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LES ATTITUDES « GAYFRIENDLY » EN FRANCE : ENTRE
APPARTENANCES SOCIALES, TRAJECTOIRES FAMILIALES ET
BIOGRAPHIES SEXUELLES
Wilfried Rault
Le Seuil | « Actes de la recherche en sciences sociales »
ISSN 0335-5322
ISBN 9782021295634
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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Wilfried Rault, « Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances
sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles », Actes de la recherche en
sciences sociales 2016/3 (N° 213), p. 38-65.
DOI 10.3917/arss.213.0038
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2016/3 N° 213 | pages 38 à 65
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Bar gayfriendly, quartier du Marais, Paris.
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Wilfried Rault
Wilfried Rault
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Les recherches en sciences sociales sur l’homosexualité
se sont développées en France depuis les années
1990. Cette évolution est étroitement liée à l’histoire
de l’acceptation sociale de l’homosexualité. Perçue
comme une déviance dans les années 1960, son statut
s’est transformé sous l’impulsion d’un mouvement de
reconnaissance amorcé dans les années 1970 – principalement aux États-Unis1 et qui s’est poursuivi depuis.
De nombreux changements du droit ont participé
de cette évolution : la levée des dernières mesures
discriminatoires concernant la sexualité au début des
années 1980, la reconnaissance progressive du couple
de même sexe par la création du pacs (1999) et plus
récemment l’ouverture du mariage aux couples gays
et lesbiens (2013). Les recherches sociologiques ont
accompagné ce mouvement. Dans un contexte de
visibilité nouvelle liée à la fois à l’essor du militantisme gay et lesbien et à l’expansion du sida dans
1. George Chauncey, « Après Stonewall, le
déplacement de la frontière entre le “soi”
public et le “soi” privé », Histoire et sociétés,
3, 2002, p. 44-59.
2. Michael Pollak et Marie-Ange Schiltz, Six
années d’enquête sur les homo- et bisexuels
masculins face au sida : livre des données,
Paris, EHESS/ANRS, 1991.
3. Christophe Broqua, Agir pour ne pas
mourir ! Act Up, les homosexuels et le sida,
Paris, Presses de Sciences Po, 2002.
4. Marie-Ange Schiltz, « Un ordinaire inso-
lite : le couple homosexuel », Actes de la
recherche en sciences sociales, 125, 1998,
p. 30-43 ; Wilfried Rault, L’Invention du Pacs.
Pratiques et symboliques d’une nouvelle
forme d’union, Paris, Presses de Sciences
Po, 2009 ; Jérôme Courduries, Être en
couple (gay). Conjugalité et homosexualité
masculine en France, Lyon, PUL, 2011.
5. Martine Gross (dir.), Homoparentalités,
état des lieux, Toulouse, Érès, 2005 ; Virginie Descoutures, Les Mères lesbiennes,
Paris, PUF, 2010.
les années 1980, elles ont d’abord consisté en des
enquêtes destinées à étudier la sexualité et les prises
de risque2 avant de s’étendre à d’autres dimensions :
l’engagement politique, en particulier dans la lutte
contre le sida 3, puis la conjugalité4 et la parentalité5
devenues des enjeux politiques. D’autres thématiques ont été progressivement investies : le rapport
à la religion6, l’appropriation des « quartiers gays »
par les personnes homosexuelles7, les identités et
modes de vie gays ou lesbiens8 ou encore les discriminations professionnelles9. La publication de dossiers
de revue10 et d’ouvrages de synthèse11 ont été également
une expression de ce relatif essor.
Dans un tel contexte, on aurait pu s’attendre
à une multiplication des recherches sur les perceptions
sociales de l’homosexualité et ses transformations.
Il existe certes des travaux sur l’acceptation de l’homosexualité en France. La plupart repose sur l’analyse
6. Martine Gross, « Être chrétien et homosexuel en France », Sociétés contemporaines, 71, 2008, p. 67-93.
7. Colin Giraud, Quartiers gays, Paris,
PUF, 2014.
8. Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne. Vie
de couple, sexualité, représentation de soi,
Paris, Payot, 2010.
9. Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, « Orientation sexuelle et écart de salaire sur le
marché du travail français : une identification
indirecte », Économie et statistique, 464-
ACTES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES
numéro 213 p. 38-65
465-466, 2014, p. 97-134.
10. « Homosexualités », Actes de la
recherche en sciences sociales, 125,
1998 ; « L’homosexualité à l’épreuve des
représentations », Histoire et sociétés, 3,
2002 ; « Lesbiennes », Genre, sexualité &
société, 1, 2009 ; « La construction sociale
de l’homosexualité », Genre, sexualité &
société, Hors-série 1, 2011.
11. Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch,
Sociologie de l’homosexualité, Paris,
La Découverte, 2013.
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Les attitudes « gayfriendly »
en France : entre appartenances
sociales, trajectoires familiales
et biographies sexuelles
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du vécu des gays et des lesbiennes. Ils mettent en
évidence une réalité multiforme : pouvant aller d’un
rejet explicite et violent à une acceptation, en passant
par des formes de tolérances intermédiaires continuant
de valoriser l’hétérosexualité comme forme supérieure
de sexualité. Deux dimensions sont généralement privilégiées : le rapport avec les proches, qu’il s’agisse des
amis ou de la famille, voire des collègues12 ou les effets
du rejet de l’homosexualité sur les trajectoires individuelles et la manière dont il affecte la santé – notamment psychologique13. Les attitudes de la population
dans son ensemble sont peu étudiées, ce qui contraste
avec un grand nombre de sondages d’opinion. Subordonnés à un contexte et à un intérêt politique et/ou
médiatique, ces derniers abordent le phénomène via
une question d’actualité (soutien ou rejet du pacs, du
« mariage pour tous », etc.). Cette démarche n’est pas
exempte d’une imposition de problématique et d’effets
de politisation14 au sens où les répondants savent qu’ils
font allégeance à une orientation politique suivant
la manière dont ils répondent. Plusieurs enquêtes
quantitatives ont toutefois introduit des indicateurs
permettant d’approcher le rapport de la population
à l’homosexualité. Généralement, leur exploitation
s’inscrit dans une perspective qui a davantage pour
finalité une étude plus générale des représentations
que le seul rapport à l’homosexualité15. Il s’agit alors
d’un indicateur d’une forme de « libéralisme moral »,
étudié en parallèle avec d’autres indicateurs, permettant d’aborder la manière dont les individus adhèrent
ou rejettent certaines transformations sociales relatives
à la vie privée, à la famille, au couple ou encore à la
sexualité16. La démarche permet d’élaborer des comparaisons européennes et des évolutions dans le temps
mais pas de rendre compte de multiples visages du
rapport à l’homosexualité, ni d’intégrer au raisonnement certaines caractérisations sociales relevant
davantage des parcours individuels que des seules
propriétés sociales.
12. Marie-Ange Schiltz, « Parcours de jeunes
homosexuels dans le contexte du VIH : la
conquête de modes de vie », Population,
52(6), 1997, p. 1485-1537 ; Wilfried Rault,
« Parcours de jeunes gays dans un contexte
de reconnaissance. Banalisation des expériences ou maintien des singularités ? »,
Agora débats/jeunesses, 57, 2011, p. 7-22 ;
Christelle Hamel, « Devenir lesbienne. Le parcours de jeunes femmes d’origine maghrébine », Agora débats/jeunesses, 60, 2012,
p. 93-105. Aspect également évoqué dans
plusieurs chapitres de l’ouvrage collectif
Jérôme Courduriès et Agnès Fine (dir.),
Homosexualité et parenté, Paris, Armand
Colin, 2014.
13. Christophe Falcoz et Audrey Bécuwe,
« La gestion des minorités discréditables : le
cas de l’orientation sexuelle », Travail, genre
40
et sociétés, 21, 2009, p. 69-89 ; François
Beck, Jean-Marie Firdion, Stéphane Legleye
et Marie-Ange Schiltz, « Risques suicidaires
et minorités sexuelles : une problématique
récente », Agora débats/jeunesses, 58,
2011, p. 33-46.
14. Pierre Bourdieu, « L’opinion publique
n’existe pas », Les Temps modernes, 318,
1973, p. 1292-1309 ; Daniel Gaxie, « Audelà des apparences… Sur quelques problèmes de mesure des opinions », Actes de
la recherche en sciences sociales, 81-82,
1990, p. 97-112.
15. Olivier Galland et Yannick Lemel, « La
stratification sociale des valeurs », in Pierre
Bréchon et Olivier Galland (dir.), L’Individualisation des valeurs, Paris, Armand Colin,
2010, p. 233-250.
16. Pour un exemple récent à propos de
Cet article vise, à partir d’un usage secondaire de
l’enquête Contexte de la sexualité en France réalisée
par l’Inserm et l’Ined et représentative de la population française de 18 à 69 ans17, à situer socialement
les attitudes gayfriendly en France. Cet anglicisme qui
n’a pas d’équivalent en français désigne dans notre
perspective une sympathie à l’égard des personnes
homosexuelles se traduisant par une forte acceptation
de l’homosexualité, une défense de l’égalité des sexualités et éventuellement une proximité relationnelle
avec les lesbiennes et gays. On tentera ainsi d’appréhender la gayfriendliness à travers une diversité de
visages que peut revêtir le rapport à l’homosexualité.
« Situer socialement » renvoie ici à deux démarches
complémentaires. La première consiste à explorer
l’existence d’affinités entre des attitudes gayfriendly et
des facteurs sociodémographiques classiques, et tout
d’abord des indicateurs de milieu social. Des prénotions nourrissent diverses représentations de l’acceptation sociale de l’homosexualité. Comme l’a souligné
Éric Fassin18 , du fait de la surreprésentation des
personnes homosexuelles dans les classes moyennes
et supérieures, visible dans les grandes enquêtes
quantitatives réalisées en population générale19 ou
auprès de vastes échantillons de convenance qui
reposent sur une participation volontaire20, on prête
parfois aux classes populaires de fortes résistances à
l’homosexualité et une propension à son acceptation
particulièrement faible. Suivant ce préjugé, « gays
et lesbiennes s’épanouiraient ou se concentreraient
dans un milieu moins hostile, d’où leur surreprésentation parmi les élites économiques et culturelles21 ».
La gayfriendliness serait ainsi l’apanage des catégories
supérieures. Ce type de représentation trouve des
expressions dans des visions particulièrement normatives des groupes sociaux, à l’image de celles mises en
avant par le géographe américain Richard Florida pour
qui les catégories supérieures gentrifieuses – qualifiées
de « classes créatives » – se caractériseraient par
la filiation : Jean-Hugues Déchaux et Nicolas Herpin, « Vers un nouveau modèle de
parenté », in P. Bréchon et O. Galland,
op. cit., p. 47-64.
17. Nathalie Bajos et Michel Bozon (dir.),
Nathalie Beltzer (coord.), Enquête sur la
sexualité en France. Pratiques, genre et
santé, Paris, La Découverte, 2008.
18. Éric Fassin, L’Inversion de la question
homosexuelle, Paris, Amsterdam, 2005.
19. Nathalie Bajos et Nathalie Beltzer, « Les
sexualités homo-bisexuelles : d’une acceptation de principe aux vulnérabilités sociales
et préventives », in N. Bajos et M. Bozon,
op. cit., p. 243-272 ; Guillemette Buisson
et Aude Lapinte, « Le couple dans tous ses
états. Non-cohabitation, conjoints de même
sexe, Pacs… », Insee Première, 1435, 2013.
20. Annie Velter (dir.), Rapport enquête
Presse Gay 2004, Paris, ANRS/InVS, 2007.
21. É. Fassin, op. cit., p. 73. Ce préjugé
laisse ainsi de côté d’autres hypothèses sur
cette surreprésentation. L’appartenance aux
classes moyennes et supérieures, par les
ressources économiques et sociales qu’elle
octroie, pourrait favoriser le fait d’être et
de se dire gay ou lesbienne. On peut aussi
faire l’hypothèse dans le prolongement des
observations de Pollak et Schiltz formulées
dès les années 1980, que l’expérience d’une
sexualité minoritaire stigmatisée contribue
à la constitution d’un capital favorisant une
autonomie personnelle, d’où la surreprésentation des gays et des lesbiennes dans les
classes moyennes et supérieures. De ces
deux mécanismes, qui peuvent se combiner,
on ne peut présumer une plus grande tolérance des classes supérieures.
