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1

« L'émo(on la plus ancienne et la plus forte de l'humanité est la peur,
et le type de peur le plus ancien et le plus fort est la peur de l’inconnu. » 

- H.P. Lovecra@
I.
Je m’appelle Karl Delacroix et suis dans l’idée de me8re fin à mes jours. Malgré ma détermina?on à assouvir
ce choix lourd de sens, j’aimerais tout de même retranscrire dans ce présent « rapport » ce que je crois
avoir vu, ressen? et entendu lors des événements qui m’ont mené à ce8e sombre décision. Certains
prétendront que j’ai inventé de toute pièce le récit qui va suivre, et c’est avec compréhension que j’an?cipe
le scep?cisme du lecteur. Lorsque celui-ci prendra le temps de lire ce que je vais raconter, il aura la
possibilité de parvenir à diverses conclusions. La première sera ra?onnelle et légi?me, puisqu’elle déploiera
l’hypothèse d’un état psychique abîmé, par une folie qui serait éventuellement la mienne. Les autres thèses
se résumeront à un diagnos?que de menteur pathologique, ou à des causes extérieures qui m’ont fait croire
à des choses qui n’existent pas. En dépit de l’idée que ces pages tomberont surement dans l’oubli, je
souhaiterais tout de même immortaliser mon expérience, en espérant qu’une personne puisse un jour me
croire, afin de percevoir le monde d’une manière tout à fait différente. C’est dans cet état d’esprit que
j’entreprend ce8e écriture avec fermeté. La tâche s’annonce bien sûr ardue, puisqu’elle implique une
reviviscence d’un trauma?sme destructeur.
Pour commencer depuis le début, j’étais professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne en Histoire des
civilisa?ons scandinaves, détenant parallèlement de solides connaissances en mythologie nordique. Depuis
mon enfance, les pays de l’Europe du nord ont exercé sur moi une fascina?on sans limite. Bien que le
mondialisa?on a également a8einte ces contrées, l’esprit scandinave n’a jamais vraiment disparu et perdure
malgré le néo-libéralisme ambiant. L’héritage des anciens peuples est toujours présent à beaucoup
d’endroits, faisant ainsi la fierté de ces na?ons progressistes.
C’est avec une grande passion que je pra?quais mon mé?er et jamais je n’aurais cru que cela par?rait en
même temps que mon envie de vivre. Mes élèves, bien que nombreux, furent la raison pour laquelle je
persistais à donner le meilleur de moi-même. J’ai perdu ce8e joie lorsque je dus me rendre en Suède pour
un travail par?culier. Björn Lindberg est un enseignant chercheur à l’université de Stockholm ayant la même
renommée interna?onale, ainsi qu’un niveau similaire d’exper?se au mien. Nous avons eu l’occasion de
travailler ensemble, à plusieurs reprises, pour diverses recherches, mais également pour l’écriture
d’ouvrages que nous avons co-publié.
Celui-ci m’avait appelé tard le soir, et semblait perturbé par un problème qu’il ne parvenait à résoudre. Il
me faisait part de la découverte étrange d’une stèle, probablement du IXe siècle, mise au jour par des
randonneurs, dont les runes qui la recouvrait n’avaient pas le moindre sens. Qu’il s’agisse des archéologues
ou des linguistes déjà sur place, aucun d’entre eux ne parvenait à déchiffrer ce dialecte. C’est précisément
dans ce contexte que Björn m’invita à le rejoindre, afin que nous puissions échanger plus facilement nos
hypothèses.
2

