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LA VÉRITABLE RÉFORME DE LA SNCF
Lucile Schmid
Editions Esprit | « Esprit »
2018/6 Juin | pages 24 à 28
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Lucile Schmid, « La véritable réforme de la Sncf », Esprit 2018/6 (Juin), p. 24-28.
DOI 10.3917/espri.1806.0024
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ISSN 0014-0759
ISBN 9782372340540
À plusieurs voix
Lucile Schmid
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Le 26 février 2018, Édouard Philippe
présentait la stratégie gouvernementale de réforme de la Sncf, qualifiée de « nouveau pacte ferroviaire ».
Son discours évoquait aussi bien la
méthode (recours aux ordonnances
permettant « une large concertation »,
contenu des ordonnances réduit « aux
seuls aspects techniques ») que le contenu
(abandon du recrutement au statut,
ouverture à la concurrence européenne, transformation de la Sncf en
société anonyme à capitaux publics,
nouvelle gouvernance fondée sur un
projet d’entreprise), ou encore une
vision plus large du projet (refus « d’un
débat idéologique déconnecté des réalités de
mobilité des Français », construction
d’un « pacte équilibré »). À la mi-février,
la sortie du rapport Spinetta avait
tiré un bilan alarmiste de l’état de
l’entreprise : mauvaise maintenance
du réseau, service dégradé, coût de
10,5 milliards d’euros par an pour la
collectivité, surcoût de 30 % dû au
statut des cheminots. Plus en amont
encore, en juillet 2017, Emmanuel
Macron s’était lui-même exprimé,
dans un entretien au magazine interne
de la Sncf, où il décrivait la Sncf du
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xxie siècle
en opérateur intégré : « vous
emmener en train, puis en car, puis vous louer
un taxi ou une solution de covoiturage ou de
vélo en ville, etc. ». Mobilités et non plus
simple transport, entrée dans d’autres
conceptions de vies et des services
rendus.
L’absence de débat
Trois mois se sont écoulés depuis
l’annonce d’Édouard Philippe, et
on ressent comme un malaise. Il
est clair que le projet du gouvernement ira à son terme : l’épisode de
1995, un temps évoqué, n’est plus à
l’ordre du jour. Entre le recours aux
ordonnances et la majorité parlementaire de La République en marche, la
décision politique était acquise. Restait
à évaluer l’impact d’une grève qui a
pris une forme inédite (deux jours de
grève tous les cinq jours pendant trois
mois), et celui des manifestations. Les
manifestations n’ont pas fait le plein,
les différents sondages ont montré
une opinion publique plutôt favorable
au gouvernement1, et après plusieurs
semaines de conflit, la grève s’essouffle peu à peu, du fait d’abord des
conséquences financières pour les gré1 - 41% des Français jugeaient la grève justifiée et
62 % souhaitaient voir le gouvernement aller au
bout de sa réforme fin avril (sondage Ifop pour le
Journal du Dimanche du 28 avril 2018). À noter
néanmoins que la cagnotte en solidarité avec les
grévistes lancée par le sociologue Jean-Marc Salmon a dépassé en un mois le montant record de
950 000 euros.
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LA VÉRITABLE
RÉFORME
DE LA SNCF
À plusieurs voix
le gouvernement. C’est aussi, visà-vis de l’opposition parlementaire
et plus globalement des droits du
Parlement, faire preuve d’une grande
désinvolture. La volonté d’aller vite
a continué de l’emporter sur toute
autre considération, et le calendrier du
projet a été décidé en conséquence :
adoption à l’Assemblée nationale le 17
avril, discussion au Sénat le 29 mai.
Sur le fond du dossier, de nombreux
spécialistes des transports se sont
exprimés2. Ils ont décrit un tableau
nettement moins sombre que celui
du rapport Spinetta, rappelant que la
Sncf demeure l’une des compagnies
ferroviaires les plus performantes
d’Europe, que les surcoûts liés au
statut sont sans doute plus proches
de 8 % que de 30 %3, et surtout que
le chemin de fer étant un monopole
naturel, il est subventionné en
Allemagne, comme au Royaume-Uni
ou en Suisse. Les exemples étrangers
illustrent aussi les difficultés de la
réforme. L’exemple allemand, sans
doute le plus convaincant, se caractérise ainsi par une reprise de la dette
par l’État fédéral et une forte implication des Länder dans la gestion des
lignes régionales. Au Royaume-Uni,
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vistes. Son efficacité dans le rapport
de force n’a pas été démontrée, l’offre
de transports alternatifs ayant joué un
rôle de substitution.
