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Auteur: Gabrielle

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U

N I V E R S I T E

P

A R I S

8

Diplôme Universitaire

Techniques du corps
et monde du soin

Autisme et Shiatsu : une autre modalité de la relation

Sous la direction de : Isabelle GINOT, directeur de mémoire
Et de
Sophie CASTRO, tuteur de stage

Mémoire pour l’obtention du DESU Techniques du corps et monde du soin
Présenté et soutenu publiquement par

Gabriella BRARDA
le 02 juillet 2010
1

A:

René Faivre, mon compagnon de pratique, pour avoir contribué à initier le projet,
Sophie Castro, mon tuteur, Séverine Noël, Céline Gerbeau, l‘équipe éducatrice, pour leur
soutien et leur confiance,
L‘ I.M.E Notre Ecole, en particulier Christine Neplaz, Directrice, et Florence Brunaux, Chef
de service éducatif, pour leur accueil et leur collaboration,
Violeta, pour sa bienveillante attention, pour m‘avoir fait découvrir Fernand Deligny,
Orlane et Laurent pour tout le temps et l‘énergie qu‘ils m‘ont consacré,
Stéphane, qui m‘a prêté son refuge pour travailler,
Estelle Crespy pour sa précieuse efficacité, sa disponibilité, et au CRAIF pour son accueil,
L‘équipe pédagogique de Paris 8, pour la compétence et la profonde intelligence avec laquelle
elle a conçu le contenu de ce Diplôme Universitaire, et en particulier à Isabelle Ginot,
Shizuto Masunaga, Kazunori Sasaki Sensei, Odile Varnat, Christine Breton et Thierry
Camagie, mes enseignants, pour la rigueur et la passion avec lesquelles ils m‘ont transmis la
pratique,
Nicola et Piero, mon fils et mon mari,
Aux enfants, transparents, lumineux, qui désormais habitent mon cœur, pour tout ce qu‘ils
m‘ont donné, à leurs parents,

Tous mes remerciements

2

SOMMAIRE
Introduction ................................................................................................................................ 4
I. Approche générale .................................................................................................................. 5
Contexte du mémoire.............................................................................................................. 5
L‘autisme ................................................................................................................................ 6
A propos de l‘éthique ............................................................................................................. 8
Le sensoriel dans l‘autisme..................................................................................................... 9
La recherche sur le toucher ................................................................................................... 10
Le toucher du Shiatsu ........................................................................................................... 14
Les outils théoriques ............................................................................................................. 18
II. L‘atelier sensoriel de Do-in et Shiatsu ............................................................................... 21
Le projet et ses acteurs .......................................................................................................... 21
L‘atelier sensoriel ................................................................................................................. 28
Le cadre ............................................................................................................................. 29
Les techniques du Do-in et du Shiatsu et l‘effet recherché.......................................... 32
La régulation ..................................................................................................................... 41
III. Analyse ............................................................................................................................... 42
Les difficultés rencontrées et les réponses apportées........................................................ 42
Elaboration des outils d‘évaluation ................................................................................... 45
Les effets de l‘atelier sur les enfants, les changements observés...................................... 46
Les effets sur la relation entre le groupe et l‘équipe éducatrice....................................... 52
Le positionnement du professionnel-stagiaire .................................................................. 53
Evolution de ma pratique .................................................................................................. 54
Questions ouvertes ............................................................................................................ 56
Conclusion ................................................................................................................................ 57
Bibliographie ............................................................................................................................ 60
Annexes .................................................................................................................................... 70

3

Introduction

Ce mémoire est le récit d‘une expérience, celle d‘un atelier sensoriel de Shiatsu auprès
d‘enfants présentant un retard développemental sévère et avec autisme, dans un Institut
Médico- Educatif.
Cette expérience se situe du côté de la vie, dans ce qu‘elle a de changeant, de non figé,
d‘imprévisible, non maîtrisable. Elle se situe du côté de tout ce qui ne nous appartient pas.
L‘expérience est face à moi, elle s‘est tissée, sous mes doigts, avec mes doigts, à partir
d‘une matière commune où les enfants, l‘équipe éducatrice et moi-même sommes les parties,
inséparables, d‘un tout. Je n‘en suis que l‘artisan.
Partie d‘un territoire : celui de la sensorialité, du toucher et des questions perceptives, dont je
croyais connaître l‘étendue et les frontières, je me retrouvée projetée hors de celles-ci et
confrontée à des effets de mon travail qui n‘avaient pas été pris en compte.
L‘Autisme se définit par

deux symptômes majeurs : troubles de la relation et troubles

sensoriels. La description clinique de la triade des symptômes mentionne les troubles de la
socialisation, de la communication, du comportement ainsi que de l‘expression des émotions.
Il apparaîtra, au fil de ce récit, que ces symptômes, ainsi qu‘ils se sont manifestés, peuvent
disparaître dans certaines conditions ou certains contextes, en réponse à certaines modalités
relationnelles.
Le Shiatsu reconfigure les modes d‘entrée en relation. Par le Shiatsu, j‘ai essayé de rétablir
une relation sur un autre mode, sur le mode sensoriel. Il apparaîtra qu‘il est possible de
rétablir la relation, à un niveau où, peut être, elle a été interrompue, celui de la sensorialité.

4

I. Approche générale

Contexte du mémoire

La rédaction de ce mémoire se situe dans le cadre du Diplôme d ‘ Université « Techniques du
corps et monde du soin», initié par le département Danse de l‘Université Paris 8, en 2009. Il
me semble important de rappeler que ce département a été crée par un philosophe, Michel
Bernard. L‘enjeu du Diplôme, en cohérence avec la démarche de son fondateur, est donc bien
celui de la réflexion théorique, la réflexion en tant que cadre de l‘action. Réflexion critique
sur le corps et ses représentations dans l‘histoire de notre société, réflexion critique sur les
pratiques corporelles, pour aboutir à l‘action, les introduire dans un contexte, celui du soin, où
leur place trouve son sens, à condition qu‘il soit accessible et partageable. L‘action, c‘est le
stage de terrain.

A propos des circonstances1

En mars 2009, la lecture des notes de travail de Thierry Niang2, sur un atelier de danse auprès
d‘adolescents autistes, et celle du texte de Marie Desplechin, qui accompagne l‘œuvre
chorégraphique « Au bois dormant », qu‘il crée à la suite de cette expérience, me bouleverse.
Une porte s‘ouvre sur un mystère : l‘autre, inconnu, sans langage, inatteignable, la distance, la
séparation, l‘angoisse profonde que l‘on ressent à ne pas savoir comment communiquer, font
écho en moi et me renvoient à moi-même. J‘ai envie de faire découvrir cette expérience à un
des mes collègues de Shiatsu, qui est éducateur sportif dans un Institut Médico- Educatif pour
enfants et adolescents autistes, je lui apporte les textes. En avril, je commence ma recherche
de lieux de stage et fais le lien entre ces textes qui parlent du corps et de l‘autisme et l‘activité
professionnelle de mon collègue de pratique. Je lui demande s‘il croit que l‘I.M.E où il
1

Deligny, F, « L’Arachnéen », p.2 : pédagogue et écrivain, l‘auteur fait de l‘idée de circonstances « un véritable
mot d’ordre, contre le lien logique de cause à effet. », Alvarez de Toledo, S. C‘est à lui que j‘emprunte cette
notion pour commencer mon récit.
2

Niang, T, « Recueil de textes somatiques »/, D.U 1ère session 03/09.

5

travaille serait intéressé par une proposition de stage de Shiatsu. Il sait qu‘une éducatrice
spécialisée a formulé le besoin d‘avoir accès à des outils de développement sensoriel car les
enfants de son groupe sont très agités et elle pense que le passage par le sensoriel pourrait les
aider à revenir au calme. Elle suit actuellement une formation sur des ateliers de toucher à
Strasbourg. Il me propose d‘évoquer la possibilité d‘un projet Shiatsu à sa collègue. L‘idée est
acceptée par l‘équipe, formée de 2 éducatrices, et la direction de l‘établissement. Le 19 mai, je
suis invitée à passer une journée de contact à Notre Ecole. Je ne connaissais l‘autisme que par
les livres de Bettelheim, que j‘avais lus dans un passé lointain. Ce jour là, je passai de la
théorie à la pratique.

L’autisme

L‘autisme est un trouble de description relativement récente. C‘est en 1943 que Leo Kanner,
psychiatre américain, décrit sous le nom d‘autisme infantile des particularités de
comportements de certains enfants : tendance à l‘isolement, besoin d‘immuabilité, et retard de
langage3.
La classification nosographique de l‘OMS , CIM 10 , donne de l‘autisme la définition
suivante : l‘autisme est un trouble du développement caractérisé par des perturbations dans les
domaines des interactions sociales, de la communication et par des comportements, intérêts et
activités au caractère restreint, répétitif. Dans les classifications internationales actuelles, il
fait partie d‘un groupe plus large de troubles appelés Troubles Envahissants du
Développement ou TED. L‘autisme est la forme la plus typique et la plus complète de TED. Il
est considéré comme un handicap et non comme une maladie. Il touche de 1.7 à 4 personnes
pour 1000 et est plus fréquent dans le sexe masculin.
L‘autisme est vu aujourd‘hui comme un trouble neuro-développemental aux origines
multifactorielles, notamment génétiques. Pour répondre à la question « une, ou des causes à
l‘autisme ? », on essaie d‘établir des liens entre les facteurs étiologiques et les aspects
phénoménologiques des troubles autistiques.

3

Les informations qui suivent ont été élaborées à partir du dossier remis par le CRAIF, durant la session
d‘information « autisme et petite enfance », Paris, 9.2.2010 et du site www.craif.org, mail : contact@craif.org.

6

Description clinique de la triade des symptômes
Les troubles de la socialisation se manifestent sous la forme du retrait autistique : incapacité à
développer des relations interpersonnelles, manque d‘intérêt pour les autres, rareté, évitement
ou refus du contact, le contact oculaire pour communiquer n‘est pas utilisé.
Les troubles de la communication concernent le langage et la communication non verbale. Le
langage expressif peut être absent, retardé

et particulier : écholalie, soliloquie. La

communication non verbale : mimiques, gestes, expressions faciales ainsi que le partage des
activités avec autrui sont limités, pas d‘initiation et d‘imitation des gestes interactifs.
Les troubles du comportement apparaissent sous forme de stéréotypies, intérêts restreints,
activités répétitives, utilisation des objets de façon détournée, pas ou peu de jeux spontanés,
pas de faire semblant. Les émotions ne sont pas exprimées ou exprimées de façon inadéquate.
L‘attention peut être difficile à fixer ou à détourner.
Des anomalies perceptives sont en lien avec ces troubles. Toutes les modalités sensorielles :
auditives, vestibulaires, visuelles, tactiles, peuvent être affectées. Elles provoquent des
comportements d‘autostimulation. La motricité est particulière : recrutement ou effondrement
tonique, marche sur la pointe des pieds.
Particularités développementales
Environ 70% des enfants autistes présentent un retard mental.
Les prises en charges
Il existe différents modes de prise en charge : les programmes globaux d‘intervention, les
interventions focalisées et des niveaux différents d‘inclusion en scolarité.

« L‘autisme vu de l‘intérieur » 4
Pour comprendre ce qu‘est l‘autisme, on me conseilla de lire deux récits témoignages de
personnes autistes : « Si on me touche, je n’existe plus » de Donna Williams et « Ma vie
d’autiste » de Temple Grandin. Je les étudiai en tant que points de vue de spécialistes, qui

4

CECOM, « L’autisme vu de l’intérieur ».

7

« peuvent confronter la théorie à la pratique, leur pratique »5. Décrivant l‘autisme à partir du
domaine de leur propre expérience6, ils décrivent la spécificité de leur sensorialité, en
apportent un éclairage phénoménologique7 qui est celui que l‘on retrouve dans les pratiques
corporelles, comme la mienne, qui procèdent de cette même approche. Et puis, les enfants
avec qui j‘allais entrer en contact étaient non verbaux : qui, mieux qu‘une personne autiste,
pouvait leur prêter sa voix ?

A propos de la théorie de l‘esprit
« Il existerait chez les autistes un trouble spécifique du développement de la théorie de
l’esprit8. Selon celle-ci, « le sujet en interaction ne peut s’ajuster à son partenaire qu’en se
représentant ce que celui-ci connaît, pense, ressent ou croit. ». Afin de ne pas me comporter
moi-même comme une personne qui souffrirait de troubles du développement de la théorie de
l‘esprit, je faisais le choix de ne pas me mettre du côté de celui qui « interprète sur la foi de
ses observations et de ses croyances ». J‘adoptais une posture empathique qui devait me
permettre d‘appréhender les vécus émotionnels et sensoriels des enfants et de m‘ajuster à eux
au plus près.

A propos de l’éthique9

« Il y a vingt mille espèces d’aragnes et chacune d’elle a sa manière de tisser dont dépend la
forme de la toile. Il semble bien que l’espèce humaine soit une ; le réseau a donc toujours la
même forme. »10

5

Williams, D, « Si on me touche, je n’existe plus,», préface.

6

Op. cit., « aperçu du langage particulier à mon propre monde », p. 301.

7

La phénoménologie, est la science qui s‘intéresse aux objets du monde extérieur non pas en tant que tels, mais
par rapport au vécu que nous en avons.
8

Peeters, T., « L’autisme, de la compréhension à l’intervention, préface XIII » et CECOM, « Théorie de l’esprit
et autisme ».
9

Ethique : règle de conduite que l‘on définit pour soi même.

10

Deligny.F, « L’Arachnéen et autres textes »,, p.20.

8

Je reviens aux enfants, outre les troubles sensoriels typiques de l‘autisme, ils présentent un
retard développemental sévère, et sont non verbaux. Je me suis donc posé la question
suivante : à partir de quel lieu de moi-même et à quel lieu en eux allais-je m‘adresser pour que
Nous puissions entrer en relation, au-delà des barrières que nos corps, mais pas nos coeurs,
nous imposaient ? Il m‘a donc fallu construire ma posture éthique. Pour définir ce Nous, je me
suis appuyée sur la notion de Deligny, le commun d‘espèce : je n‘ai jamais considéré les
enfants comme des personnes handicapées11, je me suis toujours adressée à eux ,
intérieurement et extérieurement, comme je m‘adresse à n‘importe quel enfant. Pour aborder
ce Nous, j‘ai choisi cet aphorisme: « respecter l’autiste n’est pas respecter l’être qu’il serait
en tant qu’autre : c’est faire ce qu’il faut pour que le réseau se trame »12.