Je pris le premier avion disponible pour arriver sur place. Cela faisait quelques temps que je n’étais plus
venu en Suède. Je m’en étais plutôt réjouis malgré certains travaux plus urgents.
La gravité de mon collègue au téléphone avait fait émerger en moi une curiosité que je n’avais pas ressen?
depuis plusieurs années. C’est alors que j’arrivais à l’aéroport de Stockholm vers 15h. Björn m’a8endait non
loin de la sor?e. Une fois que je l’aperçus, nous nous saluâmes avec vigueur. Nous nous rappelions des
moments passés ensemble lors de nos projets collabora?fs. Notre même âge rajoutait entre nous un
sen?ment d’égalité, simplifiant ainsi nos échanges. Il eu la cordialité de m’accueillir chez lui et de me laisser
la chambre d’amis pour ce8e première nuit. Ce fût également l’occasion de discuter sur ce8e mystérieuse
découverte et des détails importants. La stèle en ques?on se trouvait sur l’île Njóla, dont la surface
s’étendait sur quelques kilomètres carrés. Nous avions prévu de nous retrouver sur place deux jours après.
Son emploi du temps l’empêchait d’arriver plus tôt, malgré ses nombreux désistements. J’envisageais donc
d’aller louer une chambre à l’hôtel qui se trouve sur l’île.
Pour en revenir au site archéologique, il ressortait de notre échange que la stèle datait effec?vement du IXe
ou Xe siècle, période de l’apogée viking. Rien n’indiquait que la roche avait une fonc?on rituelle. Ce n’était
pas non plus dans ce8e zone géographique, à l’instar d’autres sites connus, qu’avaient lieu les cérémonies
funéraires. La stèle se trouvait au centre de l’île et les gravures runiques étaient tout simplement inconnues.
Les vikings de ce pays étaient avant tout des commerçants, contrairement aux danois et aux norvégiens qui
privilégiaient le pillage. Il était donc possible d’imaginer que les échanges n’avaient pas lieu ici, puisque des
endroits comme Birka, place importante du commerce à ce8e époque, semblaient plus appropriés pour ce
genre d’ac?vité. Finalement, c’est surtout l’absence de significa?on des runes qui demeurait étrange. Je
n’avais jamais rien vu de tel.
Le lendemain, je me rendais directement sur les lieux en bateau pour une longue heure de trajet. Je ne vis
pas le temps passer. Le paysage défilant sous mes yeux était tout bonnement magnifique. Dans ce8e zone,
il y avait de grandes îles comme de pe?ts îlots. Je passais à côté de la forteresse de Vaxholm, ancien château
construit en 1544, des?né à contrer les a8aques ennemies venant de la mer Bal?que. Il y avait un vent
glacial et une légère pluie en dépit la saison, rajoutant encore plus de beauté aux choses qui m’entouraient.
C’est après ce8e belle traversée que je débarquais enfin sur Njóla. Je fus seul à descendre à cet arrêt et ne
m’a8endais pas à voir une île aussi déserte. Quelques fermes étaient établies à une centaine de mètres de
l’eau. Je suivais le sen?er en direc?on de l’hôtel à côté d’immenses champs de blé. Quelques pe?tes
maisons en bois rouge étaient visibles ça et là, à proximité de profondes forêts. Le calme environnant en
était presque inquiétant. Ce fût la première fois que je ressen?s un malaise sur l’île Njóla, sans trop savoir
quels mots me8re dessus.
À un tournant du sen?er, j’arrivai enfin à l’hôtel après 30 minutes de marche. C’était une vieille maison
imposante, construite avec le même type de bois peint en rouge. Malgré la différence de taille avec les
autres maisonne8es, je m’a8endais à trouver un plus grand bâ?ment. Une terrasse se trouvait devant
l’entrée principale, quelques chaises à bascule étant placées là. Un vieillard y fumait une cigare8e et
toussait lourdement. Il m’adressa la parole en suédois et se rec?fia lorsque j’eus répondu en anglais.
3

