝŶǀŝƚĞăƐƵŝǀƌĞŵĂŝƐƋƵ͛ŝů
ĞƐƚŝŵƉŽƐƐŝďůĞĚ͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌĚĞŵĂŶŝğƌĞŵĠĐĂŶŝƋƵĞ͘ĞƐƚĞdžƚĞƐŶĞƉĞƵǀĞŶƚġƚƌĞƵƚŝůĞƐƋƵĞƐŝŽŶŶĞůĞƐ
ƉƌĞŶĚƉĂƐăůĂůĞƚƚƌĞ͘KŶůĂŝƐƐĞĂƵũƵŐĞƵŶĞƚƌğƐŐƌĂŶĚĞŵĂƌĐŚĞĚĞŵĂŶƈƵǀƌĞĚĂŶƐůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚŝůǀĂ
utiliser ces règles.
2.3.4.2. Fonctionnement de la procédure
Ensuite, la deuxième raison est technique. A quoi correspond le fait de régler un litige à
ů͛ĠƉŽƋƵĞĨƌĂŶĐ ͍ĂŶ͛ĂƌŝĞŶăǀŽŝƌĂǀĞĐĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘KŶĂĂĨĨĂŝƌĞăƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠƋƵŝŶ͛ĂƌŝĞŶăǀŽŝƌĂǀĞĐ
le droit romain, qui connait très bien la vengeance et plus particulièrement la vengeance privée. Les
adversaires utilisent la force directement les uns contre les autres. On règle les problèmes par des
ĂĨĨƌŽŶƚĞŵĞŶƚƐ͘>ĞďƵƚĚĞĐĞƐůŽŝƐĞƐƚĚğƐůŽƌƐĚĞůŝŵŝƚĞƌů͛Ğxercice privé de la violence.
WƌŽďĂďůĞŵĞŶƚ͕ůŽƌƐƋƵ͛ŽŶĂƌĠĚŝŐĠůĂƉƌĞŵŝğƌĞůŽŝƐĂůŝƋƵĞ͕ůĞďƵƚĠƚĂŝƚĚ͛ŽďƚĞŶŝƌƵŶŵŝŶŝŵƵŵ
ĚĞŵĂŝŶƚŝĞŶƚĚĞů͛ŽƌĚƌĞ͕ĚĞĐŽŚĠƐŝŽŶƐŽĐŝĂů͛͘ĞƐƚƉŽƵƌĐĞƚƚĞƌĂŝƐŽŶƋƵĞĐĞƐƚĞdžƚĞƐŽŶƚĚŽŶĐƚŽƵƐů͛Ăŝƌ
Ě͛ġƚƌĞĚĞƐƚĞdžƚĞƐƉĠŶĂƵdž͘/ůLJĂƉůƵƐĚ͛ĂƐƉĞĐƚƉĠŶĂůĐĂƌůĞďƵƚĞƐƚĚĞĐŽŶƚƌƀůĞƌůĂǀŝŽůĞŶĐĞ͘KŶĐŚĞƌĐŚĞ
ăĐŽŶƚƌƀůĞƌůĂǀŝŽůĞŶĐĞŵĂŝƐƉĂƌĚĞƐŵŽLJĞŶƐƋƵŝŶĞƐŽŶƚƉĂƐĚƵƚŽƵƚĐĞƵdžƋƵ͛ŽŶƉĞƵƚƵƚŝůŝƐĞƌĚĂŶƐĚĞƐ
ƐŽĐŝĠƚĠƐĐŽŵŵĞůĞƐŶƀƚƌĞƐ͛͘ĞƐƚƉŽƵƌĐĞůĂƋƵ͛ŽŶŶĞƉĞƵƚƉĂƐăƉƌŽƉƌĞŵĞŶƚƉĂrler de droit pénal.
14
HDP ʹ Le haut Moyen Age
IV.
La procédure judiciaire archaïque
1. Le monopole de la contrainte physique comme condition de fonctionnement des
procédures modernes et même déjà de la procédure romaine
YƵ͛ĞƐƚĐĞƋƵĞũƵŐĞƌ ? Le juge est celui qui détermine qui sera le vainqueur et le vaincu, qui a
raison et qui a tort. Il applique au litige une règle de droit. Cette définition correspond à notre vision
des choses. Et le droit romain la partage plus ou moins. Pour que cette conception du juge
ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞ͕ŝůĞdžŝƐƚĞƵŶĞĐŽŶĚŝƚŝŽŶ͘/ůĨĂƵƚƋƵĞůĞũƵŐĞƐŽŝƚĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ŝŵƉŽƐĞƌƐŽŶũƵŐĞŵĞŶƚ͘ĂŶƐ
un tribunal, la personne qui a le rôle le plus important est le gendarme au fond de la salle. En effet,
Ɛ͛ŝůŶ͛ĠƚĂŝƚpas là, le juge ne serait pas le juge.
>Ğ ĨĂŝƚ ĞƐƚ ƋƵĞ ƋƵĂŶĚ ĚĞƵdž ƉĞƌƐŽŶŶĞƐ ƐĞ ĚŝƐƉƵƚĞŶƚ͕ ĞůůĞƐ Ŷ͛ŝƌŽŶƚ ƉĂƐ ĚĞ ŵĂŶŝğƌĞ ŶĂƚƵƌĞůůĞ
ĚĞǀĂŶƚ ƵŶĞƚŝĞƌĐĞƉĞƌƐŽŶŶĞ ƋƵŝǀĂĚĠĐŝĚĞƌƋƵŝĂƌĂŝƐŽŶĞƚ ƋƵŝĂƚŽƌƚ͘ŚĂĐƵŶǀĂĞƐƐĂLJĞƌĚ͛ŝŵƉŽƐĞƌ
son point de vue, sa solutŝŽŶ͘ŝŶƐŝ͕ĐĞůƵŝƋƵŝĞƐƚĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ŝŵƉŽƐĞƌƐĂǀŽůŽŶƚĠŶĞƉĂƐƐĞƉĂƐƉĂƌƵŶ
ũƵŐĞ͘ WĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ͕ ůĞ ƉĂƚƌŽŶ Ă ƵŶ ĐĞƌƚĂŝŶ ƉŽƵǀŽŝƌ ƐƵƌ ů͛ŽƵǀƌŝĞƌ͘ /ů ů͛ƵƚŝůŝƐĞƌĂ ĞŶ ĐĂƐ ĚĞ ůŝƚŝŐĞ ƉŽƵƌ
imposer sa décision. Mais dans nos sociétés il existe une limite : on ne peut pas utiliser la violence et
se faire justice à soi-‐même.
ĂŶƐ ŶŽƐ ƐŽĐŝĠƚĠƐ͕ ů͛ƚĂƚ Ă ůĞ ŵŽŶŽƉŽůĞ ĚĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ͘ ͛ĞƐƚ ůĞ ŵŽŶŽƉŽůĞ ĠƚĂƚŝƋƵĞ ĚĞ ůĂ
violence ͗ ĨŽƌŵƵůĞ ĂƐƐŽĐŝĠĞ ŐĠŶĠƌĂůĞŵĞŶƚ ĂƵ ƐŽĐŝŽůŽŐƵĞ ĂůůĞŵĂŶĚ DĂdž tĞďĞƌ͘ ^ĞůŽŶ ůƵŝ͕ ů͛ƚĂƚ ĞƐƚ
ů͛ĞŶƚŝƚĠ Ƌui revendique sur un territoire déterminé, le monopole de la contrainte physique. Ainsi,
ů͛ŚŽŵŝĐŝĚĞĞƐƚŝŶƚĞƌĚŝƚƉĂƌůĞƐƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌƐŵĂŝƐƐ͛ŝůĞƐƚĐŽŵŵŝƐƉĂƌů͛ƚĂƚŝůĞƐƚůŝĐŝƚĞĚĂŶƐůĂŵĞƐƵƌĞŽƶ
ŝů ů͛Ă ĐŽŵŵĂŶĚĠ͘ ^͛ĞŵƉĂƌĞƌ ĚƵ ďŝĞŶ Ě͛ĂƵƚƌƵŝ ĞƐƚ ƵŶ ǀŽů ůŽƌƐƋƵ͛ŝů ĞƐƚ ĂĐĐŽŵƉůŝ ƉĂƌ ƵŶ ƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌ͘ ^ŝ
Đ͛ĞƐƚ ƵŶ ŚƵŝƐƐŝĞƌ ĚĞ ũƵƐƚŝĐĞ ƋƵŝ ƉƌŽĐğĚĞ ă ů͛ŽƉĠƌĂƚŝŽŶ͕ ŝů Ɛ͛ĂŐŝƚ Ě͛ƵŶĞ ƐĂŝƐŝĞ͘ >ĞƐ ŵġŵĞƐ ĂĐƚĞƐ ƐŽŶƚ
ŝŶƚĞƌĚŝƚƐ ĂƵdž ƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌƐ ŵĂŝƐ ŝůƐ ƐŽŶƚ ĐŽŶƐŝĚĠƌĠƐ ĐŽŵŵĞ ůŝĐŝƚĞƐ ůŽƌƐƋƵ͛ŝůƐ ƐŽŶƚ ŵŝƐ ĞŶ ƈƵǀƌĞ ƉĂƌ
ů͛ƚĂƚŽƵĂƵŶŽŵĚĞů͛ƚĂƚ͘
Aucune des deux parties ne peut employer la violence, mais le juge, lui, a la possibilité de
ĚĠĐůĞŶĐŚĞƌů͛ƵƐĂŐĞĚĞůĂĨŽƌĐĞ͘KŶŶ͛ĂƉĂƐƐŽŝ-‐même les moyens de coercition physique, cependant
le juge les a et peut les utiliser licitement.
ŶƌĠĂůŝƚĠ͕Đ͛ĞƐƚƉĞƵƚ-‐ġƚƌĞĨůĂƚƚĞƌůĞũƵŐĞƋƵĞĚĞůƵŝĨĂŝƌĞĐƌŽŝƌĞƋƵĞĐĞƋƵ͛ŽŶůƵŝĚĞŵĂŶĚĞĞƐƚ
ĚĞĚŝƐƚŝŶŐƵĞƌůĞũƵƐƚĞĞƚůĞƚŽƌƚ͕ůĞŵĂůĚƵďŝĞŶ͘dŽƵƚĐĞƋƵĞũĞǀĞƵdžĞŶŵ͛ĂĚƌĞƐƐĂŶƚĂƵũƵŐĞ͕ĐĞŶ͛ĞƐƚ
ƉĂƐƋƵ͛ŝůŵĞ ĚŝƐĞ ƋƵĞ ũ͛ĂŝƌĂŝƐŽŶŵĂŝƐďŝĞŶƋƵ͛ŝůĨĂƐƐe appel à la coercition pour que mon débiteur
Ɛ͛ĞdžĠĐƵƚĞ͘
EŽƚƌĞ ĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶ ĚƵ ũƵŐĞŵĞŶƚ ƌĞƉŽƐĞ ĚŽŶĐ ƐƵƌ ůĂ ĐŽŶƐŝĚĠƌĂƚŝŽŶ ŝŵƉůŝĐŝƚĞ ƋƵĞ ů͛ƚĂƚ Ă ůĞ
ŵŽŶŽƉŽůĞ ĚĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ͘ DĂŝƐ ĐĞ ŵŽŶŽƉŽůĞ ĠƚĂƚŝƋƵĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ͨ naturel ͕ͩ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ŝƐƐƵ ĚĞ ůĂ
nature des choses. Il a au contraire pris plusieurs siècles à se créer. Il a existé dans le passé mais pas
de manière irrégulière.
KŶ ƉĞƵƚ ĂǀŽŝƌ ů͛ŝŵƉƌĞƐƐŝŽŶ ƋƵĞ ZŽŵĞ ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĂŝƚ ĚĞ ůĂ ŵġŵĞ ŵĂŶŝğƌĞ ƋƵĞ ŶŽƐ ƐŽĐŝĠƚĠƐ͘
DĂŝƐ ůĞ ĚƌŽŝƚ ƌŽŵĂŝŶ Ɛ͛ĞƐƚ ĐŽŶƐƚŝƚƵĠ ƐƵƌ ƵŶĞ ďĂƐĞ ĞdžƚƌġŵĞŵĞŶƚ ƌĠĚƵŝƚĞ ƋƵ͛ĠƚĂŝƚ ůĂ ǀŝůůĞ ĚĞ ZŽŵĞ͘
Celle-‐ĐŝĠƚĂŝƚƵŶƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞĚ͛ĞdžĐĞƉƚŝŽŶ͘>ĞĚƌŽŝƚƌŽŵĂŝŶĠƚĂŝƚƵŶĚƌŽŝƚĚ͛ĞdžĐĞƉƚŝŽŶƋƵŝƌĞƉŽƐĞƐƵƌů͛ŝĚĠĞ
ƋƵĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ ĂŝŶƐŝ ƋƵĞ ůĞ ƉŽƌƚ Ě͛ĂƌŵĞƐ ƐŽŶƚ ŝŶƚĞƌĚŝƚƐ ă ů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ ĚĞ ůĂ ǀŝůůĞ ;ĐĞ ƋƵŝ ĞdžƉůŝƋƵĞ ůa
ƉƌĂƚŝƋƵĞ ĚĞƐ ƌŽŵĂŝŶƐ ĚĞ ů͛ĂƌĐ ĚĞ ƚƌŝŽŵƉŚĞ : à la base, il était fait de feuillage). Seuls le préteur et
quelques magistrats étaient autorisés à porter des armes dans la ville, et donc à exercer la violence.
/ůƐ Ɛ͛ĂƉƉƵLJĂŝĞŶƚ ƐƵƌ ƵŶĞ ŵŝůŝĐĞ ƉŽƵƌ ĐĞ ĨĂŝƌĞ͘ >Ğ ĚƌŽŝƚ ƌŽŵĂŝŶ Ɛ͛ĞƐƚ ĚŽŶĐ ĐŽŶƐƚƌƵŝƚ ĚĂŶƐ ƵŶ ĞƐƉĂĐĞ
ƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌ͕ĚĂŶƐůĞƋƵĞůůĞƐƉƌĠƚĞƵƌƐƉĞƵǀĞŶƚĐƌĠĞƌĚƵĚƌŽŝƚƉƵŝƐƋƵ͛ŝůƐƐŽŶƚůĞƐƐĞƵůƐăƉŽƵǀŽŝƌƵƚŝůŝƐĞƌ
la violence.
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
2. Absence, à haute époque, de ce monopole étatique
ƵĐŽƵƌƐĚĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ͕ĚĂŶƐůĂplupart des périodes que nous rencontrons, ces conditions ne
ƐŽŶƚƉĂƐƌĠƵŶŝĞƐ͘/ůŶ͛LJĂƉĂƐĚ͛ĂƵƚƌĞƚĂƚĐŽŵƉĂƌĂďůĞ͘
ƉƌğƐ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ƌŽŵĂŝŶ͕ ŽŶ ƌĞƚŽŵďĞ ĚĂŶƐ ƵŶĞ ƐŽĐŝĠƚĠ ĚĞ ƚLJƉĞ ĂƌĐŚĂŢƋƵĞ͘ /ů Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĚĞ
ŵŽŶŽƉŽůĞĠƚĂƚŝƋƵĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞŵĂŝƐů͛ƵƐĂŐĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞĞƐƚŐĠŶĠƌĂůŝƐĠ͘>ĞƌĠŐŝŵĞĐŽŵŵƵŶĐ͛ĞƐƚ
ƋƵĞ ůĞ ƌğŐůĞŵĞŶƚ Ě͛ƵŶ ůŝƚŝŐĞ ƉĂƐƐĞ ƉĂƌ ů͛ĂĨĨƌŽŶƚĞŵĞŶƚ ƉŚLJƐŝƋƵĞ ĚŝƌĞĐƚ ĚĞƐ ĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞƐ͘ >Ğ ƌĠŐŝŵĞ
ĐŽŵŵƵŶĞƐƚĐĞƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞůĂǀĞŶŐĞĂŶĐĞ͘ŚĂĐƵŶĞŵƉůŽŝĞĚĞƐĂƌŵĞƐƉŽƵƌƌĠŐůĞƌƵŶůŝƚŝŐĞ͘
2.1. Généralisation dans le monde franc des usages de la force, pratique de la vengeance;
faiblesse congénitale du pouvoir judiciaire
Du coup, le « juge ͩ;ů͛ĂƐƐĞŵďůĠĞͿĞŶƌĠĂůŝƚĠŶ͛ĞƐƚƉĂƐůĞƉůƵƐĨŽƌƚ͕ŝůŶ͛ĂƉĂƐĚĞƌƌŝğƌĞůƵŝƵŶĞ
ĂƌŵĠĞ ƋƵŝ ůƵŝ ƉĞƌŵĞƚƚĞ Ě͛ĞdžĞƌĐĞƌ ƐĂ ĚĠĐŝƐŝŽŶ͘ DġŵĞ Ɛ͛ŝů ĞƐƚ ƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚ ĚƵ ƌŽŝ͕ ĐĞ Ŷ͛ĞƐƚ ũĂŵĂŝƐ
ƋƵ͛ƵŶ ŐƵĞƌƌŝĞƌ ƉĂƌŵŝ ůĞƐ ŐƵĞƌƌŝĞƌƐ͘ ͛ĞƐƚ ƵŶ ŚŽŵŵĞ ůŝďƌĞ ƋƵŝ ƉŽƌƚĞ ůĞƐ ĂƌŵĞƐ ƉĂƌŵŝ ƵŶĞ ĨŽƵůĞ
Ě͛ĂƵƚƌĞƐĚ͛ŚŽŵŵĞƐůŝďƌĞƐƋƵŝƉŽƌƚĞŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚůĞƐĂƌŵĞƐ͘/ůŶ͛ĂĚŽŶĐƉĂƐƵŶĞƉŽƐŝƚŝŽŶĚ͛ĂƵƚŽƌŝƚĠ͕ŝů
Ŷ͛ĂƉĂƐde position absolue vis-‐à-‐vis des parties. Il va même réfléchir à deux fois avant de prendre
ƉĂƌƚŝĚĂŶƐƵŶůŝƚŝŐĞƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞŶĚŽŶŶĂŶƚƌĂŝƐŽŶăƵŶĞƉĂƌƚŝĞ͕Đ͛ĞƐƚĐŽŵŵĞƐ͛ŝůũŽŝŐŶĂŝƚůĞĐůĂŶĚĞĐĞƚƚĞ
ƉĂƌƚŝĞĞƚĚŽŶĐŝůƐ͛ĞdžƉŽƐĞăůĂǀŝŽůĞŶĐĞ͕ĂƵdžĐŽƵƉƐĚĞůĂpartie qui a perdu.
ĂŶƐ ƵŶĞ ƐŽĐŝĠƚĠ ĂƌĐŚĂŢƋƵĞ͕ ůĞ ũƵŐĞ Ŷ͛Ă Ă ƉƌŝŽƌŝ ĂƵĐƵŶĞ ƉŽƐŝƚŝŽŶ ĚĞ ĨŽƌĐĞ͘ /ů Ŷ͛Ă ƉĂƐ
Ě͛ŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚĚĞĐŽĞƌĐŝƚŝŽŶƐƵƉĠƌŝĞƵƌăĐĞůƵŝĚĞƐĚĞƵdžƉĂƌƚŝĞƐ͘>ĞƉŽƵǀŽŝƌũƵĚŝĐŝĂŝƌĞĞƐƚĞŶƉŽƐŝƚŝŽŶĚĞ
ĨĂŝďůĞƐƐĞ͕ĂůŽƌƐƋƵ͛ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝŝůĞƐƚĞŶƉosition de force.
3. La procédure judiciaire comme alternative fragile à la vengeance, le problème de la
cohésion judiciaire et la difficile répression du défaut
Pourtant, les sociétés à vengeance ne sont pas sans procédure. Elles en ont toujours une.
AuũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͕ĚĂŶƐĐĞƌƚĂŝŶĞƐƌĠŐŝŽŶƐĚƵŵŽŶĚĞ͕ů͛ƚĂƚŶ͛ĂƉĂƐůĞŵŽŶŽƉŽůĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞĞƚ
donc la vengeance privée existe toujours. Les gens qui vivent dans les sociétés à vengeance ont
conscience. Quand on utilise la violence contre un des ses adverƐĂŝƌĞƐ͕ ŽŶ Ɛ͛ĂƌƌġƚĞ ƌĂƌĞŵĞŶƚ ĂƵdž
ǀŝŽůĞŶĐĞƐ ŵŽLJĞŶŶĞƐ͘ KŶ ĐŚĞƌĐŚĞ ă ŶĞƵƚƌĂůŝƐĞƌ ů͛ĂƵƚƌĞ͘ KŶ ǀĂ ƚŽƵƚ ĚĞ ƐƵŝƚĞ ũƵƐƋƵ͛ĂƵ ďŽƵƚ͕ ĚŽŶĐ ĂƵ
meurtre. Et si un individu du clan A tue un membre du clan B, la famille de la victime va avoir
tendance à la venger en tuant. Ce qui est un cercle vicieux.
͛ĞƐƚ ƉŽƵƌ ĐĞƚƚĞ ƌĂŝƐŽŶ͕ ƉŽƵƌ ĠǀŝƚĞƌ ů͛ĞƐĐĂůĂĚĞ ĚĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ ƋƵĞ ĐŚĂƋƵĞ ƐŽĐŝĠƚĠ ĚĞ
vengeance connaît un mécanisme de sortie de la vengeance : la procédure. Toutes les sociétés à
vengeance sont en fait des sociétés dans ůĞƐƋƵĞůůĞƐ ŝů ĞdžŝƐƚĞ ĚĞƐ ƚĞĐŚŶŝƋƵĞƐ Ě͛ĂƐƐĂŝŶŝƐƐĞŵĞŶƚ ĚĞƐ
ůŝƚŝŐĞƐ;ůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞͿŵĂŝƐĐĞƐƚĞĐŚŶŝƋƵĞƐŶ͛ŽŶƚƌŝĞŶĂǀŽŝƌĂǀĞĐĐĞůůĞƐĚ͛ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘
WŽƵƌŶŽƵƐ͕ůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͕Đ͛ĞƐƚůĞĚƌŽŝƚŽďũĞĐƚŝĨăů͛ĠƚĂƚĐŽŶƚĞŶƚŝĞƵdž͛͘ĞƐƚůĂŵŝƐĞĞŶĂĐƚĞƐĚƵ
ĚƌŽŝƚŽďũĞĐƚŝĨ͘KŶĚŝƚĠŐĂůĞŵĞŶƚƋƵĞů͛ĂĐƚŝŽŶĞŶũƵƐƚŝĐĞĐ͛ĞƐƚůĞĚƌŽŝƚƐƵďũĞĐƚŝĨăů͛ĠƚĂƚĐŽŶƚĞŶƚŝĞƵdž͘
ů͛ĠƚĂƚ ŶŽƌŵĂů͕ ŽŶ ƌĞƐƉĞĐƚĞ ŵŽŶ ĚƌŽŝƚ ƐƵďũĞĐƚŝĨ͕ ƉĂƌ Ğxemple un droit de propriété. On fait donc
ĐŽŵŵĞƐŝƵŶĚƌŽŝƚƉƌĠĞdžŝƐƚĂŝƚăůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞĞƚăů͛ĂĐƚŝŽŶĞŶũƵƐƚŝĐĞ͘
ĂŶƐůĞƐƐŽĐŝĠƚĠƐĂƌĐŚĂŢƋƵĞƐ͕ŽŶŶĞƉĞŶƐĞƉĂƐĚĞůĂŵġŵĞŵĂŶŝğƌĞ͘/ůŶ͛ĞƐƚƉĂƐŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞ
ƋƵ͛ŝůĞdžŝƐƚĞƵŶĞŶŽƌŵĞĂǀĂŶƚů͛ĂĐƚŝŽŶ͕ƋƵ͛ŝůLJĂŝt une règle préconstituée destinée à régler les litiges.