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Wilfried Rault
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une forte tolérance qui ferait davantage défaut
aux autres groupes sociaux 22. On retrouve ici en creux
un stéréotype de genre associé aux classes populaires.
Traversées par « un machisme exacerbé ou un virilisme
suranné » qui leur serait propre23 les classes populaires
seraient caractérisées par des attitudes hostiles à toute
rupture avec des rôles de sexe et donc par un rejet
de l’homosexualité qui en est l’une des figures. On peut
se demander si la représentation de classes supérieures
plus acceptantes vis-à-vis de l’homosexualité n’est
pas issue de ces stéréotypes et raccourcis touchant
les classes populaires, dont sont ainsi niées la diversité
et la complexité axiologique.
D’autres facteurs sociodémographiques doivent
être explorés car ils sont susceptibles de jouer un rôle
important, au premier rang desquels le sexe et
la génération. L’homosexualité n’intervient pas de la même
manière dans la construction des identités de sexe
des hommes et des femmes. L’homosexualité masculine tend à être un repoussoir pour les hommes24 qui
n’a pas d’équivalent dans les mêmes termes pour
les femmes. On peut ainsi faire l’hypothèse que
la gayfriendliness ne revêt pas le même visage, qu’elle
est sexuée au sens où les femmes seraient plus enclines
à s’inscrire dans des postures tolérantes. De même, les
générations successives ont été socialisées dans des
contextes très distincts par rapport à l’homosexualité,
les plus anciennes ayant été soumises à des discours
sociaux (et notamment institutionnels, qu’ils émanent
des religions ou encore du politique) particulièrement
hostiles. Les plus récentes ont été exposées à une visibilité plus grande de l’homosexualité et à l’inscription
de l’avancée des droits sur les agendas médiatiques
et politiques25.
Il importe également de ne pas s’en tenir à des
facteurs sociodémographiques. Le rapport à la sexualité,
s’il est en partie façonné par des transmissions et des
socialisations liées à ces appartenances sociales, est
largement hétérogène et dépend aussi de représentations et d’expériences individuelles26. Dans un contexte
caractérisé par un desserrement des cadres
22. Richard Florida, The Rise of The Crea
tive Class, Basic Books, New York, 2002.
De tels discours ont accompagné la gentrification de certains quartiers de métropoles
occidentales où une mixité sociale – en
particulier sexuelle – est explicitement
valorisée par les politiques municipales
et/ou les gentrifieurs eux-mêmes (à propos
de Manchester : Mike Homfray, Provincial
Queens. The Gay and Lesbian Community
in the North-West of England, Berne, Peter
Lang, 2007 ; du South End à Boston : Sylvie
Tissot, De bons voisins. Enquête dans un
quartier de la bourgeoisie progressiste,
Paris, Raisons d’agir, 2011 (Londres/
New York, Verso, 2015). Désir de mixité
pour le moins ambigu puisqu’il est caractérisé par une volonté de contrôle de cette
diversité et circonscrit à certaines formes
d’expression. Voir Sylvie Tissot, “Loving
diversity/controlling diversity: exploring
the ambivalent mobilization of upper-middle-class gentrifiers, South End, Boston”,
International Journal of Urban and Regional
Research, 38(4), 2014, p. 1181-1194.
23. Christelle Hamel et Johanna Siméant,
« Genre et classes populaires », Genèses,
64, 2006, p. 2-4.
24. Isabelle Clair, « Le pédé, la pute et l’ordre
hétérosexuel », Agora débats/jeunesses, 60,
institutionnels de la sexualité, on observe une diversification
des trajectoires affectives et sexuelles, incarnée par
exemple par l’allongement d’une période de jeunesse
sexuelle, une plus grande déconnexion de la sexualité
de la conjugalité et de la procréation, un élargissement du répertoire sexuel et l’augmentation du nombre
de partenaires à l’échelle de la vie 27 ainsi que
la probabilité plus grande de vivre une séparation.
Ces expériences et cadres interpersonnels diversifiés
ont des effets sur les représentations de l’homosexualité. La nécessité de prendre en compte les expériences
individuelles est confortée par une enquête qualitative
conduite en 2013 dans le quartier gay du Marais à
Paris28. Fondée sur une démarche consistant à étudier
les modalités de la cohabitation entre populations
hétérosexuelles et homosexuelles dans ce quartier,
elle met en évidence diverses formes de gayfriend
liness entre acceptation active, voire militante,
et vague tolérance de principe et conditionnelle au sens
où seules certaines expressions de l’homosexualité
sont admises29. Elle montre également comment ces
attitudes sont liées à des expériences personnelles et
à des représentations de la sexualité et de l’intimité.
La proximité relationnelle de personnes homosexuelles
apparaît à la fois comme une composante variable
de cette gayfriendliness en même temps qu’elle peut
constituer une forme de socialisation à l’homosexualité. Plus largement le fait d’avoir vécu des expériences
relativement emblématiques de transformations de la
vie privée semble favoriser l’acceptation. Cet article
permettra de mettre à l’épreuve de telles observations
dès lors désindexées de leur contexte urbain.
Méthodes et données
L’enquête Contexte de la sexualité en France (dite CSF)
a été réalisée en 2005-2006 par téléphone auprès
d’un échantillon aléatoire de la population âgée de 18
à 69 ans composé de 12 364 individus (6 824 femmes
et 5 540 hommes). Les personnes interrogées sont
donc nées entre 1937 et 1988.
2012, p. 67-78 ; Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris,
Amsterdam, 2014 [1995].
25. Voir Janine Mossuz-Lavau, Les Lois de
l’amour. Les politiques de la sexualité en
France (1950-2002), Paris, Payot, 2002
[1991].
26. John Gagnon, Les Scripts de la sexualité. Essais sur les origines culturelles du
désir, Paris, Payot, 2008.
27. Michel Bozon, « Pratiques et rencontres
sexuelles : un répertoire qui s’élargit », in
N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 273-296 ;
Henri Léridon « Le nombre de partenaires :
un certain rapprochement entre les femmes
et les hommes, mais des comportements
encore très différents », in N. Bajos et
M. Bozon, op. cit., p. 315-332.
28. Sylvie Tissot, Colin Giraud, Wilfried
Rault et Mathieu Trachman, « Les hétéros
du Marais. Enquête sur la gayfriendliness »,
rapport pour la Mairie de Paris, CSU-CRESPPA, janvier 2014.
29. Par exemple, certain.e.s enquêté.e.s
nuancent un discours d’acceptation par
une hostilité à certaines manifestations
d’homosexualité telles que la présence
de lieux de sociabilités gays et lesbiens
dans leur quartier ou encore d’expressions
militantes explicites.
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Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Wilfried Rault
un questionnement plus abouti sur l’acceptation
de l’homosexualité grâce à plusieurs indicateurs
[voir encadré « Les variables permettant d’approcher le rapport
à l’homosexualité dans l’enquête CSF », ci-contre].
Seule la première interrogation de CSF est un
exemple typique de question d’opinion, proche de
celle qui figure dans de grandes enquêtes et sondages
d’opinion. Elle est peu « impliquante » pour le répondant qui doit se prononcer sur un principe abstrait.
Les possibilités de réponse renvoient à une gradation
susceptible de valoriser certains items explicitement formulés en termes d’égalité ou de tolérance.
La réponse à une telle question est en partie guidée
par la satisfaction qu’elle offre d’être en adéquation
avec une posture qui semble égalitaire. Le deuxième
indicateur est moins abstrait et traduit une position
nettement plus marquée en faveur de l’égalité
des sexualités : la question invite à se prononcer sur
une forme familiale tout à fait concrète : un couple
de même sexe avec des enfants 31. De ce point de
vue, la troisième question (Si un de vos enfants vous
apprenait qu’il/elle était homosexuel.le…) est d’une
nature différente puisqu’elle insère les répondants
dans un scénario précis les concernant personnellement. La diversité du questionnement et plus
particulièrement le renvoi à des situations vécues
doit permettre – sans pouvoir l’exclure totalement –
d’éviter un raisonnement fondé uniquement sur des
variables d’opinions trop superficielles et d’envisager
le rapport à l’homosexualité de manière plus incarnée,
en tentant de limiter les artefacts.
Enfin, on utilise également les questions qui
permettent de savoir si le réseau relationnel de la
personne enquêtée est composé de personnes lesbiennes
ou gays, leur exploitation étant conduite dans deux
perspectives. Dans un premier temps, on examine
dans quelle mesure cette proximité relationnelle est une
composante ou non des attitudes vis-à-vis de l’homosexualité. Dans un second, on examine si la présence
de gays et lesbiennes dans l’entourage est un facteur
associé à l’acceptation. Une variable synthétique a été
construite pour rendre compte de deux configurations.
On distingue ainsi un entourage dépourvu de personnes
homosexuelles ou presque et un entourage comprenant au moins quelques individus gays ou lesbiennes
[voir encadré « Construction de la variable sur la présence
de personnes gays et lesbiennes dans l’entourage », p. 44].
L’enquête appréhende aussi le rapport à l’homosexualité à travers deux autres indicateurs : le fait
d’avoir déjà eu au cours de la vie un rapport sexuel
avec une personne de même sexe, et d’avoir déjà été
30. Judit Takács et Ivett Szalma, “How to measure homophobia in an international comparison?”, Družboslovne razprave, 73, 2013, p. 11-42. 31. Les deux questions ont été
recodées de manière à créer une seule variable renvoyant au fait d’être favorable à l’homoparentalité, qu’elle concerne les femmes ou les hommes.
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Son questionnaire permet de prendre en compte
à la fois les caractéristiques sociodémographiques
des individus et des éléments de leurs trajectoires
biographiques, des représentations et expériences
de la conjugalité et de la sexualité dont on fait l’hypothèse dans le prolongement de l’enquête conduite dans
le Marais à Paris par Sylvie Tissot et al. qu’ils vont
de pair avec des formes d’acceptation de l’homosexualité. Les personnes enquêtées sont également
interrogées sur le fait de connaître des personnes
homosexuelles parmi leurs ami.e.s, collègues
et membres de la famille. Enfin, les questions relatives
à l’acceptation de l’homosexualité diffèrent en partie
de celles des grandes enquêtes quantitatives et
permettent d’en atténuer les écueils : leur unicité,
leur imprécision liée à leur degré d’abstraction et une
certaine polysémie. C’est le cas des enquêtes routinières telles que l’European Social Survey (ESS)
et l’European Value Survey (EVS) qui comportent
les questions suivantes : « L’homosexualité peut-elle
se justifier ? » (EVS) ou encore « Les homosexuels
hommes et femmes devraient être libres de vivre
leur vie comme ils le souhaitent ? » (ESS). Elles
permettent d’établir des comparaisons européennes
mais demeurent floues et particulièrement désincarnées pour appréhender la réalité du rapport à l’homosexualité. L’EVS présente un indicateur plus concret :
« Sur cette liste figurent différentes catégories de gens.
Voulez-vous m’indiquer s’il y en a que vous n’aimeriez
pas avoir comme voisins ? » [comprenant la catégorie
« Les homosexuels »]. Son exploitation comparative
sur 17 pays d’Europe fait apparaître des disparités
fortes dans le niveau d’acceptation et leur évolution
dans le temps30 mais l’exploitation d’une telle variable
dans une perspective orientée vers l’étude des attitudes
individuelles dans un seul pays est problématique
à plusieurs égards. Un tel indicateur est fortement enclin
à être traversé par des effets de désirabilité sociale.
De plus, son usage n’est pas envisageable quand seulement 6 % des répondants d’un échantillon modeste
(n = 3 071) font part d’une telle hostilité à avoir des
voisins homosexuels comme c’est le cas en France.