C’est alors qu’il me demanda ce que je venais faire dans ce trou perdu. Je lui exposais mes raisons et ma
situa?on professionnelle, résumant le cas de ce site archéologique inédit. Son air jovial s’estompa un peu,
sans que je comprennes vraiment pourquoi. Je lui précisai que j’allais déposer mes affaires dans ma
nouvelle chambre. À mon retour, je m’assis à côté de lui pour con?nuer la discussion. Le vieil homme ne
semblait plus enclin à parler et son regard avait brutalement changé. L’évoca?on de ce8e stèle en était
probablement la raison, bien que je ne sache pas exactement dans quelle mesure. Je le ques?onnais
sub?lement durant quelques minutes et celui-ci m’avoua finalement la chose suivante : « Toute ma famille
vit sur ce8e île. On est d’bons agriculteurs, on a jamais fait de mal à personne. Voyez-vous, je viens m’assoir
là en a8endant de bons amis qui travaillent à l’hôtel. Tout le monde s’connaît ici ! Et pourtant… ça fait bien
un mois que mon pe?t fils a disparu sans raison ! On mérite pas ça ! J’ignore comment, où et à quel
moment. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il est encore en vie… il est dans la forêt.
- Comment ça, dans la forêt? » Rétorquais-je aussitôt. Il mit un peu de temps avant de répondre, regardant
au loin, l’air grave. Il se tourna de nouveau vers moi et dit avec fermeté : « Vous avez un boulot, vous êtes
connu partout pour le mé?er que vous faites. Bravo, mais… ce qu’il y a dans ce8e forêt derrière l’hôtel, c’est
plus que malsain. J’entends les cris de mon pe?t Jan certaines nuits. Il se trouve dans la forêt, sûrement non
loin de votre pierre… personne n’a jamais osé aller le récupérer pendant qu’il gueulait. Quelques volontaires
ont essayé de le chercher en plein jour, mais ça ne se passe pas quand il y a du soleil. Ils n’ont trouvé aucune
trace, absolument aucune, dans la zone d’où venaient les cris. En ce qui concerne votre pierre, elle n’a pas
été découverte seulement récemment, hein ! Tous les vieux du coin connaissent ce8e roche bizarre. Et
croyez-moi… il ne s’est jamais rien passé de bon dans ces environs. »
Le vieillard était à deux doigts de pleurer et se tordait nerveusement. Je pouvais sen?r sa tristesse et sa
colère mêlées à un sen?ment d’impuissance. Le récit de ce8e personne m’a8ristait, bien que l’histoire fût
associé à quelques idées mys?ques. Il commençait à faire nuit, je compa?ssais sincèrement pour ce qu’il
vivait car cela devait être horrible. Personne ne mérite d’ignorer où se trouve son pe?ts fils. Je saluai
cordialement ce grand-père avant de retourner dans l’hôtel. Je pus manger et montai rapidement dans ma
chambre. Björn devait arriver deux jours plus tard, mais rien ne m’empêchait d’aller sur les lieux au pe?t
ma?n. Je désirai trouver de nouveaux éléments, afin de découvrir la véritable fonc?on de ce8e stèle. Cela
dit, je ne comprenais pas vraiment la logique du vieillard et des autres habitants de l’île. Personne n’est
venu à la rescousse de cet enfant, surtout quand on entendait ses propres cris. Je me ques?onnai donc sur
ce8e popula?on bizarre, ainsi que sur leur esprit supers??eux. Comment pouvait-on à ce point négliger un
appel à l’aide? Je ne savais pas quoi faire par rapport à tout ça. Je songeais à appeler la police suédoise le
lendemain, pour qu’ils viennent faire des recherches sur l’île. Personne n’avait signalé la dispari?on de ce
fameux Jan. Tout ceci m’inquiétait au plus haut point.