>Ğ ůŝƚŝŐĞ ĞƐƚ ůă͕ ůĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶĚ ĂƉƉĂƌĂŝƚ Ğƚ ĐĞ ƋƵŝ ĐŽŵƉƚĞ͕ Đ͛ĞƐƚ Ě͛ĞƐƐĂLJĞƌ Ě͛ĂƌƌŝǀĞƌ ă ƵŶĞ ƐŽůƵƚŝŽŶ ĞŶ
évitant le recours aux armes par les parties.
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
4. Les conséquences des conditions de fonctionnement de la procédure
4.1. La procédure comme technique de pacification: la dilution du procès dans le temps; le
procès comme chaîne de décisions "interlocutoires"; la préoccupation du défaut
Le recours à la justice fonctionne donc comme une alternative à la vengeance indépendante
ĚĞƚŽƵƚĞƌğŐůĞƉƌĠĐŽŶƐƚŝƚƵĠĞ͘ĞƋƵŝĐŽŵƉƚĞĐ͛ĞƐƚĚ͛ŝŶƐƚĂůůĞƌƵŶĚŝĂůŽŐƵĞĞŶƚƌĞůĞƐĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞƐƉŽƵƌ
ĂƌƌŝǀĞƌăƵŶĞƌĠƐŽůƵƚŝŽŶƉĂĐŝĨŝƋƵĞĚƵĐŽŶĨůŝƚ͘DĂŝƐĐĞƚƚĞĂůƚĞƌŶĂƚŝǀĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐŝƌƌĠǀĞƌƐŝďůĞ͘>ŽƌƐƋƵ͛ŽŶ
est entré dans la procédure, dans ůĞ ĚŝĂůŽŐƵĞ͕ ƌŝĞŶ Ŷ͛ŝŶƚĞƌĚŝƚ ƋƵ͛ƵŶĞ ƉĂƌƚŝĞ ŶĞ ƌĞƉĂƐƐĞ ĚĂŶƐ ůĞ
système de la vengeance pour régler le litige par les armes. Il y a une menace sur le procès et aussi
ƐƵƌůĞũƵŐĞ͘ĞƋƵ͛ŽŶƌĞĐŚĞƌĐŚĞĚŽŶĐůŽƌƐĚƵƉƌŽĐğƐ͕Đ͛ĞƐƚƋƵĞůĞƐƉĂƌƚŝĞƐĐŽŶƚŝŶƵĞŶƚăĚŝĂůoguer, peu
importe que le procès soit conclu ou pas.
ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ ƵŶ ƉƌŽĐğƐ ƋƵŝ ĚƵƌĞ ƚƌŽƉ ůŽŶŐƚĞŵƉƐ ĞƐƚ ƉĞƌĕƵ ĐŽŵŵĞ ƵŶ ĚLJƐĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚ͘
ĂŶƐƵŶĞůŽŐŝƋƵĞĂƌĐŚĂŢƋƵĞ͕ůĂĚƵƌĠĞĚƵƉƌŽĐğƐƉŽƵƌƌĂŝƚƐŝŐŶĂůĞƌůĂƌĠƵƐƐŝƚĞĚƵƉƌŽĐğƐ͘^͛ŝůĞƐƚůŽŶŐ͕
cela veut dire que les parties ne font pas appel à la violence. Le procès interminable ne gène donc
ƉĂƐůĞƐŐĞŶƐ͘WĂƌĐŽŶƚƌĞ͕ůĂŐƌĂŶĚĞĐƌĂŝŶƚĞĚĞƐƉĂƌƚŝĞƐĞƐƚůĞĚĠĨĂƵƚ͕ĚŽŶĐůĞĨĂŝƚƋƵ͛ƵŶĞƉĂƌƚŝĞŶĞƐĞ
présente pas au procès. Si une partie ne se présente pas, cela vĞƵƚ ĚŝƌĞ ƋƵ͛ŽŶ ǀĂ ƌĞǀĞŶŝƌ ĂƵ
ƌğŐůĞŵĞŶƚĚƵůŝƚŝŐĞƉĂƌůĞƐĂƌŵĞƐ͛͘ĞƐƚƉŽƵƌƋƵŽŝďĞĂƵĐŽƵƉĚĞͨ dispositions » barbares essaient de
réprimer la non-‐ƉƌĠƐĞŶĐĞ ĂƵ ƉƌŽĐğƐ͘ KŶ Ŷ͛ĂƚƚĞŶĚ ƉĂƐ ĚĞ ƐŽůƵƚŝŽŶ ĨŝŶĂůĞ ƌĂƉŝĚĞ͘ Ğ ƋƵŝ ĞdžƉůŝƋƵĞ
ƉŽƵƌƋƵŽŝ ă ůĂ ůŝŵŝƚĞ ŝů Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĚĞ ũƵŐĞŵĞŶƚ ă ƉƌŽƉƌĞŵĞŶƚ ƉĂƌůĞƌ͘ >Ğ ƉƌŽĐğƐ Đ͛ĞƐƚ ƵŶĞ ĐŚĂŠŶĞ
Ě͛ĂƵĚŝĞŶĐĞ ĚĂŶƐůĂƋƵĞůůĞ ŝůLJĂĚĞƐ ĚĠĐŝƐŝŽŶƐƐƵƌůĂŵĂƌĐŚĞ ŵġŵĞ ĚƵƉƌŽĐğƐ͘KŶƉĂƌůĞƌĂŝƚŶŽƵƐĚĞ
décisions interlocutoires. Donc la décision la plus commune est de remettre le procès à plus tard. Et
ƉŽƵƌĐĞůĂ͕ŝůĨĂƵƚƋƵĞůĞƐĚĞƵdžƉĂƌƚŝĞƐƐŽŝĞŶƚĚ͛ĂĐĐŽƌĚ͘
4.2. Le dédoublement de la fonction de juger et la recherche d'une pression sociale maximale
Chez les Francs, il y a deux thing : un au printemps et un en automne. Très fréquemment, on
a des remŝƐĞƐĚĞů͛ƵŶăů͛ĂƵƚƌĞ͘/ůLJĂĚŽŶĐĚĞƵdžĂƐƐĞŵďůĠĞƐƉĂƌĂŶ͘>ĞƐũƵƌŝĚŝĐƚŝŽŶƐĨŝŶŝƌŽŶƚƐŝƉĂƐƉĂƌ
devenir permanente en tout cas par se réunir de plus en plus souvent et les remises se feront selon
un calendrier judiciaire qui repose sur la semaine et les multiples de sept jours. On a une série
Ě͛ĂƵĚŝĞŶĐĞ Ğƚ ŽŶ ĚĠĐŝĚĞ ĚĞ ƌĞƉŽƌƚĞƌ ůĂ ĐĂƵƐĞ Ě͛ĂƵĚŝĞŶĐĞ ĞŶ ĂƵĚŝĞŶĐĞ͘ ĞƐ ĚĠĐŝƐŝŽŶƐ ŽŶƚ ƉŽƵƌ
ĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞĚ͛ġƚƌĞƉƌŝƐĞƐŶŽŶƉĂƐƉĂƌĐĞůƵŝƋƵŝƉƌĠƐŝĚĞůĞthing ŵĂŝƐƉĂƌů͛ĂƐƐĞŵďůĠĞĞŶƚŝğƌĞ;ƚŽƵƐ
les hommes libres sonƚ ŝŶǀŝƚĠƐ ă ƉĂƌƚŝĐŝƉĞƌ ă ůĂ ĚĠĐŝƐŝŽŶͿ͘>Ă ƌĂŝƐŽŶ Ě͛ġƚƌĞ ĚĞ ĐĞ ĚĠĚŽƵďůĞŵĞŶƚ ĚƵ
tribunal (président-‐assemblée) est de faire participer le plus grand nombre de personne de sorte à
ĂƉƉůŝƋƵĞƌ ƵŶĞ ƉƌĞƐƐŝŽŶƐŽĐŝĂůĞ ŵĂdžŝŵĂůĞƐƵƌůĞƐ ŝŶƚĠƌĞƐƐĠƐ͘>Ğ ďƵƚ ĞƐƚĚ͛ĂǀŽŝƌ une pression sociale
ŵĂdžŝŵĂůĞƉŽƵƌƋƵ͛ŝůĐŽŶƚŝŶƵĞůĞũĞƵ͘
4.3. L'expression du consentement des deux parties : source formelle de la décision de justice
ĞůĂ ĠƚĂŶƚ͕ ĐĞ ũƵŐĞŵĞŶƚ͕ ĐĞƚƚĞ ĚĠĐŝƐŝŽŶ ŶĞ ƉĂƌĂŝƚ ůĠŐŝƚŝŵĞ ƵŶŝƋƵĞŵĞŶƚ ƋƵĞ ůŽƌƐƋƵ͛ĞůůĞ ĞƐƚ
acceptée par lĞƐ ĚĞƵdž ĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞƐ͘ ŚĂƋƵĞ ĨŽŝƐ ƋƵ͛ŝů LJ Ă ƵŶĞ ĚĠĐŝƐŝŽŶ͕ ůĞ ƐĐƌŝďĞ ;ƋƵŝ ůĂ ƌĂĐŽŶƚĞ ĚĞ
manière très narrative) note très précisément ce qui a été décidé. Tout se passe comme si la
ĚĠĐŝƐŝŽŶǀĞŶĂŝƚĚ͛ƵŶĂĐĐŽƌĚĚĞǀŽůŽŶƚĠĚĞƐƉĂƌƚŝĞƐ͘ Cet accord de volonté est-‐il sincère ou non ? On
ŶĞƐĂŝƚƉĂƐ͘/ůLJĂĐ͛ĞƐƚƐƸƌƵŶĞƉƌĞƐƐŝŽŶƐŽĐŝĂůĞƋƵŝĂĠƚĠĞdžĞƌĐĠĞ͕ŵĂŝƐĐĞƋƵŝĞƐƚĐƌƵĐŝĂůĐ͛ĞƐƚƋƵ͛ŝůLJ
ait eu accord.
4.4. Les modes de résolution du litige : la composition
Il faut cependant quand même être capable à un moment Ě͛ĞŶƚĞƌƌĞƌůĂƋƵĞƌĞůůĞ͕ĚĞƚĞƌŵŝŶĞƌ
le procès. Il y a deux possibilités ͗Ě͛ƵŶĐƀƚĠ͕ŝůLJĂůĂĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶĞƚĚĞů͛ĂƵƚƌĞůĂprobatio.
17
HDP ʹ Le haut Moyen Age
4.4.1. Ğů͛ĂƌŐĞŶƚĐŽŶƚƌĞůĂƉůĂŝŶƚĞŽƵůĞĚƌŽŝƚĚĞǀĞŶŐĞĂŶĐĞ
>Ă ĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶ Đ͛ĞƐƚ ƵŶ ŵŽĚĞ ĚĞ ƌğŐůĞŵĞŶƚƐ ĚĞƐ ůŝƚŝŐĞƐ ƋƵŝ ĞƐƚ ĞdžƚƌġŵĞŵĞŶƚ ƐŝŵƉůĞ͘ hŶĞ
ƉĂƌƚŝĞƉĂŝĞƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞƐŽŵŵĞăů͛ĂƵƚƌĞƋƵŝĐŽŵƉĞŶƐĞůĞƌĞƚƌĂŝƚĚĞůĂƉůĂŝŶƚĞ͘ĞƚƚĞƉĂƌƚŝĞƌĂĐŚğƚĞ
ůĂƉƌĠƚĞŶƚŝŽŶĚĞů͛ĂƵƚƌĞ͕ƐĂƉůĂŝŶƚĞ͘
EŽƚŽŶƐ ƋƵ͛ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ŽŶ ŶĞ distingue pas le pénal du civil. La composition pouvait par
ĞdžĞŵƉůĞ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ġƚƌĞ ƵƚŝůŝƐĠĞ ůŽƌƐƋƵĞ ůĞ ůŝƚŝŐĞ ƉŽƌƚĂŝƚ ƐƵƌ ůĂ ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ Ě͛ƵŶ ďŝĞŶ͘ hŶĞ ĚĞƐ ĚĞƵdž
ƉĂƌƚŝĞƐ͕ƋƵŝƉƌĠƚĞŶĚĂŝƚġƚƌĞůĞƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞ͕ƉŽƵǀĂŝƚĂďĂŶĚŽŶŶĞƌƐĞƐƉƌĠƚĞŶƚŝŽŶƐĐŽŶƚƌĞĚĞů͛ĂƌŐĞnt.
Ŷ ŐĠŶĠƌĂů͕ ŽŶ Ă ƚĞŶĚĂŶĐĞ ă ƉĞŶƐĞƌ ƋƵĞ Đ͛ĞƐƚ ůĞ ĚĠĨĞŶĚĞƵƌ ƋƵŝ ǀĞƌƐĞ ůĂ ƐŽŵŵĞ ĂƵ ƉůĂŝŐŶĂŶƚ͕
ĚĞŵĂŶĚĞƵƌ͘DĂŝƐĕĂŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚŽƵũŽƵƌƐůĞĐĂƐ͘
La loi salique utilise la composition ͗ƉŽƵƌƚĞůůĞŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶ͕Đ͛ĞƐƚƚĞůƚĂƌŝĨ͘DĂŝƐ͕ĐŽŵŵĞŽŶů͛Ă
dit, ces lois ne sont pas destinées à être appliquées comme on applique le Code civil. Ces tarifs sont
ĚĞƐ ƚĂƌŝĨƐ ŝŶĚŝĐĂƚŝĨƐ͕ ĚĞƐ ĞdžĞŵƉůĞƐ͘ Ŷ ƌĠĂůŝƚĠ͕ ŝůƐ ƐĞ ĚŝƐĐƵƚĞŶƚ͕ ůĂ ĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶ ĞƐƚ ƚŽƵũŽƵƌƐ ů͛ŽďũĞƚ
Ě͛ƵŶĞŶĠŐŽĐŝĂƚŝŽŶ͘ƚĐĞƚƚĞŶĠŐŽĐŝĂƚŝŽŶƐĞĨĂŝƚƐƵƌůĞĨŝůĚƵƌĂsoir ͗Ě͛ƵŶĐƀƚĠ͕ĐŽŵďŝĞŶĞƐƚ-‐on prêt à
payer ͍Ğů͛ĂƵƚƌĞ͕ăĐŽŵďŝĞŶĞƐƚŝŵĞ-‐t-‐on son honneur (en effet, les litiges font souvent intervenir
ƵŶĞƋƵĞƐƚŝŽŶĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌͿ ? Le rôle du thing ǀĂġƚƌĞĚ͛ĂŵĞŶĞƌůĞƐƉĂƌƚŝĞƐăƵŶĂĐĐŽƌĚƐƵƌƵŶĐŚŝĨĨƌĞ͘/ů
va y avoir décision sur un chiffre, décision ratifiée par les parties. Les adversaires négocient donc la
sortie du procès.
4.4.2. Composition pro faida et composition pro freda
Par la suite, on va distinguer deux composition (cette distinction apparaît plus ou moins avec
Charlemagne) : la composition pro faida et la composition pro freda.
Faida est un terme germanique qui veut dire la vengeance. Le but de la composition pro
faida est de se protéger de la vengeance. Tout le monde comprend que racheter la prétention de
l͛ĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞ Đ͛ĞƐƚ ĠƚĞŝŶĚƌĞ ů͛ĂĐƚŝŽŶ ĞŶ ũƵƐƚŝĐĞ ŵĂŝƐ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ƐĞ ƉƌŽƚĠŐĞƌ ĐŽŶƚƌĞ ůĞ ƌĞĐŽƵƌƐ ă ůĂ
vengeance. La composition pro faida est la première composition, la plus ancienne.
La composition pro freda (« pour la paix ») est versée au juge. Commence ăĂƉƉĂƌĂŠƚƌĞů͛ŝĚĠĞ
ĚĞů͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐ͕ů͛ŝĚĠĞƋƵĞůĞƐƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚƐĚĞů͛ͨƚĂƚ ͩĚŽŝǀĞŶƚŵĂŝŶƚĞŶŝƌů͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐ͘>ĞƐĨĂŝƚƐ
ƋƵŝƐŽŶƚĚĠĐƌŝƚƐĚĂŶƐůĞƐĐĂƐĚ͛ĞƐƉğĐĞĚĞůĂůŽŝĐŽŵŵĞŶĐĞŶƚăƌĞƐƐĞŵďůĞƌăĚĞƐŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶƐ : ils lèsent
ů͛ͨ Etat », ils mettent à mĂů ů͛ŽƌĚƌĞ ƉƵďůŝĐ͘ >͛ƚĂƚ ;ĞŵďƌLJŽŶ Ě͛ƚĂƚ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ĐĂƌŽůŝŶŐŝĞŶŶĞͿ
ĐŽŵŵĞŶĐĞĚŽŶĐăƌĞǀĞŶĚŝƋƵĞƌƵŶĞŵŝƐƐŝŽŶĚ͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐ͘
La préférence des juges va à la composition, car celle-‐ci est une négociation entre les
parties ͗ůĞũƵŐĞŶ͛ĞƐƚĚŽŶĐƉĂƐƚƌŽƉŝŵƉliqué.
4.5. Les modes de résolution du litige : la probatio
Le deuxième mode de règlement des litiges : la probatio. Une des parties va exécuter une
ĐĞƌƚĂŝŶĞƉƌĞƐƚĂƚŝŽŶ͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞƋƵ͛ĞůůĞǀĂƉĂƌĞdžĞŵƉůĞƉƌġƚĞƌƵŶƐĞƌŵĞŶƚŽƶƋƵ͛ĞůůĞǀĂƉĂƐƐĞƌƵŶĞ
épreuve ƉŚLJƐŝƋƵĞ ĂƉƉĞůĠĞ ŽƌĚĂůŝĞ ŽƵ ĞŶĐŽƌĞ ƋƵ͛ĞůůĞ ǀĂ ƉƌŽĚƵŝƌĞ ƵŶ ĐĞƌƚĂŝŶ ŶŽŵďƌĞ ĚĞ ƚĠŵŽŝŶƐ͘
ĞƚƚĞ ƉƌĞƐƚĂƚŝŽŶ ǀĂ ĚĠĐŝĚĞƌ ĚĞ ů͛ŝƐƐƵĞ ĚƵ ƉƌŽĐğƐ ĞŶ ƐĂ ĨĂǀĞƵƌ Ɛŝ ůĂ ƉƌĞƐƚĂƚŝŽŶ ĞƐƚ ƌĠƵƐƐŝĞ ŽƵ ĞŶ ƐĂ
défaveur si elle échoue à la réaliser.
4.5.1. Le problèmes posé par la traduction du terme « probatio »
Le latin « probatio ͩ Đ͛ĞƐƚ ůĞ ƐƵďƐƚĂŶƚŝĨ ĚƵ ǀĞƌďĞ ͨ probare » qui peut avoir trois sens
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
passablement différent ͗ Ě͛ĂďŽƌĚ ĐĞůĂ ƉĞƵƚ ǀŽƵůŽŝƌ ĚŝƌĞ ƉƌŽƵǀĞƌ͕ ĠƉƌŽƵǀĞƌ Ğƚ ĂƉƉƌŽƵǀĞƌ͘ Ŷ ĨĂŝƚ͕
ů͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĂƚŝŽŶ ƋƵ͛ŽŶ ĞƐƚ ĞŶ ĚƌŽŝƚ ĚĞ ƉŽƐĞƌ͕ Đ͛ĞƐƚ ĚĞ ƐĂǀŽŝƌ ĐĞ ƋƵĞ ůĞƐ ŐĞŶƐ ĐŽŵƉƌĞŶĂŝĞŶƚ ƉĂƌ
« probatio ». Il existe deux thèses à ce propos.
͛ĂďŽƌĚ͕ ůĂ ƚĞŶĚĂŶĐĞ Ě͛ƵŶ ĐĞƌƚĂŝŶ ŶŽŵďƌĞ ĚĞ ũƵƌŝƐƚĞƐ ĞƐƚ ĚĞ ƌĞƚĞŶŝƌ ů͛ŝĚĠĞ ĚĞ ƉƌĞƵǀĞ͘
ŚĂĐƵŶĞĚĞƐƉĂƌƚŝĞƐĂĨĨŝƌŵĞĂǀŽŝƌƌĂŝƐŽŶĞƚƚĞŶƚĞĚ͛ĞŶĐŽŶǀĂŝŶĐƌĞůĞũƵŐĞ͘>ĞƐƉĂƌƚŝĞƐƐ͛ĂĨĨƌŽŶƚĞŶƚĞƚ
il faut une preuve pour les départager. Si on suit cette analyse, le fait pour une partie de passer une
ĠƉƌĞƵǀĞĚĞƚLJƉĞŽƌĚĂůŝĞŽƵĚĞƉƌĠƐĞŶƚĞƌĚĞƐƚĠŵŽŝŶƐĐ͛ĞƐƚƵŶĞƉƌĞƵǀĞ͕Đ͛ĞƐƚƵŶŵŽĚĞĚĞǀĂůŝĚĂƚŝŽŶ
ũƵĚŝĐŝĂŝƌĞĚĞƐ ĨĂŝƚƐ ƚĞůƐƋƵ͛ŝůƐƐŽŶƚ ƉƌĠƐĞŶƚĠƐ ƉĂƌůĂƉĂƌƚŝĞĞŶƋƵĞƐƚŝŽŶ͘ĞƚƚĞ ĂŶĂůLJƐĞĞŶƚĞƌŵĞƐ ĚĞ
preuve est une analyse qui a été soutenue par de nombreux historiens du droit. Cependant, si on
traduit probatio par preuve, le problème historique est la preuve irrationnelle (on prouve en jurant
ou en passant des épreuves magiques). Comment se fait-‐ŝůƋƵ͛ŽŶĂŝƚĂĚŵŝƐĚĞƐƉreuves irrationnelles
;ƉƌĞƵǀĞƐƋƵŝƚŝĞŶŶĞŶƚĚ͛ƵŶĞĨĂĕŽŶŽƵĚ͛ƵŶĞĂƵƚƌĞĚĞůĂŵĂŐŝĞͿĞŶƉůƵƐĚĞƉƌĞƵǀĞƐƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞƐ ?