Mais dans le même temps, des voix
nombreuses se sont élevées pour critiquer les trois principaux éléments
du discours du Premier ministre : la
méthode, le contenu et les objectifs.
La méthode d’abord. Recourir aux
ordonnances tout en ouvrant une
concertation avec les syndicats revient
à se placer d’emblée en position
d’autorité, et non de négociation.
C’est certes possible en droit, mais
comment prétendre alors mener un
dialogue social ? Il y a une hypocrisie
assumée à rencontrer les syndicats
tout en leur signifiant qu’ils n’auront
voix au chapitre que marginalement,
si le gouvernement en décide ainsi.
Ce comportement a d’ailleurs eu pour
résultat de maintenir le front syndical
(Cgt, Unsa, Sud-Rail et Cfdt), dont
nombre de commentateurs avaient
prédit l’éclatement rapide. Deux
semaines avant le passage de la loi au
Sénat fin mai, ce front s’est un peu
fissuré avec le choix de l’Unsa et de la
Cfdt de reprendre les discussions avec
Élisabeth Borne pour proposer des
mesures de garantie des droits sociaux
des cheminots en cas de transfert à la
concurrence. Mais les syndicats ont
préservé leur entente pour organiser
un référendum interne du 14 au 21
mai sur le Pacte ferroviaire porté par
2 - Notamment Jean Finez et Dominique Andolfatto, « Réforme de la SNCF : en finir avec les
données fausses sur les chemins de fer », The
Conversation, 2 avril 2018.
3 - Samuel Chalom, « La suppression du statut
des cheminots pourrait coûter à la SNCF plus
cher que son maintien », Capital, 15 mars 2018.
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Une réforme politique
Le tableau est donc nettement plus
nuancé que la caricature de cheminots
arc-boutés sur des privilèges anachroniques. Était-il donc nécessaire
de noircir à ce point la situation, de
précipiter le calendrier et de placer au
centre la question de la résistance des
personnels au changement ?
Face à cette présentation tronquée de
la réalité, on est en droit de s’interroger
sur les objectifs politiques de cette
réforme. Les cheminots étaient
sans doute destinés à permettre au
gouvernement de faire un exemple,
à double titre. D’abord pour donner
l’image d’une équipe politique surmontant, vingt ans après, le traumatisme de 1995. Mais on peut surtout
y voir un avertissement plus large à
tous ceux qui ont encore « la chance »
de bénéficier d’un statut, les fonctionnaires de l’État, des collectivités
territoriales ou de la fonction publique
hospitalière : les statuts ne sont pas
modernes, ils sont voués à disparaître.
S’agit-il vraiment alors d’une « réforme
équilibrée », pour reprendre les mots
du Premier ministre, ou même d’une
réforme tout court ? Le plus regrettable est sans doute que le gouvernement était pleinement légitime à
mettre sur la table la question d’une
véritable réforme de la Sncf, pour
une série de raisons : explosion des
formes de mobilités, place du rail relativement à la route et à l’avion, échec
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qui sert de repoussoir dans ce débat,
la privatisation a été suivie de plusieurs
années de dégradation des investissements, et la compétence relative
aux infrastructures ferroviaires a dû
être confiée à une société à but non
lucratif soumise au contrôle des pouvoirs publics. Au vu de ces exemples,
la dette indéniablement importante
de la Sncf (de l’ordre de 54 milliards
d’euros) peut être considérée comme
un investissement, puisqu’elle est
gagée sur des infrastructures dont le
caractère stratégique participe directement de l’attractivité du territoire
français. Cela ne signifie pas que la
Sncf ne doive pas être réformée pour
surmonter des difficultés reconnues
en matière de maintenance, de réseau
régional ou de qualité du service au
quotidien, ni que la question de la
dette n’appelle pas de solutions. Le
syndicat des cadres supérieurs de
la Sncf, en demandant au gouvernement des réponses concrètes sur
tous ces sujets, a d’ailleurs insisté sur
la nécessité d’une vision de long terme
et d’une régulation publique. Car ces
manques tiennent aussi aux limites de
l’État actionnaire et à une stratégie
du tout-Tgv qui a flatté la culture de
l’exploit technologique et participé à
la construction à marche forcée de la
France des métropoles.