Le sensoriel dans l‘autisme

Les TED, dont l‘autisme fait partie, résultent d‘altérations dans les modes de perception et de
traitement de

l‘information dans le cerveau même. Dans son article intitulé « Les aspects

sensoriels et moteurs dans l’autisme »13, le docteur R. Brunod écrit : « La prise en compte
des aspects sensoriels est capitale dans la compréhension et la prise en charge des troubles
autistiques et il faut garder à l’esprit en permanence que c’est le principal canal de
découverte du monde pour les enfants avec autisme, bien plus que par ses aspects
fonctionnels ou symboliques. ». Les particularités sensorielles se manifestent au niveau des 5
sens et à d‘autres niveaux du vécu corporel comme la douleur, la proprioception et les
sensations vestibulaires. Parmi ces particularités, on peut signaler : l‘hyperacousie,
l‘addiction à certaines sources sonores, l‘utilisation préférentielle du regard périphérique, la
perturbation des messages cutanés qui peut se manifester par la dysesthésie et l‘hyperesthésie,
une élévation apparente du seuil de perception de la douleur avec une difficulté à l‘identifier
en tant que telle et à la signaler, hypersensibilité, hyposensibilité aux stimulations de
l‘appareil vestibulaire, une hyporéactivité. « Cette dimension particulière de la sensorialité,
en particulier l’hyperesthésie, a un retentissement émotionnel important chez les personnes
11

Voir Michelle Dawson : elle est un des chefs de file d‘un mouvement de reconnaissance de l‘autisme comme
une différence plutôt qu‘une maladie.
12

Deligny.F, « L’Arachnéen et autres textes », p. 248.

13

Dossier particularités sensorielles –Bulletin scientifique de l‘Arapi-numéro 23-juin 2009.

9

qu’elle affecte et peut de ce fait influencer leur comportement.14 » A propos du tactile, A.
Bullinger15 écrit : « à la différence des autre modalités sensorielles, le tactile concerne toute
l’enveloppe corporelle, et pas seulement le segment céphalique. Cette modalité sensorimotrice est en liaison étroite avec les dimensions émotionnelles ».

Les particularités motrices
Elles sont étroitement liés aux particularités sensorielles et souvent sources d‘importantes
difficultés. Elles affectent le niveau d‘activité motrice, sous la forme d‘apathie ou d‘hyperkinésie, le tonus, la marche sur la pointe des pieds, le retard ou la maladresse psychomotrice,
les mouvements stéréotypés.

La recherche sur le toucher

Des liens avec l‘atelier sensoriel
Le projet d‘atelier sensoriel est expérimental. Dans un souci de cohérence, j‘ai souhaité le
situer ans un cadre plus vaste, celui de la recherche. Je me suis posé la question de savoir ce
qui avait été réfléchi sur le terrain de l‘autisme, en dehors du cadre traditionnel. Plusieurs
recherches ont retenu mon attention en raison d‘une convergence entre le contenu et les effets
de ma démarche et les leurs, pour des raisons différentes mais tout aussi importantes, que je
me propose maintenant d‘illustrer. Je me suis appuyée sur leurs résultats pour justifier, aux
yeux du lecteur et aux miens, la pertinence du projet d‘atelier par rapport aux problématiques
suivantes :
1. le lien entre le toucher ayant comme référence l‘énergétique, et les améliorations des
capacités d‘adaptation : Le projet pilote de formation au massage Qiqong pour intervenir

14

15

Ibidem.
Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars ».

10

auprès de jeunes enfants avec autisme16- Teaching Research Institute, Western Oregon
University.
Ce projet est parti du constat que les troubles sensoriels

sont un trait commun

particulièrement signifiant chez tous les enfants inclus dans le spectre l‘autisme. Ils se
manifestent sous la forme d‘hyper ou hypo-réactivité, et ou sous une forme mixte, aux stimuli
sensoriels. Bien que ne connaissant pas les causes de ces troubles et ne sachant s‘ils sont
responsables des retards dans l‘apprentissage des codes du langage social et du langage luimême, la recherche clinique indique que les troubles sensoriels peuvent avoir une influence
sur les troubles qui sont au cœur de l‘autisme.
A l‘heure actuelle, il n‘existe pas, parmi les thérapies sensorielles recensées, de traitement qui
soit communément reconnu, efficace et définitif, et applicable au cours de la phase critique
des premières années de vie, moment où une intervention précoce est particulièrement utile. A
la lumière de l‘ouverture actuelle de l‘Occident aux traitements utilisés en Orient et dans une
recherche de traitement ayant une approche douce et non intrusive auprès des jeunes enfants
autistes , les chercheurs se sont posés la question suivante : « Qu‘est-ce que la Médecine
Chinoise, peut apporter aux déficits sensoriels et à l‘autisme ? ».
Pour répondre à la question, un programme comportant un protocole de mouvements de
massage Qiqong, le long de trajets d‘énergie, reliés eux même au fonctionnement spécifique
des systèmes sensoriel et physiologique, a été mis en place. Le massage avait lieu au cours
de 2 séances hebdomadaires de 15 minutes, il était pratiqué par des éducateurs et autres
intervenants, en formation, et une séance quotidienne était pratiquée par les parents. Le
programme s‘étendait sur une durée de 5 mois, répartis en 20 sessions. Les objectifs visés par
les séances étaient la détente, la normalisation de la réactivité des sens, et devaient avoir,
comme conséquence, des effets restaurateurs sur le sommeil et le système digestif. Je ne
m‘étendrai pas ici sur la description du programme mais sur les réponses qui ont été apportées
à la première question posée par celui-ci. « Est-ce que les enfants qui ont reçu le massage
Qiqong ont manifesté des avancements positifs dans les comportement d‘adaptation et une
amélioration des troubles sensoriels ? » En se basant sur des tests et des outils d‘évaluation

16

Silva, L.M.T Ayres.R, & Schalock, M. (2008): outcomes of a pilot training program in a qiqong massage
intervention for young children with autism. American Journal of Occupational Therapy, 62, 538-546,
September/October 2008, volume 62, Number 5.

11

standardisés et validés, les résultats ont démontré que les enfants qui avaient reçu cette prise
en charge avaient répondu positivement aux deux termes de la question.
La découverte de ce projet a été pour moi une aide précieuse. En premier lieu, elle m‘a permis
de constater que le toucher énergétique avait déjà été utilisé auprès d‘enfants autistes, dans un
cadre contrôlé et défini, celui de la Médecine Chinoise, et que les effets en avaient été positifs.
L‘existence de ce projet est venue conforter et valider l‘intuition et l‘hypothèse le Shiatsu et
Do-in pouvaient avoir des effets bénéfiques sur les comportements d‘adaptation et les troubles
sensoriels d‘enfants avec autisme. Je parle d‘intuition et d‘hypothèse car, je n‘ai pu disposer
d‘outils de test et de mesure validés pour justifier des effets de mon travail.

2. le lien entre la perception tactile et les émotions chez les enfants avec autisme
Cette recherche17 a retenu mon attention pour plusieurs raisons. La première est qu‘elle prend
comme objet d‘étude les qualités affectives de la perception, dans un contexte où la
psychologie et la psychopathologie s‘intéressent principalement à ses aspects cognitifs. Les
chercheurs ont voulu explorer la relation entre la stimulation tactile et deux états
émotionnels : agréable ou désagréable, le but étant d‘étudier l‘influence de l‘environnement
sensoriel sur les personnes avec autisme. La seconde raison est qu‘ils se sont appuyés sur les
témoignages de D.Williams et T.Grandin pour appréhender le fonctionnement des liens de
cause à effet entre le vécu sensoriel et l‘intensité, voir la violence des émotions et de leur
expression. Enfin, bien que les stimulations tactiles utilisées ne concernent pas le toucher
directement, mais la température, les fluides et les textures, elles ont toutes comme référence
commune le contact avec la peau. Parmi les résultats de la recherche, j‘ai retenu

les

conclusions suivantes : une forte attraction des enfants avec autisme envers la stimulation, une
expressivité et sensibilité supérieure à celle des 2 autres groupes auprès desquels la recherche
a été menée, l‘observation que tous les enfants expriment leurs émotions d‘une façon qui leur
est spécifique.
Outre le bien-être des enfants, la régulation des émotions fait partie des objectifs visés par
l‘atelier sensoriel. J‘utiliserai le critère de la manifestation de l‘état émotionnel de plaisir,

17

Autism : tactile perception and emotion, E.Pernon, R.Pry & A.Baghdadli, Journal of Intellectual Disability
Research, volume 51 part 8 pp580-587 August 2007.

12

exprimé par les enfants sous des formes spécifiques que je décrirai, comme élément
d‘évaluation des effets de mon travail.

3. le lien entre certaines techniques de toucher: friction, pression profonde, et la
désensibilisation du système nerveux, leurs effets apaisants sur les enfants avec autisme, les
autres effets
Il me semble important de rappeler que dans ce même article, T Grandin constate à plusieurs
reprises que les aspects sensoriels spécifiques à l‘autisme et les problèmes sensoriels qui en
découlent sont souvent négligés.

La friction
Dans un article sur les problèmes sensoriels chez l‘enfant autiste18, elle apporte les éléments
de la recherche sur le toucher, à sa connaissance en 1996, qui confirment son expérience
personnelle, que la stimulation tactile a pour effet la désensibilisation du système nerveux.
Elle cite : « frotter et pincer doucement la patte d‘un chat diminuera l‘activité tonique dans les
noyaux dorsaux de la colonne et le cortex somato-sensoriel19 ». Elle écrit, en citant
D.Williams : « Donna m‘a dit que le traitement d‘intégration sensorielle, consistant en une
friction de sa peau avec des brosses, l‘avait aidée. Même si elle n‘aimait pas la perception
tactile des brosses, elle a rapporté que cela avait aidé ses différents systèmes sensoriels à
fonctionner ensemble et à devenir mieux intégrés. ».
Le Do-in, dont j‘expliquerai le contenu dans le chapitre sur le toucher, utilise cette technique
de frottement comme une technique de dispersion de l‘énergie.

La pression profonde et la machine à serrer 20

18

http://www.asperansa.org/prob-sensoriels.html: Grandin, T., « Les problèmes sensoriels chez l’enfant autiste
et Asperger ».
19

Partie du cerveau qui reçoit la sensation du toucher.

20

Grandin, T., « calming effects of deep touch pressure in patients with autism disorders, college students and
animals» -Journal of Child and Adolescent Psychophamacology, Volume 2, Number 1, 1992.

13

Comme beaucoup de personnes avec troubles autistiques, T.Grandin avait des problèmes
d‘hypersensibilité tactile. Elle rêvait que ses parents la serrent dans leurs bras mais ne pouvait
supporter aucune forme de contact physique. Cet écart entre son besoin de réconfort physique
et son intolérance au toucher ont été cause de grande souffrance. Comme réponse à ses
symptômes de privation sensorielle, elle a construit un appareil de mise en pression dans le
but de réduire l‘hypersensibilité de son système nerveux qui se manifestait sous forme
d‘anxiété, nervosité et attaques de panique. L‘utilisation de cet appareil lui a aussi permis de
tolérer le toucher d‘une autre personne. Dans cette expérience, l‘élément qui a marqué mon
attention est la description de la pression de la machine à serrer, constante, lente et profonde,
dirigée vers l‘intérieur du corps, semblable à celle du Shiatsu.
Ce que je retiens aussi des résultats des recherches de T.Grandin, ce sont les effets bénéfiques
de la stimulation sensorielle sur l‘amélioration du comportement social : l‘affectivité, le
contact visuel, l‘intérêt social, le développement du langage. La machine à serrer comme
approche physiologique de la sédation me semble aussi ouvrir une piste de recherche
intéressante. L‘auteur suggère, en se basant sur des études cliniques, que la machine pourrait
être utilisée dans le but de réduire les doses de médicaments psychotropes prescrites dans le
cadre de la pathologie. Enfin le lien entre la pression profonde de la machine à serrer,
l‘empathie et les émotions, a marqué vivement mon attention, puisque S.Masunaga décrit les
effets de la pression du Shiatsu avec les mêmes mots21 . Voici ce qu‘écrit T.Grandin à propos
de la machine à serrer dans « Ma vie d’autiste » 22: « Elle m‘a appris à être douce,
« J‘apprenais à ressentir les choses. », « Il faut apprendre la douceur aux enfants. Puisque cela
m‘a manqué, il faut que je l‘apprenne maintenant. », « Sentir la pression calmante de la
machine à serrer me permettait d‘éprouver peu à peu de la compassion ».

Le toucher du Shiatsu

Le ministère japonais de la Santé a reconnu officiellement le Shiatsu comme médecine à part
entière en 1955. La définition que donne le gouvernement japonais est la suivante : « Le

21

22

Empathie et compassion pour la vie.
p.118-119.

14

Shiatsu est un traitement qui utilise les pouces et les paumes des mains pour faire pression en
certains points du corps humain afin de corriger ses irrégularités et de conserver ou
d’améliorer sa santé. » Il puise ses origines dans la Médecine Traditionnelle Orientale et son
système de compréhension du corps. Son exercice professionnel est aussi reconnu par les
systèmes de santé de plusieurs pays occidentaux : Hollande, Suisse, Allemagne. Parmi ses
indications, figurent le bien être, la détente, la prévention et la gestion du stress. Le Shiatsu se
pratique au sol, en diverses positions, allongé sur le dos, sur le ventre ou sur le coté , et en
position assise. Le Shiatsu se reçoit habillé, il n‘y a pas de contact direct avec la peau,
exception faite pour les mains, les pieds et la tête. Au Japon, on couvre aussi le visage et le
crâne.