Enfin, cet indicateur fait davantage part d’un rejet
que d’une acceptation, il est de ce fait peu approprié
à une approche qui s’intéresse aux attitudes gayfriendly. Plus largement, la principale limite de ces enquêtes
tient au fait qu’elles sont, compte tenu de leur objectif, dépourvues d’éléments relatifs aux biographies
familiales et sexuelles dont on fait l’hypothèse qu’elles
jouent un rôle dans l’acceptation. L’enquête Contexte
de la sexualité en France propose de ce point de vue
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Les variables permettant
d’approcher le rapport à l’homosexualité
dans l’enquête CSF
À propos des rapports homosexuels,
diriez-vous plutôt que…
Un enfant peut être élevé par deux femmes
Un enfant peut être élevé par deux hommes
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Si un de vos enfants vous apprenait
qu’il/elle était homosexuel-le.
Imaginez que l’un de vos enfants vous apprenne
qu’il/elle est homosexuel-le…
Parmi les membres de votre famille proche,
combien de personnes homosexuelles
connaissez-vous ? [consigne enquêteur si nécessaire :
on entend par famille proche sœur, frère, oncle,
tante, fils, fille, mère, père, cousins]
Réponses proposées
C’est une sexualité comme une autre*
C’est le signe d’une sexualité libérée
C’est le signe d’un problème psychologique
C’est une sexualité contre nature
Ne sait pas
Refus de répondre
Tout à fait d’accord
Plutôt d’accord
Plutôt pas d’accord
Pas d’accord du tout
Ne sait pas
Refus de répondre
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Intitulé
Vous l’accepteriez sans problème
Cela vous poserait des problèmes
Vous ne l’accepteriez pas
Ne sait pas
Refus de répondre
Saisie d’un nombre
Ne sait pas
Refus de répondre
Et parmi vos amis ? Et parmi vos collègues ?
*Seule cette première possibilité a été isolée dans la cadre de la dichotomisation, pour des raisons explicitées par Nathalie Bajos et Nathalie Beltzer,
« Les sexualités homo-bisexuelles : d’une acceptation de principe aux vulnérabilités sociales et préventives », in Nathalie Bajos et Michel Bozon (dir.),
Nathalie Beltzer (coord.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008. Si à l’origine pour l’équipe
de recherche, le deuxième item renvoyait à une attitude positive, l’examen des réponses l’a conduit à l’envisager différemment.
43
Wilfried Rault
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Cette variable synthétique est construite à partir de trois
questions posées dans l’enquête Contexte de la sexualité
en France : Parmi les membres de votre famille proche,
combien de personnes homosexuelles connaissez-vous ?
[consigne enquêteur si nécessaire : on entend par famille
proche sœur, frère, oncle, tante, fils, fille, mère, père,
cousins] Et parmi vos amis ? Et parmi vos collègues ?
Les relations amicales se distinguent des deux
autres types du fait de leur caractère plus électif. On a
ainsi fait le choix de les pondérer légèrement différemment dans la construction de la variable synthétique,
en leur affectant davantage d’importance :
Chaque ami-e déclaré-e compte pour un point
Une ou deux personne(s) de la famille ou collègue(s) :
un point
Plus de deux personnes de la famille ou/et collègues :
deux points
Entourage nul ou faible : [0-1 point]
Entourage moyen ou fort : [2 points et plus]
44
Ainsi un-e enquêté-e déclarant deux ami-e-s homosexuel-le-s
présente suivant cette classification un entourage dont
la présence en personnes gays et lesbiennes est dite
« moyenne ou forte », un-e enquêté-e qui déclare deux
collègues homosexuel-le-s entre dans la catégorie
« entourage nul ou faible ». Il se peut qu’un collègue soit
un ami et que la déclaration d’un ami et d’un collègue
aboutisse à classer abusivement dans le groupe « moyen
ou fort » une personne n’ayant qu’une personne lesbienne
ou gay dans son entourage. L’enquête ne permet pas
de saisir cette configuration. De la même manière,
il n’est pas possible de cerner le degré de proximité
entre les répondant-e-s et les personnes citées dans
leur entourage.
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Construction de la variable
sur la présence de personnes gays
et lesbiennes dans l’entourage
attiré par une personne de même sexe. Compte tenu
du faible pourcentage de personnes concernées 32 ,
ces questions n’ont pas été retenues pour l’analyse.
Cette diversité d’indicateurs permet la réalisation
d’une classification ascendante hiérarchique susceptible
de rendre compte de plusieurs types de rapport
à l’homosexualité [voir encadré « La classification ascendante
hiérarchique (CAH) », p. 46].
Des rapports pluriels à l’homosexualité
La classification hiérarchique opérée sur la population
étudiée (n = 10 31633) fait apparaître six classes
distinctes qui traduisent des rapports différents
à l’homosexualité, en fonction de la manière dont
s’articulent les attitudes vis-à-vis de l’homosexualité
(en particulier acceptations de principe et pratique) et la
proximité relationnelle de personnes gays et lesbiennes.
Les classes sont présentées suivant une gradation
de l’acceptation, qui ne recoupe que partiellement
la proximité relationnelle.
Une distance absolue
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Une première classe, qui rassemble plus d’un quart
de la population, est caractérisée par une distance
à l’homosexualité aux antipodes d’une gayfriendliness
affirmée. Elle est structurée par le fait de ne pas considérer l’homosexualité comme une sexualité « comme
une autre », de ne pas avoir un point de vue assuré en
faveur de l’homoparentalité, de faire part de sa difficulté à accepter l’éventuelle annonce par l’un de ses
enfants qu’il ou elle est homosexuel et un éloignement
relationnel puisque les personnes gays et lesbiennes
sont absentes ou faiblement présentes dans les réseaux
de ces personnes. Tous les indicateurs d’une proximité
et d’une sympathie avec l’homosexualité traduisent un
éloignement. Ce groupe se caractérise par une aspiration
au maintien de la hiérarchie des sexualités voire
une certaine phobie de l’homosexualité34.
La composition de cette première classe présente
des caractéristiques fortes [voir tableau 1, p. 48-50]. Trois
facteurs principaux influencent la probabilité d’appartenir à ce groupe. La place de la religion dans la vie
des individus est très caractéristique : le fait d’avoir une
religion et d’y attacher de l’importance y est particulièrement présent (près de 43 % vs 29 % pour l’ensemble).
De manière révélatrice, ce groupe capte près de 40 %
des « religieux affirmés » alors que cette première
32. 4 % des femmes et 4,1 % des hommes
ont déclaré avoir déjà eu une relation avec
une personne de même sexe au cours de
la vie. Ce pourcentage est inférieur à 2 %
si on exclut les personnes qui se déclarent
homosexuelles. Concernant l’attirance pour
une personne de même sexe, 6,2 % des
femmes et 3,9 % des hommes déclarent
avoir déjà été attirés par une personne de
même sexe. Ces pourcentages sont nettement plus faibles si on exclut les personnes
qui se déclarent homosexuelles.
classe rassemble 26,5 % de la population générale.
Symétriquement, moins de 18 % de l’ensemble des
« sans religion » appartiennent à ce groupe (vs 30 %
de l’ensemble). La génération est la deuxième modalité
la plus caractéristique de cette classe : les 50-69 ans
y sont nettement plus nombreux que les plus jeunes
(45,5 %). C’est moins un effet d’âge que de génération qui semble intervenir ici (voir infra). Enfin,
une troisième modalité intervient fortement, le sexe.
Cette classe est plus largement composée d’hommes
(plus de 60 %). Près du tiers de l’ensemble des hommes
figurent dans cette classe.
Les indicateurs de milieux sociaux donnent
également à voir des disparités assez nettes : les
personnes peu ou pas diplômées et les ouvriers sont
un peu plus présents dans cette classe. Ceux et celles
dont la mère n’a jamais travaillé sont également
plus nombreux dans ce groupe (27,3 % vs 22,4 %).
Cette classe rassemble un tiers des personnes dans cette
situation. Plus qu’un indicateur de classe sociale, c’est
peut-être l’effet d’une socialisation familiale caractérisée par des rôles sexués qui s’exerce ici. De fait, à cette
observation fait écho un attachement marqué à une
éducation sexuée. Enfin, de manière plus secondaire,
des éléments de trajectoires conjugales et sexuelles interviennent également. Cette classe est caractérisée par des
trajectoires et des représentations qui contrastent avec la
diversification des parcours individuels qui est à l’œuvre
dans ces deux sphères depuis plusieurs décennies.
Le fait d’avoir eu plusieurs partenaires sexuels à l’échelle
de la vie et d’avoir déjà vécu une séparation sont moins
fréquents dans ce groupe.
Une régression logistique modélisant le fait d’être
dans cette classe [voir tableau 2, p. 51-52] et permettant
de vérifier l’effet de chacune des variables étudiées
à effet constant des autres variables confirme l’importance de tous ces facteurs. Ce groupe s’apparente à une
figure historique de rejet de l’homosexualité, incarnée
par les générations les plus anciennes, ancrées dans
la religion, peu au contact de l’homosexualité comme
réalité et pour qui elle demeure une anomalie.
Distance relationnelle et vague
acceptation de principe
La deuxième classe est structurée par des positions
assez semblables : peu ou pas de lesbiennes ou de gays
dans l’entourage, une crainte exprimée à l’idée d’avoir
un enfant homosexuel, pas de prise de position favorable
33. Le raisonnement a été mené sur les
répondants au questionnaire long (excluant
les passations par téléphone portable), certaines questions ne figurant que dans cette
version de l’enquête. Par ailleurs, on a exclu
de l’analyse les personnes qui se définissent
explicitement comme homosexuelles.
34. Certaines attitudes sont en effet
particulièrement hostiles si on entre dans
le détail des items défavorables.
45
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Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Wilfried Rault
La classification ascendante
hiérarchique (CAH)
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Variables structurantes
Les quatre variables structurantes d’un rapport à l’homosexualité ont été utilisées pour construire des classes.
Elles ont été dichotomisées de façon à rendre compte
des attitudes qui sont favorables à l’homosexualité, avec
le moins d’ambigüité possible.
Variables illustratives
Les variables illustratives (ou « supplémentaires ») ne
sont pas directement constitutives des classes issues de
la CAH. Leur introduction permet de saisir leur éventuelle
sous- ou surreprésentation et de caractériser les classes
distinguées.
Variables sociodémographiques
Sexe
Génération (trois cohortes de naissance correspondant
aux trois classes d’âges : 18-34/35-49/50-69)
Profession (11 postes)
Profession du père et de la mère (6 postes)
Niveau d’éducation (4 postes)
46
Variables relatives aux trajectoires individuelles :
certaines renvoient à des systèmes de croyances
et de représentations, d’autres à des expériences plus
concrètes, notamment dans le domaine de la famille et
de la sexualité dont on fait l’hypothèse ici qu’elles sont
enclines à s’articuler différemment avec diverses formes
de rapport à l’homosexualité.
Rapport à la religion (3 catégories)
Nombre de partenaires à l’échelle de la vie (3 classes)
Fait d’avoir déjà eu un rapport sexuel avec un partenaire
qui n’avait aucune importance
Fait de dissocier sexualité et sentiment
Avoir déjà eu deux relations sexuelles en parallèle dans
la vie
Opinion sur le fait qu’aujourd’hui, les filles et les garçons
sont élevés de la même manière
Être parti à 18 ans ou avant du domicile parental
Avoir (eu) des parents qui se sont séparés pendant
l’enfance ou l’adolescence
Avoir déjà vécu en couple et connu une séparation
L’appartenance à chacun de ces groupes fait ensuite
l’objet d’une régression logistique permettant de confirmer l’importance de certains facteurs à effet constant
des autres variables. Certaines d’entre-elles ont été
extraites de la modélisation en raison de la redondance
qu’elles ont avec des variables du modèle2.
1. L’auteur remercie Bénédicte Garnier et Elisabeth Morand
(Ined) pour leur appui méthodologique.
2. Le niveau d’éducation, susceptible d’être redondant avec
la PCS et les professions des parents a été exclu, ainsi que
le fait d’avoir déjà eu « deux relations en parallèle ».
