Equity et Fold Equity avec un tirage en NL Holdem
Equity et Fold Equity avec un tirage en NL Holdem
François TARDIEU – stochastic, copyright magazine cinquantedeux 2009 http://cinquante‐deux.com/
Dans le numéro précédent (cinquantedeux n°13) nous avons énoncé qu’avec les mains dites « spéculatives »
(ie. Suited connectors‐Axs) qu’il était préférable de jouer en position et agressivement afin d’obtenir un taux de
gain sans show down qui puisse les rendre profitables. En effet, les chances, avec de telles mains, de flopper
des jeux ayant une forte équité au show down sont relativement faibles.
Nous allons aborder plus en détails comment la combinaison d’une agression calculée et la connaissance de la
valeur d’un tirage peut rendre jouable avantageusement ses mains.
1‐ La «Fold Equity»
Au Poker, vous pouvez gagner soit en montrant la meilleure au show down soit en faisant passer votre
adversaire.
Le seul moyen de faire passer votre adversaire est de miser ou de relancer.
La « fold equity» », terme anglais que l’on notera, FE, est l’espérance de gain réalisée lorsque notre opposition
abandonne le coup grâce à une mise ou relance de notre part.
On associe aussi souvent à cette dénomination la probabilité que l’adversaire passe face à une mise ou une
relance.
Mathématiquement cela s’écrit :
FE = pf*Pot
Où « pf » est la probabilité que notre adversaire passe et « Pot » la valeur du pot avant notre agression.
La FE est donc une fraction du pot résultant d’un « fold » (abandon) de l’adversaire qui est indépendante de la
force de votre main ou de la valeur de votre tirage.
A chaque mise ou relance, il existe une «fold equity» » qui, malheureusement, ne peut se calculer exactement
mais seulement estimée.
La « fold equity » va dépendre en grande partie :
‐du style adverse
‐ de son éventail de mains potentiel
‐ de la perception de l’adversaire de votre propre éventail
De plus, le nombre de joueurs dans le coup, la position, la taille des tapis effectifs, la texture du flop, la taille de
mise sont des paramètres à considérer et loin d’être négligeables.
On peut retenir plusieurs facteurs favorables à la FE :
‐ il est plus facile de faire passer un joueur que plusieurs
‐ votre adversaire n’est pas une « calling station » ou agressif et joue de façon plutôt prévisible
‐ vous êtes en position et donc plus d’informations sur le jeu adverse à travers ses actions‐vos décisions de
suivre, de relancer, de « value better », de bluffer seront toujours meilleures en position
‐ les tapis sont assez profonds de tel sorte vous avez un effet de levier menaçant le tapis adverse
‐ une bonne image de joueur solide permet de voler des pots avec un certain taux de succès
Par la suite, nous supposerons que nous sommes toujours en heads‐up. Le jeu d’une main à tirage en multi‐
waypot est un sujet à lui seul.
Chances de compléter un tirage sur une carte et sur deux cartes :
Rappelons les formules classiques approximant de manière assez fiable les chances de compléter un tirage
simple ou composé.
On appelle une outs une cartes complétant un tirage :
‐Les tirages simples sont les tirages où le nombre d’outs est de 9 ou moins.
Avec deux cartes à venir (turn river) les chances en % de compléter un tirage simple sont de 4*N où N est le
nombre d’outs
Avec une carte à venir (turn ou river) les chances en % de compléter sont de :
2.2*N où N est le nombre d’outs
‐Les tirages composés sont les tirages où le nombre d’outs est supérieur à 10.
Avec deux cartes à venir les chances en % de compléter un tirage composé sont de :
3*N 9 où N est le nombre d’outs
Avec une carte à venir les chances en % de compléter un tirage composé sont de :
2.2*N où N est le nombre d’outs
Exemples :
8c7c versus AhAd sur le flop Tc8h6c
Avec une paire, un tirage quinte ventrale et un tirage couleur on a 59% avec deux cartes à venir.