À plusieurs voix
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Ce qui est en cause,
c’est bien de réfléchir
au rail comme à un bien
public, plutôt que de
plaquer sur ce sujet
une logique de marché
qui ne fonctionne pas.
Car il y a là matière à un large débat
de société, à un dialogue social nourri
et à une réflexion sur le rôle de l’État
lorsqu’il s’agit de réguler, d’orienter,
d’aider à faire des choix. Dans son
rapport « Ensemble pour le fer » de
mars 2018, sorte de contre-rapport
Spinetta, la Cgt-Cheminots rappelait
notamment combien le rail est un
mode de transport économique, fiable
et durable si l’on prend en compte
l ’ensemble des externalités éco
nomiques. Elle soulignait également la
place des petites lignes dans l’aménagement du territoire et les obligations
de service public, et montrait combien,
malgré ces constats, les mesures
en faveur de la route l’emportent
toujours haut la main4. Si l’on peut
comprendre les nécessités de l’intermodalité, encore faut-il oser débattre
de ces choix collectifs à l’heure du
réchauffement climatique. En France,
le secteur des transports est le premier
émetteur de gaz à effet de serre (29 %
des émissions), et une stratégie globale
en faveur du rail devrait être l’un des
piliers de l’application de l’accord
de Paris issu de la Cop21. Mais faire
ce choix impliquerait de surmonter
d’innombrables résistances qui vont
des automobilistes aux entreprises
multinationales de transport. On se
souviendra sur ce point de l’abandon
en rase campagne de l’écotaxe face
à la révolte des Bonnets rouges. On
évoquera aussi la dégradation continue
de la situation du fret dont le Grenelle
de l’environnement avait pourtant fait
une priorité il y a dix ans. La promesse
du Grenelle était d’augmenter la part
du fret ferroviaire à 25 % du transport
de marchandise. Or elle s’est effondrée
à moins de 10 % en 2013 (contre 19 %
en 2007). Dans le même temps, l’Allemagne a porté cette part à près de
25 %. Vous avez dit volonté politique ?
Les réformes les plus profondes et les
plus courageuses sont rarement les
plus faciles à expliquer, à faire accepter
et a fortiori à mettre en œuvre.
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du fret, questions environnementales,
inégalités territoriales et nécessité du
désenclavement, réflexions sur la dette
et les orientations du financement
public. Mais cela aurait demandé
de prendre davantage de risques en
reconnaissant la complexité et l’imbrication des dossiers et en impliquant
des acteurs plus nombreux.
4 - En 2016, 50 % des investissements publics
de transport étaient destinés à la route contre
21 % au rail et 8 % aux ports, aéroports et voies
fluviales.
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Or ce qui est en cause, c’est bien de
réfléchir au rail comme à un bien
public, plutôt que de plaquer sur ce
sujet une logique de marché qui ne
fonctionne pas. La concurrence européenne n’est ni une contrainte insurmontable – l’aménagement des calendriers existe – ni un remède magique.
C’est dans cette optique que la question
du statut devrait être envisagée, ni
comme un veau d’or ni comme un
tabou : le statut des cheminots est-il
compatible avec la place du transport
ferroviaire dans notre projet de société
ou devrait-il être adapté (sans moinsdisant social) ? Le rail est un mode
de transport central pour une société
post-Cop21, où le droit aux mobilités
se conjuguerait avec l’égalité des
territoires et le respect de la planète.
Comment lui donner alors la place qui
lui revient ? Tel devrait être l’horizon
d’une véritable réforme.
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