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La CAH1 est une méthode de classification qui a pour
objectif de créer des groupes d’individus (clusters)
aussi homogènes que possible, à partir d’un nombre de
variables choisies au préalable. Il convient dans un premier
temps de construire les fondements de la classification
suivant des variables structurantes les plus pertinentes.
Dans notre perspective, on retient celles qui traduisent
des rapports à l’homosexualité et qui permettent de
distinguer les attitudes gayfriendly. La classification
regroupe des individus en fonction de leur proximité
(mesurée par la distance du chi-2). L’agrégation
des différents groupes repose sur la méthode de ward.
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à l’homoparentalité, mais – et c’est ce qui distingue
ce groupe du précédent, des rapports homosexuels
considérés comme une « sexualité comme une autre ».
Alors que cette classe représente 12 % de l’ensemble,
22,7 % des personnes qui optent pour cet item (« comme
une autre ») appartiennent à cette classe. On peut considérer qu’il s’agit d’un rapport à l’homosexualité marqué
par la distance et une acceptation minimale hétéro-sexiste
au sens où l’acceptation de principe se combine avec des
positions qui infériorisent l’homosexualité par ailleurs.
Les items favorables des indicateurs les plus ancrés dans
des réalités concrètes (questions 2 et 3) sont unanimement rejetés. On peut dès lors se demander quelles
sont les caractéristiques de cette attitude caractérisée
par une seule et vague acceptation de principe.
Elles sont nettement moins marquées que dans
la configuration précédente au sens où peu de modalités
jouent un rôle particulièrement saillant. On observe
d’abord des éléments de trajectoires individuelles,
les mêmes qui caractérisaient le groupe précédent.
Expérience d’une séparation plus rare, nombre de partenaires sexuels en-deçà de la moyenne : d’une façon
générale, les itinéraires relativement conventionnels sont
plus caractéristiques de cette classe. Les professions
exercées par les parents ne jouent pas d’influence nette.
C’est un peu différent en ce qui concerne la catégorie
socioprofessionnelle des répondants. Par rapport au fait
d’être cadre du privé (valeur de référence) le fait d’être
dans l’autre catégorie de cadres (du public), d’exercer une profession intermédiaire, d’être commerçant
ou chef d’entreprise, mais aussi ouvrier non qualifié
augmente la probabilité d’être dans ce groupe. Il s’agit
d’une forme de rapport à l’homosexualité davantage
située dans les catégories moyennes et supérieures
et plus caractéristique des hommes. Elle est peu marquée
en termes de générations et de religion.
Une familiarité relationnelle,
aucune acceptation pratique
La troisième classe se situe désormais dans un contexte
où l’homosexualité fait davantage partie du quotidien des individus au sens où est déclaré un certain
nombre de personnes homosexuelles dans les entourages (professionnel, familial, amical, lesdites sociabilités pouvant être concentrées davantage sur l’une
de ces sphères). De ce fait, on pourrait s’attendre
à ce que ce capital social aille de pair avec une forte
acceptation. C’est précisément l’inverse qui caractérise cette petite classe (11,1 % des effectifs totaux).
La perspective d’avoir un enfant homosexuel suscite
une appréhension, l’homoparentalité aucune adhésion
marquée. Quant à l’indicateur le plus vague, celui de
l’acceptation de principe, les deux postures distinguées
se retrouvent dans des proportions assez similaires.
Comme pour les deux premières classes, on observe
une absence d’adhésion aux items dépassant une vague
acceptation de principe mais ici, cette posture hostile
s’ancre donc dans un environnement plus familier
à l’homosexualité. Plus d’un tiers (35,1 %) de celles
et ceux qui font part d’un entourage constitué d’un certain
nombre de personnes homosexuelles dans l’ensemble
de la population sont d’ailleurs dans ce groupe.
Cette classe est d’abord caractérisée par son
positionnement social : l’appartenance à des milieux
aisés y est plus présente. Avoir un haut niveau
de diplôme (33,5 % des personnes de ce groupe
vs 22,5 % de l’ensemble de l’échantillon), être cadre ou
avoir une profession intellectuelle supérieure (18,6 %
vs 12,5 %), des parents de cette même catégorie
(22,8 % vs 14,3 % pour le père, 9,2 % vs 5,1 % pour
la mère) sont caractéristiques. Par contraste, les ouvriers,
22,1 % de l’ensemble de la population, sont peu présents
dans ce groupe : 14,2 %, les disparités étant également
marquées pour les fils et filles d’ouvriers.
Un autre type de caractéristique est davantage
représenté : celui qui renvoie à des parcours sexuels
assez emblématiques de la diversification contemporaine de la sexualité. Avoir eu un nombre relativement
élevé de partenaires sexuels, des rapports sans lendemain ou encore deux relations en parallèle est plus
fréquent dans cette classe que dans l’ensemble, et
beaucoup plus que dans les deux classes déjà présentées. Si l’on compare cette classe avec la « distance
absolue », on observe des contrastes particulièrement
forts sur ces points : 44 % ont eu plus de cinq partenaires contre 30 % dans le premier groupe, 43,4 %
dissocient sexualité et sentiment (contre 28,1 %), 38 %
ont déjà eu un rapport sans lendemain (contre 22,5 %).
En revanche, tout ce qui renvoie aux trajectoires
familiales et conjugales, approchées notamment par le
fait d’avoir vécu une séparation ou celle de ses parents,
n’est pas caractéristique. Dans ce groupe, un certain
libéralisme dans le domaine des comportements
sexuels – et circonscrit à l’hétérosexualité – contraste
avec des trajectoires individuelles qui renvoient peu
aux transformations contemporaines de la famille.
La régression logistique réalisée sur ce groupe
montre que le sexe et la génération n’exercent pas
d’influence significative. En revanche, elle conforte
l’ancrage relatif de ce groupe dans des milieux favorisés et dans des trajectoires individuelles caractérisées
par un rapport à la sexualité plutôt libéral (fait d’avoir
eu un grand nombre de partenaires et un rapport
sans lendemain). Plus caractéristique des classes
supérieures que des autres groupes sociaux, cette
combinaison entre un libéralisme pour soi et un rejet
de l’homosexualité malgré une certaine familiarité va
de pair avec la promotion du principe de différenciation
47
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Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Wilfried Rault
Tableau 1a
ensemble
Groupe 1.
distance absolue
2. distance relationnelle
et vague acceptation
de principe
3. familiarité relationnelle
aucune acceptation pratique
4. distance relationnelle
et acceptation pratique
5. proximité relationnelle
et acceptation pratique
6. forte acceptation
de principe, acceptation
pratique, diversité
relationnelle
Rapports de la population à l’homosexualité
(classes issues de la CAH et variables actives)
10 316
2 265
1 205
1 238
2 155
1 543
1 910
100
26,5
12
11,1
20,7
12,3
17,3
Effectifs
variables
constitutives/poids
« une sexualité comme une autre »
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oui
52,9
0
100
48,1
61,7
76,6
76,9
autre réponse
47,1
100
0
51,9
38,3
23,4
23,1
« un enfant peut-être élevé par deux femmes/hommes »
tout à fait d’accord
17,3
0
0
0
0
0
100
autre réponse
82,7
100
100
100
100
100
0
si un de vos enfants vous apprenait qu’il/elle…
vous l’accepteriez
sans problème
45,9
0
0
0
100
100
74,2
autre réponse
54,1
100
100
100
0
0
25,8
homosexualité dans l’entourage
48
nulle ou faible
68,3
100
100
0
100
0
47,7
moyenne ou forte
31,7
0
0
100
0
100
52,3
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variables actives
Tableau 1b
ensemble
Groupe 1.
distance absolue
2. distance relationnelle
et vague acceptation
de principe
3. familiarité relationnelle
aucune acceptation pratique
4. distance relationnelle
et acceptation pratique
5. proximité relationnelle
et acceptation pratique
6. forte acceptation
de principe, acceptation
pratique, diversité
relationnelle
Rapports de la population à l’homosexualité
(classes issues de la CAH et variables illustratives)
hommes
49,3
60,3
53,9
53,8
41,3
43,5
40,2
femmes
50,7
39,7
46,1
46,2
58,7
56,5
59,8
18-34
33,3
24,9
35,3
33,2
35
42,7
36
35-49
32,5
29,6
31,6
34,2
31,4
32,7
37,7
50-69
34,2
45,5
33,1
32,6
33,6
24,6
26,3
agriculteur
2,3
4,6
1,5
2,9
0,9
0,9
1,8
artisan, commerçant,
chef d'entreprise
5,5
6,2
7
6,4
4,5
4,9
4,1
prof. intellectuelle, cadre
sup. public, prof. libérale
5,8
3,8
6,4
8,2
4
8,9
6,8
cadre des entreprises
6,7
6,3
5,3
10,4
5,2
9,6
5,7
instit, intermédiaire
du public
5,7
4,1
6,4
6,5
5,4
7,1
6,3
intermédiaire santé
et travail social
4
2,1
4,3
6,2
3,9
5,3
4,5
intermédiaire
des entreprises
12,4
11,7
11,8
16,4
11,6
13,8
11,3
employé bureau
et secteur public
17,5
14,9
16,8
14,4
21,1
18,1
19,3
employé commerce
et services
10,2
10,2
9,2
7,1
12,1
8,1
11,9
ouvrier qualifié
variables illustratives
sexe
âge
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15,2
21,3
14,9
10,9
13,8
9,9
14,6
ouvrier non qualifié
6,9
8,4
7,5
3,3
8,6
4,4
6,3
au foyer
1,4
2,2
1,4
1,1
1,4
0,8
1,2
en étude
6,4
4,1
7,6
6,2
7,5
8,3
6,4
sans diplôme,
niveau de base
14,8
20,9
12,8
8,2
15,9
8,6
14
intermédiaire incomplet
38,9
42,6
39,9
33,3
41,6
30,8
38,9
intermédiaire complet
24,1
20,8
24,4
25
23,7
29,6
24,1
supérieur
22,2
15,7
21,9
33,5
18,8
31
23,1
agriculteur
9,8
15,2
8,9
9,6
8
6,8
7,3
artisan, commerçant,
chef d’entreprise
12
12,1
11,5
14,1
11,2
13,1
11,1
cadre, profession
intellectuelle supérieure
14,3
9,7
13,6
22,8
12,4
21
14,2
profession intermédiaire
10
7,8
10,2
11,1
10
12,9
10,4
employé
14,8
13,8
17,7
12,1
14,1
14,8
16,7
ouvrier
38,8
41,4
38
30,3
43,7
31,3
40,3
0,3
0,1
0,1
0
0,7
0,1
0
diplôme (voir encadré p. 58)
cs père
jamais travaillé
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cs répondant
ensemble
Groupe 1.
distance absolue
2. distance relationnelle
et vague acceptation
de principe
3. familiarité relationnelle
aucune acceptation pratique
4. distance relationnelle
et acceptation pratique
5. proximité relationnelle
et acceptation pratique
6. forte acceptation
de principe, acceptation
pratique, diversité
relationnelle
Wilfried Rault
agricultrice
8,4
13,2
7,9
7,5
6,4
5,7
6,5
artisane, commerçante,
cheffe d’entreprise
6,6
7
5,3
7,2
7,2
6,7
5,6
cadre, profession
intellectuelle supérieure
5,1
2,4
3,8
9,2
4,2
9
6,1
cs mère
7,8
4,7
10
9,6
6,8
11,1
8,6
employée
28,8
24,3
31,8
28,1
27,9
35,2
30,7
ouvrière
20,9
21,1
19
17,4
25
16
22,7
jamais travaillé
22,4
27,3
22,1
21
22,5
16,4
19,8
profession intermédiaire
religion
29
42,8
26,1
29,7
24,9
20,9
20,1
oui, peu ou pas
importante
40,3
36,9
43
43,1
43,2
39,3
39
sans religion
30,7
20,3
30,9
27,2
31,9
39,8
40,9
oui, et importante
oui
27,7
20,6
22,2
30,3
26,8
39,3
33,8
non
72,3
79,4
77,8
69,7
73,2
60,7
66,2
oui
19,4
17,8
17
18,6
20,1
21,9
24,2
non
80,6
82,2
83
81,4
79,9
78,1
75,8
avoir des parents séparés
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parti à 18 ans de chez les parents
oui
18,2
16,6
13,9
18,1
18,2
21,5
21,5
non
81,8
83,4
86,1
81,9
81,8
78,5
78,5
nombre de partenaires sexuels (vie)
aucun ou un
28,6
37,7
31
22,1
30,1
17,7
23,4
deux à cinq
37,8
32,3
39,1
34,1
43,4
39,3
40,1
six et plus
31,5
30
29,9
43,9
26,5
43,1
36,5
dissocier sexualité et sentiment
oui
36,8
28,1
36,8
43,4
32,7
46,6
43,9
non
63,2
71,9
63,2
56,6
67,3
53,4
56,1
avoir déjà eu deux relations en parallèle
oui
20,5
16,5
17
28,9
15
29
24
non
79,5
83,5
83
71,1
85
71
76
avoir déjà eu un rapport sans lendemain
oui
28,1
22,5
27,4
38
23,7
36
30,2
non
71,9
77,5
72,6
62
76,3
64
69,8
une très bonne chose
38,8
30,9
35,6
33,1
40,1
41,6
51,6
autre réponse
61,5
69,1
64,4
66,9
59,9
58,4
48,4
éducation non sexuée
Source : Contexte de la sexualité en France, Inserm-Ined, 2006.