Ensuite, la thèse opposée (celle préférée par Monsieur Jacob) est que probare veut dire
ĠƉƌŽƵǀĞƌ͘ ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire que pour comprendre le fonctionnement de la procédure archaïque, il faut
ŽƵďůŝĞƌů͛ŝĚĠĞĚĞƉƌĞƵǀĞ͕ƋƵŝĞƐƚĐŽŶƐƵďƐƚĂŶƚŝĞůůĞăŶŽƚƌĞĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶĚĞů͛ĂĐƚŝǀŝƚĠũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘ĂŶƐůĞƐ
sociétés archaïques, on ne cherche pas à prouver un fait, on cherche à admettre une parole qui sera
vaůŝĚĠĞƉĂƌĚĞƐĠƉƌĞƵǀĞƐ;ŽƌĚĂůŝĞ͕ƐĞƌŵĞŶƚ͕ƚĠŵŽŝŶƐͿ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚĚĞŵĞƚƚƌĞƵŶĞƉĂƌŽůĞăů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͘>Ă
ƉĂƌŽůĞ Ě͛ƵŶĞ ĚĞƐ ĚĞƵdž ƉĂƌƚŝĞƐ ǀĂ ƚƌĂŶĐŚĞƌ ůĞ ůŝƚŝŐĞ ŵĂŝƐ ĐĞƚƚĞ ƉĂƌŽůĞ ŶĞ ǀĂ ġƚƌĞ ƌĞĐĞǀĂďůĞ ƋƵ͛ă
ĐĞƌƚĂŝŶĞƐ ĐŽŶĚŝƚŝŽŶƐ ĚĞ ǀĂůŝĚĂƚŝŽŶ ƋƵŝ ƐŽŶƚ ĐĞůůĞƐ Ě͛ƵŶĞ ĠƉƌĞuve ͗ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ͕ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ ŽƵ ůĂ
production de témoins. Une des deux parties remporte le litige à condition que sa parole ait passé
ƵŶĐĞƌƚĂŝŶƚLJƉĞĚ͛ĠƉƌĞƵǀĞƐĚĠĨŝŶŝĞƐĚĞŵĂŶŝğƌĞĂƐƐĞnjƉƌĠĐŝƐĞ͘
4.5.2. Le serment
4.5.2.1. >͛ĠƉƌĞƵǀĞůĂƉůƵƐĨƌĠƋƵĞŶƚĞ
>͛ĠƉƌĞƵǀĞůĂƉůƵƐfréquente est incontestablement le serment. Une étude statistique (si on
peut utiliser ce mot, car les documents du Moyen-‐âge sont en nombre réduit et ne permettent donc
pas une réelle étude statistique) montre que 45% des procès se résolvent par composition, et 45%
ƉĂƌ ƐĞƌŵĞŶƚ͘ >Ă ĐŽŵƉŽƐŝƚŝŽŶ ;ŽŶ ƌĂĐŚğƚĞ ůĂ ƉůĂŝŶƚĞ ĚĞ ů͛ĂƵƚƌĞͿ Ğƚ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ ;ŽŶ ƐĞ ůŝďğƌĞ ƉĂƌ ƐĂ
parole) sont donc deux outils importants de la justice franque.
4.5.2.2. Le serment comme épreuve magique : l'appel à la sanction divine ou automalédiction
conditionnelle
>ĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚƵŶĞƉĂƌŽůĞ͕ĚŽŶĐƵŶĞĚĞƐĚĞƵdžƉĂƌƚŝĞƐǀĂŐĂŐŶĞƌƐŽŶƉƌŽĐğƐƐƵƌďĂƐĞĚ͛ƵŶĞ
ƉĂƌŽůĞ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƵŶĞƉĂƌŽůĞƋƵĞůĐŽŶƋƵĞ͛͘ĞƐƚƵŶĞƉĂƌŽůĞƋƵŝĞƐƚůŝĠĞăƵŶĞƉƵŝƐƐĂŶĐĞ
surnaturelle et divine. Cette puissance divine eƐƚ ŝŶǀŽƋƵĠĞ ă ů͛ĂƉƉƵŝ ĚĞ ůĂ ƉĂƌŽůĞ͘ :ƵƐƋƵ͛ĂƵ ϭϵème
siècle, on disait en Belgique « :ĞůĞũƵƌĞ͕ĂŝŶƐŝŵ͛ĂŝĚĞŝĞƵĞƚůĞƐ^ĂŝŶƚƐ ». Je fais de Dieu et des Saints
les garants de ma parole.
ů͛ĂƌƌŝğƌĞ ƉůĂŶ͕ ŝů LJ Ă ĚŽŶĐ ĐĞƚƚĞ ŝĚĠĞ ƋƵĞ ĐĞƚƚĞ ƉƵŝƐƐĂŶĐĞ ƐƵƌŶĂƚƵƌĞůůĞ ŝŶǀŽƋƵĠĞ ĚĂŶƐ ůĞ
serment (pour garantir sa vérité), qui, si la parole est mensongère, va punir celui qui a menti, celui
ƋƵŝ Ŷ͛ĠƚĂŝƚ ƉĂƐ ƐŝŶĐğƌĞ͘ ĞůƵŝ ƋƵŝ ũƵƌĞ ŶŽŶ ƐĞƵůĞŵĞŶƚ ĂƉƉĞůůĞ ă ů͛ĂŝĚĞ ůĞƐ ƉƵŝƐƐĂŶĐĞƐ ƐƵƌŶĂƚƵƌĞůůĞƐ
ŵĂŝƐƐ͛ĞdžƉŽƐĞĂƵƐƐŝăůĞƵƌƐƐĂŶĐƚŝŽŶƐƐŝƐĞƐƉĂƌŽůĞƐƐŽŶƚĨĂƵƐƐĞƐ͘>ĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚǀŽůŽŶƚŝĞƌƐĚĠĨŝŶŝƉĂƌ
les historiens comme une auto-‐malédiction conditionnelle. Quand je jure, je me maudis moi-‐même
ŵĂŝƐƉĂƐĚĂŶƐů͛ĂďƐŽůƵ͕ũĞŶ͛ĂƉƉĞůůĞůĂǀĞŶŐĞĂŶĐĞĚŝǀŝŶĞĐŽŶƚƌĞŵŽŝƋƵĞƐŝũĞŵĞŶƐ͘
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HDP ʹ Le haut Moyen Age
4.5.2.3. Histoire des formes du serment : brève survivance de formes païennes, puis serment sur
les reliques, la Bible, et enfin formes laïcisées : paume ouverte en face du tribunal
A partir du Haut Moyen-‐âge, on assiste à une christianisation assez rapide du serment. On a
encore des traces de serment païen donc traités en invoquant les dieux germaniques, mais la
christianisation de la société franque va entraîner une christianisation des formes du serment. On va
surtout dorénavant prêter serment sur les reliques des saints. Cette construction mentale qui fait
ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞƌůĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚů͛ŝĚĠĞƋƵ͛ŝůLJĂƵŶŐƌĂŶĚũƵŐĞ : Dieu. Il applique une justice suprême qui
ĞƐƚƉĂƌĨĂŝƚĞ͕ĚŽŶĐĐĂƉĂďůĞĚ͛ƵŶĞĚŝƐĐrimination parfaite du bien et du mal et qui par ailleurs connait
tout et qui peut tout : il y a une omniscience et une omnipotence de la justice.
EŽƚŽŶƐƋƵ͛ƵŶƐĂŝŶƚĞƐƚƵŶŚŽŵŵĞƋƵŝĠƚĂŝƚĂƵĚĠƉĂƌƚƵŶŚŽŵŵĞĐŽŵŵĞƵŶĂƵƚƌĞŵĂŝƐĚŽŶƚ
la vie a été transformée par un contact particulier avec la divinité, dont la vie a été particulièrement
exemplaire et qui a démontré grâce à son rapport privilégié avec dieux la capacité de faire des
ŵŝƌĂĐůĞƐ;ƐƵƌƚŽƵƚĂƉƌğƐƐĂŵŽƌƚͿ͘KŶƐĂŝƚƋƵ͛ŝůĞƐƚƵŶƐĂŝŶƚĐĂƌƐƵƌƐĂƚŽŵďe se produit une série de
ŵŝƌĂĐůĞƐ͘ >Ă ƌĞůŝƋƵĞ ĞƐƚ ƵŶĞ ƉĂƌƚŝĞ ĚƵ ĐŽƌƉƐ ĚƵ ƐĂŝŶƚ ŵĂŝƐ ůĞ ĐŽƌƉƐ Ě͛ƵŶ ƐĂŝŶƚ ĞƐƚ ƐĠƉĂƌĠ ĚƵ ƐŽƌƚ
commun qui est la décomposition dans la terre. Le saint connait une sorte de résurrection charnelle
anticipée, sa chaire ne se putréĨŝĞ ƉĂƐ͘ Ŷ ĞĨĨĞƚ ů͛ąŵĞ ĚƵ ƐĂŝŶƚ ĞŶƚƌĞ ĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚ ĂƵ ƉĂƌĂĚŝƐ͕
ĐŽŶƚƌĂŝƌĞŵĞŶƚĂƵdžĂƵƚƌĞƐŚƵŵĂŝŶƐƋƵŝĚĞǀƌŽŶƚĂƚƚĞŶĚƌĞůĞũƵŐĞŵĞŶƚĚĞƌŶŝĞƌƉŽƵƌġƚƌĞĨŝdžĠ;ů͛ŽĚĞƵƌ
de sainteté est parfum suave qui émane de la tombe). La relique va fonctionner comme un relais de
ůĂƐĂŝŶƚĞƚĠ͕Đ͛ĞƐƚͨ une fenêtre ouverte sur le sacré ͩ͘:ƵƌĞƌƐƵƌƵŶĞƌĞůŝƋƵĞ͕Đ͛ĞƐƚĚŽŶĐƐĞŵĞƚƚƌĞĞŶ
ĐŽŵŵƵŶŝĐĂƚŝŽŶ ĂǀĞĐ ŝĞƵ Ğƚ ĚĠĐůĞŶĐŚĞƌ ƐĂ ĨƵƌĞƵƌ Ɛŝ ů͛ŽŶ ŵĞŶƚ͘ ƉĂƌƚŝƌ ĚƵ ŚĂƵƚ ŵŽLJĞŶ-‐âge, le
serment se fait donc sur une relique.
/ůLJĂƚƌŽŝƐŐƌĂŶĚĞƐƉĠƌŝŽĚĞƐĚĂŶƐů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚƵƐĞƌŵĞŶƚ :
1) ͛ĂďŽƌĚůĞƐƐĞƌŵĞŶƚƐƐƵƌůĞƐƌĞůŝƋƵĞƐ;ƉůƵƐŽƵŵŽŝŶƐũƵƐƋƵ͛ĂƵϭϮème ƐŝğĐůĞͿ͕ũƵƐƋƵ͛ĂƵŵŽŵĞŶƚ
Žƶů͛ŐůŝƐĞǀĂĞƐƚŝŵĞƌƋƵ͛ŝůĨĂƵƚŵĞƚƚƌĞĚĞů͛ŽƌĚƌĞĞƚŽƶĞůůĞĂĚŽƉƚĞƵŶĞĨŽƌŵĞĚĞƐĞƌŵĞŶƚƋƵŝ
est moins immédiatement naïve.
2) >ĞƐĞƌŵĞŶƚƐƵƌůĂďŝďůĞ͕ůĞƐĞƌŵĞŶƚƐƵƌů͛ĠĐƌŝƚƵƌĞƐĂŝŶƚĞ;ƐĞƌŵĞŶƚƉůƵƐĂďƐƚƌĂŝƚͿ͘KŶŶ͛ŝŶǀŽƋƵĞ
plus Dieu de manière matérielle mais bien spirituelle. Notons que ce serment est toujours
utilisé dans la justice anglaise et américaine.
3) La troisième phase est la plus contemporaine (19ème et 20ème siècles). La bible disparait et le
ƌĂƉƉŽƌƚ͕ů͛ĂůůƵƐŝŽŶăůĂĚŝǀŝŶŝƚĠĂƵƐƐŝ͘ĞůƵŝƋƵŝũƵƌĞĚŽŝƚůĞĨĂŝƌĞůĂŵĂŝŶĚƌŽŝƚĞŽƵǀĞƌƚĞĚĞǀĂŶƚ
le tribunal et jure sur sa propre conscience (le rituel du serment subsiste donc mais il y a
maintenant un espace vide devant celui qui jure). Le rituel est désacralisé, laïcisé mais ce
rituel a une longévité étonnante puisque de nos jours il est toujours beaucoup utilisé. On
jure quand on devient avocat, quanĚŽŶĚĞǀŝĞŶƚŵĂŐŝƐƚƌĂƚ͕ƋƵĂŶĚŽŶƐ͛ĂƉƉƌġƚĞăƉŽƌƚĞƌƵŶ
témoignage.
4.5.2.4. Deux types de serment : promissoire et assertoire
Le serment promissoire porte sur le futur : « Je promets de faire quelque chose, et je serai
puni si je ne le fais pas ». Par contre, le serment assertoire ƉŽƌƚĞƐƵƌĐĞƋƵ͛ŝůƐ͛ĞƐƚƉĂƐƐĠ͗ͨ je jure
ƋƵĞũ͛ĂŝĨĂŝƚŽƵƋƵĞũĞŶ͛ĂŝƉĂƐĨĂŝƚƚĞůůĞĐŚŽƐĞ ».
ĂŶƐůĞƉƌŽĐğƐƉƌŝŵŝƚŝĨ͕Đ͛ĞƐƚůĞƐĞƌŵĞŶƚĂƐƐĞƌƚŽŝƌĞƋƵŝĞƐƚůĞƉůƵƐŝŶƚĠƌĞƐƐĂŶƚ : par exemple,
ƵŶĞƉĂƌƚŝĞĂĨĨŝƌŵĞƋƵ͛ĞůůĞĞƐƚďĞůĞƚďŝĞŶƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞĚƵďŝĞŶĐŽŶƚĞƐƚĠŽƵƋƵ͛ĞůůĞĞƐƚŝŶŶŽĐĞŶƚĞĚĞĐĞ
ĚŽŶƚŽŶů͛ĂĐĐƵƐĞ͛͘ĞƐƚƵŶĞĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶƐƵƌĐĞƋƵŝĞƐƚŽƵĐĞƋƵŝĂĠƚĠ͕ĚŽŶĐƵŶĞĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶƐƵƌůĞƌĠĞů͘
20
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Ce serment est litisdécisoire : il a la capacité de trancher le litige. Il éteint (exactement les mêmes
effets que la composition) la prétention adverse non pas en payant son adversaire mais en jurant
ƋƵĞũĞƐƵŝƐŝŶŶŽĐĞŶƚĚĞĐĞĚŽŶƚŝůŵ͛ĂĐĐƵƐĞ͘
4.5.2.5. Le serment comme épreuve sociale: les cojureurs (significations de leur participation au
serment de la partie)
Ce serment assertoire, on ne le prête jamais seul. Je jure mais je ne suis pas seul, il va y avoir
Ě͛ĂƵƚƌĞƐŐĞŶƐƋƵŝũƵƌĞŶƚĂǀĞĐŵŽŝƐƵƌůĞƐƌĞůŝƋƵĞƐĚĞƐƐĂŝŶƚƐ͘ĞƐŽŶƚůĞƐĐŽũƵƌĞƵƌƐ͕ĐĞƵdžƋƵŝĂƉƉƵŝĞŶƚ
le serment de la partie. Le nombre des cojureurs va varier en fonction de la gravité du fait reproché.
ŝŶƐŝ͕ƉŽƵƌůĞǀŽůĚĞďĠƚĂŝů͕ŝůĨĂƵĚƌĂĚĞƵdžĐŽũƵƌĞƵƌƐ͘^͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶŵĞƵƌƚƌĞ͕ĐĞůĂĚĠƉĞŶĚƌĂĚƵƐƚĂƚƵƚ
ƐŽĐŝĂů ĚĞ ůĂ ǀŝĐƚŝŵĞ͘ /ů LJ Ă ĚĂŶƐ ĐĞƌƚĂŝŶƐ ƚĞdžƚĞƐ ĚĞƐ ƚĂƌŝĨƐ ĚĞ ĐŽũƵƌĞƵƌƐ Ğƚ Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐ ĐĞƐ ƚĂƌŝĨƐ Ɛont
parallèles au tarif de composition. Le serment a donc le même fonctionnement que la composition.
ZĞŵĂƌƋƵŽŶƐƋƵ͛ŽŶƉĞƵƚƌĂƚĞƌů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͘ĂŶƐƵŶĐĞƌƚĂŝŶŶŽŵďƌĞĚĞĐĂƐ͕ĐĞůƵŝƋƵŝĞƐƚĂĐĐƵƐĠ
Ŷ͛Ă ƉĂƐ ƌĠƵƐƐŝ ă ƌĠƵŶŝƌ ůĞ ŶŽŵďƌĞ Ě͛ŚŽŵŵĞƐ ƐƵĨĨŝƐĂŶƚƐ͕ ĂƵƋƵĞů cas il doit composer (acheter la
ǀĞŶŐĞĂŶĐĞĚĞů͛ĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞͿ͘
>ĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚƵŶĞĠƉƌĞƵǀĞăĚŽƵďůĞƐĞŶƐ͛͘ĞƐƚƵŶĞĠƉƌĞƵǀĞŵĂŐŝƋƵĞĞƚƐŽĐŝĂůĞăůĂĨŽŝƐ͘
Elle est magique car il faut toucher les reliques, se mettre en rapport avec la divinité, il faut accepter
cette prise de risques, de se soumettre à la puissance divine. Elle est aussi sociale car elle permet de
dire « je ne suis pas tout seul ͩ͘^ŝǀŽƵƐŶ͛ĂĐĐĞƉƚĞnjƉĂƐŵĂƉĂƌŽůĞ͕ŝůLJĂĚĞƌƌŝğƌĞŵŽŝĚĞƐƉĂƌĞŶƚƐ͕ĚĞƐ
amis qui sont aussi prêts à prendre les ĂƌŵĞƐƐ͛ŝůůĞĨĂƵƚ͘ů͛ĂƌƌŝğƌĞƉůĂŶ͕ŝůLJĂƵŶĞŝĚĠĞĚĞŵĞŶĂĐĞ͘
>͛ŽƉƚŝƋƵĞĚĞůĂǀĞŶŐĞĂŶĐĞŶ͛ĞƐƚũĂŵĂŝƐƚŽƚĂůĞŵĞŶƚĠĐĂƌƚĠĞ͘
4.5.2.6. Consensus des parties
ĂŶƐĐĞŐĞŶƌĞĚ͛ĠƉƌĞƵǀĞ͕ŝůĨĂƵƚƵŶĐŽŶƐĞŶƐƵƐĞŶƚƌĞůĞƐƉĂƌƚŝĞƐ͘WŽƵƌƋƵĞĐĞůĂŵĂƌĐŚĞŝůĨĂƵƚ
un accord ƐƵƌůĂƌğŐůĞĚƵũĞƵ͘>͛ĂĐĐƵƐĠǀĂƐĞůŝďĠƌĞƌăĐŽŶĚŝƚŝŽŶĚĞũƵƌĞƌĂǀĞĐƐŝdžĐŽũƵƌĞƵƌƐ͘/ůLJĂƵŶ
ĐŽŶƐĞŶƐƵƐ ĨŽƌŵĠ ĞŶƚƌĞ ůĞƐ ŚŽŵŵĞƐ ůŝďƌĞƐ͘ >ĞƐ ĂĚǀĞƌƐĂŝƌĞƐ ĨŽƌŵƵůĞŶƚ ƵŶĞ ĂĚŚĠƐŝŽŶ ă ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ Ğƚ
ƉƵŝƐƐŝů͛ĠƉƌĞƵǀĞĞƐƚƌĠƵƐƐŝĞ͕ŝůĨĂƵƚĞŶĐŽƌĞƵŶĞŵĂŶŝĨĞƐƚĂƚŝŽŶ;ŐĞŶƌĞĚĞũƵŐĞŵĞŶƚĨŝŶĂůͿĚ͛ĂĚŚĠƐŝŽŶ
ĚĞƐ ŚŽŵŵĞƐ ůŝďƌĞƐ͘ >Ğ ũƵŐĞ Ŷ͛Ă ƉĂƐ ĚĞ ƉŽƵǀŽŝƌ Ě͛ĂƉƉƌĠĐŝĂƚŝŽŶ ;ĂŶĂĐŚƌŽŶŝƐŵĞͿ͘ >Ğ ƉƌĠƐŝĚĞŶƚ ĚĞ
ƐĠĂŶĐĞĞƚůĞŐƌŽƵƉĞĚ͛ŚŽŵŵĞůŝďƌĞƐƋƵŝů͛ĂƐƐŝƐƚĞŶƚƐŽŶƚůŝĠƐƉĂƌůĞƌĠƐƵůƚĂƚĚĞů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͘ĞƐĞƌŵĞŶƚ
est la forme la plus répanĚƵĞ ĚĞ ƉƌŽďĂƚŝŽăů͛ĠƉŽƋƵĞ ĨƌĂŶƋƵĞ ĞƚĐĞůĂ ĚƵƌĞƌĂũƵƐƋƵ͛ĂƵϭϮème, 13ème
siècle. On recourt très abondamment au serment pour régler les litiges.
4.5.3. L'ordalie ou jugement de Dieu: sa différence avec le serment (la sanction divine n'est
plus différée mais rendue actuelle par le "miracle judiciaire")
DĂŝƐƵŶĞĂƵƚƌĞĨŽƌŵĞĚĞŵŝƐĞăů͛ĠƉƌĞƵǀĞ va apparaître et prendre de plus en plus de place :
ů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘ >Ğ ŵĠĐĂŶŝƐŵĞ ĞƐƚ ŝĚĞŶƚŝƋƵĞ͘ hŶĞ ƉĂƌƚŝĞ ǀĂ ġƚƌĞ ĐƌƵĞ ƐƵƌ ƉĂƌŽůĞ͕ ĐĞƚƚĞ ƉĂƌŽůĞĞŶƚƌĂŝŶĞ ůĞ
ŐĂŝŶĚƵƉƌŽĐğƐƐŝů͛épreuve est réussie.
>Ă ŐƌĂŶĚĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ ĞŶƚƌĞ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ Ğƚ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ͕ ĞƐƚ ƋƵĞ ĚĂŶƐ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ ů͛ŝŶƚĞƌǀĞŶƚŝŽŶ
ĚŝǀŝŶĞĞƐƚĚĠĨĠƌĠĞƚĂŶĚŝƐƋƵĞĚĂŶƐů͛ŽƌĚĂůŝĞĞůůĞĞƐƚĂĐƚƵĂůŝƐĠĞ͘>ŽƌƐƋƵ͛ŝůLJĂƐĞƌŵĞŶƚ͕ŽŶŶĞƐĂŝƚƉĂƐƐŝ
la personne a menti ou pas. La jusƚŝĐĞĚŝǀŝŶĞ͕Ɛ͛ŝůLJĂĞƵŵĞŶƐŽŶŐĞ͕ƐĞŵĂŶŝĨĞƐƚĞƌĂƉůƵƐƚĂƌĚ͕ƉĞut-‐
être même après la mort. Au haut Moyen-‐ąŐĞ͕ůŽƌƐƋƵĞƋƵĞůƋƵ͛ƵŶĂũƵƌĠ͕ŽŶĂŶĂůLJƐĞůĂƐƵŝƚĞĚĞƐĂǀŝĞ.