4

II.
Il était 23h passées et je n’avais pas la moindre envie de dormir. L’histoire de ce vieil homme m’avait
perturbé, encore plus que le mystère de ce8e stèle. Je con?nuai fébrilement à préparer la liste des choses à
faire sur place, bien que soucieux. L’inquiétude par rapport à ce jeune garçon avait laissé place à une colère
grandissante. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi toute l’île n’en avait cure. Lorsque j’eus mangé au
rez-de-chaussée le soir même, les quelques personnes présentes furent des touristes, ne renvoyant rien de
par?culier. Quant au personnel, ils ne souriaient pas et n’avaient strictement aucune expression sur leur
visage. Je me suis donc souvenu des habitants que j’avais vu un peu plus tôt. Lorsque je cherchai l’hôtel, ils
étaient dans le jardin de leur maison. Ils avaient ce8e même expression triste et lugubre. Le côté malsain de
l’île, dont m’avait fait part le grand-père, ne semblait pas seulement s’appliquer à la forêt de Njóla. Plus les
heures passaient et moins je me sentais à l’aise dans cet endroit. Sans doute la soirée me faisait déprimer et
assombrissait mon humeur. Cela dit, l’atmosphère bizarre de ce8e île était palpable. Je me souviens de
m’être un peu men? à moi-même en arrivant, afin de profiter de ce séjour. J’avais hâte d’en finir avec ce8e
stèle et de retourner en France.
C’est un peu plus tard que je restai allongé sur mon lit, réfléchissant à toutes sortes de choses. On pouvait
constater que le temps, indéfinissable cascade de l’existence, s’écoulait sans remords. Durant ce8e heure
que je ne vis pas passer, je pensais à l’incohérence de la vie et que rien n’était simple à comprendre. Il y a
peu d’éléments dans ce monde qui nous amènent vers une compréhension globale des choses.
Parallèlement à mes réflexions métaphysiques qui n’abou?ssaient à rien, je prêtai a8en?on au calme de la
Scandinavie. Le silence de la nuit était à la fois beau et terrifiant. Cela dit, il ne m’aura pas fallu beaucoup de
temps pour être interpellé par quelque chose d’effroyable.
Les cris stridents d’un enfant reten?rent, au loin, dans la profonde forêt. Ma raison me st croire que j’avais
halluciné ou que mon imagina?on s’était mêlée à un début de sommeil. J’aurai souhaité qu’il s’agisse d’un
rêve, mais il n’en était rien. J’avais bel et bien entendu des cris très éloignés au nord de l’hôtel. Pourquoi
fallait-il que le vieillard me parle d’une chose qui se produirait lors de ma première nuit? Pourquoi fallait-il
que je sache d’où venait cet appel à l’aide? J’étais submergé et tourmenté par des ques?ons sans réponses.
Une panique s’installa sans que je parviennes à raisonner correctement. Quelque chose au fond de moi,
une idée malsaine indépendante de toute logique, susurrait à mon âme que je ne sor?rai pas indemne de
ce8e expérience. Je commençais à me dire qu’il ne s’agissait plus d’un simple kidnapping. C’était comme si
je succombai au mys?cisme du vieillard, sans trop savoir pourquoi. L’île Njóla n’avait rien de normal, il
incombait donc que des choses anormales s’y trouvent. Je n’étais pas censé réfléchir de ce8e manière en
tant qu’historien, surtout pas ! Ce8e profession exige des preuves matérielles pour établir n’importe quelle
hypothèse. Le droit à l’intui?on n’est pas permis…
En dépit de ces idées qui semblaient délirantes, je me levai brusquement, cherchant une lampe torche dans
ma valise, ainsi qu’un blouson et un couteau.