Champ : Hommes et femmes âgées de 18 à 69 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.
Lecture : La colonne en gras représente les tris-croisés pour l’ensemble de l’échantillon (après application de la pondération). 52,9 % des 18-69 ans
considèrent que l’homosexualité est une sexualité « comme une autre ».
Dans le 6e groupe issu de la CAH, 40,9 % des individus se déclarent « sans religion ». La colonne en gras indique que les « sans-religion » représentent
30,7 % de l’ensemble de la population étudiée (18-69 ans).
50
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avoir déjà vécu en couple et connu une séparation
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Tableau 2
Régressions logistiques modélisant l’appartenance à chaque classe de la CAH
vs l’ensemble des autres classes
groupe 1
groupe 2
groupe 3
groupe 4
groupe 5
groupe 6
odds
ratio
p
odds
ratio
p
odds
ratio
p
odds
ratio
p
odds
ratio
p
odds
ratio
p
hommes
2,21
***
1,33
***
1,04
ns
0,75
***
0,65
***
0.57
***
femmes
réf.
sexe
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
âge
18-34
0,85
35-49
réf.
50-69
1,45
*
0,98
ns
réf.
0,96
ns
réf.
1,07
ns
réf.
1,35
***
réf.
0,92
ns
réf.
***
1
ns
0,92
ns
1,05
ns
0,8
***
0,69
***
cs répondant (13 postes)
agriculteur
1,8
***
0,68
ns
1,03
ns
0,49
***
0,39
***
1,34
ns
artisan,
commerçant,
chef d’entreprise
1,18
ns
1,79
***
0,81
ns
0,99
ns
0,65
**
0,9
ns
cadre sup public,
prof. Intellectuelle,
libérale
0,78
ns
1,55
**
0,93
ns
0,82
ns
0,96
ns
1,23
ns
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
0,89
ns
1,59
**
0,87
ns
1,05
ns
0,84
ns
1,11
ns
intermédiaire santé
et travail social
0,66
*
1,57
**
1,2
ns
1,08
ns
0,78
ns
1,05
ns
intermédiaire
des entreprises
1,09
ns
1,23
ns
0,95
ns
1,11
ns
0,74
**
1,01
ns
employé bureau
et secteur public
1,04
ns
1,36
ns
0,64
***
1,37
***
0,7
***
1,13
ns
employé commerce
et services
1,35
**
1,33
ns
0,56
***
1,28
*
0,52
***
1,2
ns
ouvrier qualifié
1,54
***
1,19
ns
0,51
***
1,09
ns
0,5
***
1,26
*
ouvrier
non qualifié
1,35
*
1,43
**
0,35
***
1,48
***
0,49
***
1,09
ns
en étude
0,89
ns
1,44
**
0,7
**
1,4
**
0,77
***
1,06
ns
au foyer
2,16
***
1,41
ns
0,58
*
0,92
ns
0,44
**
0,89
ns
agriculteur
1,16
ns
0,77
ns
1,48
*
1
ns
0,99
ns
0,67
**
artisan,
commerçant,
chef d’entreprise
0,93
ns
0,91
ns
1,38
**
0,96
ns
1,13
ns
0,89
ns
cadre, profession
intellectuelle sup.
0,79
**
0,83
ns
1,59
***
1,08
ns
1,2
ns
0,8
**
profession
intermédiaire
0,92
ns
0,82
*
1,18
ns
1,14
ns
1,19
ns
0,89
ns
employé
réf.
ouvrier
0,94
ns
0,96
ns
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cadre entreprise
instit, intermédiaire
du public
cs père
réf.
ns
0,86
réf.
*
1,06
réf.
ns
1,19
réf.
**
1,01
51
Wilfried Rault
groupe 1
groupe 2
groupe 3
groupe 4
groupe 5
groupe 6
agricultrice
0,98
ns
1,16
ns
0,74
ns
0,87
ns
1,2
ns
1,21
ns
artisane,
commerçante,
cheffe d’entreprise
1,02
ns
0,78
ns
0,94
ns
1,28
**
1,1
ns
0,88
ns
cadre, profession
intellectuelle sup.
0,51
***
0,75
ns
1,67
***
0,77
*
1,69
***
1,17
ns
profession
intermédiaire
0,66
***
1,38
**
1,14
ns
0,84
ns
1,35
**
1,06
ns
employée
0,87
*
1,13
ns
1,02
ns
0,91
ns
1,34
***
1
ns
ouvrière
0,86
**
0,91
ns
0,99
ns
1,16
**
0,96
ns
1,13
ns
jamais travaillé
réf.
cs mère
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
religion
oui, et importante
2,52
***
0,87
*
1,35
***
0,72
***
0,67
***
0,52
***
oui, peu ou
pas importante
1,31
***
1,08
ns
1,3
***
1,02
ns
0,84
***
0,72
***
sans religion
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
avoir déjà vécu en couple et connu une séparation
oui
0,72
non
réf.
***
0,78
***
réf.
0,94
ns
réf.
1,01
ns
réf.
1,54
***
réf.
1,25
***
réf.
oui
1
non
réf.
ns
0,84
*
réf.
0,91
ns
réf.
1
ns
réf.
0,98
ns
réf.
1,21
***
réf.
parti à 18 ans de chez les parents
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oui
0,91
non
réf.
ns
0,77
**
réf.
1,02
ns
réf.
0,98
ns
réf.
1,21
**
réf.
1,16
**
réf.
nombre de partenaires sexuels (vie)
aucun ou un
1,49
deux à cinq
réf.
six et plus
1,11
***
1,06
ns
réf.
ns
0,9
ns
réf.
0,9
*
réf.
0,69
***
réf.
0,85
**
réf.
0,82
*
1,29
***
0,72
***
1,18
*
1,05
ns
0,97
ns
1,04
ns
0,93
ns
1,23
***
1,43
***
dissocier sexualité et sentiment
oui
0,68
non
réf.
***
réf.
réf.
réf.
réf.
réf.
avoir déjà eu un rapport sans lendemain
oui
0,71
non
réf.
**
1,08
ns
réf.
1,29
***
réf.
0,95
ns
réf.
1
ns
réf.
0,92
ns
réf.
éducation non sexuée
une très bonne
chose
0,73
autre réponse
réf.
Effectifs
(classe vs reste
de l’échantillon)
2 265
***
0,87
**
réf.
8 051
1 205
0,73
***
réf.
9 111
1 238
1,06
ns
réf.
9 078
2 155
1,03
ns
réf.
8 161
1 543
1,78
***
réf.
8 773
1 910
8 406
Source : Contexte de la sexualité en France, Inserm-Ined, 2006.
Champ : Hommes et femmes âgées de 18 à 69 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.
Lecture : Une valeur d’odds ratio statistiquement significative et supérieure à 1 indique que, pour la modalité étudiée, par rapport à la modalité de
référence de la variable considérée, le facteur accroît les chances d’appartenir au groupe modélisé. Plus l’odds ratio est éloigné de 1, plus l’influence
du facteur auquel il est associé est importante.
Légende : ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10, - si non significatif.
52
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avoir des parents séparés
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Une distance relationnelle, une acceptation pratique
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La quatrième classe, deuxième par son importance
numérique (20,7 % de l’échantillon), est, contrairement à la précédente, structurée par la distance
relationnelle à l’homosexualité du fait de la faiblesse
de gays et de lesbiennes dans les réseaux de sociabilité.
Elle diffère sur un autre point : l’acceptation, systématique, d’un enfant homosexuel. Sur la totalité des
personnes qui indiquent qu’elles accepteraient sans
problème l’homosexualité de leur enfant (45,9 % de la
population étudiée), 45 % sont dans cette quatrième
classe. Le point de vue de principe sur les rapports
homosexuels relevant d’une sexualité « comme une
autre » n’est pas homogène : un peu plus de la moitié
des personnes de ce groupe y souscrivent (61,7 %).
Qu’est-ce qui caractérise cette acceptation
« pragmatique » au sens où elle est caractérisée par
un contraste entre une tolérance pratique et la faiblesse
du nombre de gays et lesbiennes dans l’entourage ?
Elle émane davantage des femmes, contrairement
aux postures hostiles précédentes qui surreprésentaient les hommes. Ce groupe est peu corrélé à l’appartenance générationnelle. Au regard de la régression
logistique réalisée, les éléments de trajectoire interviennent peu comme des facteurs favorisant la probabilité d’être dans ce groupe, à une exception près :
le fait d’avoir déclaré un nombre élevé de partenaires
diminue la probabilité de relever de ce groupe. Ce sont
le sexe, une certaine distance vis-à-vis de la religion et
les indicateurs de milieux sociaux qui semblent les plus
caractéristiques : par rapport au fait d’être cadre des
entreprises, être cadre du public diminue la probabilité
de figurer dans ce groupe, être employé de bureau
ou ouvrier non qualifié l’augmente significativement.
Le fait d’avoir eu un père ou/et une mère ouvrier joue
aussi dans ce sens.
On est ici en présence d’une forme d’acceptation qui
semble plus caractéristique de catégories populaires,
sans qu’elle ne leur soit spécifique. On ne se reconnaît
pas systématiquement dans une posture vague considérant l’homosexualité comme une « sexualité comme
une autre », celle-ci n’est d’ailleurs pas familière au sens
où gays et lesbiennes sont peu présents dans l’entourage. Toutefois, la prédisposition à l’acceptation n’est
pas négligeable puisque l’homosexualité d’un enfant
serait acceptée. C’est une forme de « pragmatisme
moral » tel qu’évoqué par Schwartz 35 qui semble
s’exprimer ici. Si, comme le rappelle l’auteur du Monde
privé des ouvriers, les classes populaires semblent
valoriser « un modèle conjugal traditionnel » reposant
sur des rôles de sexe et un attachement de principe
à la famille, on doit se garder de les associer à la
valorisation systématique d’un légitimisme familial
et une adhésion à un système normatif conservateur
immuable. « Les classes populaires ont précocement
désacralisé certains interdits et laïcisé maints aspects
de leur vie morale36 », notamment dans le domaine
des comportements matrimoniaux et de la fécondité. Les
attitudes concernant l’homosexualité qui apparaissent
dans ce groupe relèvent de cette même logique.
Une proximité relationnelle, une acceptation pratique
La cinquième classe (12,1 % de l’ensemble) est aussi
structurée par une familiarité systématique : les individus
de ce groupe déclarent tous avoir plusieurs personnes
gays et/ou lesbiennes dans leur entourage. Comme
dans le groupe précédent, l’acceptation n’est pas – au
mieux – anecdotique : tou-te-s indiquent qu’ils-elles
accepteraient un enfant homosexuel « sans problème »,
variable plus indicative car évoquant une expérience
concrète qui impliquerait le répondant. En revanche,
l’homoparentalité n’est jamais pleinement approuvée.