De la nécessité de revenir aux origines

Afin d‘expliquer la posture qui est à la base du Shiatsu que je pratique, il faut poser le cadre
dans lequel il se situe. Le shiatsu est une technique de toucher. Mais pourquoi touche-t-on ?
Comment touche-t-on ? Avec quelle intention ?
Je partirai de l‘étymologie du mot grec « therapeia », qui veut dire, non pas traitement de la
maladie mais soin. Je définirai le Shiatsu comme une technique du toucher que l‘on utilise
avec l‘intention de prendre soin. Prendre soin de la vie et entrer en empathie avec la vie23.
C‘est dans cet esprit qu‘il faut appréhender le terme thérapeutique.
« Téaté », ou « toucher de la main » en japonais, est la première des formes de thérapeutique.
« Quand un endroit du corps est souffrant, inconsciemment la main s’y porte et elle adapte
son toucher suivant les fluctuations ou la force du mal, touchant plus ou moins longuement ou
brièvement ou de façon plus ou moins légère ou appuyée. »24 Une telle forme de
thérapeutique a existé dès les origines et a été systématisée au cours des âges pour devenir le
Do-in-Anma. Le terme Do-in désigne un ensemble de pratiques axées sur la respiration et le

23

Masunaga, S, « Shiatsu et médecine orientale », p.65.

24

In op. cit, p.11.

15

mouvement25. Cette méthode est décrite dans les traités classiques26 comme une méthode
d‘hygiène et de prévention contre les maladies. Le terme Anma , qui associe les 2 idées de
pression profonde, stable, continue et de « frotter pour enlever », est l‘exacte traduction de la
technique du Shiatsu dans son double aspect de tonification « An » et de dispersion « Ma ».
La traduction de « An », tonifier, en japonais, est : « maintenir la main tranquillement ».
« Ma », disperser, signifie « frotter avec la main pour enlever ». Ces techniques étaient
regroupées à l‘origine sous l‘appellation commune de « Do-In –Anma »27, le Shiatsu étant axé
essentiellement sur la pression, le Do-in sur le mouvement.

La fonction cutanée
« La peau est une frontière qui sépare l’être vivant du milieu ambiant, en même temps qu’un
système organique qui recueille les informations nécessaires aux échanges entre les milieux
intérieur et extérieur afin de permettre à l’être vivant de s’adapter en fonction des
circonstances. C'est-à-dire que la peau, en tant que frontière, a une double fonction : l’une en
tant qu’organe au travers duquel l’être vivant échange des éléments avec le milieu ambiant,
et l’autre de protection de protection de l’être vivant vis-à-vis de son environnement. Dans la
première c’est la sensibilité organique interne du parasympathique, c'est-à-dire la sensibilité
primitive28 , qui intervient de façon prédominante. »29. Le Shiatsu, par la répétition monotone
de mêmes stimuli sur la peau, a pour effet d‘amener le sujet à un état de prédominance du
parasympathique30 , qui se traduit par la sensation d‘apaisement.
La pression du shiatsu repose sur trois principes : elle est stable, continue, elle s‘exerce par
soutien mutuel. La pression stable et continue a pour effet de neutraliser la sensibilité
différenciée de la perception. Elle fait appel à la sensibilité archaïque, dont la fonction est
25

Voir notion de représentations sensori-motrices : signaux sensoriels et proprioceptifs issus des mouvements,
Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars », p.175.
26

Sou Wenn chapitre 12.

27

Masunaga, S. « Shiatsu et médecine orientale », p.11.

28

Ou sensibilité archaïque, voir fonctions des systèmes sensoriels archaïques, Bullinger, A., « Le développement
sensori-moteur de l’enfant et ses avatars », p.148.
29

30

Masunaga, S. « Shiatsu et médecine orientale », p. 186.
Op. cit. p. 188.

16

d‘assurer le fonctionnement de la vie par l‘adaptation entre le milieu intérieur et extérieur.
« Cette sensibilité ne fait donc pas de séparation entre soi et l’autre, mais agit au contraire
avec le sentiment de faire corps avec l’autre. La pression par soutien mutuel est une forme de
pression dans laquelle les deux protagonistes prennent mutuellement appui, au sens physique
du terme, l’un sur l’autre. Elle s’effectue en maintenant au niveau des muscles, une tonicité
suffisante pour garder les mains stables. Le praticien laisse aller son poids sur son
partenaire, comme pour se soutenir et sans pousser avec sa force. Dans cet état de
tranquillité, provenant de la sensation de se sentir soutenu et du relâchement du tonus
musculaire, la perception tactile différenciée se trouve neutralisée et sa peau qui établissait
une séparation entre son moi et celui de l’autre, se transforme, au contraire, en une surface
de contact et d’échange entre les deux. »31 Dans le toucher du Shiatsu, au travers des
réactions à la pression, le praticien et son partenaire, celui qui appuie et celui sur qui on
appuie, deviennent capables d‘empathie réciproque. C‘est par la sensorialité, que le Shiatsu
contribue à l‘expérience de l‘empathie. Dans sa dimension la plus vaste, c‘est la faculté
d‘empathie avec la vie qui est à l‘œuvre.
Enfin, à propos du toucher, « il faut souligner une chose simple, évidente mais trop souvent
oubliée : on ne peut toucher autrui sans être touché soi même. La rencontre tactile a donc
cette particularité de concerner aussi intimement l’approchant que l’approché. ».32 Cette
dimension relationnelle de réciprocité est la composante essentielle du Shiatsu de
S.Masunaga33. Il décrit le toucher profond du Shiatsu « comme « très précisément un
dialogue entre deux peaux qui se touchent »34, car « le dialogue ne consiste pas seulement en
un échange d’idées par le verbe. De même qu’il existe, entre personnes qui s’aiment, un
dialogue par le regard, il existe également un dialogue par le contact des peaux. ».

31

Op. cit.

32

Prayez, P., Savatosky, J., « Le toucher apprivoisé ».

33

34

Masunaga, S. « Shiatsu et médecine orientale ».
Op. cit. p.238.

17

Les outils théoriques

La pensée chinoise
Le principe du Non-Faire
« Le plus souple en ce monde
Prime le plus rigide
Seul le rien s‘insère dans le sans- faille
A quoi je reconnais l‘efficace du non-faire.
La leçon du non-dire
L‘efficace du non-faire
Rien ne saurait les égaler. »
La Voie et sa Vertu (Tao-tê-king) Lao-Tseu, chapitre 43
Le non-faire, n'est pas l'immobilité, la passivité mais une règle de conduite. « Une attitude
imprégnée du principe du Non-Faire consiste à suivre, à écouter, sans intention. S’il y a
intention, on perd sa sensibilité. On ne peut à la fois « faire » et « écouter ». L‘écoute
provient du Non-Faire. Il s‘agit juste « d’être là, sans objectif, ni prédétermination »35. En
prenant cette posture, plutôt que de vouloir forcer l‘action et orienter les activités, nous
laissons les choses se mettre en place dans leur dynamique propre, sans s‘épuiser à imposer ce
qui est hors de notre portée, nous agissons spontanément, en adéquation avec le moment et les
circonstances. De cette posture, naît l‘agir sans agir, l‘agir en réponse36.

La notion de Centre
L‘étymologie de la notion de Centre recouvre plusieurs sens, paradoxalement il n‘existe pas
un centre mais des façons de se situer par rapport à des notions de centre. C‘est une notion qui
35

36

Lowenthal, W., « Professeur Cheng Man-Ch’ing », Le Courier du Livre, 1996.
Vinogradoff,M., « Le silence de l’aiguille », p.24.

18

englobe une dynamique. Etre au centre, c‘est tenir compte de tous les facteurs, et faire en
sorte que toutes les différences trouvent leur place et s‘harmonisent. Etre au centre indique la
position à partir de laquelle peuvent s‘opérer des changements et des transformations, c‘est la
caractéristique de l‘élément Terre37 en Médecine Chinoise. Etre au centre indique aussi la
notion de médiation, d‘être entre, l‘idée de la relation, des interrelations38. Etre au centre a
aussi le sens de s‘adapter à. Quand une personne se positionne en son propre centre, détachée
de son rôle et de sa fonction, une autre qualité de dialogue entre les individus est alors
possible.

La Médecine Traditionnelle Chinoise
La médecine chinoise est un système, une théorie du fonctionnement de la vie en l‘homme qui
repose sur les notions équilibre et de relation. Les outils théoriques qu‘elle a élaboré pour
appréhender les notions d‘équilibre et de relation sont le Yin et le Yang, qui désignent la
polarité au travers de laquelle se produit et se développe toute chose. « Le Yin et le Yang ne
sont pas des choses mais des qualités, opposées et complémentaires, associées à un aspect
d’un phénomène »39. Ainsi le jour est yang, la nuit est yin, le mouvement est yang,
l‘immobilité est yin, l‘extérieur est yang, l‘intérieur est yin. Ils sont « les deux facettes de
toute réalité, en constante interaction et compénétration, se soutenant et générant l’un
l’autre 40». L‘important c‘est le rapport yin/yang, toujours changeant, entre chaque
phénomène, qui doit rester équilibré. Ainsi, la santé est équilibre harmonieux entre le Yin et le
Yang. En prolongement de la théorie du Yin / Yang , et pour aborder des aspects pratiques, la
médecine chinoise a identifié 5 éléments, symboles de propriétés ou de forces fondamentales
inhérentes à la matière : Bois, Feu, Terre, Métal et Eau. Tous les éléments sont dans des
relations codifiées : le printemps

(Bois) succède à l‘hiver (Eau) comme l‘Eau engendre le

Bois. « Les cinq éléments sont les échanges constants qui maintiennent l’équilibre dynamique
du yin/yang, condition du développement harmonieux de la vie »41. Les grandes fonctions
37

Connaissance de l‘acupuncture, « La décision du centre », p.86.

38

Vinogradoff, M., op. cit., p.131, 132.

39

Rochat de la Vallée, E., « Les 101 notions-clés de la médecine chinoise ».

40

Ibidem.

41

Ibidem.

19

vitales, qui s‘expriment par des couples, par exemple : Cœur/ Intestin grêle, Rein/Vessie…,
obéissent aussi à cette organisation en 5 éléments et s‘expriment le long de trajets sur tout le
corps : les méridiens. A l‘intérieur de ce système cohérent, la santé est considérée comme la
manifestation d‘un état d‘équilibre et la maladie, comme l‘expression d‘un déséquilibre des
principales fonctions vitales de l‘organisme, qui traduit un manque de communication entre
ces fonctions. Il conviendra de retenir de ces brèves explications la place centrale accordée à
la notion selon laquelle la vie possède une capacité naturelle à s‘autoréguler. Les actions de la
médecine chinoise actions visent par conséquent à faire en sorte que « l’harmonie dynamique
des éléments qui font la vie » soit toujours préservée, conservée, ou restituée, accordant une
grande importance à la prévention. C‘est la raison pour laquelle, la médecine chinoise
regroupe des disciplines qui vont de la prévention au traitement de la pathologie : le massage,
l‘exercice physique, la diététique, la pharmacopée, l‘acupuncture. « Son approche tient
compte autant de l’aspect organique, physiologique, que de celui que nous pourrions
qualifier de psychologique ou mental, voire spirituel »42. Elle s‘appuie sur « la vision du
monde de la pensée chinoise où la relation, les corrélations entre les êtres et les phénomènes
sont organisés de plus en plus systématiquement ».43

La pensée occidentale

La notion d‘enveloppe sensorielle
Cette notion a été théorisée par le psychanalyste Didier Anzieu44dans son livre « Le Moipeau ». Elle se réfère à toute surface ou contenant protecteurs qui peuvent être mis en rapport
avec la perception des frontières et des limites entre soi et le monde extérieur. La peau est
notre première enveloppe protectrice. L‘hypersensibilité tactile, dans l‘autisme, nous ramène à
cette notion de fonction de protection de l‘enveloppe cutanée. Il existe d‘autres types
d‘enveloppes qui s‘étayent sur d‘autres modalités sensorielles : enveloppe sonore, visuelle,
olfactive.

42

Op. cit.

43

Op. cit.

44

Anzieu, D., « Le Moi-peau ».

20

La notion de holding
Cette notion est élaborée par D.Winnicott45, pédiatre et psychanalyste. Le holding, c‘est la
façon dont la mère soutient le corps du bébé, le cadre à l‘intérieur duquel va s‘instaurer le
dialogue tonique, premier mode d‘entrée en relation du nourrisson avec le monde extérieur.
Le holding remplit la fonction biologique de maintenance du corps. La fonction psychique se
développe par intériorisation du holding maternel, la

solidité du portage physique. Par

extension, le holding se réfère à tout soutien, support extérieur qui permet au nourrisson
d‘édifier la confiance en un environnement favorable, sur lequel il peut s‘adosser pour éaliser
son unité. Dans la présentation de la fonction d‘adossement sur le site Education Spécialisé
Repères, deux notions ont attiré mon attention : celle selon laquelle « On peut aussi rattacher
à la fonction d’adossement les formes premières d’étayage structurant les activités
cognitives » et celle qui identifie le holding comme la forme la plus précoce de la fonction de
structuration psychique du bébé. L‘hypothèse

suivante a aussi

retenu mon

attention : « l’extraordinaire instabilité de l’attention de certains enfants et l’extrême
résistance de cette instabilité à toute approche pédagogique, éducative ou thérapeutique
tiennent probablement plus à des insuffisances dans l’exercice premier de cette forme de la
fonction d’adossement que l’on ne sait trop quel supposé problème neurologique. »46.

II. L’atelier sensoriel de Do-in et Shiatsu

Le projet et ses acteurs
Le projet d‘atelier sensoriel de Do-in et Shiatsu a été réalisé auprès de l‘Institut Médico
Educatif, « Notre Ecole », à Paris47. Il a été conçu en étroite collaboration avec une équipe de
deux éducateurs spécialisés, responsables d‘un groupe de 5 enfants, âgés de 8 à10 ans, pour
répondre à des besoins précis, qui seront explicités par la suite.

45

Winnicott, D., « De la pédiatrie à la psychanalyse ».

46

La fonction d‘adossement : Education spécialisée. Repères.

47

« Notre Ecole » 43 rue Falguière, 75015 Paris.