5

Je ne pris même pas le temps de fermer à clé et descendit les marches quatre à quatre. Une vieille dame du
personnel me coupa le chemin en bas de l’escalier. Le bruit que j’avais fais en sortant n’étant pas
négligeable. Je m’arrêtai aussitôt devant elle, la sueur déjà au front. Elle me dit avec une sévérité plus que
froide : « N’y allez pas. Il est déjà perdu. Si vous y allez, ça sera la dernière nuit de votre vie ».
Mon sang se glaça. Je ne comprenais rien. J’eus besoin de quelques secondes pour me ressaisir. J’ignorai
ensuite ce8e femme, prenant finalement l’horrible décision d’aller là-bas.
III.
Je courais dans les bois et me guidais à l’aide de ma lampe. J’avais approxima?vement perçu d’où venaient
les cris, me dirigeant ainsi dans ce8e direc?on. Je dus avouer que j’avais beaucoup d’incer?tude, puisque
ce8e es?ma?on n’était pas précise. C’est au bout de plusieurs minutes que j’entendis de nouveau un
hurlement. Je con?nuais de courir, encore et encore. La forêt était terrifiante. Les nombreux mélèzes qui s’y
trouvaient, gigantesques excroissances de la nature, imposaient leur immensité dans l’obscurité de la nuit.
Le sol était difficilement pra?cable, puisque jonché de mousse et de branches encombrantes. Tout ce qui se
trouvait ici semblait malveillant. L’aspect neutre de la forêt ne laissait pourtant aucune place à quelque
a8ribu?on de ce genre. Cela dit, j’avais le sen?ment que tout cela respirait la mort. Tout ceci annonçait une
nuit blanche, remplie d’éléments inconnus, dans le monde malsain des choses qui nous échappent.
En courant, je me heurtai soudain à ce que je croyais être un rocher. J’orientai ma torche vers ceci et
compris qu’il ne s’agissait pas d’une simple pierre. J’avais trouvé la stèle. Elle n’était pas très haute, environ
1 mètre de haut, ne laissant aucune place au doute. Les photographies que j’avais vu chez Björn me
perme8ait de reconnaître ce8e pièce archéologique. Les énigma?ques runes prenaient place dans une
forme rectangulaire aux sub?ls entrelacs, représenta?ve du style d’Oseberg.
J’observais avec minu?e cet ar?sanat, quand tout à coup, je fus surpris d’entendre les cris de Jan à une
proximité plus que dérisoire. Les hurlements furent accompagnés d’un étrange écho. Il était tout près, à
quelques mètres seulement. Pourtant, je ne le voyais à aucun endroit. Je mis finalement quelques secondes
pour comprendre que ses cris ne venaient pas de la forêt, mais de quelque part en bas, dans une cavité. Je
sillonnais les environs et remarquai un endroit du sol où la mousse se creusait. Je commençai à éparpiller la
plante pour voir qu’elle recouvrait une étroite crevasse. Jan se trouvait à l’intérieur. Ce ne fût qu’une
hypothèse avant que de nouveaux hurlements confirment cela. Mais enfin, que faisait-il dans cet endroit?
Tout ceci n’était qu’un cauchemar.
Je finissais d’enlever le reste de mousse et pris finalement mon courage à deux mains. Je m’engouffrai dans
la fissure, bien que difficilement, et parvins à descendre. La tâche n’était pas aisée, puisque les profondeurs
de ce trou s’avéraient être une suite de roches glissantes. Tout ceci s’étendait vers le bas, me rappelant que
j’avais bien fais de prendre ma lampe. J’ignore combien de mètres j’avais pu descendre, mais il s’était écoulé
une dizaine de minutes, avant que je parviennes à un semblant de sol. Je m’avançais tout doucement dans
une sorte une gro8e.
6

Plus je marchais, plus le plafond s’élevait. Je voulais appeler Jan, mais je me re?ns, ne connaissant pas les
raisons de sa présence ici. Il était inu?le de prendre des risques en me8ant ma vie en danger.
Soudain, je pénétrai dans un vaste espace et n’en crus pas mes yeux. Le faisceau de ma torche, sans doute
le premier, mis au jour quelque chose d’incroyable. Je pensais halluciner, être en proie à quelque mirage.
Mais les parois de la gro8e étaient pourtant belles et bien, à ma grande surprise, recouvertes de peintures
rupestres. Elles n’a8eignaient pas le plafond, puisque la hauteur de celui-ci se résumait maintenant à une
douzaine de mètres. C’était tout simplement inimaginable. Avait-on déjà découvert cet endroit? Et quelle
était la probabilité de trouver ces fresques, situées à proximité d’une stèle datant du IXe siècle? Quel âge
avaient ces peintures? Mon âme d’historien prenait le dessus sur ma peur. Je déplaçai la lumière lentement
afin d’admirer ces nombreux dessins. On pouvait y voir des chasseurs, des ours des cavernes, et toutes
sortes d’espèces représentées. Cela ne ressemblait pas vraiment à l’art préhistorique que l’on connait en
France, en Espagne ou ailleurs. Sans doute cela rajoutait encore plus de mystère à la chose. J’étais
enthousiasmé par ce que je voyais, jusqu’à ce que j’aperçoives le dessin d’une étrange créature. Je ne
parvenais pas à iden?fier ce8e espèce mais cela me me8ait par?culièrement mal à l’aise. Il n’aura pas fallu
longtemps avant que je respire de nouveau l’atmosphère malsaine de l’île.
Je n’eus pas le temps de ruminer davantage. Les cris de l’enfant reten?rent à nouveau et laissèrent penser
qu’il se trouvait maintenant à quelques pas. Je me mis une fois de plus à courir, l’espace du lieu me le
perme8ant, pour finalement arriver dans une autre par?e de la gro8e. Le pe?t Jan était par terre, le visage
squelewque, haletant nerveusement dans ses habits trempés et déchirés. Il ne remarqua pas tout de suite
le faisceau de la lampe braqué sur lui. Le regard de l’enfant semblait vide. Je n’avais aucune connaissance de
ce qu’était la folie, mais je savais que ce8e vacuité n’appartenaient qu’à ceux qui ont perdu la raison. Il
commençait à parler, sa voix grelo8ante murmurait quelques mots en suédois. Je ne comprenais pas
l’ensemble de ce qu’il disait. Je pus traduire certains mots dans ce flot con?nu, remerciant les anciens cours
de suédois de mon cursus universitaire. Je me souviens que les vocables furent les suivants : « Danger »,
« Mal », « Ancien » et… « Mort ». Mon coeur ba8ait la chamade. Qu’avait-on fait à ce pauvre enfant?
Qu’essayait-il de dire? Savait-il seulement que j’étais là pour tenter de le secourir? Je crois que c’est à ce
moment là que quelque chose se fissura en moi. Les minutes qui suivirent furent celles qui finirent
d’achever mon âme meurtrie.
En essayant de le soulever, une odeur méphi?que a8eignit mon nez. Je n’avais jamais sen? odeur aussi
abjecte. En écrivant ces lignes, ma mémoire me rend nauséeux et migraineux, tant le souvenir de cet
épisode est ancré. C’est pour la suite que je n’ai aucune explica?on ra?onnelle. Je n’ai jamais compris ce
qu’il s’est passé. Je pense savoir ce que j’ai perçu, mais l’incohérence de ce que j’ai expérimenté est sans
nom.
L’odeur venait en fait de derrière moi, plus loin dans la gro8e, dans une immense cavité bien plus sombre
que la nuit. Je me retournai, dirigeant ma lampe vers ce8e infâme puanteur. C’est alors que sans la moindre
logique et sans le moindre sens… je vis une ignoble créature sor?r de ce8e crevasse. Je ne saisissais pas
vraiment de quoi il en retournait.
7