Sŝ͕ƉĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ŝůĨĂŝƚƵŶĞĐŚƵƚĞĚĞĐŚĞǀĂůĞƚŵĞƵƌƚ͕ůĂƉƌĞƵǀĞĞƐƚĨĂŝƚĞƋƵ͛ŝůĂŵĞŶƚŝ͘ On ne revient
ƉĂƐƐƵƌůĞƉƌŽĐğƐŵĂŝƐƚŽƵƚůĞŵŽŶĚĞƉĞŶƐĞƋƵ͛ŝůĂŐĂŐŶĠĞŶŵĞŶƚĂŶƚ͘
ĂŶƐ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ͕ ů͛ŝĚĠĞ ĞƐƚ Ě͛ĂŵĞŶĞƌ ůĂ ũƵƐƚŝĐĞ ĚŝǀŝŶĞ ă ƐĞ ŵĂŶŝĨĞƐƚĞƌ ĂƵ ŵŽŵĞŶƚ ŵġŵĞ ĚƵ
21
HDP ʹ Le haut Moyen Age
procès. On va donc devoir passer une épreuve dangereuse, périlleuse et on va supposer que cette
ĠƉƌĞƵǀĞ ĞƐƚ ůĞ ũƵŐĞŵĞŶƚ ĚĞ ĚŝĞƵ͘ ŽŶĐ ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ ŵĂŶŝĨĞƐƚĞ ĚĂŶƐ ůĞ ƉƌĠƐĞŶƚ ĚĞ ůĂ ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ
ů͛ŝƌƌƵƉƚŝŽŶĚĞůĂũƵƐƚŝĐĞĚŝǀŝŶĞ͘/ůLJĂĚĞƵdžƚLJƉĞƐĚ͛ŽƌĚĂůŝĞ͗
4.5.4. Essor des ordalies et diversité de leurs formes
͛ĂďŽƌĚ͕ ŝů LJ Ă ů͛ordalie bilatérale qui est en fait un duel, un combat judiciaire. Les deux
ƉĂƌƚŝĞƐƐ͛ĂĨĨƌŽŶƚĞŶƚĞŶƉĞƌƐŽŶŶĞŽƵƉĂƌĐŚĂŵƉŝŽŶƐ;ůĞĐŚĂŵƉŝŽŶĞƐƚĐĞůƵŝƋƵŝƌĞŶƚƌĞĚĂŶƐůĞĐŚĂŵƉ
donc celui qui se bat en duel). Il y a deux serments contradictoires, et après le duel il ne restera
qƵ͛ƵŶĞ ƉĂƌŽůĞ͘ >Ğ ƐĞƌŵĞŶƚ ĞƐƚ ǀĂůŝĚĠ ƉĂƌ ůĞ ĨĂŝƚ ƋƵĞ ůĞ ĐŚĂŵƉŝŽŶ ŐĂŐŶĞ ŽƵ ŶŽŶ ĚĂŶƐ ůĂ ďĂƚĂŝůůĞ
organisée par le juge.
ŶƐƵŝƚĞ͕ ŝů LJ Ă ů͛Žrdalie unilatérale. Ici, ƵŶĞ ĚĞƐ ĚĞƵdž ƉĂƌƚŝĞƐ ǀĂ ƉĂƐƐĞƌ ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ ĚŽŶĐ ĚĞ
ŶŽƵǀĞĂƵ ƐŽƵƚĞŶŝƌ ů͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶ ĚĞ ůĂ ǀĂůŝĚŝté de sa cause en passant une épreuve qui est
spectaculaire, douloureuse, difficile, etc. Par exemple ͗ů͛ŽƌĚĂůŝĞƉĂƌůĞĨĞƵ͘>ŝŶŐŽƚĚĞĨĞƌƋƵ͛ŽŶƉĂƐƐĞ
ĂƵ ĨĞƵ Ğƚ ƋƵ͛ŽŶ ƉŽƌƚĞ ĂƵ ƌŽƵŐĞ͘ /ů ĨĂƵƚ ƉƌĞŶĚƌĞ ĞŶ ŵĂŝŶ ĐĞ ůŝŶŐŽƚ ĚĞ ŵĠƚĂů Ğƚ ĨĂŝƌĞ cinq pas en
portant ce lingot. Ou bien ĚĂŶƐƵŶĞĐƵǀĞĚ͛ĞĂƵďŽƵŝůůĂŶƚĞ͕on a mis un objet (il faut aller chercher la
ďĂŐƵĞŽƵů͛ŽďũĞƚƋƵŝƐ͛LJƚƌŽƵǀĞͿ͘
ĂŶƐů͛ŽƌĚĂůŝĞŝůŶĞĨĂƵƚƉĂƐĂƚƚĞŶĚƌĞƋƵĞůĂũƵƐƚŝĐĞĚŝǀŝŶĞƐĞŵĂŶŝĨĞƐƚĞĐĂƌĞůůĞůĞĨĂŝƚƚŽƵƚĚĞ
ƐƵŝƚĞ͘>ĞĨĂŝƚĚ͛ĂǀŽŝƌƌĠƵƐƐŝăĂĐĐŽŵƉůŝƌů͛ĠƉƌĞƵǀĞĂƚƚĞƐƚĞŝŵŵĠĚŝĂƚĞŵĞŶƚůĂǀĂůŝĚŝƚĠĚĞůĂƉĂƌŽůĞĐĂƌ
Dieu a directement attesté cette validité.
>ĞƐŽƌĚĂůŝĞƐƐŽŶƚĚĞƐĠƉƌĞƵǀĞƐĨĂŝƚĞƐƉŽƵƌĐŚŽƋƵĞƌĞƚƉƌŽǀŽƋƵĞƌů͛ĠŵŽƚŝŽŶ͘DĂŝƐŝůŶĞĨĂƵƚ
pas si laisser prendre par ce côté spectaculaire. Par exemple, le duel ne se termine pas
nécessairement par la mort, et de plus le recours aux champions permet de transférer les risques.
ŚĂƋƵĞĨŽŝƐƋƵ͛ŽŶƉĞƵƚĨĂŝƌĞĚĞƐƐƚĂƚŝƐƚŝƋƵĞƐƉŽƵƌůĞƐŽƌĚĂůŝĞƐƵŶŝůĂƚĠƌĂůĞƐ͕ŽŶĂƵŶƚĂƵdžĚĞ
réussite supĠƌŝĞƵƌ ĂƵ ƚĂƵdž Ě͛ĠĐŚĞĐƐ : exactement deux tiers de réussites, et un tiers Ě͛ĠĐŚĞĐƐ͘
Comment cela se fait-‐il ͍WĂƌĐĞƋƵ͛ŝůĞdžŝƐƚĂŝƚĚĞƐmoyens pour tricher. Comme pour le serment, on a
ĚŽŶĐƵŶƚĂƵdžƉůƵƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚĚĞƌĠƵƐƐŝƚĞƐƋƵĞĚ͛ĠĐŚĞĐƐ͘
ƚ Đ͛ĞƐƚ ƚŽƵũŽƵƌƐ ůĞ ĐĂƐ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘ KŶ ƉƌĂƚŝƋƵĞ ƚŽƵũŽƵƌƐ ůĞƐ ŽƌĚĂůŝĞƐ͕ ƉĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ͕ ĞŶ
Afrique noire. Certains disent même que la pratique des ordalies a plutôt augmenté récemment en
ƌĂŝƐŽŶĚĞů͛ŝŶƐƚĂďŝůŝƚĠƉŽůŝƚŝƋƵĞĚĂŶƐĐĞƐƉĂLJƐ͘hŶĨŝůŵƚŽƵƌŶĠĞŶϭϵϵϱ au Togo montre cette pratique.
5. Le scandale que constituent les procédures magiques ou irrationnelles à l'égard de
l'aspiration à la rationalité du droit
ĂŶƐ ƚŽƵƚ ů͛ĂŶĐŝĞŶ ŵŽŶĚĞ ;ů͛ĨƌŝƋƵĞ͕ ů͛ƐŝĞ Ğƚ ů͛ƵƌŽƉĞͿ ŝů Ŷ͛LJ Ă ƉƌĂƚŝƋƵĞŵĞŶƚ ĞƵ ĂƵĐƵŶĞ
culture ƋƵŝăƵŶŵŽŵĞŶƚĚŽŶŶĠŶĞƐŽŝƚƉĂƐƉĂƐƐĠƉĂƌů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘ŽŵŵĞŶƚĕĂƐĞĨĂŝƚ ?
>͛ŽƌĚĂůŝĞ ƉŽƵƌ ƵŶ ũƵƌŝƐƚĞ ĞƐƚ ƵŶĞ ĞƐƉğĐĞ ĚĞ ƐĐĂŶĚĂůĞ͕ ĚĞ ĚĠĨŝ ă ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ ĐƌŽŝƚ ġƚƌĞ ůĞ ƐĞŶƐ
commun. On pense que le droit est rationnel, et on trouve que toutes les populations
indépendamment des autres ont inventé des machines à faire des épreuves (ordalie du feu).
Comment expliquer ce phénomène ƋƵŝĂƉƉĂƌĂŝƚƉŽƵƌů͛ŚŝƐƚŽƌŝĞŶĚƵĚƌŽŝƚĐŽŵŵĞƵŶƐĐĂŶĚĂůĞ͍
5.1. La thèse classique (H. Lévy-‐Bruhl): l'idée d'une "preuve irrationnelle", comme équivalent de
nos preuves rationnelles dans des sociétés que domine l'unité des croyances, le serment ou
l'ordalie comme "sérum de vérité"
22
HDP ʹ Le haut Moyen Age
Une explication a été très longtemps soutenue par les historiens du droit. Cette explication
ĐŽŶƐŝƐƚĞăĚŝƌĞƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĞƉƌĞƵǀĞŝƌƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ͘>͛ŝĚĠĞĞƐƚůĂƐƵŝǀĂŶƚĞ ͗ƉŽƵƌĨĂŝƌĞůĂƉƌĞƵǀĞĚ͛ƵŶ
ĨĂŝƚŝůLJĂƉůƵƐŝĞƵƌƐŵĂŶŝğƌĞƐĚĞƐ͛LJƉƌĞŶĚƌĞ : il y a la preuve rationnelle, donc la nôtre (on interroge
les témŽŝŶƐ͕ŽŶĨĂŝƚĚĞƐĞdžƉĞƌƚŝƐĞƐ͕͙) et puis il y a la preuve irrationnelle. Ce serait la même chose
ƐĂƵĨƋƵ͛ĂƵůŝĞƵĚĞĨĂŝƌĞƵŶƌĂƉƉŽƌƚĚĞĐĂƵƐĞăĞĨĨĞƚ;ŽŶĂƌĞƚƌŽƵǀĠůĞƐĞŵƉƌĞŝŶƚĞƐĚĞyƐƵƌůĞůŝĞƵĚƵ
ǀŽů͕ĚŽŶĐyĞƐƚůĞǀŽůĞƵƌͿ͕ŽŶĨĂŝƚƵŶůŝĞŶŝƌƌĂƚŝŽŶŶĞů;yŶ͛ĂƉĂƐƌĠƵƐƐŝů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͕ĚŽŶĐyĞƐƚƵŶǀŽůĞƵƌͿ͘
Un historien du droit français (Henri Lévy-‐BruhlͿ Ă Ěŝƚ ƋƵ͛ƵŶĞ ƉƌĞƵǀĞ ŝƌƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ ŶĞ
ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞƉĂƐŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞŵĞŶƚĚŝĨĨĠƌĞŵŵĞŶƚĚ͛ƵŶĞƉƌĞƵǀĞƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ͘ĞƌƚĞƐ͕ŝůǀĂLJĂǀŽŝƌƵŶƚĂƵdž
Ě͛ĠĐŚĞĐƐƐŝŽŶĂƉƉůŝƋƵĞĐĞƚƚĞƉƌŽĐĠĚƵƌĞ;ĂĐĐƵƐĞƌƋƵĞůƋƵ͛ƵŶƋƵŝŶ͛ĞƐƚƉĂƐcoupable) mais chez nous
ĂƵƐƐŝŝůLJĂĚĞƐĠĐŚĞĐƐ͘>ĂĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ͕Đ͛ĞƐƚƋƵĞůĂƉƌĞƵǀĞŝƌƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞĚĂŶƐůĞƐƐŽĐŝĠƚĠƐŽƶ
il y a unité de croyance. Ce sont les sociétés où tout le monde croit la même chose, on croit en Dieu,
en la puissance surnaturelle des sĂŝŶƚƐ͘/ůLJĂĚŽŶĐƵŶĞƉƌĞƐƐŝŽŶƉƐLJĐŚŽůŽŐŝƋƵĞĨŽƌƚĞƋƵŝƐ͛ĞdžĞƌĐĞƐƵƌ
ĐĞůƵŝ ƋƵŝ ĞƐƚ ĂƉƉĞůĠ ă ũƵƌĞƌ͕ ŽƵ ƐƵƌ ĐĞůƵŝ ƋƵŝ ĞƐƚ ĂƉƉĞůĠ ă ƉĂƐƐĞƌ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘ >Ă ĐƌŽLJĂŶĐĞ ǀĂ ĚŽŶĐ͕ ă
travers cette pression, fonctionner comme un sérum de vérité. Si je mens, la pression psychologique
ǀĂũŽƵĞƌĞŶŵĂĚĠĨĂǀĞƵƌ;ũ͛ĂŝƵŶŚĂŶĚŝĐĂƉĐĂƌũ͛ĂŝƉĞƵƌͿĞƚũĞǀĂŝƐƌĂƚĞƌ͘WĂƌĐŽŶƚƌĞ͕ƐŝũĞƐƵŝƐŝŶŶŽĐĞŶƚ͕
ũĞŶ͛ĂŝƉĂƐƉĞƵƌĚĞũƵƌĞƌŽƵĚĞƉĂƐƐĞƌů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘
Lévy-‐Bruhů Ěŝƚ ĚŽŶĐ ƋƵ͛ŝů ĞƐƚ ůŽŐŝƋƵĞ ƋƵĞ ĚĞƐ ƐŽĐŝĠƚĠƐ ĚŝƚĞƐ ĂƌĐŚĂŢƋƵes aient pratiqué la
preuve irrationnelle parce que ĕĂ ŵĂƌĐŚĂŝƚ͕ ĕĂ ƉĞƌŵĞƚƚĂŝƚ Ě͛ĂďŽƵƚŝƌ ă ƵŶĞ ǀĠƌŝƚĠ ũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘ ĞƚƚĞ
ƉƌŽĐĠĚƵƌĞĂǀĂŝƚƵŶƚĂƵdžĚ͛ĠĐŚĞĐƐĂĐĐĞƉƚĂďůĞĞƚƋƵŝŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚƌğƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚĚƵƚĂƵdžĚ͛ĞƌƌĞƵƌƐĚĞŶŽƐ
sociétés actuelles.
Ce qui explique selon Lévy-‐ƌƵŚů ůĞ ƉĂƐƐĂŐĞ ă ůĂ ƉƌĞƵǀĞ ƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ƉƌĠĐŝƐĠŵĞŶƚ ůĂ
ƌƵƉƚƵƌĞ ĚĞ ů͛ƵŶŝƚĠ ĚĞ ĐƌŽLJĂŶĐĞ͘ YƵĂŶĚ ŽŶ ĐŽŵŵĞŶĐĞ ă ŶĞ ƉůƵƐ ƉĞŶƐĞƌ ůĂ ŵġŵĞ ĐŚŽƐĞ͕ ƐƵƌ ůĂ
question de savoir si Dieu existe on ne peut plus faire fonctionner le système en le faisant reposer
ƐƵƌƵŶĞŝĚĠĞĚĞĐƌŽLJĂŶĐĞ;ŽŶŶ͛ĞƐƚƉůƵƐĂƐƐƵƌĠƋƵĞĐĞůƵŝƋƵŝŵĞŶƚĂƵƌĂƉĞƵƌĞŶƉĂƐƐĂŶƚů͛ĠƉƌĞƵǀĞͿ͘/ů
faut alors inventer autre chose : analyser les faits (rationalité) qui entre dans la procédure.
5.2. Objections à cette théorie
Cette théorie de Lévy-‐ƌƵŚů͕ ŽŶ ĐŽŵŵĞŶĐĞ ă ů͛ĂďĂŶĚŽŶŶĞƌ Ğƚ :ĂĐŽď͕ ůƵŝ͕ ů͛Ă ĂďĂŶĚŽŶŶĠĞ
ĚĞƉƵŝƐ ůŽŶŐƚĞŵƉƐ͘ /ů ĞdžŝƐƚĞ ĞŶ ĞĨĨĞƚ ƵŶĞ ƐĠƌŝĞ Ě͛ŽďũĞĐƚŝŽŶƐ͘ EŽƵƐ ĞŶ ĚĠǀĞůŽƉƉĞƌŽŶƐ ƚƌŽŝƐ Ě͛ĞŶƚƌĞ
elles.
5.2.1. Existence, partout attestée, de manipulations et de tricheries ainsi que de critiques
contre le caractère aléatoire de ces procédures (critiques des théologiens dès le temps
de Charlemagne)
La notion de preuve ͗Ɛ͛ĂŐŝƚ-‐ŝůĚ͛ƵŶĞƉƌĞƵǀĞŽƵĚ͛ƵŶĞĠƉƌĞƵǀĞ ? Pour que la preuve judiciaire
ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞ͕ŝůĨĂƵƚƋƵ͛ŝůLJĂŝƚƵŶĞĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůůĞ;ĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůůĞĚƵĨĂŝƚĞƚůĂ
distinction entre le fait et le droit). La notion de fait doit exister. Finalement, essayer de faire
ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞůĂŶŽƚŝŽŶĚĞĨĂŝƚĞƐƚĞdžƚƌġŵĞŵĞŶƚĐŽŵƉůŝƋƵĠ͘>ĞƐƌŽŵĂŝŶƐĨĂŝƐĂŝĞŶƚůĂĚŝƐƚŝŶĐƚŝŽŶĞŶƚƌĞ
le fait et le droit de manière très imprécise. De toute façon, cette distinction est clairement absente
ăů͛époque franque comme elle est dans les époques archaïques. Ce qui permet de qualifier les faits
est une opération intellectuelle complexe inconnue à cette époque. Celui qui jure, ne jure pas sur un
fait mais sur quelque chose que nous considérions comme une espèce de combinaison incertaine.
WĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ƐŝũĞ ƐƵŝƐĂĐĐƵƐĠ ĚĞ ǀŽů͕ũĞ ũƵƌĞ ƋƵĞ ũĞ ƐƵŝƐŝŶŶŽĐĞŶƚ͘DĂŝƐƋƵ͛ĞƐƚĐĞ ƋƵĞ ġƚƌĞ
innocent ? Le mot innocent vient du latin innocere : ne pas nuire. Cela peut vouloir dire ƋƵĞũĞŶ͛ĂŝĞ
pas commis le fait. CĞůĂƉĞƵƚĂƵƐƐŝǀŽƵůŽŝƌĚŝƌĞũĞƐƵŝƐŝŶŶŽĐĞŶƚăŵĞƐLJĞƵdžĐĂƌũ͛ĂŝƌĞƉƌŝƐŵĞƐŽďũĞƚƐ
23
HDP ʹ Le haut Moyen Age
ĐĂƌŽŶŵĞůĞƐĂǀĂŝƚǀŽůĠĂǀĂŶƚ͘:ĞƉŽƵƌƌĂŝƐĂƵƐƐŝũƵƌĞƌġƚƌĞŝŶŶŽĐĞŶƚƉĂƌĐĞƋƵĞũ͛ĂŝǀŽůĠŵŽŶĚĠďŝƚĞƵƌ
qui ne me remboursait pas. Les cas de figure ici présentés ne sont pas distingués dans les sociétés
anciennes. On ne distingue pas le fait et la justification ͗ŽŶũƵƌĞƐƵƌůĞƚŽƵƚ͘ŽŶĐĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƵŶĞ
ƉƌĞƵǀĞƉƵŝƐƋƵ͛ŝůŶĞƐ͛ĂŐŝƚƉĂƐĚ͛ĠƚĂďůŝƌůĂǀĠƌŝƚĠĚ͛ƵŶĨĂŝƚŵĂŝƐĐ͛ĞƐƚďŝĞŶƵŶĞĠƉƌĞƵǀĞƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚ
Ě͛ƵŶĞ ŵŝƐĞ ă ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ ĚĞ ĚĞƵdž ĐŚŽƐĞ ƋƵŝ ƐŽŶƚ ŝŶĚŝƐƚŝŶĐƚĞƐ : ma personne et la crédibilité de ma
parole.
5.2.2. Naïveté des historiens quant à la peur de la justice divine
Dans cette deuxième objection, ŝůLJĂĚĂŶƐů͛ŝĚĠĞƋƵĞů͛ŽƌĚĂůŝĞƐĞƌĂŝƚƵŶĞƐŽƌƚĞĚĞƐĠƌƵŵĚĞ
vérité, ƵŶĞĞƐƉğĐĞĚĞƚƌğƐŐƌĂŶĚĞŶĂŢǀĞƚĠĚĞůĂƉĂƌƚĚĞů͛ŚŝƐƚŽƌŝĞŶƋƵŝƐĞĚŝƚƋƵĞůĞƐŐĞŶƐLJĐƌŽLJĂŝĞŶƚ
ǀƌĂŝŵĞŶƚ͕ ĚŽŶĐ ĠƚĂŝĞŶƚ ƐƵũĞƚ ă ůĂ ƉĞƵƌ͘ Kƌ Ɛŝ ũĞ ƉĞƵdž ŐĂŐŶĞƌ ĞŶ ĚŝƐĂŶƚ ƵŶ ŵĞŶƐŽŶŐĞ͕ Ɛŝ Đ͛ĞƐƚ ĂƵƐƐŝ
simple que ça, la tentation est forte. Est-‐ce que le menteur a plus de chance de flancher
psychologiquement dans une société ancienne que dans nos sociétés ͍Ğ ƉůƵƐ͕ůŽƌƐĚ͛ƵŶĚƵĞů͕ůĞƐ
chances de réussites dépendent-‐ĞůůĞƐĚĞůĂƐŝŶĐĠƌŝƚĠ;ĞƚĚŽŶĐĚĞů͛ĂƐƐƵƌĂŶĐĞͿĚĞƐƉĂƌƚŝĞƐŽƵƉůƵƚƀƚĚƵ
maniement des armes ? Le point de vue du sérum de vérité est extrêmement naïf.