21

L‘Institut Médico- Educatif Notre Ecole
Crée par des parents, en 1985, cet établissement a été la première école pilote pour enfants et
adolescents autistes à Paris, avant les Hôpitaux de Jour. Le mode de prise en charge appliqué
est celui du programme TEACCH, Treatment and Education of Autistic and related
Communication Handicaped Children, programme global d‘intervention, à référence
cognitivo-comportementale. Conçu

spécifiquement pour les enfants autistes, c‗est un

programme qui prend en compte leur difficulté de compréhension de l‘environnement. Celuici est structuré au moyen de repères physiques et visuels dans l‘espace, par une organisation
temporelle rigoureuse des activités. L‘approche éducative est mise en place à partir de
l‘évaluation des aptitudes relationnelles, la communication verbale et non verbale,
l‘autonomie, les savoirs faire, les capacités d‘attention, les problèmes de comportement de
chaque enfant. Le

travail éducatif

personnalisé fait l‘objet d‘un Programme Educatif

Individualisé (P.E.I), défini en début d‘année scolaire en collaboration avec les parents,
réévalué et réaménagé en fonction des progrès de l‘enfant. Basé sur le principe de prise en
charge globale, le programme prend aussi en compte les altérations sensorielles et des outils
variés, tels que les stimulations sensorielles et l‘expression corporelle, y sont intégrés. Le
programme a pour objectif de permettre à chacun des enfants d‘acquérir la plus grande
autonomie possible, d‘améliorer la qualité de ses relations avec le milieu social environnant,
de développer ses potentiels en favorisant l‘émergence des compétences. Ces objectifs se
réalisent par l‘intermédiaire du P.E.I.
L‘atelier sensoriel a été conçu et mis en place par l‘équipe éducatrice en février 2009. Le
projet de Do-in et Shiatsu s‘inscrit dans le cadre plus général de l‘atelier sensoriel, dans une
démarche spécifique de recherche d‘outils sensoriels, utilisables au quotidien, pour répondre
aux problématiques suivantes :
1. aménager des temps de retour au calme : comment ramener, dans la semaine, les enfants au
calme, travailler la détente, occuper les temps calme, qui sont des temps de transition, en
utilisant le corps
2. envisager de gérer les moments difficiles à l‘amont en convoquant certains états de
disponibilité
3. gérer les crises émotionnelles (colère, anxiété, comportements défi)

22

4. préserver, soutenir l‘autonomie de l‘individu : trouver un outil adapté à chaque enfant pour
qu‘il puisse s‘en servir dans les diverses circonstances : temps de pause, moments difficile et
apprendre à se poser de façon autonome.
C‘est aux problèmes soulevés par ces questions que l‘atelier de Do-in Shiatsu s‘efforcera
d‘apporter une solution.

Le groupe
Le groupe est composé de cinq enfants, quatre garçons et une fille, âgés de 8 et 9 ans, non
verbaux, présentant des troubles de la sphère autistique, avec retard sévère de développement.
Ils sont tous affectés par des troubles du comportement plus ou moins problématiques qui
vont de l‘automutilation, la marche à 4 pattes, l‘agitation motrice, l‘instabilité émotionnelle,
au retrait autistique.
Nicolas 48
« et puis j’aimais sentir le sol sous moi et me sentais d’autant plus à l’aise que mon corps y
adhérait largement » 49
Nicolas est un enfant doux, affectueux et joyeux. Son âge de développement global est celui
d‘un enfant de 3 ans 3 mois. Il a un contact visuel intense, aime caresser et vous prendre par
les mains pour communiquer. Il a eu un développement normal qui s‘est arrêté tout à coup et
il a perdu le langage. Il babille et s‘efforce de parler. Il a des mouvements de rapprochement
physique vers les autres enfants, mais ils n‘aboutissent pas sur une interaction. Il a beaucoup
de difficulté à poser son attention. Il marche sur la pointe des pieds. Il est souvent allongé au
sol et se relève avec une résistance que je décrirais comme une inertie. Il passe d‘états
d‘hypotonie à des états d‘hypertonie au cours desquels il se met à courir, crier et bouger par
saccades et à coups, comme s‘il avait besoin de se dépenser. Dans la cour de récréation, nous
jouons souvent à courir ensemble et il y prend beaucoup de plaisir. Son visage est souvent
rouge et très chaud. Il se bouche souvent les oreilles et pose ses doigts sur son os mastoïde. Il
passe souvent sa langue sur ses gencives et cherche à appuyer ses pommettes sur des surfaces

48

Les noms de tous les enfants sont des noms d‘emprunt

49

Williams, D., « Si on me touche, je n’existe plus », p. 45.

23

dures, par exemple mon corps. Il a des tics aux doigts, qui, d‘après ce que nous dit sa mère,
sont les effets secondaires des neuroleptiques qu‘il prend. Il se sert bien de ses 2 mains. Ses
intérêts principaux sont des activités stimulatrices de la sensorialité. Quand il est il arrivé en
début d‘année, cette recherche de stimulation allait jusqu‘à l‘automutilation ; il se cognait la
tête contre les murs, écrasait ses doigts, jusqu‘à se blesser. Il recherche la sensation de poids,
il reste allongé à plat ventre sous un gros pouf qui le recouvre totalement ou sous un petit
siège en plastique, qu‘il installe sur son dos. Sa mère nous signale qu‘il aime poser sa tête sur
un petit coussin et se mettre sous une couverture. Il stimule son système vestibulaire en se
berçant pendant de longs moments dans une chaise à bascule, tandis qu‘il cherche à cogner
le dos de la chaise contre les meubles. Etre assis dans une chaise à bascule, lui permet aussi de
ressentir l‘adossement de son dos .Il écoute des livres musicaux, qu‘il colle à son oreille, à un
volume élevé. Il aime faire éclater des ballons. Il stimule son index droit en grattant les objets
durs et en plastique.

Emmanuel
« communiquer par le biais des objets était sans danger »50
Emmanuel est un enfant inquiet et tendu51, hypersensible émotionnellement et physiquement.
Son âge développemental, très hétérogène, varie de 1an 1 mois à 2 ans 6 mois, en fonction
des réussites et des émergences ; ces données sont à prendre avec beaucoup de précautions
compte tenu des difficultés de comportement qui viennent s‘ajouter au tableau clinique.
Il a du mal à contrôler ses réactions, en particulier l‘attente. Il pleure facilement et peut être
très adhésif, quand il se trouve en situation difficile. Il a besoin de s‘isoler. Il établit un
contact visuel. Il reste presque toujours debout, souvent devant la fenêtre, se déplace
beaucoup, demande continuellement des jouets, qu‘il garde dans la ou les mains. Il crache. Il a
une relation particulière avec la seule petite fille du groupe, dont il accepte le toucher et le
contact. Ses épaules sont contractées, le visage crispé, il gémit, il se touche et se bouche les
oreilles, est très sensible au bruit. Il se sert beaucoup de son odorat. Il dirige souvent la tête
vers le haut, il la penche aussi souvent d‘un côté. Pour stimuler ses sens, il tournoie, grince
50

Williams, D., « Si on me touche, je n’existe plus », p.23.

51

Notion d‘alerte et de mobilisation tonique globale , Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de
l’enfant et ses avatars ».

24

des dents, plaque contre ses oreilles des jouets vibrants et il est toujours très concentré durant
cette activité. Il aime le contact avec les textures douces. Il frotte souvent ses deux derniers
doigts.

Matthieu
« je m’acharnai à compenser mon chaos intérieur par une mise en ordre maniaque du monde
environnant. » 52
Son âge de développement global, est d‘approximativement 3 ans 3 mois, les compétences
étant très hétérogènes. Il est dans ce que l‘on nomme le retrait autistique Il est presque
toujours devant la fenêtre de la petite pièce et aime s‘isoler dans la petite salle, il parle
beaucoup tout seul, regarde la paume de ses mains, se balance d‘un côté et de l‘autre, comme
pour s‘adresser à des interlocuteurs invisibles. Il ne recherche pas le contact avec les adultes,
il l‘évite. Il n‘y a pas d‘échange par le regard, il fronce les yeux et détourne le visage quand
on s‘adresse à lui. Il aime ranger et il faut quelquefois le retenir car son besoin d‘ordre peut
devenir compulsif. Très disponible, il exécute avec bonne volonté les tâches qu‘on lui
demande d‘accomplir. C‘est un enfant sage et raisonnable. Les stimulations sensorielles qu‘il
préfère sont la pâte à modeler, dont il se sert pour masser la partie interne de sa main droite,
du bas de la paume à l‘extrémité des doigts et les ficelles qu‘il aime agiter tandis qu‘il parle.
A table, il ne sait pas tenir ses deux couverts, il n‘a pas de force dans les mains.

Caroline
« le fait de pincer doucement (la patte d’un chat) entraîne un ralentissement des ondes
EEG, une détente du tonus du muscle »53
Son âge développemental est approximativement de 3 ans 3 mois, son profil étant très
hétérogène. C‘est une petite fille d‘une nature très sociable, souriante, elle aime rester près des
adultes, elle établit un contact visuel, manifeste de l‘attachement pour un camarade qu‘elle
caresse, à côté de qui elle s‘assoit souvent. L‘émotion qu‘elle manifeste le plus est la colère,
52

Williams, D., « Si on me touche, je n’existe plus », p. 73.

53

Grandin, T., « Les problèmes sensoriels chez l’enfant autiste et Asperger », p. 6.

25

elle pleure et crie quand elle n‘a pas envie de faire quelque chose. Elle a du tempérament. Elle
se procure des stimulations sensorielles avec des jouets vibrants qu‘elle passe sur son menton
et son abdomen , caresse souvent la tête de ses camarades qui ont des cheveux crépus, elle
aime feuilleter les pages d‘un livre pour ressentir le déplacement de l‘air sur son visage, elle
remue sa langue dans la bouche très rapidement, a recours au hand-flapping, elle se pince la
poitrine à la hauteur des mamelons et enfonce ses doigts profondément sous son grill costal.
Quand elle fait de la trottinette, elle appuie son thorax sur le guidon et se plie en 2 pour
stimuler cette zone. Le jeu qu‘elle demande le plus est celui des bulles. Elle aime s‘étirer et
baille souvent.

Pierre
« je lui appris à se protéger des bruits en se chantant inlassablement le même air »54
Pierre a l‘âge de développement global d‘un petit enfant d‘un an et demi. Il n‘a pas encore
acquis la propreté. Il ne sait pas communiquer. Quand il est calme, il aime rester près de la
fenêtre, un côté du corps contre le radiateur, le dos contre le mur. Il recherche la chaleur : la
chaleur et l‘adossement l‘apaisent. Il aime aussi s‘envelopper dans sa capuche dans ses
moments de repos ou quand il est sollicité. Il passe de moments d‘atonie à des moments de
grande agitation, qui s‘exprime sous la forme de comportements moteurs particuliers : la
marche à 4 pattes et le battement des mains. Il se déplace peu à l‘intérieur du coin loisir, ni
d‘une salle à l‘autre. La marche à 4 pattes est sa seule façon d‘explorer l‘espace, tandis qu‘il
pousse de petits cris aigus ou grogne. Il n‘a pas encore développé la motricité fine et ne se sert
pas de ses mains. Il les stimule par contre continuellement en les tapant très fort contre le sol
ou l‘une contre l‘autre. Cette stimulation arrive jusqu‘à l‘automutilation. Il n‘a pas d‘autres
centres d‘intérêt. Il chantonne très souvent, marche sur la pointe des pieds de façon
intermittente, grince des dents, son corps est raide. Il penche souvent la tête d‘un côté et
regarde vers le ciel. Il se déplace avec lenteur, mange avec lenteur. Quand il agit, il donne
l‘impression d‘ analyser tout ce qu‘il ressent en même temps qu‘il agit. Dans ces moments là,
il est très concentré. Il a une grande qualité de présence. Son regard aussi est intense et il
établit le contact visuel. Il recherche la présence des adultes, demande à s‘asseoir sur leurs
54

Williams, D., « Si on me touche, je n’existe plus », p. 72.

26

genoux, mais c‘est surtout le contact par le toucher qu‘il sollicite. C‘est la raison pour laquelle
il a été décidé d‘inclure le Shiatsu dans son projet éducatif individuel. Il n‘a pas d‘interaction
avec ses pairs.

Le projet
C‘est un projet expérimental, pilote, que l‘on peut inscrire dans le cadre d‘un programme
d‘amélioration de la qualité de vie. Améliorer la qualité de vie des enfants en incluant dans
leur emploi du temps des moments de détente physique et émotionnelle , améliorer les
conditions de travail et par conséquent améliorer la qualité de vie du groupe, formé par les
enfants et l‘équipe des éducateurs, en utilisant la modalité sensorielle du toucher comme
moyen d‘entrer en relation. Dans le référentiel de l‘éducateur, instaurer la relation occupe la
première place parmi ses domaines de compétences. Le projet s‘inscrit aussi dans la démarche
d‘amélioration de la qualité des relations de l‘enfant avec le milieu social environnant. Il est
appelé à répondre à deux types d‘objectifs :
1. apaiser, réduire les effets des troubles sensoriels (difficultés de concentration,
hypersensibilité au bruit, agitation,…) en intervenant directement sur les enfants lors de
séances de Do-In et de Shiatsu
2. initier les éducatrices aux techniques de toucher du Do-in et du Shiatsu, pour qu‘elles
puissent l‘utiliser au quotidien.
L‘élaboration du projet s‘est faite en deux étapes. La première étape a consisté en une journée
de contact, au cours de laquelle j‘ai pu faire la connaissance des enfants, observer le travail de
l‘équipe et comprendre ses problématiques. Au cours de la journée, à l‘occasion de la pause
du temps calme, un atelier massage des pieds a été mis en place de façon informelle. Il s‘est
déroulé dans le calme le plus complet, tous les enfants manifestant totale confiance et
disponibilité. Une réunion avec le chef de service et un des éducateurs a permis de définir le
contenu général de l‘atelier et les modalités d‘initiation au Shiatsu envisageables pour
l‘équipe, qui devraient tenir compte des contraintes apportées par leur emploi du temps. Le
projet a été présenté et validé lors d‘une seconde réunion élargie aux deux membres de
l‘équipe, en présence de la direction de l‘établissement et de la psychomotricienne en charge
du groupe. Afin de comprendre les attentes de l‘équipe et d‘y répondre au mieux, il apparaît
nécessaire d‘inclure l‘atelier dans le contexte plus large d‘une demi journée. Il est convenu
27

que je serai présente sur le groupe, tous les jeudi, jour de l‘atelier sensoriel, du temps
d‘accueil, 9h, au début du temps calme, 13h.30. Ce temps me permettra de me familiariser
avec les méthodes éducatives employées, d‘expérimenter

le quotidien, les situations et

difficultés rencontrées par l‘équipe, de comprendre la dynamique du groupe. Il sera aussi
celui de l‘observation des enfants. La régularité de ma présence, permettra, aux enfants et à
moi-même, de faire connaissance, et d‘établir une relation de confiance, au sein de laquelle
l‘atelier sensoriel prendra naturellement sa place. Le projet s‘insèrera dans le cadre de l‘ année
scolaire, du début du mois de septembre à la fin du mois de mai ; un temps suffisamment long
pour permettre au travail de porter ses fruits. Le temps de l‘atelier étant très court, 50 minutes
au maximum, l‘équipe me propose de concentrer la prise en charge individuelle de Shiatsu sur
2 enfants, qui sera inscrite dans leur P.E.I. Bien que le cadre de l‘atelier soit occupationnel, le
contenu est plutôt de l‘ordre de la remédiation corporelle.