On joue effectivement 17 outs (2 8, 3 7, 3 9 et 9 trèfles). D’où 3*N 9 = 3*77717 9 = 60%
Si la turn est le 2d les chances tombent à 38.5%.
8c7c versus AhAd sur le flop Kc8h6c
Avec une paire, un tirage couleur et un backdoor quinte on a 52.5% avec deux cartes à venir.
On joue effectivement 14 outs (2 8, 3 7 et 9 trèfles). D’où 3*N 9 = 3*14 9 = 51%
Si la turn est le 2d les chances ne sont plus que de 31.8%.
Ces deux exemples montrent même étant favori au flop avec deux cartes à venir les chances de gain
décroissent significativement au turn (environ de 40% en % relatif).
Retenez qu’avec 14 outs vous êtes légèrement favori de toucher votre tirage (51.4%).
De ce fait, il est souvent profitable avec un tirage composé d’essayer de mettre le maximum d’argent au flop
tant que les chances de gain sont en notre faveur.
Miser au flop un tirage ayant de très forts chances d’amélioration protège votre équité.
Ac7c versus AdKd sur le flop Kc8h3c
Avec un simple tirage couleur au flop vous avez 4*N = 4*9 = 36% mais vous n’avez plus que 20.5% si la turn est
le 2d.
Avec un simple tirage couleur les chances de gain baissent aussi dramatiquement à la turn. Un moyen de
valoriser sa main peut être de la jouer agressivement en misant au flop en espérant que la combinaison des
chances que l’opposition passe et des chances de compléter son tirage si l’on est suivi donne une équité
positive.
Miser ou relancer un tirage est ce qu’on appelle communément un semi bluff.
La force de miser un tirage :
Si au flop vous êtes le premier a parlé ou l’action a été checkée jusqu’à vous, réaliser un semi bluff peut
s’avérer rentable si vous avez assez de FE avec la taille de votre mise même sans réelle cote implicite. La cote
implicite est le gain lorsque vous complétez votre tirage.
Le tableau ci‐dessous indique quelle doit être la FE dans la situation, certes peu réelle, mais instructive
suivante :
‐vous misez une fraction du pot entre 33% et 100% avec un tirage qui vous garantit, une fois complété, le gain
du pot
‐si votre adversaire suit votre mise (on suppose qu’il ne vous relance jamais), il n’y a pas de mise sur les tours
d’enchères suivants
FE nécessaire en fonctionde la mise et les
chances de toucher un tirage
Fraction du pot misée
% de
compléter le
tirage
33% 50% 66% 75% 100%
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
26
28
30
32
23%
21%
19%
16%
14%
12%
9%
6%
3%
0%
‐
‐
‐
‐
‐
‐
32%
30%
28%
25%
23%
21%
18%
15%
12%
9%
6%
2%
‐
‐
‐
‐
38%
36%
34%
32%
30%
28%
25%
22%
20%
16%
13%
9%
5%
1%
‐
‐
41%
39%
38%
35%
33%
31%
29%
26%
23%
20%
17%
13%
9%
5%
0%
‐
48%
47%
45%
43%
41%
39%
37%
34%
32%
29%
25%
22%
18%
14%
9%
4%
Le but lors de votre mise est de calibrer celle‐ci à votre estimation de la FE qu’elle peut engendrer chez votre
adversaire en fonction de son style et de son éventail de mains.
Exemples :
‐Vous misez 2/3 du pot avec tirage quinte max au flop, vous avez environ 18% de le toucher au turn. Si votre
adversaire passe au moins dans 20% des cas vous faites un profit.
‐Vous misez 3/4 du pot avec tirage quinte ventrale (gutshot) max au flop, vous avez environ 8% de le toucher
au turn. Si votre adversaire passe au moins dans 35% des cas vous réalisez un profit.
Si vous êtes en position et que vous pensez que dans les cas où votre adversaire paie alors il checkera aussi au
turn. Ainsi, vous toucherez votre gutshot dans environ 16% alors il suffit qu’il passe sur votre mise que dans
26% pour réaliser un profit.