En outre, Les épreuves étaient trafiquées ͗ůĂƚƌŝĐŚĞƌŝĞĨĂŝƚƉĂƌƚŝĞĚĞů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͘ĞƚƚĞƚƌŝĐŚĞƌŝĞ
ĞdžƉůŝƋƵĞůĞƚĂƵdžĚĞƌĠƵƐƐŝƚĞĠůĞǀĠ͘ƚĞůůĞĞƐƚĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐĚĠŶŽŶĐĠĞƉĂƌůĞƐŐĞŶƐ͘/ůƐĚŝƐĞŶƚ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶt
ůĞƐŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůƐ;ůĞƐĠǀġƋƵĞƐăů͛ĠƉŽƋƵĞĚĞŚĂƌůĞŵĂŐŶĞͿ͕ƋƵĞĐ͛ĞƐƚƐĐĂŶĚĂůĞƵdž͕ƋƵĞƚŽƵƚůĞŵŽŶĚĞ
triche. On a une justice qui favorise le mensonge. Celui qui a les moyens de proférer une parole
ĨĂƵƐƐĞĞŶĠƚĂŶƚĂƉƉƵLJĠƉĂƌƵŶŐƌĂŶĚŶŽŵďƌĞĚ͛ĂŵŝƐĞƐƚĂƐƐƵré de passer entre les mailles du filet.
ĞƐŽŶƚůĞƐƉƵŝƐƐĂŶƚƐƋƵŝƐ͛ĞŶƐŽƌƚĞŶƚŐƌąĐĞăĚĞƐĂŝĚĞƐ͘>ĞƐŐĞŶƐƐĞƉŽƐĞŶƚĚŽŶĐůĂƋƵĞƐƚŝŽŶĚĞƐĂǀŽŝƌ
si ces épreuves sont fiables.
5.2.2.3. Chronologie du recul de ces modes de résolution des litiges : il se produit non avec la
rupture de l'unité des croyances, mais avec la montée des pouvoirs religieux et
politiques : interdiction des ordalies (4e concile de Latran en 1215), régression nette de
l'emploi du serment décisoire en matière civile à la même époque
Enfin, si la théorie de Lévy-‐Bruhl était exacte on devrait avoir une chronologie de ces
ĠƉƌĞƵǀĞƐ ŝŶĚĞdžĠĞ ƐƵƌ ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ ƌĞůŝŐŝĞƵƐĞ͘ ^͛ŝů ĠƚĂŝƚ ĞdžĂĐƚ ƋƵĞ ůĞƐ ĐƌŽLJĂŶĐĞƐ ŐĂƌĂŶƚŝƐƐĞŶƚ ůĞ
ĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚĚĞĐĞƐĠƉƌĞƵǀĞƐ͕ŝůĨĂƵĚƌĂŝƚƐ͛ĂƚƚĞŶĚƌĞƋƵĞĐĞƐĠƉƌĞƵǀĞƐĚŝƐƉĂƌĂŝƐƐent au moment
Žƶ ů͛ƵŶŝƚĠ ĚĞ ĐƌŽLJĂŶĐĞ ĚŝƐƉĂƌĂŝƚ͕ ĚŽŶĐ ŝů ĨĂƵĚƌĂŝƚ Ɛ͛ĂƚƚĞŶĚƌĞ ă ƵŶĞ ƌƵƉƚƵƌĞ ƋƵĞůƋƵĞ ƉĂƌƚ ĂƵ ϭϲème
ƐŝğĐůĞ;ƌĠĨŽƌŵĞͿ͕ĠƉŽƋƵĞăůĂƋƵĞůůĞĚĞƐŝĚĠĞƐĚŝǀĞƌŐĞŶƚĞƐƐƵƌĐĞƋƵ͛ĞƐƚŝĞƵĂƉƉĂƌĂŝƐƐĞŶƚ͘
Kƌ ĐĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ĐŽŵŵĞ ĕĂ ƋƵĞ ĐĞůĂ Ɛ͛ĞƐƚ ƉĂƐƐĠ͘ >Ă ƌƵƉƚƵƌĞ ĚĂŶƐ ůĂ ƉƌĂƚŝƋƵĞ ĚĞ ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ
magique se produit aux 12ème et 13ème siècles͘WŽƵƌƚĂŶƚăĐĞŵŽŵĞŶƚ͕ů͛ƵŶŝƚĠƌĞůŝŐŝĞƵƐĞŶ͛ĂƉĞƵƚġƚƌĞ
jamais été aussi forte. Les hérésies sont punies. Les épreuves magiques reculent en fait sous
ů͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘^ƵƌůĞƚĞƌƌĂŝŶĚƵƐĞƌŵĞŶƚ͕ŽŶĂǀƵůĞƌĞĐƵůĚĞů͛ŐůŝƐĞƐƵƌůĂƋƵĞƐƚŝŽŶĚƵĐƵůƚĞ
ĚĞƐ ƐĂŝŶƚƐ͘ DĂŶŝƉƵůĂƚŝŽŶ ĚĞƐ ƌĞůŝƋƵĞƐ ĚĞƐ ƐĂŝŶƚƐ Ă ĠƚĠ ŝŶƚĞƌĚŝƚĞ ƉĂƌ ů͛ŐůŝƐĞ͕ ƋƵŝ Ă ĚĠĐŝĚĠ ƋƵĞ ůĞ
serment se ferait désormais sur la Bible. La manipulation des reliques est contrôlée de très près par
Rome. Il y a donc recul sur le serment, transformation des formes du serment et en même temps
ŝŶƚĞƌĚŝĐƚŝŽŶĚĞů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘
ŶĞĨĨĞƚ͕ů͛ŐůŝƐĞĨĂŝƚƵŶĞĚŝƐƚŝŶĐƚŝŽŶĞŶƚƌĞůĞƐĞƌŵĞŶƚĞƚů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘ŝĞŶƋƵĞĐĞƐĚĞƵdžĠƉƌĞƵǀĞƐ
utilisent la justice divine, elles sont différentes. Celui qui jure prend la justice divine à témoin mais la
justice divine est libre des modalités de son intervention : elle intervient comme et quand elle le
souhaite. Par contre, dans les ordalies, on impose à la justice divine les conditions dans lesquelles
ĞůůĞĚŽŝƚƐĞŵĂŶŝĨĞƐƚĞƌ͘>͛ŽƌĚĂůŝe est « un miracle organisé ͩ͘>ĞƐŚŽŵŵĞƐĨŽŶƚĐŽŵŵĞƐ͛ŝůƐŵĞƚƚĂŝĞŶƚ
ĞŶƐĐğŶĞƵŶŵŝƌĂĐůĞ͘DĂŝƐĐĞůĂŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚŽůĠƌĂďůĞĐĂƌŝĞƵƉĞƵƚĨĂŝƌĞĚĞƐŵŝƌĂĐůĞƐ͕ŵĂŝƐŝůŶĞůĞƐĨĂŝƚ
24
HDP ʹ Le haut Moyen Age
pas sur commande. La justice divine est transcendante : elle ne peut pas être instrumentalisée par
les hommes. Une disposition législative de 1215 (issue du 4ème concile du Latran) interdit la pratique
ĚĞƐŽƌĚĂůŝĞƐĐĂƌĞůůĞĞƐƚĐŽŶƚƌĂŝƌĞĂƵdžĞŶƐĞŝŐŶĞŵĞŶƚƐĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘>͛ŽƌĚĂůŝĞŶĞǀĂƉĂƐĚŝƐƉĂƌĂŠƚƌĞƚŽƵƚ
de suite, mais une régression est immédiatement sensible, et à la fin du 13ème siècle elle a disparu de
ŶŽƐƌĠŐŝŽŶƐ;ĞůůĞĚŝƐƉĂƌĂŠƚƉůƵƐƚĂƌĚĚĞƐƉĂLJƐĚĞů͛ƐƚͿ͘KŶƉĞƵƚĚŽŶĐĚŝƌĞƋƵĞů͛ŽƌĚĂůŝĞŶĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞ
ƉĂƐ ƐƵƌ ƵŶĞ ƵŶŝƚĠ ĚĞ ĐƌŽLJĂŶĐĞ͕ ŵĂŝƐ ƋƵĞ Đ͛ĞƐƚ ũƵƐƚĞŵĞŶƚ ĐĞƚƚĞ ƵŶŝƚĠ ĚĞ ĐƌŽLJĂŶĐĞ ƋƵŝ ů͛Ă ĨĂŝƚ
disparaître.
5.3. Recherche d'une autre explication : l'ordalie et le serment non comme preuve de la vérité
d'un fait (qui serait distinct du droit), mais comme mise à l'épreuve d'une personne et de sa
parole
Mais, que pourrait-‐on objecter pour soutenir Lévy-‐Bruhl ? Si on recourt à des témoins, ne
Ɛ͛ĂŐŝƚ-‐ŝůƉĂƐĚĞĐŽŶǀĂŝŶĐƌĞůĞũƵŐĞ ĚĞůĂǀĠƌŝƚĠ Ě͛ƵŶĨĂŝƚ ? Non car le témoignage ne fonctionne pas
ĐŽŵŵĞĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘
De nos jours, le témoignage fait la distinction entre le fait et le droit. On distingue en matière
ĚĞƉƌĞƵǀĞů͛ĂĐƚĞĞƚůĞĨĂŝƚũƵƌŝĚŝƋƵĞ͘>ĞƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞĞƐƚƵŶŵŽĚĞƉƌĞƵǀĞƚLJƉŝƋƵĞĚƵĨĂŝƚũƵƌŝĚŝƋƵĞ͕Ğƚ
ů͛ĂĐƚĞ ũƵƌŝĚŝƋƵĞ͕ ůƵŝ͕ ƐĞƌĂ ƉƌŝŶĐŝƉĂůĞŵĞŶƚ ƉƌŽƵǀĠ ƉĂƌ ƵŶ ĠĐƌŝƚ͘ Dans la société du haut Moyen Age,
Đ͛ĞƐƚ ůĞ ĐŽŶƚƌĂŝƌĞ͕ ĐĞ ƋƵ͛ŽŶ ǀĂ ƐƵƌƚŽƵƚ ƉƌŽƵǀĞƌ ƉĂƌ ƚĠŵŽŝŶƐ͕ ĐĞ ƐŽŶƚ ĚĞƐ ĐŽŶƚƌĂƚƐ͘ ĞƵdž ƋƵ͛ŽŶ ǀĂ
produire comme témoins sont ceux qui ont assisté au contrat. En outre, ils vont témoigner ensemble
ĐĞƋƵŝĞƐƚƵŶĞŐƌĂŶĚĞĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞƉĂƌƌĂƉƉŽƌƚăů͛ƵƐĂŐĞĚƵƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞĚ͛ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘ŶĞĨĨĞƚ͕Ěe nos
jours, le témoignage judiciaire est strictement individuel. Chaque témoin est interrogé
individuellement, généralement sous-‐serment mais ce serment est un serment promissoire. Le
ƚĠŵŽŝŶũƵƌĞƋƵ͛ŝůǀĂĚŝƌĞůĂǀĠƌŝƚĠƚŽƵƚĞůĂǀĠƌŝƚĠĞƚƌŝĞŶƋƵĞůĂǀĠƌŝté. Il promet son comportement
ĨƵƚƵƌ͕ĐĞƋƵ͛ŝůǀĂĚŝƌĞ͘ƚůĞƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚƐƚĠŵŽŝŶƐŶĞƉĞƵǀĞŶƚƐ͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞƌůĞƐƵŶƐůĞƐĂƵƚƌĞƐ͘
ŶĨŝŶ͕ůĞũƵŐĞĂƵŶƉŽƵǀŽŝƌĚ͛ĂƉƉƌĠĐŝĂƚŝŽŶƐƵƌůĞƐƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞƐ;ůĞƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞĞƐƚ-‐il fiable au
regard des circonstances, du lieŶĞŶƚƌĞůĞƚĠŵŽŝŶĞƚů͛ĂĐĐƵƐĠ͕͙ ?). Le témoignage archaïque est très
différent. Une des deux parties est amenée à produire ses témoins (acte unilatéral). Le témoignage
ƐĞƌĂĐŽůůĞĐƚŝĨ͕ŝůƐƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞŶƚƚŽƵƐĚ͛ƵŶĞƐĞƵůĞǀŽŝdž͘ĞƵdžƋƵŝŶĞƉĂƌůĞŶƚƉĂƐƐĞƌĂŶŐĞŶt derrière celui
qui parle. Les témoins procèdent à un serment de type assertoire. Le témoignage, si le rituel est
respecté, va lier le tribunal et donc emporter le gain du procès. Le témoignage a donc le même effet
que le serment. Témoignage et serment soŶƚĨŽƌƚƉƌŽĐŚĞƐ͛͘ĂŝůůĞƵƌƐ͕ƉĂƌĨŽŝƐ͕ůĞƐƐĐƌŝďĞƐĚƵMoyen
AŐĞ ƐĞ ƐŽŶƚ ƚƌŽŵƉĠƐ Ğƚ ŝůƐ ĚŝƐĞŶƚ ƚĂŶƚƀƚ ƚĠŵŽŝŶƐ ƚĂŶƚƀƚ ĐŽũƵƌĞƵƌƐ͘ /ů Ŷ͛LJ Ă ĞŶ ĨĂŝƚ ƉƌĞƐƋƵ͛ĂƵĐƵŶĞ
ĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ͘ >Ğ ƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞ Ŷ͛ĞƐƚ ĚŽŶĐ ƉĂƐ ůĂ ƉƌĞƵǀĞ Ě͛ƵŶ ĨĂŝƚ ŵĂŝƐ ďŝĞŶ ƵŶĞ ĠƉƌĞƵǀĞ ƌŝƚƵĞůůĞ ƋƵŝ
tranche le procès à condition que les parties se soient mises d͛ĂĐĐŽƌĚƐƵƌůĞƐĐŽŶĚŝƚŝŽŶƐĚĞů͛ĠƉƌĞƵǀĞ͘
5.4. L'explication tient pour l'essentiel dans la faiblesse du pouvoir judiciaire, qui transfère la
fonction de juger sur les puissances surnaturelles, tant qu'il ne dispose pas d'un corps
d'exécutants susceptible de mettre son autorité en position de nette supériorité et à l'abri
des parties, mutation qui se produira à partir des XIIe-‐XIIIe siècles
Mais alors, pourquoi recourt-‐on à ces méthodes de règlement des litiges ? Comment
expliquer les ordalies ? Les raisons théologiques de condamner la pratique des ordalies étaient les
ŵġŵĞƐ ĂƵ ŵŽŵĞŶƚ ĚĞ ŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ ƋƵ͛ĞŶ ϭϮϭϱ͘ DĂŝƐ͕ ůĂ ŐƌĂŶĚĞ ĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞ ĞƐƚ ƋƵ͛ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ĚĞ
Charlemagne, le juge est encore en situation de faiblesse devant les parties ͗ŝůŶ͛ĂƉĂƐĚ͛ŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚ
de coercition pour imposer sa décision. On transfert donc de la fonction de juger vers Dieu
;ƉƵŝƐƐĂŶĐĞ ƐƵƌŶĂƚƵƌĞůůĞͿ ĐĂƌ ůĞ ũƵŐĞ ĞƐƚ ĨĂŝďůĞ͘ ͛ĞƐƚ ĂƵ ŵŽŵĞŶƚ Žƶ ůĞũƵŐĞ ĐĞƐƐĞ Ě͛ġƚƌĞ ĨĂŝďůĞ ƋƵ͛ŝů
ĐĞƐƐĞ ĚĞ ƉƌĂƚŝƋƵĞƌ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ͘ ŝŶƐŝ͕ ĂƵ ϭϯème siècle, non seulĞŵĞŶƚ ů͛ŽƌĚĂůŝĞ Ɛ͛ĠƚĞŝŶƚ ;ĐĂƌ ĞůůĞ ĞƐƚ
ĐŽŶĚĂŵŶĠĞ ƉĂƌ ů͛ŐůŝƐĞͿ ŵĂŝƐ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ ĚĠĐŝƐŽŝƌĞ ƌĞĐƵůĞ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ Ğƚ ůĞ ƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞ ĐŚĂŶŐĞ ĚĞ
25
HDP ʹ Le haut Moyen Age
sens. Et ceci est dû à la plus grande force du juge.
Le témoignage change de sens, donc la façon dont on témoigne au 13ème͕Đ͛ĞƐƚĚĠũăůĂĨĂĕŽŶ
ĚŽŶƚ ŽŶ ƚĠŵŽŝŐŶĞ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘ >ĞƐ ƚĠŵŽŝŶƐ ƐŽŶƚ ĚĠƐŽƌŵĂŝƐ ŝŶƚĞƌƌŽŐĠƐ ŝŶĚŝǀŝĚƵĞůůĞŵĞŶƚ͕ ƐŽƵƐ
serment promissoire, et le juge apprécie la force probante du témoignage.
^ŝŽŶƉĂƐƐĞĚŽŶĐǀƌĂŝŵĞŶƚĚĞů͛ĠƉƌĞƵǀĞăůĂƉƌĞƵǀĞĂƵϭϯème sièclĞ͕Đ͛ĞƐƚĞŶƉĂƌƚŝĞƉŽƵƌĚĞƐ
raisons religieuses, mais surtout parce que désormais le juge dispose de forces de coercition
ŐĂƌĂŶƚŝĞƐƉĂƌů͛ĞŵďƌLJŽŶĚ͛ƚĂƚ;ŝůLJĂƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŽĐŝĂůĞƋƵŝƉƌĠĨŝŐƵƌĞů͛ƚĂƚͿ͘ƉĂƌƚŝƌ
du 13ème͕ůĞũƵŐĞŶ͛ĂƉůƵƐďĞsoin de se reposer sur Dieu.
26
HDP ʹ Le haut Moyen Age
V.
Conclusion sur les rapports du juge, du procès et de la norme
1. Le "juge" comme médiateur ou comme arbitre
Peut-‐on parler de juge ͍KƵŝƐŝũƵŐĞƌĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐĐĞƋƵ͛ŽŶĞŶƚĞŶĚƉĂƌũƵŐĞƌĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘Ğ
Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐĚĠĐŝĚĞƌƋƵŝĂƌĂŝƐŽŶĞƚƋƵŝĂƚŽƌƚ;ŶŽƚƌĞĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶͿ͘>ĂĨŽŶĐƚŝŽŶĚĞũƵŐĞƌĂƵ haut Moyen
AŐĞĞƐƚĞŶƌĠĂůŝƚĠďĞĂƵĐŽƵƉƉůƵƐƉƌŽĐŚĞĚĞůĂĨŽŶĐƚŝŽŶĚ͛ĂƌďŝƚƌĂŐĞ;ăĐŽŶĚŝƚŝŽŶƋƵ͛ŽŶƐ͛ĞŶƚĞŶĚĞƐƵƌ
ĐĞƋƵĞǀĞƵƚĚŝƌĞůĞŵŽƚĂƌďŝƚƌĞƌͿ͘>͛ĂƌďŝƚƌĞĚƵŽĚĞũƵĚŝĐŝĂŝƌĞĞƐƚƵŶũƵŐĞĐŽŶǀĞŶƚŝŽŶŶĞů͕ĐŚŽŝƐŝƉĂƌůĞƐ
parties au litigĞ͕ŵĂŝƐĐ͛ĞƐƚƵŶǀƌĂŝũƵŐĞƋƵŝa le devoir de trancher.
>͛ĂƌďŝƚƌĂŐĞ ĂƵ Moyen AŐĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ƉůƵƚƀƚ ů͛ĂƌďŝƚƌĂŐĞ ƐƉŽƌƚŝĨ͘ >͛ĂƌďŝƚƌĞ ĚĞ ĨŽŽƚ ŶĞ ĚŽŝƚ ƉĂƐ
décider qui mérite de gagner mais on lui demande de vérifier si les règles du jeu ont été respectées.
ŽŶĐ ůĞ ũƵŐĞ ĂƌĐŚĂŢƋƵĞ ǀĠƌŝĨŝĞ ůĞƐ ƌğŐůĞƐ ĚƵ ũĞƵ ƚŽƵƚ ĞŶ ƐĞ ƚĞŶĂŶƚ ă ů͛ĠĐĂƌƚ͕ ƚŽƵƚ ĞŶ ĠǀŝƚĂŶƚ Ě͛ġƚƌĞ
joueur et arbitre. Soit on va vers une composition et alors le juge est un médiateur, il propose des
solutions transactionnaires, il propose des chiffres. Soit on va vers une probatio, et le juge est
ƌĠĞůůĞŵĞŶƚ ƵŶ ĂƌďŝƚƌĞ͘ /ů ŵĞƚ ĞŶ ƐĐğŶĞ ů͛ĠƉƌĞƵǀĞ Ğƚ ŝů ǀĠƌifie la loyauté des parties. Le résultat se
ĚĠŐĂŐĞĞŶĚĞŚŽƌƐĚĞůƵŝ͕ŝůĂũƵƐƚĞăǀĠƌŝĨŝĞƌůĞƐƌğŐůĞƐ͘ZĞŵĂƌƋƵŽŶƐƋƵ͛ĠǀŝĚĞŵŵĞŶƚů͛ĂƌďŝƚƌĞĂƵŶĞ
influence sur le résultat, comme un arbitre de foot, mais officiellement il est hors du « jeu ».