L‘atelier sensoriel

Le respect de quelques principes
L‘atelier se déroule dans le cadre du care55, une attitude bienveillante, attentive et empathique.
La question du consentement des enfants et de sa compréhension à travers l‘écoute
bienveillante est particulièrement importance car ils ne peuvent pas s‘exprimer verbalement.
Donna Williams dit dans son livre que le rire peut être une manifestation de la peur. Il faut
donc rester très vigilants quand au risque d‘interprétation des expressions émotionnelles qu‘un
enfant peut manifester durant la séance. Il faut se défendre d‘être intrusif : quand un enfant
manifeste par des gestes de refus ou d‘éloignement ou des comportements moteurs de fuite,
qu‘il ne veut plus ou pas être touché, sa demande est respectée. Ainsi, il peut arriver qu‘une
partie de la séance consiste à « ne rien faire » qui soit de l‘ordre du visible , rester tout
simplement assis, calme, inviter et amener l‘enfant à s‘asseoir ou se rapprocher , à venir
prendre appui contre soi, et attendre que les choses se fassent. Quelles choses ? Un geste, un
relâchement de la posture, un temps d‘immobilité, d‘abandon, qui scellent une intimité, une
confiance entre les deux ; à partir de là, on peut revenir dans « l‘agir ». L‘enfant a aussi le

55

Courant de pensée autour de l‘attention et du soin apporté aux autres, Sésame n.170, 2009, Revue
trimestrielle de la Fédération Française Sésame-Autisme.

28

droit de ne pas vouloir être touché et il faut savoir lâcher prise et accepter. L‘enfant doit
pouvoir se sentir libre de ses mouvements, changer de position, et de déplacements dans
l‘espace. Enfin, il est considéré comme le meilleur expert de son corps et les choix faits dans
le cadre de la séance doivent être guidés par ses indications.
L‘atelier s‘est déroulé en trois phases. Au cours de la première phase de découverte, les
techniques de Do-in et de Shiatsu, ont été utilisées de façon graduelle, prévisible et adaptée
aux réactions et demandes

de chaque enfant. La seconde phase a tenu compte des

particularités de chacun, préférence pour le Shiatsu ou le Do-in, partie du corps proposée
systématiquement, comme le dos ou les pieds mais aussi du recensement des tensions, pour y
apporter un relâchement. La troisième phase répondait à la nécessité de faire un choix, qui
tienne compte des contraintes imposées par la durée de l‘atelier, la richesse et complexité de
chaque cas, le manque de temps pour l‘encadrement pédagogique. Il a été décidé de choisir un
axe de travail pour chaque enfant56, par exemple les mains pour Pierre, et de s‘y tenir, dans la
mesure du possible. Les rôles se répartiraient de façon à respecter un ordre qui partirait d‘une
globalisation du travail corporel, pour arriver au travail plus spécifique.

Le cadre

L‘espace
Il s‘agit tout d‘abord de fournir un cadre où les enfants vont pouvoir aborder leur vécu
sensoriel. Selon les mêmes principes que toute prise en charge corporelle, que l‘approche soit
sensorimotrice ou neurosensorielle, les séances vont se dérouler dans le même lieu, le travail
proposé dans le même ordre.
Le groupe est associé au lieu de vie. L‘atelier se déroule dans le coin loisir du lieu de vie. Le
lieu de vie est composé de 2 espaces, séparés par une porte : une grande salle à l‘intérieur de
laquelle la vie du groupe se déroule : activités, repas, et une petite pièce où les enfants
peuvent s‘isoler et se reposer. L‘espace de la grande salle répond à trois fonctions. Une zone
est destinée aux temps communs de travail, aux

repas, pauses assises. Cette zone est

caractérisée par la présence d‘une grande table, elle est contigüe avec le coin cuisine et le
56

Voir annexes

29

lavabo. Une seconde zone est destinée à l‘usage des adultes. La troisième appelée le « le coin
loisir », est un espace délimité par des meubles de la hauteur d‘un mètre cinquante, sur 2
côtés, le troisième côté est occupé par de grandes fenêtres, le quatrième donne l‘accès à la
petite salle de repos. C‘est le lieu qui est destiné aux enfants.
En un premier temps, l‘atelier a été articulé entre le coin loisir, où avait lieu le Do-in collectif,
et la petite salle destinée à la prise en charge individuelle de deux enfants. En partant du
présupposé que la prise en charge individuelle est un moment de relaxation et de détente, il a
semblé logique que les enfants et moi-même puissions nous isoler en nous enfermant dans la
petite salle. L‘atelier commençant toujours par le Do-in collectif, je quittais l‘espace commun
avec un enfant après un quart d‘heure environ, pour rester dans la salle jusqu‘à la fin. Mais
cette organisation ne tenait pas compte de deux nécessités : la première concerne les enfants,
qui n‘avaient pas forcément envie de rester isolés pendant la séance individuelle et qui
pouvaient préférer recevoir le Shiatsu en compagnie du groupe, et ou avoir besoin de se
déplacer au cours de la séance ou encore ne pas avoir envie de se lever pour changer
d‘endroit, surtout s‘ils étaient tranquillement installés et qu‘ils avaient déjà commencé à se
détendre avec le Do-in. Afin de l‘adapter aux nécessités du contexte, en novembre, il a été
donc décidé de modifier certains éléments du cadre et de son organisation. L‘espace est
décloisonné, nous agrandissons l‘espace commun en augmentant le nombre de tapis au sol
afin de pouvoir être tous ensemble, quand les conditions s‘y prêtent. La petite salle reste un
espace d‘intimité et de retour au calme si les circonstances, inquiétude ou agitation d‘un
enfant, le demandent et si cette agitation compromet la tranquillité du groupe. Les 2 salles
communiquent par la porte qui reste ouverte ou entre ouverte, les déplacements d‘une salle à
l‘autre s‘adaptent aux conditions de la séance. Ce décloisonnement est venu répondre aussi à
la seconde nécessité, exprimée par l‘équipe : le besoin de d‘apprendre le Shiatsu. L‘espace
ouvert est donc devenu un outil pédagogique pour l‘apprentissage de la posture, de la
technique du Shiatsu, par l‘observation et l‘imitation. Il m‘a été possible d‘accompagner mes
gestes verbalement, avec des commentaires techniques, d‘ expliquer comment je répondais
aux situations qui se présentaient concrètement au fil de la séance, d‘ enseigner à repérer et
ressentir les tensions musculaires, les limitations motrices, percevoir les éléments du dialogue
tonique sous-jacents à la posture des enfants. Enfin, il a contribué à instaurer un climat de
transparence où mon travail toujours visible, perdait son aspect mystérieux et devenait
partageable.

30

Il nous a manqué de la place pour pouvoir faire des étirements et mobilisations en position
allongée et en général nous étions entassés les uns sur les autres. J‘ai par ailleurs constaté que
certains enfants n‘avaient pas envie d‘être éloignés du groupe pour la prise en charge
individuelle dans la salle de repos et qu‘ils voulaient rejoindre les autres. J‘ai pu observer que
les enfants n‘ont pas été gênés par l‘espace restreint, au contraire, ils ont apprécié cette
proximité et ils s‘installaient spontanément sur les membres du groupe. On peut donc dire que
l‘espace restreint a été un point fort. Il a permis de ressentir l‘intimité du rapprochement
physique, le plaisir d‘être ensemble, d‘expérimenter un nouveau mode d‘être ensemble dans
le groupe.
La durée
Le temps de l‘atelier est d‘une heure, il comprend les préparatifs, le rituel de début et de fin de
séance. Le temps effectif de pratique est 45/50 minutes. La répartition du temps accordé à
chaque enfant se fait à l‘aide d‘un timer. Chaque enfant est pris en charge au minimum par
deux adultes, au maximum trois.
L‘environnement
Un environnement adapté, sécurisant et contenant est mis en place, au moyen d‘une
modulation de l‘environnement sensoriel : les stores sont abaissés, les lumières éteintes, des
rideaux sont mis aux fenêtres, des tapis posés au sol, des coussins et couvertures sont mis à
disposition. Un accompagnement musical de guitare classique assure la fonction d‘enveloppe
sonore.
L‘annonce
Comme pour toutes les autres activités, on demande aux enfants de mettre le pictogramme de
l‘atelier sensoriel sur leur programme de la journée. Ensuite, ils ôtent, souvent spontanément
pour certains d‘entre eux, leurs chaussures et leurs chaussettes. Un éducateur annonce que
l‘atelier sensoriel peut commencer.
Le rituel
Les rituels sont très importants pour les enfants autistes, ils les rassurent parce qu‘ils sont, par
définition, répétitifs et prévisibles. Le temps de l‘atelier a donc été structuré par un rituel de
commencement et de fin, afin de leur permettre de se repérer par rapport au temps et par
rapport au groupe. Pour commencer l‘atelier, nous nous asseyons tous genoux au sol, à la
31

japonaise, et nous formons un cercle. Aux premières notes de guitare, nous nous donnons tous
la main et nous nous recentrons, dans le silence et dans l‘immobilité, dans la mesure du
possible. Au deuxième air, le Do-in commence. Pour terminer, nous revenons à la même
configuration que celle du départ et l‘éducateur annonce la fin de l‘atelier.

Les techniques du Do-in et du Shiatsu et l‘effet recherché

Le Do-in se pratique seul, c‘est alors une forme d‘automassage, ou à deux, en position assise,
allongée ou debout. Il fait appel à plusieurs techniques de toucher : l‘ automassage, le lissage,
la friction, les tapotements, les percussions, qui peuvent être exécutées avec les différentes
parties des deux mains : le tranchant, la paume. Les mains peuvent aussi être posées en
cloche, l‘une sur l‘autre, ou fermées en poing. Selon les endroits du corps et les tissus touchés,
on utilisera des techniques différentes, ou bien une technique après l‘autre. Les percussions
sont utilisées pour le dos, les bras et les jambes. Elles sont agréables à recevoir sur les parties
osseuses: sacrum, omoplates, les articulations du coude et de la cheville, elles se basent sur les
effets de la vibration et de la résonnance osseuse. Chaque technique s‘utilise avec une
intensité, un rythme et un tempo qui lui est propre, mais toutes sont caractérisées par leur
aspect dynamique.
Le Shiatsu est une technique du toucher qui utilise la pression profonde, avec les pouces et la
main entière, caractérisée par un rythme lent, dont la description et les effets ont été illustrés
précédemment.
Les mobilisations et les étirements articulaires ainsi que les étirements posturaux sont
communs aux deux techniques, ils sont effectués dans un but d‘assouplissement. Dans le
Shiatsu, ils sont toujours passifs. Enfin, dans un but de détente, on utilise des mouvements
oscillatoires, vibratoires et de balancement, que l‘on peut imprime sur une partie ou sur le
corps entier. La notion de soutien est fondamentale dans l‘application pratique : dans la
pression profonde avec le pouce, le soutien se fait avec les 4 doigts, dans les mobilisations,
elle se traduit par une des 2 mains qui maintient l‘articulation ; dans les étirements et
mobilisations en position assise, par le support du corps du praticien. Ces techniques de
toucher et donc de travail sensoriel, vont être utilisées pour aider à réguler le dérèglement au
niveau des sens, en particulier l‘hypersensibilité tactile, enrichir le vécu corporel et sensoriel
32

de l‘enfant. Les bénéfices attendus de la séance sont tout d‘abord la détente et l‘apaisement,
puis, dans le temps, l‘atténuation progressive des stimulations stéréotypées, que l‘on
considère comme des conduites de recherche de stimulations et auxquelles on apportera
d‘autres possibilités de réponses par le biais d‘une expérience corporelle globalisée.

L‘organisation

Quand les contraintes se transforment en avantages
L‘atelier a été assuré en moyenne par trois adultes, deux éducateurs référents du groupe et
moi-même, pour cinq enfants. Il y avait donc toujours deux enfants qui devaient attendre leur
tour dans le périmètre de l‘atelier, et dans la mesure du possible, en restant assis près des
autres. Cette situation, qui en apparence se présentait comme un inconvénient, a permis aux
enfants, au fil des 30 séances, l‘apprentissage de compétences. Ils ont appris à contrôler
l‘attente, ils aussi appris à se détendre tous seuls, en s‘allongeant, chacun selon ses
préférences, genoux pliés, les bras croisés derrière la tête, à plat ventre ou bien en appui
contre un meuble. Pour l‘un d‘eux, ce temps a favorisé le développement de l‘apprentissage
de l‘imitation spontanée. Il s‘est approprié les gestes de percussions du Do-in, qui demandent
des qualités de synchronisation et coordination, qu‘il a appris à faire sur lui-même, puis,
répondant à nos exhortations, à faire sur ses camarades.