‐si au turn vous misez un tirage quinte et un tirage couleur soit 15 outs, par exemple :
8h7h vs. AsKs sur Kh9c2s6h
Vous avez 34% de chances de compléter votre tirage. En misant 3/4 du pot, vous n’avez même pas besoin de FE
car la cote du pot de 2.33 contre 1, supérieure à vos chances de compléter le tirage, vous garantit déjà la
profitabilité de votre mise.
Attaquer ses tirages agressivement est clairement une option si l’on pense avoir de la FE.
Cette approche permet de :
‐faire abandonner les mains faites marginales adverses qui sont devant nous
‐faire passer un tirage qui est supérieur au notre mais pas assez fort pour suivre notre mise
‐créer un flou sur la réelle force de notre main
‐construire un pot plus gros et donc favoriser notre cote implicite si notre tirage rentre
‐prendre le contrôle de coup plutôt que le subir
‐la possibilité d’induire une « free card » (carte gratuite) au turn si l’on possède la position grâce à notre
initiative dans le coup
2‐ La «Show Down Equity»
La «show down equity» » est basée sur la valeur de votre main à la river après toutes les enchères et donc de
ses chances que cela soit la main gagnante au show down.
Elle est indépendante des actions que vous prenez au cours du jeu.
En cas d’all in au flop, la «show down equity» », notée SDE, est l’espérance de gain au show down.
La SDE est le gain réalisé pondéré par les chances de gagner au show down moins la perte réalisée pondérée
par les chances de perdre au show down.
SDE = eq*g – (1‐eq)*s, ce qui se simplifie,
SDE = (g s)*eq‐s
Où, eq = chances de gain au show down, g = gain lors du all in, s = votre stack lors du all in
Exemple :
Votre adversaire mise all in 100 dans un pot de 150 et vous estimez vos chances de gagner au show down à
60%.
Dans 60% vous gagnez 250 et dans 40% vous perdez 100
Votre SDE est donc :
60%*250‐40%*100 = 150‐40 = 110
On peut aussi faire le calcul avec la taille finale du pot qui est de 350, alors :
SDE = 350*60%‐100 = 210‐100 =110.
En moyenne vous faites un profit de 110 et donc vous aurez un tapis de 210.
Dans les cas d’un tirage pour définir votre équité, eq, contre un éventail adverse, vous devez déterminer :
‐Votre nombre d’outs
‐Quelles sont les outs qui sont « cleans », c’est à dire qu’elles sont celles vous assurant la main gagnante à la
river. Essayez de voir s’il n’existe pas des tirages supérieurs au votre.
‐Comment se comporte le tirage face à un éventail de mains adverse et non pas face à une seule main.
‐Essayez d’estimer, en fonction de son style, avec quelles mains votre adversaire est prêt à partir all in au flop.
Exemple :
Sur le flop Qc9c5h
Avec KcTc et 8c7c vous un avez un tirage couleur et un gutshot qui donne 12 outs potentielles.
Mais face à univers adverse contre lequel on doit estimer eq, ces deux tirages ne sont pas équivalents.
Divisons en plusieurs groupes l’univers potentiel avec lequel notre opposition est susceptible de partir all in au
flop.
*Votre adversaire peut avoir trois brelans : QQ 99 55
Les deux mains ont la même valeur face un brelan : 33%
Vos chances ne sont pas de 3*12 9 = 45%, à cause des possibilités de « redraws » adverses vers un full même si
vous touchez l’une de vos 12outs.
*Face à top paire ou une over paire KT est meilleur car avoir un K permet d’outdrawer AQ et réduit les
possibilités de KK chez l’adversaire.
Cela dit, vos outs sont toutes « cleans », on a donc :
KcTc vs AQ KK AA ~ 50%
8c7c vs AQ KK AA ~ 45.8%
*Face à deux paires max (Q9 dans notre exemple) vos chances de gain seront entre celles face à un brelan et
celles face à top paire soient environ 40%.
*Reste à voir quels peuvent être les tirages qui dominent votre main.