Les modalités les plus significatives concernent
les parcours individuels et les représentations
de la sexualité. Avoir déjà vécu une séparation conjugale, eu deux relations en parallèle, dissocier la sexualité du sentiment, avoir eu un nombre relativement
élevé de partenaires sexuels à l’échelle de la vie ou
encore un rapport sans lendemain sont particulièrement caractéristiques de ce groupe qui se distingue,
plus que les autres, par ce type de modalité. Contrairement à la troisième classe, on observe une continuité
entre trajectoires sexuelles et expériences de la conjugalité : elle renvoie aux transformations observées dans
ces deux domaines.
Parmi les variables sociodémographiques, c’est
l’appartenance aux catégories supérieures qui est la
plus caractéristique de cette classe. Dans une moindre
mesure, la tendance est observable pour les professions intermédiaires. Les diplômés des deux catégories supérieures y sont surreprésentés également.
La régression modélisant la probabilité d’appartenir
à ce groupe conforte la plupart de ces observations :
le fait d’être une femme, d’appartenir aux classes d’âges
les plus jeunes, avoir eu une mère exerçant une activité
professionnelle (employée, profession intermédiaire ou
cadre), augmentent également la probabilité de relever
de ce groupe.
35. Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990. 36. Ibid., p. 90.
53
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des sexes : considérer que c’est une bonne chose
d’élever filles et garçons de la même manière est une
opinion significativement moins fréquente.
Wilfried Rault
Une forte acceptation de principe, une acceptation
pratique et une diversité relationnelle
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La dernière classe est caractérisée par des attitudes
gayfriendly affirmées. Elle est d’abord structurée par
le fait d’être « tout à fait » favorable à l’homoparentalité,
posture relativement peu répandue dans l’ensemble
de la population étudiée (17,3 %). Elle est de manière
plus secondaire également structurée par des positions
gayfriendly sur les deux autres questions : considérer
que l’homosexualité est une sexualité comme une autre
et accepter sans problème un enfant homosexuel. La
proximité de l’homosexualité dans les réseaux relationnels
est diversifiée : une petite moitié (47,7 %) a un entourage
faiblement composé de personnes gays ou lesbiennes.
Quelles sont les spécificités de ce groupe ?
On retrouve d’abord une caractéristique déjà observée
pour les classes orientées favorablement : les femmes
sont nettement plus nombreuses (59,8 %). Il s’agit
du groupe dans lequel leur part relative est la plus
importante. D’autres types de modalités apparaissent
ensuite. Celles qui relèvent de la sexualité et de la vie
conjugale et familiale inscrivent plutôt ce groupe dans
une orientation un peu moins conventionnelle que
l’ensemble de la population (nombre de partenaires,
indicateurs d’une sexualité dissociée du sentiment
ainsi qu’un vécu plus fréquent d’une rupture et de
la séparation des parents). D’autres caractéristiques
apparaissent : l’âge et la religion. La génération la plus
âgée y est nettement sous-représentée. La distance à
la religion est également caractéristique de ce groupe.
Enfin, c’est la seule classe sur les six qui est composée d’une majorité de personnes favorables à l’idée
suivant laquelle « c’est une bonne chose d’élever les
filles et les garçons de la même manière » (51,6 %
contre 38,8 % pour l’ensemble de la population).
Par contraste, les caractéristiques relevant de la
position sociale ne donnent à voir que de très faibles
variations. La répartition des niveaux d’éducation est,
dans ce groupe, très proche de celui de la population
étudiée dans son ensemble, tout comme l’appartenance
aux PCS et les origines sociales des individus.
La régression logistique réalisée sur ce groupe confirme
la faible importance des variables de positions et d’origines
sociales, contrastant avec les autres dimensions.
Le sexe et la génération sont assez prédictifs de la
probabilité d’appartenir plus volontiers à ce groupe.
La spécificité des parcours individuels est aussi significative, ainsi que le rapport au genre et à la religion.
De forts contrastes générationnels
À l’issue de cette classification, on perçoit combien
le rapport à l’homosexualité est susceptible de prendre
des formes diversifiées, suivant des facteurs de natures
différentes : appartenances de sexe, de catégories
sociales ou encore de génération. Sur ce dernier point,
la génération 1936-1955 se distingue des générations
suivantes par sa forte présence dans les classes peu
acceptantes (en particulier la première) et sa sousreprésentation dans les plus tolérantes (cinquième et
sixième classes). S’expriment ici des effets de contextes
de socialisation très distincts. Cette génération a
en effet été exposée à des formes de stigmatisation
et de discrimination très fortes. Par exemple, le sousamendement du député Mirguet invitait en 1960
à lutter contre le « fléau social » de l’homosexualité
au même titre que l’alcoolisme ou encore la tuberculose. En 1968, la France a adopté la classification de
l’organisation médicale de la santé sur les maladies
mentales incluant l’homosexualité. Enfin, des dispositions juridiques discriminatoires ainsi que des formes
de répressions policières organisées ont perduré
jusqu’au début des années 198037.
Par contraste, les générations suivantes ont été,
à l’échelle de leur vie, exposées à des discours politiques
et à des dispositions juridiques moins hostiles et plus
ouverts à la défense de l’égalité des sexualités. L’abolition des mesures discriminatoires liées à l’orientation
sexuelle au début des années 1980, la visibilité croissante de l’homosexualité et des conséquences de son
absence de reconnaissance sociale et juridique dans le
contexte du sida, l’adoption du pacte civil de solidarité
en 1999, la reconnaissance de l’homophobie comme
facteur aggravant en cas de crime ou délit au début
des années 2000 en constituent les principaux traits.
Ce contraste générationnel est d’ailleurs perceptible
lorsque l’on étudie, à partir des enquêtes Presse Gay,
la manière dont les jeunes gays rendent compte de
l’acceptation de leur homosexualité par leurs parents.
Pour une même classe d’âge, l’acceptation déclarée est
nettement supérieure dans les années 2000 que dans
les deux décennies antérieures38.
37. Voir Antoine Idier, Les Alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), Paris, Cartouche, 2013. 38. Voir M.-A. Schiltz, « Parcours de jeunes
homosexuels dans le contexte du VIH… », art. cit. et W. Rault, « Parcours de jeunes gays dans un contexte de reconnaissance … », art. cit.
54
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Ce groupe apparaît ainsi comme étant proche de la
quatrième classe. On est en présence de dispositions
concrètes à une acceptation dans les deux configurations. Dans la quatrième classe, elle s’accompagne
d’une certaine distance relationnelle à l’homosexualité et d’une surreprésentation dans les catégories
populaires. Dans la cinquième, d’une plus grande
proximité relationnelle, relativement plus présente
dans les catégories moyennes-supérieures.
La classification permet aussi de montrer l’importance
des éléments de trajectoires individuelles relevant
de la sexualité, du couple ou de l’itinéraire familial
et plus encore de la sensibilité religieuse.
Acceptation des femmes et des hommes :
un effet distinct des trajectoires sexuelles
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Les contrastes entre les sexes sont particulièrement
marquants : les trois classes construites sur les attitudes
les plus « gayfriendly » sont davantage composées
de femmes alors que c’est l’inverse qui peut être constaté
concernant les trois classes les moins favorables. Toutefois, l’approche mise en œuvre ne permet pas de rendre
compte de disparités au sein de chacun des groupes
de sexe. La classification conduite sur l’ensemble de la
population invite à prendre au sérieux la corrélation
entre les parcours sexuels, les trajectoires familiales
et l’acceptation de l’homosexualité. Les trajectoires
qui s’inscrivent dans le mouvement de diversification
des formes de vie privée et caractérisées notamment
par l’autonomisation de la sexualité et de la conjugalité,
la pluralité des expériences de couple semblent être plus
souvent associées à l’acceptation. Pour autant, on peut
faire l’hypothèse d’effets différenciés suivant le sexe,
en particulier concernant les trajectoires sexuelles :
ces pratiques et représentations de la sexualité sont
en effet davantage indicatives d’une transgression de
genre pour les femmes que pour les hommes, pour qui
elles sont un attribut de virilité. Il convient ainsi d’étudier l’articulation entre acceptation de l’homosexualité et trajectoires par groupe de sexe pour examiner
si ces éléments de parcours sont susceptibles d’accroître
l’acceptation des femmes.
Un examen de chacun des indicateurs mobilisés,
appréhendés par sexe montre que les disparités sont
importantes. Une focalisation sur la classe d’âge
intermédiaire (35-49 ans au moment de l’enquête)
permet de limiter les effets de génération et de cerner
des facteurs propres à chaque sexe. Pour les trois
variables relatives à l’acceptation, on observe un écart
d’environ dix points entre les femmes et les hommes
[voir tableau 3, ligne « ensemble », p. 59]. En revanche,
la présence de personnes gays et lesbiennes dans l’entourage est à peu près similaire entre les deux groupes.
Si on entre dans le détail des facteurs susceptibles d’influencer cette acceptation, on observe que
la religion joue de la même manière pour les deux
sexes. De même, les indicateurs de milieu social [voir
tableau 4, p. 60-61] ne font pas apparaître de différences
majeures parmi les femmes ou parmi les hommes.
En revanche, les éléments de parcours conjugal et
sexuel distinguent les groupes de sexe, en particulier
pour les variables d’acceptation les plus fermes
et incarnées (acceptation d’un enfant homosexuel
et position sur l’homoparentalité). Le fait d’avoir
eu un rapport sans suite, un nombre de partenaires
sexuels relativement élevé, de dissocier sexualité
et sentiment exercent davantage d’influence parmi
les femmes que parmi les hommes [voir tableau 3, p. 56].
Dans une moindre mesure, l’expérience d’une séparation joue significativement sur l’acceptation d’un enfant
qui ferait part de son homosexualité.
Des modèles de régression logistique incluant
une variable de position sociale, la connaissance
de personnes homosexuelles dans la famille ou parmi
les amis et un indicateur biographique renvoyant
à la sexualité ou à la conjugalité confortent ce contraste.
On observe même une influence inversée de certains
facteurs : le fait d’avoir eu un rapport sans lendemain
diminue la probabilité d’accepter « sans problème »
un enfant homosexuel chez les hommes, elle l’augmente chez les femmes [voir tableaux de régression,
p. 62-63]. De même, en ce qui concerne le nombre
de partenaires sexuels au cours de la vie, l’acceptation augmente avec le nombre de partenaires
pour les femmes, alors que pour les hommes, c’est
le fait d’avoir eu un nombre de partenaires « intermédiaire » qui joue (entre deux et cinq) par rapport
au fait d’en avoir eu un ou de n’en avoir eu aucun.
À l’inverse des expériences de sexualité qui ont
peu d’effet sur l’acceptation de l’homosexualité chez
les hommes, l’adhésion à une éducation non sexuée
(« c’est une très bonne chose d’élever les filles et les
garçons de la même manière ») est fortement corrélée
aux attitudes gayfriendly (régressions non présentées),
et ce pour les trois questions examinées. Les hommes
les plus favorables à une éducation non sexuée sont
plus souvent « acceptants » vis-à-vis de l’homosexualité
que ceux qui y sont hostiles. Pour les femmes, cette
dimension joue également, mais de manière un peu
moins marquée.
Ces observations ne sont pas surprenantes,
les normes sexuelles étant distinctes pour les hommes
et pour les femmes, notamment dans leur rapport
à l’homosexualité. Pour les hommes, un grand nombre
de partenaires, une dissociation de la sexualité
et du sentiment ou avoir un rapport sans lendemain
s’accordent avec un modèle de virilité dominant qui
se combine à un rejet de l’homosexualité. Circonscrites à l’hétérosexualité, ces expériences et attitudes
ne sont non seulement pas indicatives d’une tolérance
spécifique, mais vont plutôt de pair avec une moindre
acceptation. Seule une position de principe sur
une éducation non sexuée, qui contraste avec ce modèle
de virilité hétéro-normatif qui envisage le féminin
comme repoussoir est, elle, plus encline à s’accompagner
de positions gayfriendly. Pour les femmes en revanche,
55
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Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
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Manifestation contre la loi sur le mariage pour tous. Marseille, 23 octobre 2012.