De l‘atelier dans l‘atelier
Il faut préciser que l‘atelier sensoriel est le cadre général à l‘intérieur duquel l‘atelier de Do-in
et Shiatsu prend place. Ceci veut dire que la première moitié était commune et dédiée à ces
pratiques tandis que durant la seconde partie, les éducateurs changeaient d‘outils sensoriels :
massages avec crème, stimulations visuelles, thermiques, stimulations tactiles avec objets,
matières variés. De mon côté je continuais les prises en charge avec mes outils de travail.
Ainsi qu‘il me l‘avait été demandé, j‘ai donc réparti mon temps avec chaque enfant afin de
pouvoir assurer une prise en charge plus longue, 15 à 20 minutes, des deux enfants, pour
lesquels il avait été identifié que le Shiatsu serait le plus bénéfique. Durant cette première
partie de l‘atelier, il me fallait systématiquement renoncer à m‘occuper d‘un ou deux enfants.
33

Dans un premier temps, le choix des enfants dont je m‘occupais a été aléatoire, dépendant des
circonstances : l‘enfant le plus proche de moi, le plus agité, celui qui prenait ma main. Puis,
compte tenu de l‘extrême difficulté que j‘avais à analyser le contenu de mon travail, qui ne
pouvait jamais être préparé d‘avance

mais qui devait s‘adapter continuellement aux

demandes de l‘enfant, ici et maintenant, j‘ai eu besoin d‘en organiser au moins le cadre, afin
d‘en faciliter la restitution dans ma mémoire et de le reconstruire a postériori. J‘ai donc suivi
un ordre dans les prises en charge et j‘ai fait le choix de m‘occuper de chaque enfant pendant
un temps, d‘ une égale durée de 8 minutes, écourtant les prises en charges individuelles des
deux enfants, dont le shiatsu est inscrit dans le P.E.I. Ce choix, fait avec l‘approbation de
l‘équipe, a été motivé à partir d‘un double constat: la participation active des enfants aux
séances et le fait que tous avaient un vécu corporel caractérisé par des tensions toniques,
rigidités articulaires, difficultés à effectuer des mouvements, surtout au niveau des membres
supérieurs. Tous les enfants se révélaient disponibles et demandeurs, les défenses tactiles de
l‘un d‘eux s‘abaissaient rapidement, je constatai que par le biais des séances, nous entrions
toujours plus en communication et que les enfants adressaient des messages concernant leurs
préférences, leurs besoins, qu‘il fallait recevoir et auxquels il fallait répondre. Au cours de la
prise en charge individuelle, je pouvais aussi localiser les majeures tensions corporelles, et
transmettre ces informations aux éducateurs, pour qu‘ils apprennent à les reconnaître au
toucher, puis, avec le support de mes indications pratiques et celui des comptes rendus, qu‘ils
apprennent à les relâcher. Concernant la durée de chaque prise en charge, elle m‘a semblée
suffisante pour me permettre de repérer des parties du corps clé, comme le bassin, les coudes
et les chevilles et mettre en place un processus de relâchement de celles-ci en utilisant
alternativement le Do-in et le Shiatsu.
L‘atelier a été divisé en deux modules : le temps du Do-in et le temps le Shiatsu. Le Do-in a
pour but l‘éveil au toucher en sensibilisant pour commencer, certaines parties du corps peu
investies par l‘enfant, comme le dos, le sacrum, pour passer ensuite au corps entier, ceci, afin
de lui redonner une sensation d‘unité corporelle, à partir du repérage de ses propres frontières
physiques. L‘atelier commence donc par le Do-in du dos. Les enfants sont déjà en position
assise, il est donc aisé de se placer derrière eux pour commencer ce travail. Un protocole a été
établi pour que le toucher soit prévisible, que l‘enfant puisse intérioriser le vécu par la
répétition et que les éducateurs puissent donner une cohérence à leur travail. Ainsi, si un
éducateur s‘occupe du dos de l‘enfant, l‘autre l‘éducateur sait qu‘il peut passer à un travail

34

plus global sur le reste du corps par exemple, ou pratiquer des étirements et mobilisations
articulaires.

Le protocole du do-in

L‘enfant est en position assise, sur les talons ou les jambes croisées en tailleur ; s‘agenouiller
derrière lui de façon à être face à son dos :
- commencer par un lissage du dos, puis des frictions, toujours dans le même ordre : du centre
vers l‘extérieur, du haut vers le bas, d‘abord un côté puis l‘autre
- percussions

57

en partant des trapèzes jusqu‘au sacrum, de part et d‘autre de la colonne

vertébrale, d‘un côté puis de l‘autre : varier le rythme et l‘intensité, utiliser les différentes
parties de la main : le tranchant, la paume, main fermée, pour enrichir la gamme des
sensations ressenties. Les pressions profondes et enveloppantes avec toute la main, rythme
lent, alternativement sur un bras et l‘autre, comme une marche
-mobilisation articulaire des épaules : elle consiste à faire effectuer des mouvements de
rotations de plus en plus amples pour chaque épaule, qui permettent d‘ouvrir l‘avant du corps,
sternum, cage thoracique, assouplir les omoplates ,explorer des mouvements nouveaux qui
mettent en action le système proprioceptif, notre sixième sens, développer la perception d‘un
espace plus vaste et s‘y insérer, étendre le schéma corporel, le dos est soutenu par le praticien
-étirement vertical de l‘ensemble : bras et dos
- globaliser en position assise ou allongée, l‘idéal étant que l‘enfant s‘allonge en position
détendue : percussions sur les jambes
-balancement, oscillations vibratoires du bassin, soulever, abaisser pour tapoter celui-ci sur le
sol ou sur les pieds du praticien, qui servent de support
- ritualiser la fin do-in par un étirement final du dos et des jambes, en position allongé sur le
dos, les genoux en appui sur la plante des pieds, les mains posées sur les genoux, en donnant

57

Delion, P. : « Tissage de rythmicité sonore dans le tactile du dos» , in « La pratique du packing », p.36.

35

le poids de son corps. Cette position permet un échange des regards et un partage de
l‘attention conjointe, l‘objet de l‘attention étant le ressenti.

Contenu des séances

Nicolas : la marche sur la pointe des pieds, l‘agitation motrice, les oreilles
Afin de respecter son besoin, j‘ai mis en place un rituel d‘enveloppement dans la petite salle :
je le recouvrais d‘un plaid et posais sa tête sur un petit coussin, avant de commencer la
séance. Ce rituel a été abandonné au fur et à mesure que les séances avaient lieu dans l‘espace
collectif. Il se peut que le groupe ait remplacé cette enveloppe. J‘ai aussi mis en place une
enveloppe sonore en accompagnant mes gestes par des mots d‘encouragement, des incitations
à participer car Nicolas recherche le face à face, le contact visuel, le rapprochement physique,
il a besoin de s‘exprimer.
A cause de la marche sur la pointe des pieds et parce qu‘il me les a tendus dès la première
séance, j‘ai choisi de poser une attention sur ses appuis et j‘ai commencé par le Shiatsu des
pieds et de la partie arrière des jambes, très contractée à cause de la posture adoptée. Le
travail sur les pieds consiste en des pressions profondes sur la voûte plantaire et le talon, des
mobilisations et étirements de chaque orteil, afin d‘éveiller la sensibilité dans sa globalité. La
mobilisation de la cheville, qui consiste à faire effectuer

des mouvements de flexion,

extension et rotation, a pour but d‘enrichir la gamme du ressenti proprioceptif en insistant sur
la flexion plantaire, jamais utilisée à cause de la marche sur la pointe des pieds. Un second
axe de travail a été celui des mains, dont les doigts sont toujours en mouvement à cause des
tics nerveux. Il a consisté en des pressions profondes le long des doigts, étendues quand cela
était possible à l‘ensemble de la main. La mobilisation des poignets permettait de globaliser le
travail des mains. Nous avons mis en place une sorte de jeu, de dialogue entre nos mains, nos
regards et nos corps qui prenaient appui l‘un sur l‘autre à partir de cette position. Ce jeu peut
être utilisé et transposé à tout moment, en dehors du contexte de l‘atelier. Il y a eu une
appropriation du geste, une fois, à la fin d‘un atelier, qu‘il a refait spontanément avec un
camarade.

36

Nicolas pose constamment ses doigts sur ses oreilles, ses pommettes sont rouges, il les presse
dès qu‘il peut, il passe sa langue sur ses gencives supérieures, en dessous des pommettes. Je
me suis donc posé la question de la douleur ou de la gêne, constatant qu‘il posait ses doigts à
certains endroits, qui correspondent à des points et des trajets énergétiques précis, pour se
soulager. C‘est une hypothèse. J‘ai donc aussi inclus un temps dans la séance pour le Shiatsu
de la zone des oreilles. Ces gestes sont facilement transposables à tout moment. L‘équipe
avait formulé la demande de lui donner des points clés, pour revenir à l‘apaisement. J‘ai
inclus le massage d‘un point de la main58, reconnu pour ses indications thérapeutiques en
acupuncture, qui apaise, ouvre les cinq organes des sens, et soulage la douleur dans le haut du
corps. J‘ai commencé à enseigner ce geste à Nicolas.

Emmanuel : la défense tactile et la confiance
Au début, le système de défense tactile d‘Emmanuel était en alerte permanente, il était très
chatouilleux, impossible de l‘approcher. Puis petit à petit il a accepté le contact de plus en
plus prolongé dans la durée, sensible surtout aux percussions et frictions dans le dos et au
shiatsu des pieds. Le travail a commencé par les pieds, qu‘il me tendait spontanément. A
partir de cette position, où nous étions le plus éloignés l‘un de l‘autre, il m‘a laissée arriver
jusqu‘à ses oreilles, objet de stimulations fréquentes de sa part, qu‘il m‘autorise maintenant à
masser. J‘ai parcouru ce chemin en avant en insistant sur les chevilles, qui n‘avaient pas de
mobilité. Dans ma pratique, les articulations sont des passages, des ponts que la circulation
de l‘énergie empreinte, pour se répandre dans le corps entier, elles mettent en relation. Les
chevilles d‘Emmanuel, si tendues et réfractaires à tout changement, mouvement, faisaient
barrage à la relation.
De la position assise ou allongé sur le dos, qui nous permettait de garder un contact visuel
constant, il est passé à la position allongé sur le ventre, puis il est venu s‘adosser à moi , en
position assise. Soutenu par mes bras, position de holding, en appui contre moi, il a reçu le
Do-in du dos, le Shiatsu des bras. J‘ai pu pratiquer des étirements des bras, qui vont permettre
à l‘espace situé entre ceux-ci et la cage thoracique de s‘ouvrir. Cet espace était totalement
fermé pour quatre des enfants du groupe, non inclus dans leur schéma corporel. Si l‘on
considère le corps d‘un point de vue holistique, où corps et psyché, ou esprit, sont les deux
58

Atlas illustré d‘acupuncture, p.38 point 4GI

37

parties, intimement reliées, d‘un tout, ce travail d‘étirement a pour effet de mettre à découvert
la partie la plus vulnérable du corps, la poitrine, siège des émotions pour les Chinois, que l‘on
protège en repliant les bras sur soi. La position d‘adossement a permis que ces étirements se
fassent parce que la position d‘adossement procure le ressenti d‘un état sécurité physique, où
l‘enfant peut faire confiance à son environnement et de s‘ouvrir à celui-ci. Il faut aussi
signaler qu‘Emmanuel, a manifesté à plusieurs reprises son désir d‘être touché sur la poitrine,
en posant sa main sur son sternum.

Matthieu : la relation
Il adopte souvent la position allongé sur le dos, me tend les pieds, les jambes, en me
regardant. Il demande que je lui masse les pieds, en posant mes mains sur ceux-ci. Il aime les
frictions, les percussions sur le sacrum, qu‘il sollicite en prenant ma main pour la poser à cet
endroit. Le corps est très tendu, surtout le bassin. Il demandera souvent des percussions à cet
endroit. Il demandera aussi souvent un Shiatsu des pieds avec percussions sur la plante.
N‘ayant pas de problématique physique majeure, je pratiquerai surtout le Do-in global. Nous
avions fixé comme axe de travail pour lui, l‘abdomen et les mains. Il me sera pratiquement
impossible de travailler sur ses mains car, selon les positions choisies, surtout allongées, ses
mains seront soit sous sa tête, soit sous son ventre. Devant faire un choix, j‘ai toujours
accordé mon attention à ses demandes.

Caroline : le besoin constant de stimulations tactiles
Ayant remarqué qu‘elle ne réagissait pas quand je touchais son dos, j‘ai donné une priorité au
Do-in du dos et des bras, qui faisait par ailleurs partie du protocole de l‘atelier, avec
l‘intention d‘éveiller la perception de la partie arrière de son corps. Elle a longtemps gardé la
position assise, jambes croisées, se refusant à tout changement de position. Au cours des
premiers mois, elle se levait pour se placer devant la fenêtre : je profitais de cette position
pour appliquer les pressions du Shiatsu sur l‘arrière de ses jambes. Je n‘avais jamais pratiqué
sur un partenaire debout, cela n‘existe pas dans ma pratique. A cette occasion, j‘ai appris à
m‘adapter. Petit à petit, elle s‘est allongée sur le dos. J‘ai alors introduit le Do-in sur ses
jambes. Cette position m‘a permis aussi de pratiquer l‘étirement horizontal du dos, ouvrant
ainsi l‘espace fermé entre les bras et le thorax et l‘espace de la cage thoracique. Ainsi que je
38

l‘ai décrit ci-dessus, Caroline stimule beaucoup son thorax. J‘ai donc appliqué le Shiatsu au
niveau du diaphragme, sous le grill costal, là où elle enfonçait toujours ses doigts et pratiqué
des étirements afin d‘ouvrir l‘espace interne de la cage thoracique et de l‘assouplir. J‘ai pu
constater que le côté droit, le côté du foie, était plus contracté et qu‘elle demandait à être
étirée surtout du côté droit.