Un gigantesque cervidé s’avançait lentement vers moi. Mesurant 2 mètres au garrot, un liquide violâtre
s’écoulait de son cuir, probablement l’origine de ce8e odeur singulière. On pouvait également voir quelques
tâches éparses, une sorte de moisissure, sur son terrifiant pelage. Quant à ses bois, leur envergure devaient
a8eindre plus de 3 mètres, ressemblant par?culièrement à ceux des daims. Bien que ce8e chose fût
incroyablement grande, ses yeux jaunes restaient l’élément le plus saillant. Je n’avais jamais vu un regard
aussi brutal, sauvage et mauvais.
Par son apparence, ce monstre ressemblait au « grand cerf des tourbières ». Plus connu sous le nom de
« mégalocéros ». Cet animal vécut sous la grande période du Pléistocène. Je ne comprenais donc pas ce que
j’avais devant moi. À ma plus grande stupeur, la créature débita quelques paroles en vieux norrois. Sa voix
avait quelque chose de terrible. Elle avait cet étrange écho qui ne ressemblait à rien de connu. L’animal
disparu depuis des milliers d’années, s’adressait maintenant à moi dans la langue des anciens scandinaves.
Tout cela n’avait pas le moindre le sens. Je suis dans la possibilité de retranscrire, dans l’ordre, les mots que
j’ai pu retenir : « Taka… þrǽll… sløkkva… eiga… ». Ce8e immondice venue du fond des âges ne s’évadera
jamais de ma mémoire. Ce n’est bien plus tard que j’appris ce que ceci signifiait. J’aurai voulu être sourd et
ne jamais entendre ces vocables, par?cularités que je prendrai soin de traduire dans ce présent rapport.
L’ignominie préhistorique con?nuait de s’avancer vers moi. C’est alors qu’une montée d’adrénaline
parcourut l’intégralité de mon corps et me poussa à m’enfuir au plus vite. Je fis tomber ma torche dans ma
course, ne songeant même plus à ce pauvre enfant. Je sus à ce moment précis que je ne le reverrai plus. La
créature émit un râle que je n’avais entendu nul part ailleurs. Mon coeur s’apprêtait à exploser, tandis que le
reste mon corps n’obéissait qu’à des réflexes innés de fuite. Je m’élançai sans me retourner vers la sor?e, ne
sachant pas si la bête me poursuivait. L’émo?on fût si forte que je n’eus jamais la possibilité de me souvenir
des minutes qui suivirent. Tout ce dont je me rappelle, c’est de l’instant où je respirai à nouveau l’air glacial
de la forêt. Je courais n’importe où dans les bois obscurs de la Suède. L’intensité de ce que j’avais vécu me
fit crier, toute raison s’envolant avec ce hurlement insensé. La folie s’était emparée de moi durant de
longues minutes. L’ébulli?on intérieure qui avait lieu réduisait à néant toute envie de vivre.
Je pus reprendre mes esprits après ce8e innommable frénésie, cherchant un lieu où me cacher jusqu’au
pe?t ma?n. Je tremblais de tout mon corps. Nul ne peut décrire ce que fût ce8e peur, ou plutôt devrais-je
dire ce8e terreur, qui réussit à me détruire en?èrement.
La mélodie de mon existence, belle jusqu’à cet infâme événement, s’est tut dans ce8e vision d’horreur.