Dans ce type ĚĞ ƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͕ ůĞ ƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ Ŷ͛ŝŶƚĞƌǀŝĞŶƚ ƉĂƐ͘ >Ğ ũƵŐĞ ŶĞ ĨĂŝƚ ƉĂƐ ĚĞ ĚƌŽŝƚ
ŵĂƚĠƌŝĞů ƉƵŝƐƋƵĞ ůĞ ƌĠƐƵůƚĂƚ ĚƵ ůŝƚŝŐĞ ŶĞ ĚĠƉĞŶĚ ƉĂƐ ĚĞ ƐŽŶ ƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ͘>ĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ
ĨĂǀŽƌĂďůĞ ĂƵ ƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ ĚŽŶĐ ƉĂƐ ĨĂǀŽƌĂďůĞ ă ů͛ĠŵŝƐƐŝŽŶ ĂďƐƚƌĂŝƚĞ Ğƚ ŽƌĚŽŶŶĠĞ Ěe règles
ũƵƌŝĚŝƋƵĞƐ͘/ůĞdžŝƐƚĞĚĞƐƌğŐůĞƐĚĞƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͕ŵĂŝƐůĞƐĚƌŽŝƚƐĚĞƉƌŽƉƌŝĠƚĠƐ͕ĚĞĐƌĠĂŶĐĞ͕ĞƚĐ͘Ŷ͛ŽŶƚƉĂƐ
Ě͛ŝŶƚĠƌġƚ͛͘ĞƐƚĐĞƋƵŝĞdžƉůŝƋƵĞůĂƌĠŐƌĞƐƐŝŽŶĚĞůĂƉĞŶƐĠĞũƵƌŝĚŝƋƵĞĞŶƚƌĞůĂĨŝŶĚĞů͛ĞŵƉŝƌĞƌŽŵĂŝŶĞƚ
la Renaissance. Il y a donc, en plus des causes intellectuelles, des causes techniques à cette
ƌĠŐƌĞƐƐŝŽŶ͘>ĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞŶĞŶĠĐĞƐƐŝƚĞĞƚŶ͛ĞŶĐŽƵƌĂŐĞĚŽŶĐƉĂƐůĂƉƌŽĚƵĐƚŝŽŶĚĞƌğŐůĞƐĚĞĚƌŽŝƚ͘
2. Un exemple de survivance du système archaïque de procédure: la permanence du
serment litisdécisoire
>͛ĂďƐĞŶĐĞ ĚĞ ƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ ũƵƌŝĚŝƋƵĞ, Đ͛ĞƐƚ ƵŶĞ ƐŝƚƵĂƚŝŽŶ ƋƵ͛ŽŶ ƌĞƚƌŽƵǀĞ ƋƵĂŶĚ ŵġŵĞ
ĞŶĐŽƌĞƉĂƌƚŝĞůůĞŵĞŶƚăů͛ŚĞƵƌĞĂĐƚƵĞůůĞ͘ĞƐLJƐƚğŵĞĂƌĐŚĂŢƋƵĞĞƐƚƚƌğƐůĂƌŐĞŵĞŶƚĂďĂŶĚŽŶŶĠǀĞƌƐůĞƐ
12 et 13 ème ƐŝğĐůĞƐ͕ŵĂŝƐŽŶŶĞƐ͛ĞŶƉĂƐƐĞƉĂƐĐŽŵƉůğƚĞŵĞŶƚ͘/ůůĂŝƐƐĞƵŶĞƚƌĂĐĞƉĂƌĞdžĞŵƉůĞĚĂŶƐůĞ
droit de la preuve : on utilise toujours le serment décisoire ou litisdécisoire. Il reste donc encore une
ƉĞƚŝƚĞƉůĂĐĞƉŽƵƌů͛ƵƐĂŐĞĚĞƐƉƌŽĐĠĚƵƌĞƐĂƌĐŚĂŢƋƵĞƐ͘
Conditions de fonctionnement du serment décisoire : on se situe dans un litige pour lequel il
Ŷ͛LJĂƉĂƐĚ͛ĂƵƚƌĞƐŵŽĚĞƐĚĞƉƌĞƵǀĞŽƉĠƌĂƚŽŝƌĞƐ͘ĂŶƐĐĞŐĞŶƌĞĚĞƐŝƚƵĂƚŝŽŶ͕ƵŶĞĨĂĐƵůƚĠĞƐƚůĂŝƐƐĠĞ
ĚĂŶƐ ůĞ ŽĚĞ Đŝǀŝů ă ĐŚĂĐƵŶĞ ĚĞƐ ƉĂƌƚŝĞƐ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ĨĂĐƵůƚĠ ĚĞ ĚĠĨĠƌer le serment. À ce moment, la
partie à qui le serment a été déféré a le choix entre trois possibilités :
ͻ Prêter le serment et gagner le procès
ͻ Refuser le serment et perdre le procès
ͻ La partie a qui le serment a été déféré peut référer le serment
La paƌƚŝĞĐŽŶƚƌĞůĂƋƵĞůůĞůĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚƌĠĨĠƌĠŶ͛ĂƉůƵƐƋƵĞĚĞƵdžƐŽůƵƚŝŽŶƐ : prêter serment
ŽƵƌĞĨƵƐĞƌ͘>ĞƐĞƌŵĞŶƚĞƐƚĂůŽƌƐĚĠĐŝƐŽŝƌĞ͕ĚŽŶĐůĞũƵŐĞŶ͛ĂƉĂƐĚĞƉŽƵǀŽŝƌĚ͛ĂƉƉƌĠĐŝĂƚŝŽŶ͘>ĞũƵŐĞŶĞ
peut que constater le dialogue du défi de jurer. Le juge est lié par la parole du juré. On est
exactement (1357 et s. du Code civil) revenu dans les conditions du procès archaïque.
Est-‐ce que cela réellement fonctionne ? Depuis 1804, on ne cesse de prédire la mort
27
HDP ʹ Le haut Moyen Age
prochaine de ce serment. En effet, on ne publie aucun ũƵŐĞŵĞŶƚĚĞĐĞƚLJƉĞŵĂŝƐĐ͛ĞƐƚƉĂƌĐĞƋƵĞĕĂ
Ŷ͛ĂƉĂƐĚ͛ŝŶƚĠƌġƚ ͗ŝůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚũƵƌŝĚŝƋƵĞ͘ĞƉůƵƐ͕ĐĞŐĞŶƌĞĚĞƉƌĂƚŝƋƵĞŶĞůĂŝƐƐĞƉĂƐ
ĚĞ ƚƌĂĐĞ ĐĂƌ ƉĂƌĨŽŝƐ ůĂ ŵĞŶĂĐĞ ĚĞ ĚĠĨĠƌĞƌ ůĞ ƐĞƌŵĞŶƚ ƐƵĨĨŝƚ ƉŽƵƌ ƋƵĞ ů͛ĂƵƚƌĞ ĂĐĐĞƉƚĞ ĚĞ ƚƌĂŶƐŝŐĞƌ͘
͛ĞƐƚĚŽŶĐƐĞŵĠƉƌĞŶĚƌĞƋƵĞĐƌŽŝƌĞƋƵ͛ŝůŶ͛ĞƐƚƉůƵƐƵƚŝůŝƐĠ͘
Dans nos sociétés le serment décisoire fonctionne encore et ce pour deux raisons. Jurer
devant un tribunal reste impressionnant et le faux serment est un délit puni de trois ans
Ě͛ĞŵƉƌŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚ. Si oŶƉĞƵƚƉƌŽƵǀĞƌůĞĨĂƵdžƐĞƌŵĞŶƚ;ĐĞƋƵŝƐĞƌĂƋƵĂƐŝŵĞŶƚŝŵƉŽƐƐŝďůĞǀƵƋƵ͛ŽŶ
utilise précisément le serment car on ne possède pas de preuve des faits invoqués), il y aura donc
ƵŶĞƐĂŶĐƚŝŽŶƐŽƵǀĞŶƚĚŝƐƉƌŽƉŽƌƚŝŽŶŶĠĞƉĂƌƌĂƉƉŽƌƚăů͛ĞŶũĞƵĚƵůŝƚŝŐĞ͛͘ĞƐƚůĞŵġŵe mécanisme que
dans la société archaïque : il y a une menace de sanction pourtant fort peu probable.
En pratique, ce type de procédure est utile dans deux cas de figure. D͛ƵŶĐƀƚĠůĞƉƌŽĐğƐďĂƐ
ĚĞ ŐĂŵŵĞ ;ŽŶƐĞ ĚŝƐƉƵƚĞ ƉŽƵƌƋƵĞůƋƵĞƐ ĞƵƌŽƐͿ Ğƚ ĚĞ ů͛ĂƵƚƌĞ côté le gros procès où on se dispute
pour quelque millions de dollars. Le serment marche bien pour ces deux extrêmes, et moins bien
entre les deux.
Un exemple de procès pour quelques euros concerne souvent ůĞƐďĂƵdžƉŽƵƌůĞƐƋƵĞůƐŽŶŶ͛Ă
ƉĂƐ ƉƌĠǀƵ Ě͛ĠĐƌŝƚ Ğƚ Žƶ ůĞ ƉĂŝĞŵĞŶƚ ƐĞ ĨĂŝƚ ĚĞ ůĂ ŵĂŝŶ ă ůĂ ŵĂŝŶ͘ >͛ĂƵƚƌĞ ƚLJƉĞ : les règlements
Ě͛ĂĨĨĂŝƌĞƐ ĞŶƚƌĞ ŵƵůƚŝŶĂƚŝŽŶĂůĞƐ͘ ĂŶƐ ůĞ ŵŝůŝĞƵ ĚĞƐ ĂĨĨĂŝƌĞƐ͕ ůĂ ĐŽƵƚƵŵĞ ǀĞƵƚ ƋƵ͛ŽŶ ƐĞ ĨĂƐƐĞ
confiance (sans ménager de preuve écƌŝƚĞͿ͘ WĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ͕ ŝů LJ Ă ƵŶĞ ǀŝŶŐƚĂŝŶĞ Ě͛ĂŶŶĠĞ͕ ƵŶĞ ŐƌŽƐƐĞ
ĂĨĨĂŝƌĞƐ͛ĞƐƚƌĠŐůĠĞĞŶŽƵƌĚ͛ĂƉƉĞůƉĂƌůĞƐĞƌŵĞŶƚ͘ƚ͕ƐŽƵǀĞŶƚ͕ůĞƐŝŵƉůĞĨĂŝƚĚĞŵĞŶĂĐĞƌĚĞĚĠĨĠƌĞƌ
ůĞƐĞƌŵĞŶƚ͕ĚĂŶƐĐĞŵŝůŝĞƵ͕ƐƵĨĨŝƚăƐĞŵĞƚƚƌĞĚ͛ĂĐĐŽƌĚƉŽƵƌĞŶƚĂŵĞƌĚĞƐŶĠŐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ͘>ĂƉƌocédure
ĂƌĐŚĂŢƋƵĞĂĚŽŶĐƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞůŽŐŝƋƵĞƋƵŝĂĨĂŝƚƋƵ͛ŽŶů͛ĂďĞĂƵĐŽƵƉĂƉƉůŝƋƵĠĞăů͛ĠƉŽƋƵĞĞƚƋƵŝĨĂŝƚ
ƋƵ͛ĞůůĞŶ͛ĂƉĂƐƚŽƚĂůĞŵĞŶƚĚŝƐƉĂƌƵĞĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘
Conséquence d'une telle conception de la fonction de juger : l'atrophie du raisonnement
juridique et donc de la pensée juridique en général. Pour que cesse cette paralysie, il faut attendre la
seconde moitié du Moyen Âge, avec le renouveau intellectuel et l'affirmation de l'autorité du
pouvoir judiciaire. La procédure judiciaire va changer parce que tout change. La société franque,
carolingienne va devenir une société féodale. On parle de la « mutation féodale ».
28
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Chapitre 1 ʹ La mutation féodale et ses suites
I.
L'avènement de la société féodale
1. Le fief, conjonction d'un pouvoir délégué issu de la puissance publique, d'un
rapport de fidélité personnelle et du droit réel sur une terre
La société franque repose sur la paysannerie, et il y a dans cette société une classe
Ě͛ŚŽŵŵĞƐƋƵ͛ŽŶĂƉƉĞůůĞăů͛ŽƌŝŐŝŶĞůĞƐůŝďƌĞƐ;ĂĨĨƌĂŶĐŚŝƐĚĞƐƐĞƌǀŝƚƵĚĞƐĚƵƚƌĂǀĂŝůĚĞůĂƚĞƌƌĞͿ͘ĞƚƚĞ
ĐĂƚĠŐŽƌŝĞĚĞůŝďƌĞǀĂĞŶƌĠƚƌĠĐŝƐƐĂŶƚ͘^ŽƵƐůŽǀŝƐ͕Đ͛Ġtait une élite militaire à pied. Sous Charlemagne,
Đ͛ĞƐƚƵŶĞĠůŝƚĞŵŝůŝƚĂŝƌĞăĐŚĞǀĂů͘
>͛ĠůŝƚĞŵŝůŝƚĂŝƌĞƐĞƌĠƚƌĠĐŝƚĚĞƉůƵƐĞŶƉůƵƐ͕ůĞŐƌŽƵƉĞŵŝůŝƚĂŝƌĞĚĞǀŝĞŶƚƵŶĞŶŽďůĞƐƐĞ͕ƵŶĞƚƌğƐ
petite minorité de la population et en même temps, les structures de la propriété se transforment
ƚƌğƐ ƉƌŽĨŽŶĚĠŵĞŶƚ͘ >Ă ŵƵƚĂƚŝŽŶ ĨĠŽĚĂůĞ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ĐƌĠĂƚŝŽŶ Ě͛ƵŶĞ ƐŽĐŝĠƚĠ Žƶ ů͛ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞ ƌĞƉŽƐĞ
ĞƐƐĞŶƚŝĞůůĞŵĞŶƚ ƐƵƌ ůĞ ĨŝĞĨ͘ >Ğ ƐŝŐŶĞ ĚĞ ůĂ ŶŽďůĞƐƐĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶ ĚƵ ĨŝĞĨ͘ ƚ ůĞƐ ĨŝĞĨƐ ƐŽŶƚ
organisés selon une organisatŝŽŶƉLJƌĂŵŝĚĂůĞƋƵ͛ŽŶǀĂĂƉƉĞůĞƌůĂƉLJƌĂŵŝĚĞĨĠŽĚĂůĞ͘
Ğ ƋƵ͛ŝů ƐĞ ƉĂƐƐĞ͕ Ğƚ ƋƵŝ ĞƐƚ ůĂ ĐůĠ ůĂ ƉůƵƐ ŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ ĚĞ ĐĞƚƚĞ ŵƵƚĂƚŝŽŶ ĨĠŽĚĂůĞ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ
ƌĠƵŶŝŽŶ͕ ůĂ ŵŝƐĞ ĞŶ ƐLJƐƚğŵĞ ĚĞ ƚƌŽŝƐ ĠůĠŵĞŶƚƐ ƋƵŝ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ ĚĞ ŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ ĠƚĂŝĞŶƚ ƌĞƐƚĠs
distincts.
1) Le pƌĞŵŝĞƌĠůĠŵĞŶƚĞƐƚů͛office public. Les fonctions de comte, de vicaire sont des fonctions
de commandement militaire, des fonctions qui dépendent du roi. Mais ces offices ne sont
pas héréditaires Ğƚ ŶĞ ƐŽŶƚ Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐ ƉĂƐ ĨŝdžĠƐ ĚĂŶƐ ů͛ĞƐƉĂĐĞ͘ WĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ͕ ůe Comte va
ĞdžĞƌĐĞƌ ƐŽŶĐŽŵŵĂŶĚĞŵĞŶƚ ĞŶ&ůĂŶĚƌĞ͕ ŵĂŝƐƐŝů͛ĂƌŵĠĞ ƐĞ ĚĠƉůĂĐĞ͕ ŝů suivra celle-‐ci et ira
commander par exemple en Italie du nord͘ /ů Ŷ͛LJ Ă ĚŽŶĐ ƉĂƐ ĚĞ ŽŵƚĞ ĚĞ Flandre.
Cependant, il y a une tendance à garder les titres comtaux dans les familles mais pas
toujours.
2) >ĂĨŝĚĠůŝƚĠƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĠĞƉĂƌů͛hommage ;ůŝĞŶĚ͛ŚŽŵŵĞ㌎ŵŵĞͿ͛͘ĞƐƚƵŶƉĂĐƚĞ
qui lie deux personnes, un jeune (vassus : jeune gars) et un vieux (senior : seigneur). Le
vassus (vassal, de la même racine que valet) joint les mains et les met dans les mains
ouvertes du seigneur, ce qui crée le lien personnel entre le seigneur et le vassal. Par ce
pacte, le jeune entre dans la « bande » du vieux. Ce lien est strictement personnel. Quand
un des deux partenaires meurt, le lien ne se renouvelle pas.
3) Le bénéfice ĞƐƚƵŶĞƐŽƌƚĞĚ͛ŝŵŵĞƵďůĞƋƵĞƋƵĞůƋƵ͛ƵŶ͕ĞŶŐĠŶĠƌĂůůĞƌŽŝ͕ĚŽŶŶĞĞŶǀŝĂŐĞƌăƵŶ
des ses fidèles. Quand Charles Martel arrive à confisquer les terres aux adversaires, il
redistribue celles-‐ci à ses amis. /ůĠƚĂŝƚĚŽŶĐĚ͛Ƶsage de conférer le bénéfice à ceux qui nous
avaient servis ĚĂŶƐ ůĞƐ ŐƵĞƌƌĞƐ͕ ůĂ ĐŽŵƉĠƚŝƚŝŽŶ ƉŽƵƌ ůĞ ƉŽƵǀŽŝƌ͘ Ğ ďĠŶĠĨŝĐĞ Ŷ͛Ă ƌŝĞŶ
Ě͛ŚĠƌĠĚŝƚĂŝƌĞ͘
ĞƋƵŝƐ͛ĂƉƉĞůůĞůĂŵƵƚĂƚŝŽŶĨĠŽĚĂůĞĞƐƚůĞŵŽŵĞŶƚŽƶĐĞƐƚƌŽŝƐĐŚŽƐĞƐǀŽŶƚĨĂŝƌĞƵŶƐLJƐƚğŵĞ
qui se stabilise complètement. ĞůƵŝ ƋƵŝ ĞƐƚ ŽŵƚĞ ĞŶ &ůĂŶĚƌĞ Ɛ͛ŝŶƐƚĂůůĞ ƐƵƌ ƉůĂĐĞ Ğƚ ŶĞ ƉĂƌƚ ƉůƵƐ
ĚĂŶƐ ĚĞ ůŽŝŶƚĂŝŶĞƐ ĐŽŶƚƌĠĞƐ͘ >͛ŽĨĨŝĐĞ ƉƵďůŝĐ ǀĂ ġƚƌĞ ĂƚƚƌŝďƵĠ ĂƵ ŽŵƚĞ ƉĂƌ ůĞ ZŽŝ͘ ƚ ůĞ ĐŽŵƚĞ ĚĞ
Flandre va faire hommage au roi. Le comté va devenir son bénéfice, son fŝĞĨ ;ŵŽƚ ƋƵ͛ŽŶ ƵƚŝůŝƐĞ
désormais) donc son immeuble à lui, sa propriété à lui. Une propriété toujours dépendante du roi de
&ƌĂŶĐĞŵĂŝƐĚĠƐŽƌŵĂŝƐŚĠƌĠĚŝƚĂŝƌĞ;ĂƉƉĂƌĂŝƚůĞĚƌŽŝƚĚ͛ĂŝŶĞƐƐĞͿ͕ƋƵŝǀĂĚŽŶĐƉĂƐƐĞƌĂƵĨŝůƐĂŝŶĠ͘
1
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Les trois éléments sont réunis en un. Il y a une fidélité personnelle assise sur le fief, et le
Comte exerce sur ce fief son pouvoir. Corolairement, le comte de Flandre devient une sorte de petit
roi dans son comté. Le comté passe de fils ainé en fils ainé exactement selon une règle de succession
ĚLJŶĂƐƚŝƋƵĞ͘>Ğ ƐĞŝŐŶĞƵƌĞƐƚ ƵŶƉĞƚŝƚƌŽŝĚĂŶƐƐĂƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞ͘Ğ ƋƵ͛ŝůǀĂƐĞ ƉĂƐƐĞƌ ƉŽƵƌůĞĐŽŵƚĠǀĂ
également se passer au échelons inférieurs. Ainsi, les comtes tiennent leur comté du roi, les
châtelains tiennent leurs châtellenies du Comte, et les seigneurs tiennent leurs seigneuries du
Châtelain.
Chaque village a son seigneur qui tient sa seigneurie du fief. Le seigneur est lui aussi un petit
ƌŽŝ ĚĂŶƐ ƐŽŶ ǀŝůůĂŐĞ͕ ŝů ĞƐƚ ĂƵ ďĂƐ ĚĞ ů͛ĠĐŚĞůůĞ ŵĂŝƐ ĞƐƚ ƐŽƵŵŝƐ ĂƵ ŵġŵĞƐ ƌğŐůĞƐ ĚĞ ƚƌĂŶƐŵŝƐƐŝŽŶ
dynastique. Les nobles (2% de la population) sont donc des guerriers professionnels, nourris par les
paysans (98% de la population) qui produisent donc pour eux-‐mêmes mais qui doivent une certaine
partie de leur récolte aux nobles.
2. L'éclatement du manse et la généralisation de la censive comme tenure roturière
Le manse ;ů͛ŝŵŵĞƵďůĞ ƉĂLJƐĂŶ ĐŚĞnj ůĞƐ ĨƌĂŶĐƐͿ ǀĂ ĂƵƐƐŝ ƐĞ ƚƌĂŶƐĨŽƌŵĞƌ ŵĂŝƐ ŝů ǀĂ
essentiellement se transformer par éclatement. Les anciennes propriétés se divisent. On perd de vue
cette unité de production idéale. Le manse ĠƚĂŝƚƵŶĞƵŶŝƚĠĚĞƐƵƉĞƌĨŝĐŝĞƋƵŝĐŽƌƌĞƐƉŽŶĚăĐĞƋƵ͛ƵŶĞ
famille peut travailler. Il va éclater à cause de la croissance démographique et des règles
successorales.
ƉƉĂƌĂŠƚ ĚŽŶĐ ůĂ ĐĞŶƐŝǀĞ͕ Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐ĚŝƌĞ ůĂ ƚĞŶƵƌĞ ;ů͛ŝŵŵĞƵďůĞͿ ƋƵi est possédée à charge de
ĐĞŶƐ͘>ĞƉĂLJƐĂŶĐĞŶƐŝƚĂŝƌĞĚŽŝƚƵŶĞƉĂƌƚŝĞĚĞůĂƌĠĐŽůƚĞĂƵdžƐĞŝŐŶĞƵƌƐ͘>ĂƐŽĐŝĠƚĠĨĠŽĚĂůĞĐ͛ĞƐƚĚŽŶĐ
un ensemble de tenures qui structurent toute une société, y compris en fin de parcours la société
politique.
3. La tenure comme mode d'appropriation des immeubles
YƵ͛ĞƐƚ ĐĞ ƋƵĞ ůĂ ƚĞŶƵƌĞ ? La propriété actuelle (544 CC) est finalement plus proche de la
ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ ƌŽŵĂŝŶĞ ƋƵ͛ĞůůĞ ŶĞ ů͛ĞƐƚ ĚĞ ůĂ ƚĞŶƵƌĞ ;ĂďŽůŝĞ ĞŶ ϭϳϴϵͿ͘ KŶ ǀĂ ĚĠĨŝŶŝƌ ůĂ ƚĞŶƵƌĞ ƉĂƌ
opposition à la propriété romaine ĞƚƉĂƌŽƉƉŽƐŝƚŝŽŶăĐĞƋƵ͛ĞƐƚĚĞǀĞŶƵĞůĂƉƌŽƉƌŝĠƚĠĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͘Ğ
qui caractérise la tenure :
3.1. Absence d'abusus
͛ĞƐƚ ů͛ĂďƐĞŶĐĞ ĚĞ ĐĞ ƋƵĞ ůĞƐ ƌŽŵĂŶŝƐƚĞƐ Ğƚ ĚĞ ĐĞ ƋƵĞ ůĞƐ ũƵƌŝƐƚĞƐ ĂƉƉĞůůĞŶƚ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ
« ů͛ĂďƵƐƵƐ ͩ ;ĐĂƉĂĐŝƚĠ ĚĞ ĚŝƐƉŽƐĞƌ Ě͛ƵŶ ďŝĞŶͿ͘ Ŷ Ɖrincipe, dans un régime pareil, les tenures sont
indisponibles matériellement et juridiquement.