Pierre : l‘enveloppe et l‘adossement
Pierre a été très actif au cours des séances, il en a toujours guidé une partie, j‘essayais de
négocier l‘autre, celle où je l‘amenais à explorer la totalité de son enveloppe corporelle. J‘ai
utilisé la notion d‘enveloppement avec lui, en le couvrant parfois et en utilisant ma voix
comme une enveloppe sonore. Quand nous avons commencé, sa posture était rigide, les
muscles crispés, surtout les fessiers, la zone des épaules contractée. Il y a donc eu une
première partie du travail consacrée à la détente du bassin, au moyen de percussions et
balancements. Dès la deuxième séance, il a voulu venir d‘adosser à moi et garder son dos en
contact contre moi. J‘ai donc fait un Shiatsu des bras et des jambes. Il a aussi souvent exprimé
le désir d‘être touché sur le ventre, en découvrant celui-ci. N‘étant pas habituée au contact
direct avec la peau, et voyant qu‘il appréciait le massage sur le ventre avec de la crème, j‘ai
toujours préféré laisser les éducateurs stimuler cette partie de son corps. Les zones qu‘il
indiquait le plus fréquemment étaient les oreilles et les côtés de la tête, que j‘ai petit à petit
stimulés : étirements du pavillon de l‘oreille, pressions latérales sur la tête, la nuque et les
mâchoires, qu‘il faisait beaucoup grincer au début. J‘ai aussi commencé un travail sur les
mains et les poignets dès les premières séances. J‘ai ensuite globalisé le Shiatsu au corps
entier, en utilisant « des marches », au cours desquelles les mains enveloppent les membres en
même temps qu‘elles les pressent, à la façon d‘une pince. Il y a eu la période au cours de
laquelle, il s‘adossait à un meuble et ne me tendait que ses jambes. J‘ai donc utilisé les
percussions du Do-in pour le stimuler et il était comme prostré quand il les recevait. La
sensation de percussion reçue était-elle semblable à celle qu‘il se procure en frappant ses
mains ? J‘ai aussi mis à profit cette position pour stimuler la plante de ses pieds en y mettant
tout le poids de mon buste, dans une sorte de jeu de pousser, repousser, tandis que nous
restions en contact visuel permanent59. En me basant sur la notion de réflexivité du toucher,

59

Berthoz, A., « l’échange par le regard », L‘autisme, Odile Jacob, 2005.

39

j‘ai commencé à le sensibiliser à d‘autre parties de son corps, et en même temps, à lui faire
découvrir d‘autres sensations pour explorer ses mains et, entrer en contact avec lui-même.
Par exemple je posais ses mains sur ses cuisses, quand il était assis , puis je les lui faisais
frotter. J‘ai commencé à lui enseigner un geste pour masser l‘intérieur de sa paume avec son
pouce, et stimuler un point 60reconnu pour ses indications apaisantes.

La formation de l‘équipe

Un savoir peut être technique ou théorique. Un savoir théorique se formule à travers des
concepts, des définitions. Les Grecs ont nommé la mathésis cette forme de savoir qui peut
être communiquée par le langage. La mathesis s‘oppose à la mimésis, qui est un savoir qui se
communique par l‘imitation, un savoir qui s‘applique au geste, un savoir faire pratique. Le
savoir en Shiatsu s‘appuie sur le développement d‘une sensibilité à la réception61 des
informations qui arrivent dans nos mains, mais il est aussi très codifié. Son enseignement
répond à des règles précises qui définissent la posture du praticien, l‘utilisation de son corps et
de ses mains62, ses déplacements, et sa posture intérieure, axée sur l‘écoute63.
Le Shiatsu en tant que technique de toucher n‘est pas séparé de celui qui la met en œuvre. Il y
a unité entre l‘homme et la technique. La technique elle-même est enseignée sous forme de
« kata »64, séquence rigoureusement codifiée de gestes qui suivent un ordre et une logique
précis. Il existe 4 formes de kata, selon la position que le sujet adopte. L‘enseignement des
katas correspond au premier niveau de la formation. Cet aspect structuré du Shiatsu, qui a
pour effet d‘apporter le calme, m‘avait semblé être parfaitement adapté à des enfants, dont il
est dit qu‘ils ont tout d‘abord besoin de vivre dans un monde structuré et ordonné.

60

61

Atlas illustré d‘acupuncture, point 8 MC, p.196
Recevoir l‘information avec ses mains est une application pratique du principe du non-faire.

62

Pour effectuer les pressions et les étirements, on donne son poids à partir du centre du corps, l‘abdomen ou
hara en japonais.
63

Application pratique du principe du non-faire.

64

Tokitsu, K., « Les katas ».

40

Ce que nous avons nommé dans le projet, formation, par manque de concept approprié
formulable dans notre langue, si situe plutôt du côté de la mimesis et correspond à une idée de
transmission, à une pédagogie de la transmission65. C‘est ainsi que j‘ai été moi-même formée
dans ma pratique, à la japonaise. Plus que former, j‘ai transmis à l‘équipe des éléments de
base de mon savoir et son esprit.
Parallèlement à la mimesis, j‘ai eu recours à deux ateliers pratiques, au cours desquels les
éducateurs ont, tour à tour, donné et reçu le Do-in et le Shiatsu, car pour comprendre les effets
de leur toucher, il leur a fallu être touchés. Ainsi que je l‘ai expliqué précédemment, le
Shiatsu se situe dans le contexte de la phénoménologie, c'est-à-dire le domaine de
l‘expérience des sens et du vécu du sujet. Cette expérience n‘est transmissible que par
« l‘expérience ». Ces deux ateliers pratiques, d‘une durée d‘une heure, ont été mis en place,
en janvier et en mars. Le thème du premier atelier était la découverte du Do-in et du Shiatsu :
pratique des gestes du Do-in sur soi et à deux, mise en application du principe d‘utilisation du
poids du corps pour appliquer la pression profonde du Shiatsu. Le thème du deuxième
atelier a été le ressenti, toucher et être touché, une attention particulière a été mise sur l‘écoute
de ses propres sensations66.
Enfin, j‘ai utilisé des comptes rendus hebdomadaires, dans lesquels j‘expliquai et illustrai ce
que j‘avais fait avec chaque enfant au cours de la séance67.

La régulation

Il y a eu quatre réunions de régulations, respectivement en octobre, décembre, janvier et mars.
Au cours de la première, les éducateurs et moi même avons soulevé la question du
décloisonnement de l‘espace et nous avons décidé de laisser la porte de la petite salle ouverte

65

Masunaga, S., « Shiatsu et médecine orientale », p.404.

66

Voir annexes

67

Voir annexes

41

afin que nous puissions communiquer par la parole et l‘observation, en temps réel, sur des
situations précises qui se présentaient68 à nous.
J‘ai de mon côté demandé une marge plus ample de gestion de la relation avec l‘enfant dans
le cadre de la séance individuelle, qui ne prenne pas en compte exclusivement les critères
éducatifs. Ainsi, j‘ai demandé qu‘un temps de négociation me soit accordé pour régler le
problème du comportement problématique d‘Emmanuel qui crachait pendant la séance, avant
de la suspendre. Nous avons par contre décidé d‘un commun accord que la séance serait
interrompue si l‘enfant ressentait le besoin de se masturber, ce qui n‘est jamais arrivé.
Durant la seconde réunion, il m‘a été demandé de donner un contenu plus technique des
comptes- rendus.
Au cours de la troisième réunion69, nous avons défini le cadre de nos interventions respectives
et celui de la codification du toucher afin de prendre en compte l‘objet de notre travail : la
gestion de la relation avec les enfants par le biais du toucher.
La dernière réunion70 a permis de poser un premier bilan, et de choisir des axes de travail pour
chaque enfant.

III. Analyse

Les difficultés rencontrées et les réponses apportées

Autisme et contact
L‘adhésivité

68

Par exemple je signalais l‘existence d‘une rigidité motrice au niveau des coudes d‘un enfant, qui se
manifestait sous la forme d‘une limitation d‘amplitude de mouvement de l‘articulation, et j‘expliquais le geste
technique de mobilisation qui aiderait au relâchement pendant que je l‘accomplissais.
69

Voir annexes

70

Voir annexes

42

Le problème de l‘adhésivité71 n‘avait pas été évoqué lors de l‘élaboration du projet. Pourtant,
il est m‘est apparu dès que j‘ai commencé le stage, qu‘il existait une difficulté à se positionner
par rapport à cette question. La réponse qui était apportée à l‘adhésivité était un éloignement
systématique des mains de l‘enfant, accompagné d‘une consigne verbale qui expliquait qu‘il
ne fallait pas « coller ». On me demanda aussi d‘appliquer la même règle. Cette demande me
posait deux problèmes : l‘adhésivité est considérée comme un comportement non adapté que
les éducateurs ne doivent pas encourager, tandis que j‘interprétais ce même comportement
comme une demande d‘aide dans les moments difficiles, par exemple lors du rassemblement,
quand il est demandé aux enfants de faire un travail. Les éloigner pour moi signifiait donc leur
refuser mon aide, ne pas respecter mes propres valeurs, qui font partie de l‘objet de mon
travail. D‘un autre côté, par respect pour l‘objet du travail des éducateurs, je n‘avais pas le
droit de le parasiter en envoyant des messages contradictoires aux enfants, en me comportant
différemment d‘eux. Il me fallait trouver un moyen d‘être dans le juste milieu. La technique
toucher du shiatsu est claire à ce sujet : elle se base sur l‘appréciation de la distance, la bonne
distance : le praticien apprend à se placer de telle sorte qu‘il n‘est jamais dans la fusion, trop
près, ni trop loin, dans la peur du contact, car il doit prendre appui sur son partenaire pour
pouvoir effectuer la pression. L‘espace qui se crée dans le périmètre de cette distance, est
celui qui va permettre à la relation de se mettre en place. J‘intervins donc sur le geste, qu‘on
me demandait de faire : écarter

la main que l‘enfant pose sur vous, en en modifiant

l‘intention : j‘apprenais à l‘enfant à régler la distance entre l‘adulte et lui-même, afin qu‘il
puisse trouver sa place au sein de ce binôme. J‘accompagnais la main de l‘enfant, que je
replaçais sur sa jambe, en l‘enveloppant, pour lui communiquer par mon toucher que je ne le
repoussais pas, que je lui faisais confiance, qu‘il pouvait faire face à la situation avec ses
propres moyens et, dans le cas où cela s‘avérait trop difficile, il savait que j‘étais là, près de
lui. Il pouvait faire ces allers retour avec sa main, l‘important étant de ne pas rester figés dans
l‘agrippement ou le rejet, nous définissions ensemble les limites de nos territoires respectifs.
J‘accompagnais mon geste par des paroles d‘encouragement.
Bien que nous n‘ayons pas eu le temps suffisant pour mettre des mots, comme je le fais
maintenant, sur la façon dont a été réglée cette difficulté, l‘équipe, parce qu‘elle était toujours
dans un état de réceptivité et d‘ouverture vis-à-vis de mon travail, intuitivement, comme par
osmose, s‘est appropriée de cette solution.

71

Les comportements adhésifs se manifestaient en dehors du cadre de l‘atelier.

43

La saturation tactile
Le risque de la saturation tactile est la question que je me suis posée au sujet de Nicolas et
Emmanuel, qui étaient ceux qui pouvaient manifester le plus d‘agitation en début ou au cours
de la séance. Emmanuel était le troisième et Nicolas le quatrième. Ils avaient donc déjà reçu
de 8 à 15 minutes de stimulations sensorielles et peut-être cela leur suffisait-il, certains jours.
Quand je constatais que les enfants avaient épuisé leur capacité d‘attention, je restais assise, et
en les exhortant par des mots et des gestes, je les invitais à venir s‘asseoir près ou contre moi,
et j‘attendais le temps qu‘il fallait jusqu‘à ce que ils acceptent de le faire. Ce mode d‘entrer en
relation par le dialogue tonique permet de « métaboliser et réguler les stimulations
sensorielles »72.

La fin de l‘atelier
La fin de l‘atelier a été un moment difficile pour tous car il fallait sortir de notre cocon
protecteur sans temps de transition, et changer de rythme, s‘activer : se relever, remettre les
chaussettes et chaussures à certains enfants, demander aux autres de le faire tous seuls, tandis
qu‘on allumait les lumières, soulevait les stores, enlevait les rideaux, arrêtait la musique,
emportait les tapis. Quand j‘en ai pris conscience, j‘ai essayé de prolonger ce temps de
transition, j‘ai ralenti mes gestes, prolongé le silence le plus possible et parlé à voix basse
quand je devais le faire. Ensuite, j‘ai mis en place « le rituel » du coin loisir, dans lequel
j‘allais m‘asseoir, toujours au même endroit, pour écrire mes notes d‘observation, que je
prenais auparavant depuis l‘extérieur du coin loisir. Je restais immobile et concentrée dans
l‘écriture, et j‘invitais les enfants à venir s‘asseoir près de moi pendant ce moment. Ils ont
toujours répondu à mes invitations. Le ou les enfants jouaient tous seuls, appuyés contre moi
ou bien, s‘ils demandaient mon attention, je frictionnais leur dos, prolongeant ainsi le temps
de la séance.

72

Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars », p. 177.

44

Elaboration des outils d‘évaluation

Afin de mesurer les effets de l‘atelier, il a fallu que je crée mes propres outils. Aucun d‘eux
n‘est validé. Mon premier outil a été l‘observation, à partir d‘un double point de vue : celui de
la médecine chinoise et celui d‘A.Bullinger73, éloignés mais complémentaires dans la mesure
où ils font preuve de la même ouverture et sensibilité. J‘ai observé comment la vie s‘exprimait
à travers les enfants74, et ce point de vue m‘a permis de justifier le sens et la cohérence de
certains de leurs gestes et demandes par rapport à un de mes outils de travail, qui est la lecture
énergétique. Par exemple, les enfants posent leurs doigts75 sur des points et trajets précis de
méridiens qui passent autour des oreilles. Ils penchaient, en début d‘année, leur tête d‘un côté,
mettant ainsi en pratique l‘étirement de ces mêmes méridiens qui longent sur les parties
latérales de la tête, là où Pierre posait toujours mes mains. Ils proposaient tous leurs pieds,
territoire énergétique bien défini. Le regard d‘A.Bullinger s‘affranchit de la référence à la
norme. Pour lui, c‘est la norme qui crée le handicapet empêche de comprendre « la structure
des conduites d’une personne ». C‘est « la subtilité de leurs comportements moteurs76 » que
je choisissais d‘observer. Je choisissais aussi de me « mettre dans une perspective
d’évaluation 77», en dehors d‘un cadre d‘évaluation normé, celui de l‘atelier, qui
me permettait « d’explorer des domaines où l’individu peut montrer ses savoirs et ses
limites78 ». Mes outils se sont forgés à partir des informations qui émergeaient durant la
séance et j‘ai focalisé mon attention sur la lecture du corps. L‘immobilité, comme indicateur
de concentration, état cognitif qui sous tend l‘apprentissage ; les gestes des enfants, en tant
qu‘expression par la communication non verbale, le contact visuel comme indicateur de
l‘attention partagée, la tolérance au toucher et la disparition de la chatouille comme
abaissement de la défense tactile, que j‘ai proposé d‘analyser dans une grille79.