Avec KcTc on peut envisager : AcJc AcTc Ac5c
On peut ajouter en fonction du type adverse les autres tirages couleurs max.
Avec 8c7c les tirages dominants sont bien plus nombreux : AcKc AcJc AcTc Ac5c KcJc JcTc
Ici aussi, on peut comptabiliser quelques autres tirages couleurs max.
Lors d’un tirage dominé, comme précédemment, nos chances de gain sont de l’ordre de 25%. Il est donc crucial
d’avoir une idée du nombre tirages dominants que peut éventuellement détenir notre opposition dans son
univers de mains et éventuellement avec lesquels d’entre eux elle est prête à s’engager.
Une fois chaque groupe défini et les chances contre chacun d’eux, il reste pour définir l’équité contre l’éventail
adverse estimé à pondérer par le nombre de mains dans chaque groupe.
Même si votre estimation de l’éventail adverse n’est pas 100% précise ce type d’analyse est vital pour
connaitre la force de votre tirage. Vous devez avoir absolument une idée de vos chances de gain au show down
face à un joueur standard quitte à la modifier dans un sens ou un autre par la suite.
Vs
Vs
Vs
Vs
KcTc sur Qc9c5h
AQ / KK / AA QQ / 99 / 55
Q9s
AcJc / AcTc / Ac5c
Nb. mains
%
Equité
12 3 6 = 21
21/34 = 62%
50%
3 3 3 =9
9/34= 26%
25%
1
1/34=3%
40%
1 1 1 = 3
3/34= 9%
25%
34
100%
Grace au tableau précédent nous déterminons eq comme suit :
‐eq = (21*50 9*25 1*40 3*25)/34 = 41%
Enfin pour finir avec notre exemple, supposons que le pot contienne au flop 200.
Notre adversaire mise 150 et notre stack est de 900 que nous poussons au milieu.
Notre SDE sera si l’on est payé.
SDE = (g s)*eq‐s = (900 200 900)*41%‐900 = 820‐900 = ‐80
En réalité face à cet éventail vous avez exactement 43.9% mais les approximations sont assez fiables pour avoir
une idée correcte de la force de notre tirage.
Comme les tirages composés contiennent fréquemment des tirages couleurs (Flush Draw –FD) nous allons
donner quelques pourcentages de configurations classiques pour déterminer une équité contre un éventail.
Tirage vs.
Brelan 2 paires Top paire
Tirage couleur
25%
32%
35%
Tirage couleur
33%
40%
~50‐%
quinte ventrale
Tirage couleur
42%
49%
~50 %
quinte bilatérale
Tirage couleur 1
45%
over carte
Le backdoor couleur et le backdoor quinte avec une configuration avec trois cartes consécutives au flop du type
KJT, JT9 ne sont pas à négliger dans vos estimations car équivalents à 1 out, soit environ 4%.
La force « réelle » du tirage
Votre main de tirage possède deux angles sous lesquels vous pouvez la rentabiliser :
La «fold equity» (FE)
La «show down equity» (SDE)
Si votre main a une bonne SDE, elle mérite certainement de continuer le coup mais plus cette SDE est faible
plus vous avez besoin de FE.
Les mains comme les connecteurs assortis nécessitent une FE non négligeable car les chances de flopper un jeu
à fort SDE ne sont pas suffisantes pour les jouer profitablement même en position.
Quelque soit votre main, mais encore avec plus les mains dites « spéculatives » comme les SC ou les Axs, vous
devez maximiser la somme de votre FE et votre SDE qui compose votre Equité totale.
Bien sûr, la décision de jouer de telles mains sera prise dès l’action pré‐flop en fonction des paramètres définis
dans l’article précédent (cinquantedeux n°13).
Nous définissons donc l’équité « réelle », notée E, c’est‐à‐dire l’équité effective de votre main comme l’équité
cumulant votre FE et SDE.
Equité totale = E = FE SDE
E = pf*dm (1‐pf)*[(g s)*eq‐s)], ce qui s’écrit aussi,
E = pf*[dm s‐(g s)*eq] (g s)*eq‐s