Matériellement, si un paysan a une tenure qui doit une certaine quantité de céréales, il ne
ĚŽŝƚƉĂƐĐŚĂŶŐĞƌĐĞƋƵ͛ŝůĨĂŝƚ͕ŝůŶĞƉĞƵƚƉĂƐƐĞŵĞƚƚƌĞăĠůĞǀĞƌ ĚĞƐĂŶŝŵĂƵdž͘>ĞŵŽĚĞĚ͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶ
ĞƐƚĚĠƚĞƌŵŝŶĠƉĂƌůĂƚĞŶƵƌĞĞƚŝůŶ͛ĞƐƚƉĂƐĚŝƐƉŽŶŝďůĞ͘
:ƵƌŝĚŝƋƵĞŵĞŶƚ͕ŽŶŶĞƉĞƵƚƉĂƐŝŵĂŐŝŶĞƌƋƵ͛ƵŶǀĂƐƐĂůƉƵŝƐƐĞĚŽŶŶĞƌŽƵǀĞŶĚƌĞƵŶĞƚĞŶƵƌĞă
une personne qui serait un ennemi du seigneur. Les tenures paysanne et noble sont inaliénables.
2
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
3.2. Un droit non exclusif
La deuxième caractéristique ĞƐƚ ƋƵĞ ůĂ ƚĞŶƵƌĞ ĞƐƚ ƵŶ ŵŽĚĞ Ě͛ĂƉƉƌŽƉƌŝĂƚŝŽŶ ƋƵŝ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ
ĞdžĐůƵƐŝĨ͘ ZŽŵĞ ĐŽŵŵĞ Ě͛ĂŝůůĞƵƌƐ ĐŚĞnj ŶŽƵƐ͕ ŝů LJ Ă ƵŶ Ğƚ ƵŶ ƐĞƵů ƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞ ƉŽƵƌ ƵŶ ĨŽŶĚƐ
ĚĠƚĞƌŵŝŶĠ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĂ ƌğgle de principe (exception : copropriété ͖ ŝů ĂƵƐƐŝ ĂƌƌŝǀĞ ƋƵ͛ŽŶ ĚĠŵĞŵďƌĞ ƵŶ
droit de propriété). Ces démembrements de propriété sont exceptionnels et sont destinés à
ĚŝƐƉĂƌĂŝƚƌĞ ƵŶ ũŽƵƌ ;ů͛ƵƐƵĨƌƵŝƚ͕ ƉĂƌ Ğdž͕ ĞƐƚ ǀŝĂŐĞƌͿ͘ >Ğ ƉƌŝŶĐŝƉĞ ĞƐƚ ƋƵ͛ŽŶ ƉĞƵƚ ĂǀŽŝƌ ĚĞs
ĚĠŵĞŵďƌĞŵĞŶƚƐĞdžĐĞƉƚŝŽŶŶĞůƐŵĂŝƐƋƵ͛ŽŶƌĞǀŝĞŶƚƚŽƵũŽƵƌƐăů͛ƵŶŝƚĠĚĞůĂƉƌŽƉƌŝĠƚĠ͘
ĂŶƐů͛ĂŶĐŝĞŶĚƌŽŝƚ͕Đ͛ĞƐƚƚƌğƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚ͕ůĂƚĞŶƵƌĞĂƚŽƵũŽƵƌƐŶŽƌŵĂůĞŵĞŶƚĚĞƵdžĂLJĂŶƚƐĚƌŽŝƚƐ͕
ůĞ ƐĞŝŐŶĞƵƌ Ğƚ ůĞ ƚĞŶĂŶĐŝĞƌ͘ >Ă ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ƵŶĞ Ğƚ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ĞdžĐlusive. Du coup, si on veut
démembrer encore un peu plus, on peut le faire, et ce sans aucune limite (contrairement à
ĂĐƚƵĞůůĞŵĞŶƚͿ͘ /ů Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĚĞ ůŝŵŝƚĞ ĂƵ ŶŽŵďƌĞ ĚĞ ĚƌŽŝƚ ƌĠĞůƐ ƐƵƌ ƵŶ ŝŵŵĞƵďůĞ͘ ĞƚƚĞ ƐŝƚƵĂƚŝŽŶ
correspond aux régimes américain et anglais. Droit common law ͗ŝůŶ͛ĂƉĂƐĞƵĚĞƌĠǀŽůƵƚŝŽŶ͘KŶĞƐƚ
ƐŽƌƚŝĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞĨĠŽĚĂůĞƉĂƌĠƚĂƉĞƐ͘
ƵĐŽƵƉ͕ĚĂŶƐů͛ŶŐůĞƚĞƌƌĞĂĐƚƵĞůůĞ͕ů͛ŝĚĠĞĞƐƚƋƵĞůĞƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞĞƐƚůĂƉƌŽƉƌŝĠƚĠĚĞůĂĐŽƵƌŽŶŶĞ
Ě͛ŶŐůĞƚĞƌƌĞ͘ ƵƐƐŝ͕ ůĞƐ ĚĠŵĞŵďƌĞŵĞŶƚƐ ĚĞ ůĂ ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ ƐŽŶƚ en nombre infini. La capacité de
ĐƌĠĂƚŝŽŶ ĚĞ ĚƌŽŝƚƐ ƌĠĞůƐ ĞƐƚ ƐĂŶƐ ůŝŵŝƚĞ͘ >Ă ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ƉĞŶƐĠĞ ƐĞůŽŶ ƵŶ ŵŽĚğůĞ ƵŶŝƋƵĞ Ğƚ
exclusif mais selon un modèle collégial et démembré.
3.3. Tenure et justice (l'appareil judiciaire féodo-‐seigneurial)
Chaque seigneur exerce un pouvoir de juridiction sur les questions foncières (droit des biens)
et de manière annexe sur les biens de la famille (les régimes matrimoniaux par exemple). Une
grande partie du droit civil est exercée par les seigneurs.
3.4. Les obligations de service, la servitus in faciendo et la pyramide féodale comme système de
propriété et d'organisation sociopolitique
ŶĨŝŶ͕ĚĞƌŶŝğƌĞĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞ͕Đ͛ĞƐƚĐĞƋƵ͛ŽŶƉĞƵƚĂƉƉĞůĞƌůĂĚĞƚƚĞƌĠĞůůĞ͛͘ĞƐƚ-‐à-‐dire une
obligation dont le débiteur est un fonĚƐ͘ ǀŝĚĞŵŵĞŶƚ͕ ů͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶ ŶĞ ƉĞƵƚ ġƚƌĞ ĞdžĠĐƵƚĠĞ ƋƵĞ ƉĂƌ
ƵŶĞƉĞƌƐŽŶŶĞŵĂŝƐƚŽƵƚƐĞƉĂƐƐĞĐŽŵŵĞƐŝũƵƌŝĚŝƋƵĞŵĞŶƚůĂƚĞƌƌĞĠƚĂŝƚĚĠďŝƚƌŝĐĞ͘>͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶĞƐƚůĂ
cause du fond et est transmise par le fond. Chaque propriétaire devient assujetti au service.
ŶĚƌŽŝƚƌŽŵĂŝŶĐŽŵŵĞĞŶĚƌŽŝƚĂĐƚƵĞů͕ůĞƉƌŝŶĐŝƉĞĞƐƚů͛ŝŶƚĞƌĚŝĐƚŝŽŶĚĞůĂƐĞƌǀŝƚƵĚĞƉŽƐŝƚŝǀĞ͕
ĞdžƉƌŝŵĠ ƉĂƌ ů͛ĂĚĂŐĞ ůĂƚŝŶ servitus in faciendo consistere nequit, donc interdiction de créer une
servitude qui porterait sur une obligation de faire (obligation de payer ou obligation de service). Le
ƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞ ĚƵ ĨŽŶĚ ƐĞƌǀĂŶƚ ŶĞ ƉĞƵƚ ġƚƌĞ ƚĞŶƵ ƋƵ͛ă ƵŶĞ ŽďůŝŐĂƚŝŽŶ ĚĞ ŶĞ ƉĂƐ ĨĂŝƌĞ ŽƵ ĚĞ ƚŽůĠƌĞƌ͕
jamais à une obligation positive.
ĂŶƐůĂƐŽĐŝĠƚĠĨĠŽĚĂůĞ͕ĂƵĐŽŶƚƌĂŝƌĞ͕ŝůŶ͛LJĂƋƵĞĚĞƐƐĞƌǀŝƚƵĚĞƐƉŽƐŝƚŝǀĞƐĚĞfond. La tenure
ƉĂLJƐĂŶŶĞĚŽŝƚĚĞƐƐĞƌǀŝĐĞƐŽƵĚĞƐƉƌĞƐƚĂƚŝŽŶƐăůĂƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞ͘>ĂƐĞŝŐŶĞƵƌŝĞĐ͛ĞƐƚůĞĨŽŶĚƐĚŽŵŝŶĂŶƚ͘
Finalement, la société féodale est une société de rapports de fonds à fonds (dominant et
servant) où tout est organisé en pyramide et où les prestations se transfèrent du bas vers le haut. Du
plus petit seigneur vers le roi. Tout culmine donc vers le Roi, sur qui sont assises toutes les terres du
royaume.
3
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
4. Les trois ordres
La caractéristique essentielle du système féodal est, comme oŶů͛ĂǀƵ͕ůĞĨĂŝƚƋƵĞůĞƐƌĞůĂƚŝŽŶƐ
ƌĞƉŽƐĞŶƚ ƐƵƌ ůĂ ƚĞƌƌĞ͕ ůĂ ƉƌŽƉƌŝĠƚĠ͘ ŚĂĐƵŶ ƚŝĞŶƚ ƐĂ ƚĞƌƌĞ Ě͛ƵŶĞ ƉĞƌƐŽŶŶĞ ƐƵƉĠƌŝĞƵƌĞ͘ ĂŶƐ ůĂ
ƉLJƌĂŵŝĚĞĨĠŽĚĂůĞ͕ŝůLJĂĚĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐƋƵŝƚŝĞŶŶĞŶƚůĂƐƚƌƵĐƚƵƌĞƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ŵĂŝƐŝůŶ͛LJĂƉĂƐƋƵ͛ĞƵdž͘/ů
existe en effet trois ordres.
La classe des producteurs (98% de la population) garantit la subsistance de la classe militaire
;ů͛ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞ͕ůĞƐĐŚĞǀĂůŝĞƌƐͿ͕ƋƵŝĚĠĨĞŶĚůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘>ĞĐůĞƌŐĠ͕ůƵŝ͕ƉƌŝĞƉŽƵƌůĞƐĂůƵƚĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘
ů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ ĚĞ ůĂ ĐůĂƐƐĞ ŵŝůŝƚĂŝƌĞ͕ ůĞs services militaires sont dus de la base vers le sommet de la
pyramide : au niveau du Roi (sommet) il y a une convergence de toutes les forces économiques et
militaires. Il y a donc une tête : le Roi.
WŽƵƌ ůĂ ƉƌĞŵŝğƌĞ ĨŽŝƐ͕ ĂƵdž ĞŶǀŝƌŽŶƐ ĚĞ ů͛ĂŶ ϭϬϬϬ͕ ĚĞs textes relatent cette division de la
société en trois ordres (appelés plus tard les trois Etats) :
ͻ Ceux qui prient (Eglise) : ce service garantit le salut de tout le monde
ͻ Ceux qui travaillent (paysans) : ils nourrissent ceux qui combattent et ceux qui prient
ͻ Ceux qui combattent (aristocratie) : ils protègent les deux autres ordres
5. Chronologie et géographie de la mutation féodale avec la singularité de l'Empire,
qui perpétue les formes carolingiennes de la société politique
Il faut apporter une nuanĐĞăĐĞƚƚĞĚĞƐĐƌŝƉƚŝŽŶĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĨĠŽĚĂůĞ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ĞůůĞŶĞƐ͛ĞƐƚ
ƉĂƐŝŶƐƚĂůůĠĞƉĂƌƚŽƵƚ͕ĞƚƐƵƌƚŽƵƚĞůůĞŶĞƐ͛ĞƐƚƉĂƐŝŶƐƚĂůůĠĞƉĂƌƚŽƵƚĚĞůĂŵġŵĞŵĂŶŝğƌĞ͘
En Angleterre, une féodalité artificielle se développe, créée de toutes pièces en 1066 par
Guillaume le Conquérant lors de la bataille de Hastings. En effet, celui-‐ci, après avoir gagné la bataille
ĞƚƉƌŝƐůĞƉŽƵǀŽŝƌ͕ĐŽŶĨŝƐƋƵĞƚŽƵƚĞƐůĞƐƚĞƌƌĞƐĚĞƐŶŽďůĞƐĂŶŐůĂŝƐƋƵ͛ŝůĂǀĂŝŶĐƵƐ͕ĞƚƌĠƉĂƌƚŝƚĐĞƐƚĞƌƌĞƐ
entre ceux qui ont combattu avec lui : il crée ainsi une noblesse. Un nouveau système apparaît donc.
Il y a création de fiefs, et sur ces fiefs les nouveaux nobles construisent des châteaux forts pour se
protéger des révoltes paysannes, qui voient leur fonctionnement bouleversé.
En France, la société est différente selon les régions. Cependant, ĞůůĞŶ͛ĞƐƚũĂŵĂŝƐĂƌƚŝĨŝĐŝĞůůĞ͘
En Allemagne, l͛mpire (qui apparaît vers la moitié du 10ème siècle) va très peu sentir la
féodalité. Celle-‐ĐŝLJ ĞƐƚ ĨƌĂŐŝůĞ ĐĂƌ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ŐĂƌĚĞ ƵŶĞ ŐƌĂŶĚĞ ƚƌĂĚŝƚŝŽŶ ĂůůĞƵŐiale (terres libres, qui
Ŷ͛ĂƉƉĂƌƚŝĞŶŶĞŶƚ ă ƉĞƌƐŽŶŶĞͿ͘ >͛ĞŵƉŝƌĞ͕ ŵĂůŐƌĠ ĚĞƐ ƚĞŶĚĂŶĐĞƐ ĨĠŽĚĂůĞƐ͕ ƌĞƉƌŽĚƵŝƚ ůĞ ƐLJƐƚğŵĞ
ĐĂƌŽůŝŶŐŝĞŶ͘hŶĞĚĞƐ ŐƌĂŶĚĞ ĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞƐĚĞĐĞ ƐLJƐƚğŵĞĞƐƚů͛ŝŶƚĠŐƌĂƚŝŽŶĚĞů͛ŐůŝƐĞ ĂƵƐLJƐƚğŵĞ
politique : présence donc à la fois des pouvoirs temporels et spirituels.
/ů ĞdžŝƐƚĞ ĚŽŶĐ ƵŶĞ ǀĠƌŝƚĂďůĞ ƐŝŶŐƵůĂƌŝƚĠ ĚĂŶƐ ů͛ĞŵƉŝƌĞ ŐĞƌŵĂŶŝƋƵĞ ͗ ůĞƐ ĠǀġƋƵĞƐ ĐŽŶƚŝŶƵĞŶƚ
ĐĞƚƚĞĨŽŶĐƚŝŽŶƚĞŵƉŽƌĞůůĞƋƵ͛ŝůƐĂǀĂŝĞŶƚăů͛ĠƉŽƋƵĞĐĂƌŽůŝŶŐŝĞŶŶĞ͘>ĞƐĠǀġƋƵĞƐŽŶƚĞŶĐŽƌĞƉĂƌĨŽŝƐĚĞƐ
ƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞƐ͘>͛ĞŵƉĞƌĞƵƌǀĞƵƚƉŽƵǀŽŝƌƐ͛ĂƉƉƵLJĞƌƐƵƌĞƵdž͘>ĞƐƉŽƵǀŽŝƌƐůĂŢĐƐĞƚƌĞůŝŐŝĞƵdžƐŽŶƚŝŵďƌŝƋƵĠƐ͕
à la différence de ce qui se passe en France.
4
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
II.
L'essor économique
1. La société féodale comme société stabilisée
La société féodale (de type France et Angleterre), durera du 11ème au 12ème siècle. Elle naît
ǀĞƌƐů͛ĂŶϭϬϬϬĞƚdeux cents ans plus tard elle va déjà moins bien.
Il existe donc un paradoxe dans la société féodale : cette société semble avoir été élaborée
pour durer à jamais. Chacun a sa place et il y reste. La placĞĚĞů͛ŝŶĚŝǀŝĚƵĞƐƚĚĠƚĞƌŵŝŶĠĞƉĂƌƐĂƚĞƌƌĞ͕
ƚĞƌƌĞŚĠƌŝƚĠĞĚĞƐĞƐĂŶĐġƚƌĞƐ;ƉğƌĞͿ͘>͛ŝĚĠĞĚ͛ƵŶĞƉƌŽŵŽƚŝŽŶƐŽĐŝĂůĞƐĞŵďůĞĚŽŶĐŝŵƉŽƐƐŝďůĞ͗ƵŶĨŝůƐ
ĚĞĐŚĞǀĂůŝĞƌƐĞƌĂĐŚĞǀĂůŝĞƌĞƚŶ͛ĂĐĐğĚĞƌĂũĂŵĂŝƐăůĂƉŽƐŝƚŝŽŶĚĞĐŚąƚĞůĂŝŶ͘ƚůĞĐŚąƚĞůĂŝŶ͕ƉƵŝƐƋƵ͛ŝů
est sûr de le rester à jamais, défend son territoire. Chaque chevalier garde son territoire. Ainsi, en
cas de guerre, les structures ne sont pas détruites. La population paysanne aussi reste table, car elle
garde toujours le même chef, et il y a moins de guerre : elle peut donc envisager sa culture à long
terme.
Cette société est parvenue à réaliser une stabilisation des rapports sociaux. En effet, les
positions dans la société garantissent une certaines stabilité : la distribution des pouvoirs ayant eu
lieu ĚĂŶƐůĞƉĂƐƐĠ͕ĞůůĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƌĞŵŝƐĞĞŶĐĂƵƐĞ͘>͛ŝŶĐƌŽLJĂďůĞƉĂƌĂĚŽdžĞĞƐƚƋƵĞĐ͛ĞƐƚĐĞƚƚĞŵġŵĞ
stabilité qui sera la cause du changement. En effet, elle va permettre la croissance économique.
2. Conséquence : la croissance économique
La croissance économiqƵĞ ĞƐƚ ƵŶ ƉŚĠŶŽŵğŶĞ ƵŶŝƋƵĞ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ͘ ǀĂŶƚ͕ ŝů Ŷ͛LJ ĂǀĂŝƚ ƉĂƐ
Ě͛ĠĐŚĂŶŐĞ ĞŶƚƌĞ ůĞƐ ǀŝůůĂŐĞƐ͕ ĚŽŶĐ ƉĂƐ ĚĞ ĐƌŽŝƐƐĂŶĐĞ͘ La croissance économique sépare la société
franque de la société féodale : cette croissance économique, une fois le producteur stabilisé dans le
long terme, débute vers 1050 et se développe de manière continue. Cette croissance est constatée
dans divers domaines.
2.1. Croissance rurale
>͛Ăugmentation démographique qui se manifeste par la construction de nouveaux villages et
le défrichement de ŶŽƵǀĞůůĞƐ ƚĞƌƌĞƐ͘ sĞƌƐ ϭϮϬϬ͕ ůĂ ĨŽƌġƚ ĞƐƚ ŵŽŝŶƐ ŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ ƋƵ͛ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ ĐĂƌ
pour mettre en culture tout ce qui en est possible, le paysan fait reculer la forêt. On peut aussi voir
un progrès technique qui engendre un accroissement du rendement des surfaces cultivées.
2.2. Croissance urbaine
Vers 1100, les villes se développent. Les paysans quittent leur terre pour y emménager. La
ville devient le lieu du commerce et du marché, ainsi que le lieu de productions spécifiques
;ů͛ĂƌƚŝƐĂŶĂƚ ƐĞ ĚĠǀĞůŽƉƉĞͿ͘ ĞƐ foires commerciales sont organisées dans les grandes villes. Il y a
ĐƌĠĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞĚLJŶĂŵŝƋƵĞĐŽŵŵĞƌĐŝĂůĞ͘
Par exemple, pour le textile, ůĂ ůĂŝŶĞ ǀŝĞŶƚ Ě͛ĐŽƐƐĞ͕ ĞůůĞ ĞƐƚ ƚƌĂŶƐƉŽƌƚĠĞ ĚĂŶƐ ůĞƐ ƉŽƌƚƐ
anglais, les cargaisons arrivent dans les villes flamandes qui à leur tour diffusent le produit dans
ƚŽƵƚĞů͛ƵƌŽƉĞ͘ŝŶƐŝůĂůĂŝŶĞƉĂƌƚĚ͛ĐŽƐƐĞƉŽƵƌĂůůĞƌƉĂƌĨŽŝƐũƵƐƋƵ͛ă:ĠƌƵƐĂůĞŵ͘
Avec tous ces échanges, la manipulation de monnaie devient plus courante. Des gens
ĚĞǀŝĞŶŶĞŶƚƉůƵƐƌŝĐŚĞƐ͕Ě͛ĂƵƚƌĞƐƉůƵƐƉĂƵǀres.
5
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
3. Le déclin de l'aristocratie moyenne et inférieure
>ĞƐ ƉĞƌĚĂŶƚƐ ƐĞƌŽŶƚ ůĂ ƉĞƚŝƚĞ Ğƚ ůĂ ŵŽLJĞŶŶĞ ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞ͘ ůůĞ Ŷ͛Ă ƋƵĞ ƐĞƐ ƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞƐ ƉŽƵƌ
vivre, elle ne vit que du prélèvement sur les récoltes. Or, lĞƐƉĂLJƐĂŶƐƐ͛ŽƉƉŽƐĞŶƚŵaintenant plus à
ce prélèvement, les armes sont de plus en plus chères (car elles sont faites dans un métal de
meilleure qualité, elles sont plus travaillées) et de nouveaux produits apparaissent, or la noblesse,
pour garder son standing, doit acheter ces nouveaux produits.
>ĂƉĞƚŝƚĞĞƚŵŽLJĞŶŶĞĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞƐ͛ĂƉƉĂƵǀƌŝƚĚŽŶĐ͛͘ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚĞ͕ŽŶƉĞƵƚĚŝƌĞƋƵ͛ĞůůĞƉĂƐƐĞ
à un statut de paysan puissant.
4. La nouvelle richesse des monarchies, des principautés territoriales et des villes
La très haute aristocratie qui, possédant de grands territoires, a compris que maintenant
faire des prélèvements sur les échanges rapporte plus que le prélèvement sur les terres. Les routes
du commerce deviennent ainsi contrôlées, et les commerçants vont être taxés sur la circulation des
marchandises.
Les hauts aristocrates deviennent riches, ce qui va entraîner une métamorphose de
ů͛ĂƉƉĂƌĞŝůũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘
5. Apparition d'un personnel judiciaire spécialisé: juges et sergents
EŽƵƐ ĂǀŝŽŶƐ ǀƵ ƋƵ͛ĂƵ Moyen Age, le droit régressait en raison, notammenƚ͕ Ě͛ƵŶ ŽďƐƚĂĐůĞ
processuel : le juge était en position de faiblesse par rapport aux parties, il avait un rôle surtout
passif.