8

IV.
La dernière par?e de ce rapport sera consacrée à quelques explica?ons. Il est de mon devoir d’apporter
quelques éléments exhaus?fs de ce8e étrange expérience. J’ai passé la nuit en?ère collé à un arbre,
trauma?sé par ce que j’avais vécu. Je n’arrivais plus à penser. La lumière du ma?n fût d’une grande aide
pour le chemin du retour. Je pris le premier bateau après avoir récupéré mes affaires, regardant Njóla pour
la dernière fois, sur l’horizon lointain. Le premier avion fût ensuite privilégié. Je qui8ai ainsi la Suède, sans
même avoir prévenu Björn de mon départ précipité. Lorsque je fus rentré chez moi, il m’était impossible de
penser à quoique ce soit d’autre. Je pris la décision de démissionner, me8ant fin à ce8e carrière d’historien. 

Je repassai en boucle l’infamie que j’avais vécue. Parmi les souvenirs qui me revenaient, je repensais
énormément à l’ancien dialecte que la créature avait u?lisé. Le vieux norrois étant la langue employée par
les peuples scandinaves entre le IIIe et XIe siècle, tout cela n’avait pas la moindre cohérence. J’avais retenu
quelques éléments évoqués par la bête, l’impact du trauma?sme me perme8ant de me rappeler ce que
j’avais entendu. Je sus retrouver la significa?on de ces mots après avoir retrouvé un lexique. J’eus ainsi le
malheur de découvrir ce que ce8e chose voulait me dire.
Je n’aurai sans doute pas du chercher, mais les traduc?ons furent les suivantes : « Taka » et « þrǽll »
voulaient dire « prendre » et « esclave ». Tandis que les deux autres mots « sløkkva » et « eiga » signifiaient
respec?vement « éteindre » et… « posséder ».
Il est possible d’imaginer dans quel état j’étais en lisant le dic?onnaire, ne sachant plus quel sens donner à
tout ceci. J’avais laissé l’enfant dans ce8e gro8e, à la merci de ce monstre issu d’une autre époque. Les
habitants savaient quelque chose. La morosité que j’avais constaté chez eux n’étaient pas un hasard. La
dame de l’hôtel, dont les aver?ssements ne furent pas vides de sens, soutenaient ce8e hypothèse.
Je ne peux plus me regarder en face, tout comme je ne peux plus apprécier la vie et le monde tels qu’il sont.
Je ne puis con?nuer de vivre sur ce8e Terre aux secrets enfouis. Certains accepteraient l’idée que
l’existence, ainsi que son essence, recèlerait de mystères que personne ne pourrait vraiment résoudre.
En ce qui me concerne, je n’ai plus force d’accepter ce8e part d’ombre, préférant m’évanouir dans la plus
grande des énigmes, celle de la mort.
- K.D.


9

Un grand merci pour ce/e lecture !
Pour te recompenser, voici …
Les musiques qui ont accompagné ce/e écriture !




Altamira - Mark Knopfler
R’lyeh la morte - Flint Glass
Of Eons - Lustmord
Killing Hawk - Ryuichi Sakamoto
Melancholia II - William Basinski
Pteris - Paleowolf

Bonne écoute !
R.G.

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