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57
Wilfried Rault
La variable niveau d’éducation
Le niveau d’éducation est appréhendé par une variable qui vise à tenir compte de l’évolution
du niveau d’études au fil des générations. Quatre niveaux sont ainsi distingués :
18-34 ans
35-49 ans
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50-69 ans
58
Pas de diplôme
ou niveau de
base
Intermédiaire
incomplet
Intermédiaire
complet
Niveau
supérieur
Sans diplôme
Certificat d’études
CAP
Brevet simple,
BEPC, brevet
des collèges
BEP
Baccalauréat
technique
Baccalauréat
général
Niveau bac+2
Diplôme
supérieur
à bac+2
Sans diplôme
Certificat d’études
CAP
Brevet simple,
BEPC, brevet
des collèges
BEP
Baccalauréat
technique
Baccalauréat
général
Diplôme
de l’enseignement
supérieur
Certificat d’études
CAP
Brevet simple,
BEPC, brevet
des collèges
BEP
Baccalauréat
technique
Baccalauréat
général
Diplôme
de l’enseignement
supérieur
Sans diplôme
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Niveau
de diplôme
Âge à l’enquête
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
Tableau 3
Acceptation de l’homosexualité, par sexe, en fonction d’éléments
de trajectoire conjugale ou sexuelle, 35-49 ans (%)
entièrement favorable
à l’homoparentalité
accepterait l’homosexualité de son enfant « sans
problème »
total
n
41,9
655
oui
69,6
27,1
59,9
18,7
409
44
17,3
39,4
58,1
886
non
59,4
23,5
52,1
81,3
1 451
48,1
15,8
41,1
100
1 541
ensemble
61,3
24,2
53,5
100
1 860
***
ns
ns
p
**
ns
**
n
43,4
total
13,7
entièrement favorable
à l’homoparentalité
53,8
une sexualité
« comme une autre »
une sexualité
« comme une autre »
Femmes
accepterait l’homosexualité de son enfant « sans
problème »
Hommes
Avoir déjà eu un rapport sans lendemain
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38,8
12,1
35
13,1
180
0-1
54,8
20,5
44,8
31,6
494
46,6
18,2
40,3
30,3
504
2à5
61,3
23,2
56,8
42,5
820
51,2
15,3
42,7
55,1
836
6 et plus
69,3
29,8
59,4
24,3
519
45,6
18,4
48,7
1,5
21
non
réponse
67,9
36,3
51,1
1,6
27
48,1
15,8
41,1
100
1 541
ensemble
61,3
24,2
53,5
100
1 860
ns
*
ns
p
***
**
***
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Nombre de partenaires sexuels (vie)
Avoir déjà connu une séparation conjugale
55,8
17,1
47,2
34,1
511
oui
64,1
31,3
60,3
33,2
681
44,3
15,1
38
65,9
1030
non
59,9
20,5
20
66,8
1179
48,1
15,8
41,1
100
1 541
ensemble
61,3
24,2
53,5
100
1 860
**
ns
***
p
ns
***
***
« on peut avoir un rapport sexuel avec quelqu’un sans l’aimer »
41,1
15,1
38,7
52,1
790
non
57,5
21,3
50
72,5
1474
55,7
16,5
43,7
47,9
751
oui
71,3
31,6
62,8
27,5
386
48,1
15,8
41,1
100
1 541
ensemble
61,3
24,2
53,5
100
1 860
***
ns
ns
p
***
***
***
Source : Contexte de la sexualité en France, Inserm-Ined, 2006.
Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.
Lecture : 53,8 % des hommes de 35-49 ans qui ont déjà eu un rapport sans lendemain considèrent, à propos des rapports homosexuels, qu’il s’agit « d’une
sexualité comme une autre ». 44 % des hommes qui n’ont jamais eu de rapport sans lendemain partagent ce même point de vue. 31,3 % des femmes de
35-49 ans qui ont déjà connu une séparation conjugale considèrent qu’un enfant peut être élevé par deux femmes/hommes, contre 20,5 % de celles qui n’ont
pas connu de séparation conjugale.
Légende : p = test du ki2; ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10 ns si non significatif.
59
Wilfried Rault
Tableau 4
Tris complémentaires les trois variables structurantes constitutives de la CAH,
par sexe et sur les 35-49 ans
Indicateurs de gayfriendliness et indicateurs de milieu social, par sexe (%)
Hommes
entièrement favorable
à l'homoparentalité
présence de personnes
homosexuelles dans l’entourage :
moyenne ou forte
% (n)
une sexualité
« comme une autre »
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
entièrement favorable
à l'homoparentalité
présence de personnes
homosexuelles dans l’entourage :
moyenne ou forte
% (n)
61,7
40,9
15,2
49,5
26,4
supérieur
69,6
52,5
22,3
47,6
27,7
60,6
42,8
17,4
39,2
13,5
intermédiaire
complet
69
59,2
29,3
38,2
17,4
44,6
41,8
16,9
29,1
43,5
intermédiaire
incomplet
56,6
53,3
22,8
29,3
35,9
24,3
40,4
13,3
17,4
14,4
inférieur
51,6
52,5
24,7
16,5
17,1
31,3
22
5,5
50,4
2,1
inconnu
46,7
32,1
23,7
48,5
1,9
48,1
41,1
15,8
34,6
1 541
ensemble
61,3
53,5
24,1
34
1 860
***
ns
ns
***
p
***
**
ns
***
46,2
34,5
21,4
37
4,2
agriculteur
50
32,5
17,3
37,3
2,2
46,6
26,4
8,9
26,6
7,7
artisan,
commerçant,
chef d’entreprise
70,5
59
18,6
38,4
3,5
65,1
46,2
17,8
52,1
17,6
cadre, profession
intellectuelle sup.
68,1
53,8
23,8
57,9
9,3
51,8
42,9
15
48,5
23,1
profession
intermédiaire
66,1
52,2
25,3
41,5
23,2
49,7
48,3
12,1
37,9
12,5
employé
62,9
54,8
26,1
28,6
46,8
37,5
39
17,6
24,2
34,1
ouvrier
47,5
56,4
21,6
25,5
12,2
13,2
31
13,5
0
0,6
retraité
47,6
47,6
0
26,2
0,4
34,8
23,5
0
11,2
0,3
inactif
25,7
38,2
7,8
11,3
2,4
48,1
41,1
15,8
34,6
1 541
ensemble
61,3
53,5
24,1
34,1
1 860
***
ns
ns
***
p
***
ns
ns
***
une sexualité
« comme une autre »
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
Femmes
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cs 6 postes
60
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diplôme
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
% (n)
9,3
présence de personnes
homosexuelles dans l’entourage :
moyenne ou forte
26,8
entièrement favorable
à l'homoparentalité
% (n)
8,9
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
présence de personnes
homosexuelles dans l’entourage :
moyenne ou forte
35,6
une sexualité
« comme une autre »
entièrement favorable
à l'homoparentalité
Femmes
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
une sexualité
« comme une autre »
Hommes
agriculteur
50,6
45,8
22
27,3
9,1
62,4
50,8
20,1
41,3
11,1
39,2
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Radio France - - 91.223.73.145 - 19/06/2017 13h30. © Le Seuil
46,7
37,3
11,9
38,9
13
artisan,
commerçant,
chef d’entreprise
59,3
41,1
12,1
51,6
14,6
cadre, profession
intellectuelle sup.
65,3
46,6
21,1
52,8
12,9
58,4
44,8
19,1
34,8
9,1
profession
intermédiaire
62,2
54,1
26,3
36,6
8,2
53,4
50,2
19,3
40,4
13,6
employé
68,7
59,8
24,6
29,9
14,4
42,4
39,8
17,9
26,3
38,3
ouvrier
60,4
55,3
25,4
28,1
40,1
100
100
0
9,7
0,3
jamais travaillé
54,1
85
39
13,1
0,2
35,6
27,2
22,6
43,7
1,9
inconnue
50,9
58,1
21,1
38,2
4
48,1
41,1
15,8
34,6
1 541
ensemble
61,3
53,5
24,1
34,1
1 860
***
**
ns
***
p
ns
*
ns
***
37
34,5
11,6
25,6
8,4
agricultrice
53,7
43,6
22,6
25,9
8
47,2
47
15,8
39,3
7,6
artisane,
commerçante,
cheffe d’entreprise
66,4
56,5
21,6
40,5
5,7
67,8
46,2
22,7
53
4,2
cadre, profession
intellectuelle sup.
65,8
49,7
18,5
52,5
4,5
58,7
43
14,5
44,4
7,1
profession
intermédiaire
69,2
50,6
28
47,2
6,4
51,8
41,7
13,9
39,9
24,5
employée
63,5
50,9
24,6
36,5
28,5
44,3
39,8
16,4
26,8
22,8
ouvrière
64
59,5
29,4
31,4
21,3
46,3
40,4
16,2
29,3
23,8
jamais travaillé
56,5
56,9
20,3
38,5
23,9
35,1
44,1
36,6
43
1,7
inconnue
36,2
33,7
20,9
23,3
1,7
48,1
41,1
15,8
34,6
1 541
ensemble
61,3
53,5
24,1
34,1
1 860
***
ns
ns
***
p
***
ns
ns
***
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Radio France - - 91.223.73.145 - 19/06/2017 13h30. © Le Seuil
cs père
cs mère
Source : Contexte de la sexualité en France, Inserm-Ined, 2006.
Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.
Lecture : 46,2 % des hommes agriculteurs considèrent à propos des rapports homosexuels qu’il s’agit d’une sexualité comme une autre.
p correspond à un test du chi-deux : *p< 0,1 ; **p<0,05 ; ***p< 0,01, ns si p non significatif.
NB : Les résultats correspondant aux items « retraité », « inactif », « inconnue », « jamais travaillé » (CS du père) ne sont pas significatifs en raison d’effectifs
insuffisants.
61
Wilfried Rault
Tableau 5
Régressions logistiques sur les trois variables
d’acceptation de l’homosexualité et intégrant des variables
relatives aux trajectoires conjugales et sexuelles, par sexe
une sexualité
« comme une autre »
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
entièrement favorable
à l'homoparentalité
réf.
réf.
réf.
supérieur
réf.
réf.
réf.
0,59 ***
ns
ns
intermédiaire
complet
ns
ns
ns
0,67 **
ns
ns
intermédiaire
incomplet
ns
ns
ns
0,42 ***
1,28 *
ns
inférieur
0,62 **
ns
1,40 **
réf.
aucune
réf.
réf.
réf.
une sexualité
« comme une autre »
entièrement favorable
à l'homoparentalité
Femmes
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
Hommes
séparation
entourage (famille, amis)
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réf.
réf.
1,56 ***
1,62 ***
ns
une
1,66 ***
1,68 ***
ns
2,50 ***
2,33 ***
2,00 ***
deux trois
2,40 ***
2,42 ***
2,19 ***
3,56 ***
3,94 ***
2,46 ***
quatre et plus
2,66 ***
2,70 ***
2,25 ***
a déjà connu une séparation
ns
1,26 **
ns
oui
ns
1,33 ***
1,41 ***
réf.
réf.
réf.
non
réf.
réf.
réf.
645/1 526
261/1 526
effectifs
1 179/1 831
1 007/1 831
433/1 831
réf.
supérieur
réf.
réf.
réf.
ns
ns
ns
612/1 526
rapport sans lendemain
diplôme
réf.
réf.
0,60 ***
ns
ns
intermédiaire
complet
0,68 **
ns
ns
intermédiaire
incomplet
ns
ns
ns
0,43 ***
1,28*
ns
inférieur
0,65 ***
1,24 *
1,38 **
entourage (famille, amis)
réf.
réf.
réf.
aucune
réf.
réf.
réf.
1,56 ***
1,65 ***
ns
une
1,66 ***
1,68 ***
ns
2,50 ***
2,40 ***
2,15 ***
deux trois
2,34 ***
2,44 ***
2,25 ***
3,59 ***
4,13 ***
2,71 ***
quatre et plus
2,58 ***
2,78 ***
2,41 ***
oui
1,36 **
1,23 ***
ns
a eu un rapport sans lendemain
ns
62
ns
0,70 **
réf.
réf.
réf.
non
réf.
réf.
réf.