Or, lĞZŽŝĚ͛ŶŐůĞƚĞƌƌĞ͕ůĞĐŽŵƚĞĚĞFlandre, le Roi de France, etc. tous engagent à présent
des fonctionnaires. Ils en ont déƐŽƌŵĂŝƐ ůĞƐ ŵŽLJĞŶƐ͘ ͛ĞƐƚ ůĞ ĚĠďƵƚ ĚĞ ůĂ ƌĠŵƵŶĠƌĂƚŝŽŶ ƉĂƌ ƵŶ
ĞŵďƌLJŽŶĚ͛ͨƚĂƚͩĚĞƉĞƌƐŽŶŶĞƐƐƉĠĐŝĂůŝƐĠĞƐ͘^ŽƵƐŚĂƌůĞŵĂŐŶĞ͕ŝůŶ͛LJĂǀĂŝƚƉĂƐĚĞŐĞŶƐƌĠŵƵŶĠƌĠƐ͕
ůĞƐũƵŐĞƐŶ͛ĠƚĂŝĞŶƚƉĂƐƉĂLJĠƐ͘
>͛ĂƉƉĂƌŝƚŝŽŶĚƵƐĞƌŐĞŶƚĂƵŶĞĞdžƚƌġŵĞŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ͗Đ͛ĞƐƚů͛ĂŶcêtre de notre gendarme et de
notre huissier. >͛ĂŶĐġƚƌĞĚĞů͛ŚƵŝƐƐŝĞƌ, Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire ƋƵ͛ŝůƌğŐůĞůĞƐĂĐƚĞƐĚĞƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͕ƌĠĚŝŐĞůĞƐĂĐƚĞƐ
de la saisie, se déplace pour porter les citations etc. Et ancêtre du gendarme car il a une fonction de
force, un équipement (fixé par les règlements). LŽƌƐƋƵ͛ŝůƌĞŶĐŽŶƚƌĞƵŶĞƌĠƐŝƐƚĂŶĐĞ͕ŝůĂƉŽƵƌŵŝƐƐŝŽŶ
ĚĞůĂƐƵƌŵŽŶƚĞƌ͘/ůƉĞƵƚĨŽƌĐĞƌƋƵĞůƋƵ͛ƵŶăƐ͛ĞdžĠĐƵƚĞƌ͘>͛ĂƉƉĂƌŝƚŝŽŶĚƵƐĞƌŐĞŶƚĞƐƚŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ͕ĐĂƌŝů
représente la force publique manquante au Moyen Age et à la période franque.
Chaque sergent est attaché à une juridiction qui va le payer. Ce sont donc les juridictions
ƌŝĐŚĞƐƋƵŝƉĞƵǀĞŶƚƐ͛ŽĨĨƌŝƌůĞƐƐĞƌǀŝĐĞƐĚ͛ƵŶƐĞƌŐĞŶƚ͘Notons par ailleurs que lĞƚƌĂǀĂŝůĚĞƐĞƌŐĞŶƚŶ͛ĞƐƚ
pas un travail à temps plein. Il est souvent également boucher, aubergiste ou autre. Ainsi, il est bien
ŝŶƚĠŐƌĠĚĂŶƐůĂƐŽĐŝĠƚĠŵĂŝƐƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞĞŶŵġŵĞƚĞŵƉƐů͛ƚĂƚ͘
En tant que sergent, il a deux types de rémunération, le salaire fixe annuel et la
rémunération de prestation supplémentaire͕Đ͛ĞƐƚ-‐à-‐dire, la rémunération par service produit.
>Ğ ũƵŐĞ ĚŝƐƉŽƐĞ Ě͛ƵŶĞ ĂƌŵĠĞ ĚĞ ƐĞƌŐĞŶƚƐ͕ ůƵŝ ƉƌŽĐƵƌĂŶƚ ĂŝŶƐŝ ƵŶĞ ƉŽƐŝƚŝŽŶ ĚĞ ĨŽƌĐĞ ƉĂƌ
rapport aux parties. Les justices recrutent de plus en plus de sergents. Ce nouveau rassemblement
6
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Ě͛ƵŶĞĨŽƌĐĞƉƵďůŝƋƵĞĞŶŐĞŶĚƌĞƵŶĞŵƵƚĂƚŝŽŶƉƌŽĨŽŶĚĞĚĞů͛ĂĐƚŝǀŝƚĠũƵĚŝĐŝĂŝƌĞ͘>ĂƉĞƵƌĚƵŐĞŶĚĂƌŵĞ
apparaît. Les juridictions vont prendre de plus en plus de poids. Elles vont participer, grâce aux
sergents, à la reconnaissance du droit. Cette mutation est ressentie dès le 13ème siècle,
ƐŝŵƵůƚĂŶĠŵĞŶƚăů͛ŝŶƚĞƌĚŝĐƚŝŽŶĚĞů͛ŽƌĚĂůŝĞ ͗ĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƵŶŚĂƐĂƌĚ.
ƚƚĞŶƚŝŽŶ͕ ŝů Ŷ͛LJ Ă ƉĂƐ ĞŶĐŽƌĞ ĚĞ ŵŽŶŽƉŽůĞ ĚĞ ůĂ ǀŝŽůĞŶĐĞ ƉŚLJƐŝƋƵĞ͘ ^Ƶƌ ůĞ ƉůĂŶ Đŝǀŝů͕ ůĂ
ǀĞŶŐĞĂŶĐĞ ĚŝƐƉĂƌĂŠƚ ƋƵĂƐŝŵĞŶƚ͕ ƚĂŶĚŝƐ ƋƵ͛ĞůůĞ ƉĞƌƐŝƐƚĞ ĚĂŶƐ ůĞ ƉĠŶĂů ŵĂŝƐ ĨĂŝďůŝƚ ƋƵĂnd même, au
profit de la justice.
ƵƉĂƌĂǀĂŶƚ͕ŽŶĐŽŶƐŝĚĠƌĂŝƚůĞũƵŐĞŵĞŶƚĐŽŵŵĞƵŶĞƐŽƌƚĞĚĞĐŽŶƚƌĂƚƋƵŝŶĠĐĞƐƐŝƚĂŝƚů͛ĂĐĐŽƌĚ
des deux parties. A présent, le consentement des parties apparaît de moins en moins dans les
ũƵŐĞŵĞŶƚƐ͘>͛ĂƵƚĞƵƌĚƵũƵŐĞŵĞŶƚĞƐƚ le juge : il est le maître car il est le plus fort. Une des conditions
de la renaissance de la pensée juridique apparaît. La procédure commence à ressembler à notre
procédure civile actuelle.
ZĞŵĂƌƋƵŽŶƐ ƋƵ͛ĞŶ ŵġŵĞ ƚĞŵƉƐ ƋƵĞ ůĞ ƐĞƌŐĞŶƚ͕ Ě͛ĂƵƚƌĞƐ ĐĂƚĠŐŽƌŝes de « personnel
administratif » apparaissent.
^ĂŶƐůĂŵƵƚĂƚŝŽŶĨĠŽĚĂůĞ͕ůĞƐĚĞƵdžƉŚĠŶŽŵğŶĞƐƋƵĞƐŽŶƚ͕ĂƵŶŝǀĞĂƵƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ
ƉLJƌĂŵŝĚĂůĞ͕ĞƚĂƵŶŝǀĞĂƵĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞ͕ůĂĐƌŽŝƐƐĂŶĐĞ͕Ŷ͛ĂƵƌĂŝĞŶƚũĂŵĂŝƐĠƚĠs possible. DĂŝƐĚ͛ĂƵƚƌĞƐ
phénomènes vont influencer la structure du droit en Europe.
7
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Chapitre 2 ʹ La "révolution pontificale" et le moment scolastique
I.
La révolution pontificale
1. Le concept de "révolution pontificale" (H.J. Berman)
Traditionnellement, on parle de révolution pontificale pour désigner ce courant de
ĐŚĂŶŐĞŵĞŶƚƐ ƌĂĚŝĐĂƵdž ƋƵ͛Ă ǀĠĐƵ ů͛ŐůŝƐĞ ĞŶƚƌĞ ϭϬϬϬ Ğƚ ϭϮϬϬ͘ WŽƵƌƚĂŶƚ͕ ůĞƐ ĐŚĂŶŐĞŵĞŶƚƐ ŶĞ
ƉƌŽǀŝĞŶŶĞŶƚƉĂƐƵŶŝƋƵĞŵĞŶƚĚĞƐƉĂƉĞƐ͕ŵĂŝƐĂƵƐƐŝĚĞů͛ŐůŝƐĞĚĂŶƐƐŽŶĞŶƐĞŵďůĞ͘
H.J. Berman (professeur américain spécialiste du droit commuŶŝƐƚĞ͕Đ͛ĞƐƚůƵŝƋƵŝĂĂĚŽƉƚĠůĞƐ
termes de révolution pontificale) affirme, dans un ouvrage paru en 1983 et intitulé « Law and
revolution » ƋƵ͛ăůĂďĂƐĞĚĞĐŚĂƋƵĞƐLJƐƚğŵĞũƵƌŝĚŝƋƵĞ͕ŝůLJĂƵŶĞƌĠǀŽůƵƚŝŽŶ͛͘ĞƐƚĐĞƋƵŝĞdžƉůŝƋƵĞ͕
selon lui, la spécificité de chaque ordre juridique (par exemple, pour nous, le droit est pure, distinct,
ŽƌĐŚĞnjůĞƐĐŚŝŶŽŝƐ͕ŝůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞĚŝƐƚŝŶĐƚŝŽŶĞŶƚƌĞůĞĚƌŽŝƚĞƚůĞƐŐƌĂŶĚƐƉƌŝŶĐŝƉĞƐͿ͘
Quelle révolution explique, selon Berman, le droit occidental ͍>ŽƌƐƋƵ͛ŽŶƌĞŵŽŶƚĞĚĂns les
temps précédant la révolution russe, on y retrouve les révolutions française, américaine et celle
Ě͛ŶŐůĞƚĞƌƌĞ;ůĂŐůŽƌŝĞƵƐĞƌĠǀŽůƵƚŝŽŶ : le 17ème siècle voit le Roi et le Parlement anglais se disputer
pour le pouvoir législatif). En 168ϵ͕ Đ͛ĞƐƚ ůĞ Parlement qui gagne : il proclame sa souveraineté
législative͘DĂŝƐĞƌŵĂŶƌĞũĞƚƚĞĐĞƐƌĠǀŽůƵƚŝŽŶƐĐŽŵŵĞĞdžƉůŝƋƵĂŶƚŶŽƚƌĞĚƌŽŝƚ͕ĞƚƐŽƵƚŝĞŶƚƋƵĞĐ͛ĞƐƚ
ůĂƌĠǀŽůƵƚŝŽŶƉŽŶƚŝĨŝĐĂůĞ ƋƵŝů͛ĞdžƉůŝƋƵĞ͘>ĂƌĠǀŽůƵƚŝŽŶƉŽŶƚŝĨŝĐĂůĞ ĂĞƵůŝĞƵĂƵŵŝůŝĞƵĚƵDoyen Age
(11ème siècle). Cette révolution a façonné le droit comme on le connaît.
>͛ŚLJƉŽƚŚğƐĞ ĚĞ ĞƌŵĂŶ ĞƐƚ ƋƵĞ͕ ĂǀĂŶƚ ůĞ ϭϭème ƐŝğĐůĞ͕ ů͛ŐůŝƐĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ƵŶŝĨŝĠĞ Ğƚ ƉĂƐ
ĐĞŶƚƌĂůŝƐĠĞ͘ ƚ ƋƵĞ Đ͛ĞƐƚ ĂƵ ϭϭème ƐŝğĐůĞ ƋƵ͛ĞůůĞ ĐŚĂŶŐĞ : le pĂƉĞ Ă ƵŶ ƉůƵƐ ŐƌĂŶĚ ƉŽƵǀŽŝƌ͕ ů͛Őůise
Ɛ͛ƵŶŝĨŝĞĞƚĚĞǀŝĞŶƚƉůƵƐĨŽƌƚĞ͘ĞƌŵĂŶŝŶƚĞƌƉƌğƚĞůĞŵŽƚͨ révolution » de manière extensive.
ĞƌŵĂŶĂůĞŵĠƌŝƚĞĚ͛ĞŶƚĂŵĞƌƵŶĞŐƌĂŶĚĞƌĠĨůĞdžŝŽŶƐƵƌůĞƐŽƌŝŐŝŶĞƐĚƵĚƌŽŝƚ͕ĐĞƋƵe peu on
ĨĂŝƚ͘/ůĂƌĂŝƐŽŶƋƵĂŶĚŝůĚŝƚƋƵ͛ŝůLJĂ͕ĂƵŶŝǀĞĂƵĚĞů͛ŐůŝƐĞ͕un grand changement au 11ème siècle. Mais
ĞƌŵĂŶ ƐĞ ƚƌŽŵƉĞ ůŽƌƐƋƵ͛ŝů Ěŝƚ ƋƵĞ Đ͛ĞƐƚ ůĞ WĂƉĞ ƐĞƵů ƋƵŝ Ă ĐŚĂŶŐĠ : en effet, ce sont tous les
ĠĐŚĞůŽŶƐĚĞů͛ŐůŝƐĞƋƵŝŽŶƚĐŚĂŶŐĠ͕ƉĂƐƐĞƵůĞŵĞŶƚůĞWĂƉĞ͘
2. Les transformations de l'Église entre 1000 et 1200
VeƌƐ ů͛ĂŶ 1000, les structures de nos Eglises sont assez simples, comme la structure de
ů͛ŐůŝƐĞ ŐƌĞĐƋƵĞ ŽƌƚŚŽĚŽdžĞ actuelle. Il y a un clergé séculier : ce sont les gens qui sont en relation
avec le monde, avec les laïcs. Il y a les prêtres, qui tiennent les paroisses, et les évêques, qui tiennent
les diocèses. Tous les deux peuvent se marier. Il y a également un clergé régulier : ce sont les
ŵŽŝŶĞƐ͕ƋƵŝǀŝǀĞŶƚĞŶƌĞƚƌĂŝƚĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘/ůŶ͛LJĂƋƵ͛ƵŶƐĞƵůŽƌĚƌĞŵŽŶĂĐĂů;ůĞƐďĠŶĠĚŝĐƚŝŶƐͿĞƚůĞƐ
nommés sont peu nombreux.
/ůŶ͛LJĂƉĂƐĚĞƉŽƵǀŽŝƌĐĞŶƚƌĂů͘hŶĞƐƵƉƌĠŵĂƚŝĞĞƐƚƌĞĐŽŶŶƵĞăů͛ƵŶĚĞƐĠǀġƋƵĞƐ͕ŵĂŝƐĐĞƚƚĞ
primauté symbolique ne lui confère aucun pouvoir de légiférer. Ce pouvoir de légiférer revient
encore aux conciles.
L͛activité judiciaire est chose essentielle pour l͛Eglise, car toutes ces personnes qui
participent à la vie de l͛Eglise vont entrer en litige Ě͛une manière oƵĚ͛une autre et on aura besoin
Ě͛une procédure pour régler les litiges au sein du Clergé. Cette procédure n͛ĞƐƚ pas encore fixe, ni
déterminée comme aux siècles postérieurs.
8
HDP ʹ Le Moyen Age central et le bas Moyen Age
Après l͛an 1000, le système de l͛Eglise se transforme Ğƚ Đ͛est un processus qui va durer
longtemps (Ɛ͛Ġtaler sur 200 ans). Il faut comprendre ce processus dans tout le changement de la
société (nouvelle société féodale), et le changement de l͛Eglise est une des conséquences de cette
nouvelle société féodale (une des réactions en chaîne qui va avoir de l͛ŝnfluence sur notre droit). Ce
changement est une des conséquences de la mutation féodale. Le système va se transformer de
ů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ͕ŵĂŝƐůĞWĂƉĞ͕ƉĂƌƐĞƐĂĐƚŝŽŶƐ͕ǀĂĠŐĂůĞŵĞŶƚƉƌŽĚƵŝƌĞĚƵĐŚĂŶŐĞŵĞŶƚ͘
Au niveau du clergé séculier, une nouvelle structure se met en place : le chapitre des
chanoines apparaît. Les chanoines sont les gens qui viennent aider, assister les évêques. Ils vont eux-‐
mêmes par la suite commencer à avoir du pouvoir. Dans le clergé régulier, le nombre de moine, mais
aussi de femmes dans les ordres augmente (ce sont souvent de jeunes aristocrates placées là par
leurs mères). De nouveaux ordres sont créés.
ŶƌĂŝƐŽŶĚĞĐĞƚƚĞĂƵŐŵĞŶƚĂƚŝŽŶĚƵŶŽŵďƌĞĚĞĐůĞƌĐƐ͕ůĞŶŽŵďƌĞĚĞĐŽŶĨůŝƚƐĚĂŶƐů͛ŐůŝƐĞǀĂ
ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ĂƵŐŵĞŶƚĞƌ͘ >ĞƐ ůŝƚŝŐĞƐ ĂƵ ƐĞŝŶ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ ƌĞƐƚĞŶƚ ĚĂŶƐ ů͛ŐůŝƐĞ ͗ ŽŶ Ŷ͛ƵƚŝůŝƐĞ ƉĂƐ ůĂ
ƉƌŽĐĠĚƵƌĞĐŝǀŝůĞ͛͘ĞƐƚƵŶĞƉƌŽƚĞĐƚŝŽŶƉŽƵƌůĞƐ clercs : par exemple, les sanctions sont moins sévères
que dans la procédure civile.
>Ğ ĨŽŶĚĞŵĞŶƚ ĚĞ ůĂ ũƵƐƚŝĐĞ ĚĞ ů͛ŐůŝƐĞ ŶĞ ƐĞ ƚƌŽƵǀĞ ƉĂƐ ĚĂŶƐ ůĂĨŽƌĐĞ͕ ŵĂŝƐ ďŝĞŶ ĚĠƐŽƌŵĂŝƐ
ĚĂŶƐ ůĂ ĚŝƐĐŝƉůŝŶĞ͘ Ŷ ĞĨĨĞƚ͕ ƉĂƌ ů͛ŝŶƚĞƌŵĠĚŝĂŝƌĞ ĚƵ WĂƉĞ͕ ů͛ŐůŝƐĞ ĚĠĐŝĚĞ Ě͛ŝŵƉŽƐĞƌ ƵŶĞ ŶŽƵǀĞůůĞ
ĚŝƐĐŝƉůŝŶĞ͕ĚĞĨĂŝƌĞĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞ͕ƐĞŶƚŝƌĂƵdžĐůĞƌĐƐůĂƌŝŐƵĞƵƌĚĞů͛ŐůŝƐĞĞƚůĂĨŽƌĐĞͨ mentale » de son
droit.
/ůĂƉƉĂƌĂŝƚĚŽŶĐƵŶĞǀĠƌŝƚĂďůĞŵŽŶƚĠĞĞŶƉƵŝƐƐĂŶĐĞĚĞů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠƉŽŶƚŝĨŝĐĂůĞ͕ƋƵŝǀĂĚĞƉĂŝƌĞ
avec une montée en puissĂŶĐĞĚĞů͛ŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶĞĐĐůĠƐŝĂƐƚŝƋƵĞĚĂŶƐƐŽŶĞŶƐĞŵďůĞ͘>ĞƉĂƉĞƉƌĞŶĚƵŶĞ
ƐĠƌŝĞ ĚĞ ĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶƐ ƋƵŝ ǀŽŶƚ ůƵŝ ĚŽŶŶĞƌ ƉůƵƐ ĚĞ ƉŽƵǀŽŝƌĞƚ ƌĞŵĞƚƚƌĞ ĚĞ ůĂ ĚŝƐĐŝƉůŝŶĞ ĚĂŶƐ ů͛ŐůŝƐĞ͘
͛ĞƐƚĐĞƋƵŝĚĠďŽƵĐŚĞƌĂƐƵƌůĂƌĠĨŽƌŵĞŐƌĠŐŽƌŝĞŶŶĞ͘
3. La Réforme grégorienne (ca. 1070) et les dictatus papae
Le concept de révolution pontificale est historiquement lié au concept de réforme
grégorienne, laquelle fut accomplie en 1070 par Grégoire VII (pape de 1073 à 1085). En réalité, au
ůŝĞƵĚ͛ƵŶĞŐƌĂŶĚĞƌĠĨŽƌŵĞ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚƉůƵƐĚ͛ƵŶĞƐĠƌŝĞĚĞĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶƐĂƉƉĞůĠĞƐͨdictatus papae » (« ce
que dit le pape ») : espèce de programme de réforme qui suppose une révision des pouvoirs
ůĠŐŝƐůĂƚŝĨĞƚũƵĚŝĐŝĂŝƌĞĂƵƐĞŝŶĚĞů͛ŐůŝƐĞ͘>ĞƉĂƉĞǀĂĂĨĨŝƌŵĞƌů͛ƵŶŝƚĠĂƵƚŽƵƌĚĞƐĂƉĞƌƐŽŶŶĞ͘Analyse
des trois facettes importantes de cette réforme.
3.1. Principe de l'unité du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire (appel à Rome)
Dans le droit canon, il y a traditionnellement des normes non issues du pouvoir législatif (le
droit divin et la doctrine) et des normes issues de ce pouvoir (les canons des conciles et les
ĚĠĐƌĠƚĂůĞƐͿ͘ǀĂŶƚů͛ĂŶϭϬϬϬ͕ůĞƐĚĠĐƌĠƚĂůĞƐŶĞƐŽŶƚƉĂƐĐŽƵƌĂŶƚĞƐ͘
Les « dictatus papae » imposent de modifier les structures existantes, pour laisser place à
une seule source de loi : le pape (unica fons legis papae). Ainsi, le pouvoir législatif ecclésiastique est
ƵŶŝĨŝĠĞƚĐĞŶƚƌĂůŝƐĠ͘ĞƉŽƵǀŽŝƌůĠŐŝƐůĂƚŝĨƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞƐŽŝƚĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚƉĂƌůĞƐĚĠĐƌĠƚĂůĞƐĚƵpape, soit
ŝŶĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚ ƉĂƌ ů͛ŝŶƚĞƌŵĠĚŝĂŝƌĞ ĚĞƐ ĐŽŶĐŝůĞƐ ƈĐƵŵĠŶŝƋƵĞƐ ;с ĐŽŶĐŝůĞs qui se tiennent
ŐĠŶĠƌĂůĞŵĞŶƚăZŽŵĞ͕ƌĠƵŶŝƐƐĂŶƚƚŽƵƐůĞƐĠǀġƋƵĞƐĚĞůĂĐŚƌĠƚŝĞŶƚĠůĂƚŝŶĞĞƚƉůĂĐĠƐƐŽƵƐů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĚƵ
pape). >ĞƐĐŽŶĐŝůĞƐƈĐƵŵĠŶŝƋƵĞƐqui touchent à des matières essentielles et qui réunissent tous les
évêques sont à distinguer des conciles ordinaires.
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