73

Enfance, n.1/2001,Bullinger, A., « La richesse des écarts à la norme » , p. 102 : « l’écart à la norme n’est pas
un outil qui permet de construire un projet de soins, il est vu comme un déficit, un manque qu’il faut combler. ».
74

A propos de l‘observation de la vie dans la médecine chinoise, Fascicules de l‘Institut Ricci « Fil », , p.62.

75

Voir notion de « téaté » chapitre I.

76

.Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars ».

77

Voir réf. note 70.

78

Par exemples les limitations motrices.

79

Voir annexes

45

J‘ai utilisé les notions d‘imitation spontanée et sur requête qui sont décrites et codifiées dans
l‘échelle d‘imitation de Jacqueline Nadel.
J‘ai ainsi pu construire une très rudimentaire grille d‘évaluation des émergences qui pourrait
permettre de repérer le potentiel de chaque enfant, afin de

proposer un projet

d‘accompagnement individualisé, un projet sensoriel sur mesure.
Quand il m‘a été demandé, dans le cadre du bilan d‘évaluation du P.E.I de Nicolas, si je
considérai qu‘il avait reçu des bénéfices des séances, en termes de bien-être, j‘ai répondu
positivement. Pour justifier ma réponse, j‘ai proposé le seul outil d‘évaluation du bien-être
reçu qui ne donnait pas lieu à interprétation, selon moi : le geste spontané. Ainsi pour lui, mes
outils de mesure et d‘évaluation ont été ses propres gestes, quand il prenait ma main et la
posait sur ses pieds, de façon répétée, et quand il enlevait ses chaussettes, me présentait ses
pieds en me regardant dans les yeux.
En dehors de la séance, j‘ai proposé d‘évaluer les moments du repas, mais les éducateurs
m‘ont dit qu‘on ne pouvait pas en tenir compte, car les repas se passent presque toujours dans
le calme. N‘ayant pas trouvé de critères utilisables pour mesurer les effets de l‘atelier, je me
limiterai à signaler les changements que j‘ai observés, entre la première matinée et la dernière.
Il est important aussi de signaler qu‘il est impossible de mesurer les effets d‘un travail
spécifique dans un contexte où les progrès des enfants sont redevables des effets cumulés de
toutes les interventions, pédagogiques et prises en charge spécifiques.
Pour évaluer les effet sur le groupe, enfants et équipe, il aurait fallu filmer l‘atelier,
possibilité que nous avions évoquée avec l‘équipe, car je ne connais pas d‘outil qui puisse
mesurer et restituer l‘intensité, la douceur, l‘harmonie , la paix et le recueillement qui se
dégageaient de ces moments, où nous étions tous réunis, reliés comme les parties d‘un tout. Je
peux seulement en témoigner.

Les effets de l’atelier sur les enfants, les changements observés

Nicolas : l‘émergence de l‘attention et de la communication
Durant la séance, il est capable d‘attention, de concentration, même si cela dure très peu.
L‘objet de cette attention, ce sont ses sensations. Il est capable d‘instaurer un contact visuel
46

permanent. Il prend l‘initiative de communiquer en prenant mes mains et en les posant sur lui,
aux endroits qu‘il désire. Ainsi il lui est arrivé de me demander avec insistance de m‘occuper
de ses pieds, alors que je m‘occupais d‘un autre enfant. Il est plus calme durant le temps de
l‘atelier, il bouge moins pendant plus longtemps. Il a appris à donner ses deux mains durant le
rituel.
En dehors de la séance, il a moins recours à la chaise à bascule, ses épaules et son cou sont
moins contractés, je ne l‘ai jamais vu s‘automutiler mais je suis incapable d‘attribuer ces
changements aux effets d‘un travail sur la sensorialité. Peut-être a-t-il besoin de plus de temps
et d‘un travail corporel plus intense pour en intégrer les bénéfices? Je n‘ai pas de réponse.
La question du dépistage de la douleur ou gêne, bourdonnements à l‘intérieur des oreilles
reste ouverte : j‘aurai souhaité y répondre, vérifier si la stimulation du point clé qui se trouve
sur la main pouvait aider Nicolas à apaiser ces symptômes.
La question de la marche sur la pointe des pieds, en tant que comportement moteur
particulier, dont A.Bullinger dit qu‘elle est une forme d‘autostimulation, ne peut être
envisagée que transversalement, en dialogue avec un psychomotricien et dans le cadre plus
vaste de la rééducation. Le Shiatsu peut alors soutenir et accompagner ce processus, par un
travail ciblé sur les pieds, les chevilles et la détente de la chaîne musculaire postérieure. Reste
aussi à comprendre le degré de corrélation de ses deux éléments avec le fonctionnement du
système vestibulaire80.

Emmanuel : la régulation émotionnelle, la généralisation, l‘entrée en relation
Au début, il crachait et se déplaçait beaucoup. Puis, à partir de la huitième séance, il n‘a plus
craché. Les séances n‘ont plus été interrompues par l‘enfant ni écourtées pour des raisons de
comportement. Il n‘a jamais manifesté de comportement adhésif. Sa posture s‘est détendue, il
peut s‘allonger sur le ventre et relâcher sa tête au sol, abaisser le contrôle. Il peut aussi rester
allongé sur le dos, les bras croisés derrière la nuque, en position d‘ouverture et en gardant un
contact visuel constant. Il a baillé quelquefois, pendant que l‘on mobilisait ses chevilles. Il est
devenu de plus en plus, attentif, calme, jusqu‘à rester immobile et concentré pendant de
longues minutes. Il a appris à gérer l‘attente. Il a appris à exprimer ses besoins ou désirs en
80

Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars », p.54.

47

prenant ma main et en la posant à des endroits précis, à prendre l‘initiative du contact et du
rapprochement physique, et à rester en contact. Par exemple, il pose ses pieds sur mes
genoux, quand je suis en train de travailler avec les autres enfants, et il attend son tour,
tranquillement, en me regardant, ou bien il vient vers moi et me touche pour demander de
m‘occuper de lui, il enlève ses chaussettes et me tend les pieds. Il prend l‘initiative de se
rapprocher de ses pairs, prend la main d‘Ali, quand celui-ci ne veut pas la donner, durant le
rituel, ou bien lors de l‘avant dernière séance, garde ses mains dans les mains de ses deux
camarades de ronde, pendant le temps de l‘attente. C‘est un geste apaisant pour lui et ses
camarades, qui ne bougeaient plus, un geste qu‘il a crée lui-même, pour s‘apaiser, un geste
d‘autonomie.
En de hors de la séance, il a manifesté une mémoire du travail corporel, et son intégration par
l‘auto-toucher. Pendant plusieurs matinées, je l‘ai vu soulever

son pantalon durant le

rassemblement et taper sur ses jambes, toucher ses genoux, comme durant le Do-in, puis je
l‘ai vu caresser son ventre, un geste d‘auto apaisement peut-être. Dès qu‘il m‘a vue
dernièrement, il a enlevé sa chaussure. Il gémit moins, ne penche plus la tête, ne regarde plus
vers le haut, grince moins des dents. Il a développé la réactivité sociale, il vient toujours
quand je l‘appelle. Il a généralisé des comportements, qu‘il a mis en place dans le cadre de la
séance : le rapprochement spontané, l‘initiative du contact, la demande d‘interaction, il vient
vers moi, prend mes mains, me demande de partager des gestes avec lui, il me remercie,
j‘interprète ce geste comme un signe d‘évolution dans la relation, un échange. Il n‘est plus en
situation de défense tactile, il apprécie les frottements du dos, les massages autour des
oreilles, la nuque, il peut rester tranquillement assis contre moi, en contact rolongé, pendant
que j‘écris et sans que je m‘occupe de lui. Je l‘ai vu s‘approcher d‘une éducatrice, poser ses
mains sur ses bras, puis l‘inviter à tourner avec lui. On m‘a dit qu‘il est allé vers une
animatrice en visite, qu‘il n‘avait jamais vue, et qu‘il a touché son bras pour entrer en contact
avec elle. Il est beaucoup moins adhésif.

Matthieu : l‘ouverture à la relation
Durant la séance il a appris à se poser, arrêter de bouger et surtout de parler tout seul sans
arrêt. Il s‘est même endormi. Le travail corporel a permis que s‘instaure l‘interaction par le
regard, par le biais de la position allongé sur le dos, qu‘il a tout de suite adoptée. Cette
position lui permettait aussi de me parler tandis qu‘il me regardait dans les yeux. Pour pouvoir
48

entrer en relation avec lui, j‘ai appris sa langue, en lui répétant tout ce qu‘il me disait. J‘ai vu
quelquefois émerger l‘imitation spontanée des gestes du Do-in sur lui-même et sur un
éducateur. Pour pouvoir manifester ses désirs, il a tout de suite appris à communiquer par le
geste, indiquant des endroits de son corps ou posant ma main sur ceux -ci.
En dehors de la séance, je suis entrée en relation avec lui par l‘échange tactile. Quand je l‘ai
connu, il avait le dos tourné, alors j‘ai commencé à lui parler en touchant son épaule, pour
entrer en contact. Dès que je le touchais, il me parlait, m‘enlaçait en se suspendant à moi. J‘ai
aussi tout de suite serré ses mains dans les miennes. Dans la cour de récréation, je lui ai appris
à jouer à chat, en touchant son dos et il s‘est tout de suite prêté au jeu, je l‘ai vu rire et courir
dans la cour, lui qui restait tout seul, au même endroit. Nous avons ensuite inventé le jeu des
doigts dans le nez. A nouveau, j‘entrai en relation en le touchant, car le jeu consistait à
l‘empêcher de se mettre les doigts dans le nez, en retenant sa main. Nous sommes devenus
complices. Cette entrée en relation a déclenché en lui l‘expression d‘émotions comme la
tendresse, qu‘il exprime par le langage du corps propre à ce registre : il m‘enlace pendant de
longues minutes, pose sa tête sur mon épaule, dans l‘intimité et le silence. Il recherche le
contact et l‘interaction, viens s‘asseoir sur mes genoux, veux que je le porte dans les bras. Il
me regarde toujours dans les yeux. Cette ouverture à la relation s‘est aussi manifestée avec ses
pairs, qu‘il approche en les touchant et en leur parlant. On l‘a même trouvé assis sur les
genoux d‘un petit copain ! Dans le hall de l‘école, il a pris la main de la maman de Nicolas et
lui a parlé en la regardant droit dans les yeux. Il s‘est suspendu au cou d‘une éducatrice, dans
un élan d‘affection. Il est devenu moqueur, un peu rebelle et espiègle.

Caroline : les gestes81
Le travail corporel l‘a aidée à intégrer son dos et la partie arrière de son corps à son schéma
corporel. Au fil du temps, elle passera plus spontanément de la position assise , qu‘elle
adoptait systématiquement au cours des premières séances, à la position allongée sur le dos,
elle me proposera la partie arrière de ses jambes, puis elle me demandera des percussions sur
le sacrum et les hanches, en posant sa main à ces endroits, à l‘arrière de son corps. Très
attentive au travail reçu, elle va anticiper les gestes des étirements, qu‘elle a intégrés dans sa

81

« l’espace du geste est objet de connaissance », Bullinger, A., « Le développement sensori-moteur de
l’enfant et ses avatars », p.149.

49

mémoire corporelle et reproduire les percussions du Do-in. Je la verrai venir s‘appuyer sur le
côté ou avec son dos, sur un camarade, sur moi ou une éducatrice, en dehors du cadre de
l‘atelier. Elle appréciera les étirements, en position assise, car pour les effectuer, il faut que le
praticien apporte un vrai soutien avec le poids de son corps sur le dos, qui est ainsi sollicité
par une double mise en tension , verticale et horizontale. Lors de la dernière séance, nous
étions en position assise, lorsqu‘elle a interrompu le Do-in du dos, s‘est adossée de tout son
poids contre moi, et nous sommes restées ainsi pendant un temps, en contact. Puis elle a voulu
s‘allonger complètement, alors j‘ai accompagné son mouvement vers l‘arrière, avec mon
corps, pratiquant ainsi un étirement de Shiatsu qui se fait à partir de cette configuration, et qui
il a le double effet, l‘avant du corps étant relié à l‘arrière, d‘ouvrir l‘espace de la poitrine
tandis que le dos s‘étire.
L‘atelier a permis l‘émergence et le début de l‘apprentissage de l‘imitation spontanée et de
l‘intégration du geste de percussion avec les mains à plat, du Do-in. Dès la première séance de
Do-in, elle s‘est frotté le bras en me regardant faire ce geste. C‘était l‘esquisse d‘un geste
mais elle a été la seule à le faire dans le groupe. L‘imitation s‘est développée au fil des
ateliers, le geste est devenu plus coordonné et synchronisé. Elle s‘est aussi appropriée de la
qualité de celui-ci, sa frappe est forte et rapide comme la mienne82. La durée de l‘imitation
s‘est allongée. Elle est capable de le reproduire sur elle-même et sur les autres, spontanément
ou parce qu‘elle répond à mon invitation. Elle serre aussi mes bras, en me regardant, quand je
lui fais du shiatsu, j‘interprète ce geste comme une forme d‘appropriation. Ce processus
d‘imitation a favorisé la mise en place d‘une dynamique d‘interaction entre nous, et a permis
de faire émerger ses qualités de disponibilité à l‘apprentissage et à l‘interaction. Elle a aussi
généralisé ce geste : une éducatrice m‘a rapporté qu‘elle l‘a vu reproduire les percussions du
Do-in sur le dos d‘un enfant, en dehors du cadre de l‘atelier. Caroline est très sensible aux
percussions, qu‘elle apprécie beaucoup. Elle a, par ce biais, appris à généraliser la
communication non verbale pour entrer en interaction. Enfin, je pose l‘hypothèse que le geste
des percussions a été intégré parce qu‘il offrait une stimulation sensorielle de ses mains et
que l‘émergence de l‘imitation spontanée a été favorisée et alimentée par la sensorialité.
Depuis quelques mois, Caroline a en effet élargi ses intérêts sensoriels, en introduisant un
nouveau jeu, auquel elle s‘adonne avec intensité, que j‘appellerai le jeu des haricots. Il
consiste à prendre des haricots secs dans sa main droite, soulever la main et les faire tomber
82

Hochmann, J., «Imitation ou identification » , Revue Sésame 169, 1.er trimestre 2009 : « pour imiter le style
d’une action, il faut s’approprier quelque chose de l’intention et de l’état émotionnel d’autrui ».

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