612/1 526
645/1 626
261/1 526
effectifs
1 179/1 831
1 007/1 831
433/1 831
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diplôme
Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
entièrement favorable
à l'homoparentalité
réf.
supérieur
réf.
réf.
réf.
ns
ns
ns
entièrement favorable
à l'homoparentalité
une sexualité
« comme une autre »
Femmes
accepterait l'homosexualité
de son enfant « sans problème »
une sexualité
« comme une autre »
Hommes
dissociation sexualité sentiment
diplôme
réf.
réf.
0,60 ***
ns
ns
intermédiaire
complet
0,69 **
ns
ns
intermédiaire
incomplet
ns
1,32 *
1,39 *
0,45 ***
1,28 *
ns
inférieur
0,67 ***
1,28 *
1,49 ***
réf.
réf.
réf.
aucune
réf.
réf.
réf.
1,52 ***
1,64 ***
ns
une
1,68 ***
1,69 ***
ns
2,47 ***
2,38 ***
2,03 ***
deux trois
2,33 ***
2,42 ***
2,19 ***
3,51 ***
4,10 ***
2,52 ***
quatre et plus
2,52 ***
2,71 ***
2,27 ***
oui
réf.
réf.
réf.
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entourage (famille, amis)
on peut avoir un rapport sans aimer
réf.
réf.
réf.
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0,76 **
ns
ns
non
0,68 ***
0,72 ***
0,67 ***
612/1 526
645/1 626
261/1 526
effectifs
1 179/1 831
1 007/1 831
433/1 831
nombre de partenaires sexuels (vie)
diplôme
réf.
réf.
réf.
supérieur
réf.
réf.
réf.
0,70 ***
ns
ns
intermédiaire
complet
ns
ns
ns
0,71 *
ns
ns
intermédiaire
incomplet
ns
1,34 *
ns
0,43 ***
1,31 *
ns
inférieur
0,66 ***
1,27 *
1,40 **
réf.
aucune
réf.
réf.
réf.
entourage (famille, amis)
réf.
réf.
1,59 ***
1,67 ***
ns
une
1,68 ***
1,69 ***
ns
2,54 ***
2,38 ***
2,09 ***
deux trois
2,28 ***
2,40 ***
2,24 ***
3,57 ***
4,18 ***
2,67 ***
quatre et plus
2,38 ***
2,66 ***
2,27 ***
nombre de partenaires sexuels (vie)
réf.
réf.
réf.
0-1
réf.
réf.
réf.
ns
ns
1,78 **
2à5
1,40 ***
1,53 ***
ns
ns
ns
ns
6 et plus
1,58 ***
1,59 ***
1,30 *
802/1 505
636/1 505
256/1 505
effectifs
1 161/1 804
994/1 804
423/1 804
Source : Contexte de la sexualité en France, Inserm-Ined, 2006.
Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles. Pour la régression sur le nombre
de partenaires sexuels, les sans réponses sont retirés du modèle (21 hommes et 27 femmes).
Lecture : Une valeur d’odds ratio statistiquement significative et supérieure à 1 indique que, pour la modalité étudiée, par rapport à la
modalité de référence de la variable considérée, le facteur accroît les chances d’appartenir au groupe modélisé. Plus l’odds ratio est éloigné
de 1, plus l’influence du facteur auquel il est associé est importante.
Légende : ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10, - si non significatif.
63
un tel rapport plus libéral à la sexualité n’a pas
le même sens : il rompt avec des attentes sociales
qui les enjoignent à une sexua lité conjuga le
et procréative39. L’expérience d’une relative transgression de cet ordre sexuel va de pair avec des représentations plus favorables à l’homosexualité : il y a
un continuum entre la mise à distance des normes
conjugales et sexuelles dominantes et l’acceptation
de l’homosexualité40.
Des catégories supérieures
gayfriendly ? Acceptation de principe
et acceptation pratique
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Revenir un à un sur les trois indicateurs d’acceptation
distingués conf irme enf in la faible inf luence
des variables de milieu social déjà perceptible dans la
classification. Il existe incontestablement une spécificité des classes supérieures, qui ne va pas pour
autant dans le sens d’une acceptation plus nette.
Les personnes les plus diplômées ou membres des
PCS supérieures font certes part d’une acceptation
de principe plus souvent que les autres. Par exemple,
37,5 % des hommes ouvriers de 35 à 49 ans qualifient
les rapports homosexuels d’une « sexualité comme
une autre », contre 65,1 % des « cadres supérieurs
et professions intellectuelles » aux mêmes âges [voir
tableau 4, p. 60-61]. De telles disparités se retrouvent
chez les femmes, même si les contrastes sont moins
forts (47,5 % contre 68,1 %). Comme la classification
ascendante hiérarchique le mettait déjà en évidence,
on observe de tels écarts concernant le fait d’avoir
des personnes gays et/ou lesbiennes dans l’entourage.
Par exemple, les cadres sont proportionnellement
deux fois plus nombreux à faire part d’un entourage
moyennement ou fortement composé de personnes
gays ou lesbiennes que les ouvriers.
Mais les différences sont faibles concernant les
deux autres indicateurs qui renvoient à des dispositions à l’acceptation plus concrètes, qu’il s’agisse
de l’acceptation d’un enfant homosexuel ou d’une
opinion vis-à-vis de l’homoparentalité. La « composition homosexuelle » déclarée du capital social étant
très distincte suivant les milieux, quel que soit l’indicateur retenu, deux mécanismes sont théoriquement
possibles. Soit le nombre de gays et lesbiennes dans
l’entourage n’est pas associé à la tolérance exprimée.
Ceci expliquerait alors qu’à entourage distinct,
39. Nathalie Bajos, Michèle Ferrand et
Armelle Andro, « La sexualité à l’épreuve
de l’égalité », in N. Bajos et M. Bozon,
op. cit., p. 545-576.
40. Ce continuum apparaît également
64
dans les entretiens conduits par Sylvie
Tissot et al. (« Les hétéros du Marais…,
op. cit.) : « La plus grande tolérance
manifestée par les femmes à l’égard de
l’homosexualité se rattache aux logiques
on n’observe aucune différence en termes d’acceptation
forte. Soit le fait d’avoir des personnes homosexuelles
parmi les proches est effectivement associé à une
plus grande acceptation. Les milieux populaires
seraient alors, à nombre de proches gays et lesbiennes
similaire, plus enclins à l’acceptation.
Des modèles de régressions logistiques par sexe
combinant une variable de milieu social et une variable
relative au parcours conjugal ou sexuel des individus
et incluant une variable d’entourage confortent cette
dernière hypothèse [voir tableau 5, p. 62-63]. Avoir des
proches (ami.e.s, collègues, membres de la famille)
gays et/ou lesbiennes est associé au fait de se déclarer en faveur de l’une des trois postures favorables
présentes dans l’enquête. On observe également
un rapport positif entre acceptation et indicateurs d’appartenance aux milieux populaires pour
les variables les plus concrètes, effet qui n’apparaît pas
dans les modèles similaires dépourvus de la variable
d’entourage (non présenté). En d’autres termes,
à effet constant des autres variables – en particulier
le nombre de personnes homosexuelles dans l’entourage – être peu diplômé ou être ouvrier/employé
ou avoir eu des parents employés ou ouvriers tend
à augmenter le niveau d’acceptation.
Les classes aisées se distinguent donc uniquement
par une plus grande acceptation sur l’indicateur de
principe le plus vague. Indicateur dont ces mêmes
catégories sociales perçoivent sans doute plus directement la portée politique. On peut se demander
dans quelle mesure les individus savent que cette
position est la « bonne réponse » au sens où elle
correspond à la représentation qu’ils ont de leur
posture « tolérante ». Cette attitude serait le résultat
de ce que Fassin nomme l’inversion de la question
homosexuelle : la parole homophobe est moins
tenable socialement, notamment dans les catégories aisées où une position de principe favorable est
désormais bienvenue. En ce sens, elle relève peutêtre davantage d’une représentation de soi et de sa
classe sociale comme étant particulièrement tolérants.
Elle est d’autant plus mise en exergue qu’elle permet
de se classer vis-à-vis d’autres groupes sociaux et de
se démarquer d’eux. Il s’agit alors davantage d’une
attitude de distinction consistant à mettre à distance
d’autres groupes auxquels sont prêtés des représentations différentes et considérés comme rétrogrades.
Groupes ainsi dominés symboliquement, mais pas
moins tolérants en pratique.
de genre. Elle prend racine dans une
même position dominée dans le système
hétéro-sexiste (…) On retrouve parmi
nos enquêtées des femmes exprimant
une forte tolérance, voire sympathie,
à l’égard des gays et qui font le récit
parallèle d’une vie conjugale marquée par
la prééminence masculine, qu’il s’agisse
de choix de couple ou de carrières professionnelles » (p. 64).
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Wilfried Rault
La gayfriendliness apparaît ainsi comme l’expression
d’un apprentissage social lié à des contextes,
des appartenances sociales et des expériences
individuelles ayant forgé des manières de percevoir
et d’accepter l’homosexualité. De nombreux facteurs
sont susceptibles d’inf luencer cette acceptation.
La religion, le sexe, l’appartenance générationnelle
influent sur les attitudes gayfriendly. On observe également des effets propres à certaines expériences biographiques relevant de la sexualité, mais aussi de la famille
et de la conjugalité. Ces effets sont différents suivant
le sexe, les trajectoires sexuelles des femmes étant plus
corrélées à l’acceptation de l’homosexualité que celles
des hommes. Enfin, la prénotion suivant laquelle la forte
acceptation serait caractéristique des classes supérieures
est infirmée. Si celles-ci s’affirment plus tolérantes de la
différence (homo)sexuelle via des questions de principe,
elles ne semblent pas moins hétéro-normatives au regard
d’indicateurs plus incarnés.
Il reste toutefois beaucoup à faire pour mettre
au point une démarche aboutie pour étudier les formes
d’acceptation de l’homosexualité en France, aucune
enquête ne disposant à ce jour de tous les indicateurs
adéquats. Il conviendrait par exemple de pouvoir distinguer l’acceptation reposant sur une égalité des droits
et des formes de tolérance plus informelles 41.
Les attitudes gayfriendly gagneraient à pouvoir
être davantage caractérisées, en particulier à partir
de ses visages mis en évidence par Sylvie Tissot et al.
qui distinguaient une gayfriendliness active,
des positions de principe universalistes ou encore des
acceptations plus conditionnelles liées à des formes
de méconnaissance par indifférence ou par ignorance.
On peut ainsi se demander si l’homosexualité est plus
acceptée si elle s’exprime dans des cadres originellement hétéro-normatifs tel le mariage. D’autres pistes
pourraient être explorées : comment sont perçus
les éléments plus caractéristiques d’une subculture
homosexuelle comme les lieux de sociabilités destinées
aux gays et aux lesbiennes, notamment ceux qui ont
une vocation sexuelle explicite ? Qu’en est-il des formes
de militantismes gays et lesbiens ? Existe-t-il une ligne de
fracture entre des expressions socialement acceptables
de l’homosexualité et les autres ? La démarche s’accompagnerait enfin de variables permettant de distinguer
les rapports à l’homosexualité féminine et masculine
– ce que ne permet pas de faire CSF. De la même manière
qu’il convient de distinguer lesbophobie et gaiphobie car
chacune ne repose pas sur les mêmes ressorts, l’analyse
des formes d’acceptation et de sympathie à l’égard des
homosexualités gagnerait à pouvoir distinguer les spécificités des attitudes suivant qu’elles concernent gays ou
lesbiennes. La démarche permettrait de mieux cerner
les contours des attitudes gayfriendly, elle représenterait également une contribution forte à une réflexion
sur l’articulation entre genre et homosexualités.
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41. Voir cette distinction à l’œuvre dans Long Doan, Annalise Loehr et Lisa R. Miller, “Formal rights and informal privilege for same-sex couples: evidence from a national survey
experiment”, American Sociological Review, 79(6), 2014, p. 1172-1195.
65
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Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles
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